Chapitre 30 : Le plus beau des avenirs

J'ai beau avoir résolu beaucoup de choses, certaines restent en suspens. Et en ce moment, je n'ai envie de tout tirer au clair et enfin passer à autre chose. Vers dix-huit heures, je rejoins maman dans le salon et je fais que je dois faire.

- Maman il faut qu'on parle sérieusement, dis-je. Je dois te raconter... un bon nombre d'évènements.

Elle doit lire sur mon visage que je suis très sérieuse parce qu'elle hoche aussitôt la tête et on s'assoit toutes les deux sur le canapé. Par où commencer maintenant ?

- Je t'écoute ma chérie.

J'ai tellement de choses à dire ! Je dois lui parler de Viallon, de ce que j'ai appris, de Ambre, de Julien... J'inspire un grand coup et je me lance. Je parle d'une traite, elle ne m'interrompt pas une seule fois tandis que je retrace tout ce que j'ai vécu ces derniers mois. Je n'avais pas parler autant depuis longtemps. Quand je termine, il y a un silence.

Maman ne répond pas.

- Tu m'en veux ? demandé-je d'une petite voix.

J'en suis presque à regretter d'avoir tout déballé.

- Je ne suis forcément pas ravie que tu m'ais caché tout ça, mais non, je ne t'en veux pas. D'une certaine manière, je comprends.

Je ne peux retenir un soupir de soulagement.

- Ça fait beaucoup à digérer, souffle-t-elle.

- Oui je sais, réponds-je.

Après quelques minutes, elle semble reprendre ses esprits et elle commence à poser des dizaines de questions. Je ne saurais dire si elle est contrariée, confuse ou... fière.

- Je ne suis plus sûre de pouvoir te faire confiance après tout ce que tu m'as caché.

- Mais c'est terminé aujourd'hui, affirmé-je. Tout ça est terminé. J'ai enfin atteint mon objectif : comprendre. Je n'aurai plus rien à te cacher. Promis.

- Promis ?

- Promis.

Elle me serre dans ses bras et je la remercie tout bas. Je sais bien que la discussion ne va pas s'arrêter là, que nous allons reparler de tout ça, mais le premier pas est franchi. Et c'est souvent l'étape la plus terrifiante, la plus importante aussi.

- Que veux-tu faire maintenant ? demande maman.

- Reprendre une vie normale, proposé-je.

- Je parlais de ce soir, dit-elle.

Je souris. Quand elle propose une soirée comme ça, c'est bon signe. On décide donc de se rendre au restaurant habituel des grands événements, celui où nous dinons quand il y a grands évènement, notamment après mon épreuve de bac il y a quelques mois.

- Tu sais, je pense que je n'ai plus besoin d'aller voir Clémence, dis-je. Pour de bon cette fois.

Je complète dans ma tête : à présent j'ai Julien et que si je dois parler c'est à lui que je parlerai. Maman semble lire dans mes pensées.

- J'étais sûre que vous finiriez ensemble Julien et toi, déclare-t-elle en traçant le contour du verre avec ses doigts. Vous étiez fait l'un pour l'autre et déjà petits vous...

- Stop ! C'est bon maman, on peut changer de sujet ? coupé-je.

Elle rit.

- Je sais ce que ce sont les amours de jeunesse, si tu veux...

- Non je ne veux rien à part finir mes lasagnes tranquillement.

Son rire redouble.

- D'accord, d'accord.

Nous sortons assez tard du restaurant et on termine la soirée devant un film. Je me doute que maman a choisi une romance pour faire allusion à notre conversation de tout à l'heure mais je ne proteste pas. C'est notre genre préféré, surtout quand on passe notre temps à voir, entendre et découvrir des choses pas très heureuses, rien de mieux qu'un petit film à l'eau de rose.

- Bonne nuit ma chérie, fais de beaux rêves.

Elle ponctue sa phrase d'un clin d'œil et je lève mes yeux au ciel.

Ce n'était peut-être pas une bonne idée de la mettre au courant finalement...

Une fois dans ma chambre, mon regard se pose sur le fameux troisième tiroir. Il est peut-être temps que je me débarrasse de tous ces dossiers et ces photos. Que je tourne la page pour de bon. Les jeter ? Non, ces informations peuvent très bien être utiles durant le procès. Je sors donc une grande pochette et j'y glisse tous les papiers et photos recueillies dans le coffre. J'irai le déposer au commissariat demain matin.

* * *

Je ne me suis pas enfuie comme je l'aurais fait quelques jours auparavant. Non je suis allée voir ma mère et je l'ai prévenue de ce que j'allais faire. Ensuite, je suis sortie.

Le froid me surprend mais pas assez pour m'enlever mon sourire. En ce moment, ce n'est pas un ou deux degrés qui vont me tracasser. D'un pas léger, je me dirige vers le commissariat. Lieu ou papa a passé beaucoup d'heures et c'est aussi un lieu symbolique. Même si la vérité est dure, maintenant que je la connais, je peux l'accepter et je peux l'affronter. Ce n'est pas à moi d'aller venger mon père, ce n'est pas mon rôle. Je vais laisser la justice régler tout ça et le dossier que je m'apprête à apporter ne peut que les aider à prendre la meilleure décision.

Je monte les trois petites marches et j'entre dans le commissariat. Je ressens une certaine fierté en en ressortant quelques minutes plus tard, les mains vides.

Je n'ai pas envie de rentrer tout de suite. J'ai besoin de faire un dernier petit tour. Parce que quand je rentrerai, tout ça sera officiellement terminé, mon tiroir sera vide, ma liste de questions aussi.

Je veux savourer ce dernier moment entre deux mondes. Entre mon passé et mon futur. Je n'ai pas envie de bâcler le moment. Hier soir, j'ai appris qu'Ambre était allée porter plainte avec sa mère. J'en ai eu les larmes aux yeux, je sais à quel point ce geste est important pour mon amie et je ne peux que l'admirer et la féliciter de l'avoir accompli.

Sans que j'y réfléchisse mes pas me portent jusqu'au cimetière. Ce lieu m'a fait peur, il m'a réconforté, il m'a permis de me recueillir, de me confier, de pleurer... Je ne pouvais pas rentrer à la maison sans y passer. Je m'assois devant la tombe de papa et je replie mes jambes. Je n'ai pas de fleurs. Mais je suis là.

Je n'ai pas besoin de parler, il n'y a rien à dire, je veux juste rester quelques instants et récapituler tout ce qu'il s'est passé. J'ai envie de faire un point avec moi-même. Quand je me relève, mes jambes sont engourdies et je traverse l'allée pour me rendre devant la tombe de Jade.

Ce n'est certainement pas la dernière fois que je viendrais ici, néanmoins je ressens une certaine nostalgie nouvelle en quittant les lieux quelques instants après.

Mon téléphone vibre un l'instant où je franchis la grille. Julien : Je suis au parc tu veux me rejoindre ? Cette dernière année, j'ai craint ses messages, je les ai attendus, repoussés, aujourd'hui je clique dessus et je réponds aussitôt. Je n'oublie pas de prévenir ma mère puis je rends la direction du parc, un léger sourire bordant mes lèvres.

Le soir venu, quand je m'allonge sur mes draps, au lieu des habituelles questions qui emplissent mon esprit, ce sont les moments partagés avec Julien qui m'apparaissent. Mon regard fixé dans les étoiles phosphorescentes, je m'autorise pour la première fois à rêver d'un futur heureux. Un futur plein de rire et de joie, d'amour, d'amitié. Un beau futur. Oui c'est tout ce que je souhaite. Le plus beau des avenirs.

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