Chapitre 3 : Réponse
- Lisa ? s'étonne Julien à l'approche de la grille. Oh, tu es revenue !
Il me fait un sourire éclatant que je tente de lui rendre. La sonnerie retentit avant qu'il puisse poser la moindre question et on franchit d'un même mouvement l'enceinte de l'établissement. Je le regarde à la dérobée, il semble joyeux et de jolies fossettes creusent ses joues. Je le connais depuis si longtemps, nous avons grandi et tout fait ensemble lui et moi.
Mon emploi-du temps m'est totalement sorti de la tête et je me contente de les suivre dans les couloirs. Cette semaine de « convalescence » m'a mis à côté de la plaque. J'étais assaillie par les souvenirs. Mais maintenant que j'ai tout retranscris sur mon précieux carnet, je me sens plus libre qu'avant. Je commence à oublier les détails, je me souviens encore de la mort de Jade et vaguement de la mienne.
- Lisa tu as fait le DM ? me demande ma meilleure amie tandis que nous nous installons en salle de français.
- Euh... quel DM ?
- C'est pas vrai ! C'est vachement important Lisa, comment as-tu pu oublier ?
Lasse, elle me tend le sien pour que je recopie et j'ai juste le temps d'écrire la réponse aux cinq premières questions quand la prof me le demande. Je sais d'avance que j'aurais une mauvaise note. Je pousse un profond soupir.
- Merci quand même, soufflé-je à Jade.
Après deux heures qui me paraissent interminables, surtout que je n'ai pas mon matériel de français ni les cours de la semaine passée, nous sortons enfin en récréation.
- Il faut que je te parle Jade, dis-je aussitôt.
- Maintenant ?
J'acquiesce. On s'éloigne du groupe qui nous regarde d'un air étonné.
- Ma mère t'as dit quoi exactement ? demandé-je.
- Que tu avais eu comme une sorte d'hallucination, que tu étais malade et que tu avais besoin de repos.
- Ok. Ça c'est la version que l'on dit à tout le monde.
- Pourquoi ce n'est pas la vraie version ?
- Pas vraiment...
Elle hausse un sourcil, intriguée.
- En fait, je vivais ma vie dans le futur, plus d'un an en avant et puis... je suis morte et là, au lieu de me réveiller au paradis, j'ai atterri ici. Comme si on m'avait laissé une seconde chance.
Jade me fixe, comme si elle hésitait entre rire et pleurer.
- Lisa tu es sûre de ce que tu avances ? C'est peut-être réellement qu'une hallucination...
- Non ! Non c'était réel, il faut que tu me croies, tu es en danger.
Elle secoue la tête.
- Je crois que tu délires carrément cocotte.
- Non... Jade écoute moi, il est fort possible que tu meures dans les semaines qui viennent. À la descente d'un bus il me semble.
Dans ma tête les images sont floues et se mélangent. J'ai besoin de détails pour lui prouver que je dis la vérité !
- Lisa, tes parents vont t'emmener voir quelqu'un ?
J'acquiesce.
- C'est une bonne chose, et ne t'inquiète pas pour moi.
Elle écarte les bras.
- Je suis en parfaite santé et je ne prends jamais le bus, d'accord ?
- Mais...
- Non, Lisa je te dis que tout va bien, on va retrouver le groupe et on en rediscutera plus tard.
Elle m'entraîne par le bras, quasi de force.
J'ai le droit à une série de questions de Julien, Mathis et Romane. Jade y répond à ma place tandis que des phrases tournent en boucle dans mon cerveau « Tu délires cocotte – tu délires cocotte- tu délires cocotte ». Et si elle avait raison ? Et si j'avais tout inventé dans ma tête ? Ce serait l'explication la plus logique...
Ma meilleure amie me fixe avec un drôle d'air. De la pitié ? De la compassion ? Elle doit vraiment me prendre pour une folle alors. Peut-être que ce n'est pas la seule. Mais comment je réagirais si c'était l'inverse, Jade qui me racontait cette histoire, je la croirais ?
- Je parie que tu n'as pas fait l'exercice de maths non plus, soupire Jade.
- Euh... non ?
Elle me tend son cahier.
Mon groupe d'amis est le même depuis la quatrième. Romane qui est un peu maniérée mais surtout folle amoureuse de Julien. Je crois que c'est plus pour ça qu'elle reste avec nous et pas tellement pour moi ou Jade.
Il y a aussi Mathis mais nos relations sont compliquées. Nous sommes sortis ensemble pendant près de six mois en troisième et encore aujourd'hui, il n'arrive pas à tourner la page. Son regard insistant me met mal-à-l'aise. Je ne peux pas nier qu'il est beau, avec ses mèches qui partent du châtain pour rapidement virer au blond, mais je veux passer à autre chose pour de bon. Mathis est quelqu'un qui a un fond profondément gentil, je ne le vois jamais se moquer ou même critiquer. Je sais aussi qu'il est extrêmement proche avec sa sœur qui a un an de moins.
Et puis Jade évidemment, Ganaël plutôt discret et réservé qui préfère se plonger dans un bon livre plutôt que d'attirer l'attention...et Julien. Julien mon meilleur ami de toujours. Ensemble, nous avons fait les quatre cent coups, petits, on était vraiment inséparables.
- Lisa, tu viens avec nous au parc après les cours ? propose-t-il justement.
Malheureusement, je suis obligée de refuser à cause de ce fichu rendez-vous chez le psychologue. Il semble comprendre et se tourne vers les autres.
Je sens comme une distance qui me sépare d'eux. Comme si cette semaine avait tout changé. J'ai l'impression de ne pas avoir été ici pendant si longtemps, 400 jours en fait. Mais peut-être que j'ai tout imaginé. Sûrement. De toute manière il n'y a aucune autre explication réaliste.
Quand la journée se termine, maman vient me chercher personnellement pour m'emmener chez le psychologue, elle a peur que je me défile apparemment.
- Tu veux que je reste pour la première séance ?
Je hausse les épaules.
- Pas spécialement.
- Bon, tu m'appelles quand je dois venir te chercher. Et au moindre souci, je reste joignable.
J'acquiesce, lasse. Je n'ai absolument aucune envie de devoir raconter mon histoire à un inconnu et qu'encore on me traite de folle.
- Je suis obligée ? D'aller voir un psy ?
Maman crispe ses mains sur le volant.
- Je croyais qu'on était d'accord, déclare-t-elle. Tu en as besoin non ? Et puis franchement, ça ne peut pas faire de mal.
Je sais d'avance que ça ne sert strictement à rien de protester, alors je me tais et je regarde le paysage défiler par la fenêtre, perdue dans mes pensées.
- C'est ici, m'indique maman en coupant le moteur.
- À tout', marmonné-je
Je sors de la voiture et j'entre dans le petit cabinet immaculé. La pièce est blanche, et quelques plantes (fausses ça saute aux yeux) sont disposées. Je me dirige à pas lents vers la salle d'attente en me demandant ce qui m'attend.
Quand mon tour vient, je rentre dans la pièce dédiée et j'ai la surprise de découvrir que mon psy est en réalité une femme. Ça ne change pas grand-chose, mais allez savoir pourquoi, mon stress diminue légèrement.
- Bonjour Lisa, je suis Clémence et je suis là pour t'aider.
Je la salue d'un geste de tête.
- Il faut que tu répondes, insiste-t-elle. À l'oral pour que l'on crée un lien.
Je sens qu'on va bien s'entendre...
- Bonjour Clémence, lâché-je.
- Bien, assieds-toi et nous allons entamer.
Elle désigne une chaise.
- Pendant toutes les séances, j'aimerais que tu mettes ton téléphone en mode avion pour éviter toute distraction. On est le premier jour, je te laisse le faire, mais les prochaines fois tu le feras avant d'entrer, les ondes sont néfastes.
Je la regarde d'un œil mauvais en m'exécutant.
- On va commencer par des questions-réponses simples pour apprendre à nous connaître puis on entrera dans le vif du sujet, ça te va ?
Comme si j'avais le choix.
- Réponse, exige-t-elle encore une fois.
- Oui ça me va, dis-je en détachant chaque syllabe.
* * *
- Alors c'était comment ? demande maman cinquante minutes plus tard.
- Pas trop mal, mais ça se voit qu'elle ne m'a pas crue.
Ma mère ne semble pas s'en étonner.
- Elle est un peu... étrange aussi, ajouté-je. Je ne vois pas en quoi elle pourrait m'aider.
Maman me jette un petit coup d'œil.
- Ça ne peut pas se faire en une séance, je suis sûre que ça va être bénéfique pour toi à long terme.
Qui essaie-t-elle de rassurer ?
- Et ta journée était comment ?
- Pas trop mal...
Elle se tait un moment, comme si elle était à court de questions.
On roule en silence et je me torture en tournant des questions en boucle dans ma tête. J'ai l'impression de ne pas arriver à me concentrer, comme s'il y avait trop de choses dans mon cerveau. Je pose ma tête dans mes mains en poussant un long soupir.
- Je te trouve vraiment changée Lisa, il y a une raison, j'en suis sûre.
Si seulement elle savait...
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