Chapitre 29 : Attente
La première chose que je vois, c'est la lumière éclatante de la pièce qui m'oblige à refermer aussitôt mes paupières. Je ne sais pas quelle heure il est, mais une chose est sûre, je n'ai certainement pas dormi seulement une demi-heure.
La deuxième chose que je remarque, c'est le silence absolu dans la maison. Pas un bruit ne vient casser cette harmonie.
Après quelques longues minutes d'hésitation avec moi-même je repousse mes draps et me lève. Je parcours le couloir et le salon. Personne. La cuisine est elle aussi vide mais un petit mot orne la table.
« J'étais obligée d'aller à la boutique aujourd'hui, mais je rentre le plus tôt possible. Papa m'a dit que tu avais passé une mauvaise nuit et qu'il fallait que tu dormes. Repose-toi bien ma chérie et ne quitte pas la maison sans prévenir. Je t'aime. Maman ».
Alors comme ça, il lui a dit que j'avais simplement passé une mauvaise nuit. Il ne lui a pas précisé que si j'avais dormi, la voiture aurait explosée. Non il ne lui a pas dit, évidemment. Mais où est-il lui ? Sûrement au commissariat, comme toujours.
Je soupire. Je pensais qu'aujourd'hui serait différent, je serais enfin libre de mes mouvements, sans stress, sans rien ! Mais non. Aujourd'hui, on peut seulement dire que je n'y comprends plus rien. En moi, j'ai aussi une drôle de sensation. Incertaine. J'ai vécu toute cette année, en sachant que j'allais mourir, certes, mais donc en sachant aussi qu'il n'allait pas m'arriver quelque chose de dingue avant. Je m'en serais souvenu. J'ai vécu avec une sécurité, un harnais. Maintenant, c'est différent. Je pourrais très bien vivre heureuse jusqu'à mes quatre-vingt-dix ans, mais tout pourrait s'arrêter la semaine prochaine, et ça, sans que je le sache à l'avance.
Tout en mâchouillant des fruits secs, je pars à la recherche de mon téléphone, je sais d'avance qu'il sera probablement saturé de messages inquiets. Mais sa batterie est complétement à plat après la nuit d'hier. Je le branche et attend patiemment qu'il se rallume. Je me contorsionne en suite sur mon lit pour voir l'écran tout en le laissant branché.
Des dizaines de messages de Julien me demandent comment ça s'est passé, puis montrent sa panique parce que je ne suis pas là ce matin. Et d'autres de Ambre, me posant des questions beaucoup moins directes.
Je rassure aussi vite que mes doigts me le permettent Julien. Et je vois aussitôt que le message est marqué comme « Lu », il a dû garder son téléphone à portée de main dans la salle. Puis je réponds aussi à Ambre. Repenser à mon amie, me rappelle tout ce que j'ai appris la veille, sur le banc. Toutes ses révélations troublantes. Et les larmes qui sillonnaient son magnifique visage. Je repense à sa famille et à ce qu'elle subit depuis des années. Et encore une fois, je me sens stupide et pitoyable. Je me sens idiote de lui avoir caché mon secret alors qu'elle a fini par me confier le sien. Elle s'est ouverte à moi tandis que je suis restée fermée comme une huitre. La balance n'est pas équilibrée.
Mais à présent, je n'ai plus de secret, cette affaire est close, du moins je l'espère ! songé-je.
Quelques minutes plus tard, je suis allongée sur mon lit, les mains sur le ventre en regardant mon plafond rempli d'étoiles. Que faire à présent ? Est-ce que je dois aller à la fête ? L'envie me manque. Et j'ai surtout envie de rester à la maison pour guetter le retour de mon père et pouvoir lui poser des questions. Je veux savoir quand il compte rentrer. Je sais que ses horaires officiels sont proches de dix-huit heures mais la réalité est bien différente.
Je tente de composer son numéro mais je tombe immédiatement sur le répondeur. Je décide alors de téléphoner au commissariat pour l'avoir ; je n'appelle pas directement la police, au risque qu'on me prenne pour une folle. Je déniche sur le frigo le numéro d'un de ses collègues.
- Allo ? Qui-est-ce ?
- C'est Lisa...
- Ah oui ! La fille de M. Creuze ?
- Oui c'est ça.
Je suis étonnée qu'il se souvienne de moi.
- Est-ce que mon père est dans le coin ?
- Non aujourd'hui, il ne travaille pas ici.
Je déglutis.
- Comment-ça ?
- Peut-être qu'il y est mais officiellement il ne bosse pas.
Je reste silencieuse.
- Si c'est tout, je vais me remettre à mes dossiers.
- Oui merci, au revoir.
Je laisse le téléphone retomber. Déçue, étonnée, et encore plus dans le doute. Pourquoi à chaque fois que je cherche une réponse, je trouve à la place dix nouvelles questions ?
Que nous cache donc papa ? Une idée me trotte dans la tête mais je la repousse. Il ne peut pas être visé par cette bombe, hein ?
Encore une fois, la curiosité me prend et je me dirige vers son bureau. Petite, j'y entrais quelque fois, mais jamais sans qu'il me surveille. Évidemment, la porte est fermée à clé, mais je connais la cachette. Je trottine jusqu'à la cuisine et je me hisse sur la pointe des pieds pour attraper la boîte sur le frigo. Il faudrait qu'il pense à changer de cachette, celle-ci marche pour une enfant de cinq ans, mais pas de dix-sept.
Satisfaite, je glisse le métal dans la serrure et attends le déclic. J'entre ensuite prudemment dans la pièce. Comme si elle était remplie d'une matière cassable. Je m'approche du bureau en bois surchargé de papiers. Le fauteuil en cuir rouge grince tandis que je m'assois dessus. Je parcours des yeux les feuilles pleines de texte.
Un dossier en évidence attire mon attention. Je l'ouvre délicatement et observe les pages noircies. Je les tourne une à une et me stoppe brusquement sur une image. D'un homme. Je le reconnais ! J'ai à peine le temps d'étudier son visage que j'entends la porte d'entrée s'ouvrir.
Je renferme la pochette d'un coup sec, je me relève d'un bond et je quitte la pièce précipitamment. Je n'ai pas le temps de fermer le bureau à clé et je me dirige innocemment vers ma chambre la boîte cachée au creux de ma main.
- Lisa ? appelle ma mère. J'ai réussi à me libérer la pause midi, pour venir voir comment tu allais.
Je dépose la boîte sous mon oreiller et je reprends la direction du couloir. Je la replacerai dans l'après-midi.
- Comment vas-tu ? s'inquiète-t-elle.
Je n'ai pas le temps de répondre qu'elle s'exclame :
- Oh mon dieu, tes cernes ! Tu n'as pas dormi depuis combien de jours ?
* * *
Je passe toute mon après-midi à me triturer le cerveau à propos de cet homme dans le dossier, je ne pourrais pas le jurer, mais il ressemble franchement à celui que j'ai vu poser la bombe. J'ai réellement besoin d'éclaircir quelques points et je compte sur mon père pour m'aider. Je décide donc de renoncer pour de bon à cette foutue fête et je passe la soirée à attendre son retour. J'ai eu le droit à des messages froids de Ambre, toujours vexée que je renonce à cette sortie, mais peu importe.
Vers dix-neuf heures, toujours rien. Je tourne en rond dans la maison, sous le regard empli de stress et d'angoisses de maman. D'après elle, mon manque de fatigue pourrait très bien entraîner une deuxième hallucination. Moi si vous voulez tout savoir, je ne m'inquiète pas alors pas du tout de ces hallucinations. Ce qui m'intéresse c'est d'avoir des réponses.
Je patiente jusqu'à vingt heures, heure à laquelle maman me dit qu'on passe à table. Elle ne semble pas vraiment se soucier de l'absence de papa, elle a l'habitude. J'ai quelques vagues nouvelles de Ambre pour la fête, sinon je suis seule avec mes pensées. Julien ne répondant pas aux messages.
Vers vingt-deux heures, papa n'est pas rentré.
- File au lit, tu as des heures de sommeil à rattraper, me dit maman.
Je soupire, mais je sais que je n'ai pas le choix. Elle ne va pas me lâcher tant que je n'y serais pas. Je m'y dirige alors, à pas lents, soucieuse, et plein d'interrogations.
Vers vingt-trois heures, je ne trouve toujours pas le sommeil et je décide d'appeler Ambre. Je pourrais ainsi savoir si elle est réellement fâchée et puis je pourrais lui demander comment s'est passée la fête.
- Allo ?
- Oui c'est Lisa.
Petit silence.
- C'était bien la fête ?
- Pas mal ...
On discute et au fil des discussion, je sens qu'elle ne m'en veut pas vraiment.
- T'as intérêt à ce que tes cachoteries soient finies, me dit-elle.
- J'espère que oui.
Elle me raconte les derniers potins que j'ai ratés et je me détends sur mon lit. Du moins ... jusqu'à cette phrase.
- Ah oui, et apparemment Julien et Romane se sont embrassés, enfin...d'après les rumeurs.
J'ouvre puis je referme ma bouche. Est-ce vrai ? Le demander me ferait passer pour une obsédée.
- Tu es sûre ? demandé-je d'une petite voix.
- Oui, mais tu t'en fiches non ?
- ... ouais...
Au fond de moi j'ai envie de crier non, mais pourquoi ça m'importerait ? Elle a raison, c'est simplement mon meilleur ami ... n'est-ce pas ?
Le dernier chapitre c'est par làààà 👇🏻👇🏻👇🏻
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