Chapitre 28 : Innocenter ou accuser ?
Depuis ce matin, je suis de bonne humeur, chose rare en ce moment, mais tellement agréable. Je suis rentrée de chez Ambre fière d'avoir mené à bien ma mission. J'ai à présent hâte de retourner voir Viallon.
J'ai d'ailleurs déjà fait la demande de visite et j'attends maintenant la réponse bien que je sache qu'elle n'arrivera pas tout de suite malheureusement. Je garde, en patientant, la précieuse clé en sureté. Au fond de moi, une petite voix me dit que Viallon n'est peut-être pas tant digne de confiance que ça, peut-être que c'est un piège... Mais cette voix, je la repousse le plus loin possible. À cet instant, j'ai envie, j'ai besoin d'espérer et de faire confiance à mon instinct. Pour tenir, je me répète en boucle que tout ça sera bientôt derrière moi.
Est-ce ma vie sera normale ? Absolument pas.
Elle-ce qu'elle sera meilleure ? Je l'espère.
Maman ne pose heureusement pas trop de questions et je reste évasive sur la soirée de vendredi. Je ne peux de toute manière pas tout lui expliquer d'un coup.
Quand les cours reprennent le lundi, j'ai l'impression que quelque chose a changé. Louna parait toujours embêtée et gênée vis-à-vis de moi, Julien et moi échangeons à présent des regards... complices ? Et Ambre... Ambre je ne saurais dire ce qui est différent, mais elle ne semble plus vraiment elle-même.
- Tu as compris quelque chose ? questionne Romane d'un ton ahuri. J'avais l'impression de m'être trompé de langue... C'est un miracle si j'ai la moyenne. Et toi ?
- Ça-va, marmonné-je.
- Moi, j'ai bien réussi ! s'enthousiasme Louna. On va dehors ?
- Je suis donc la seule à avoir trouvé ça atrocement dur, soupire Romane en observant ses ongles.
Plus les jours passent et plus l'air se refroidit, on entre tout doucement dans l'automne. Tandis que Louna tire minutieusement sur mes cheveux une fois assises dans le parc, je songe au week-end qu'Ambre voulait organiser cet été. On peut dire que c'est complètement passé à la trappe. Nous avons été plongés dans le mois de septembre, happés dans le tourbillon des cours, des devoirs, des profs, des amies et du lycée. Toutes ces choses qui peuvent paraître si importantes et si futiles à la fois. Toutes ces choses que font les adolescentes normales. Suis-je normale ? Probablement si je suis au lycée, avec des amies en train de débriefer d'un contrôle. C'est ce que font les adolescentes normales non ?
- Vous vous voyez où dans dix ans ? lance Louna.
- Riche au bord de ma piscine, répond Romane du tac au tac.
- Il fait froid pour être dans une piscine ! s'exclame Louna.
- Dans un jacuzzi alors.
Je souris.
- Moi je me vois dans un tournage en train de faire une dernière petite retouche de maquillage et de coiffure à une star internationale avant qu'elle ne retourne sur le plateau, dit Louna avec un regard rêveur.
- Tu vois cette star sur le plateau ? Ça sera moi, ricane Romane.
Louna rit doucement, comme si elle avait peur de déranger.
- Et toi Lisa, tu te vois où ?
- Je me vois dans une petite vie simple, loin des remous, dis-je.
- Quel intérêt ? ricane Romane.
- Le bonheur, le confort. Ça ne te dit rien ? répliqué-je.
Romane émet un sifflement.
- Fais gaffe, M. Benot commence à déteindre sur toi.
Mes lèvres s'étirent en sourire.
- Tu n'as pas tort.
Ce n'est qu'une semaine plus tard que mon nouveau permis est validé, je peux fixer une date. Je décide de refaire cette visite un vendredi soir, à la même heure. Je ne sais pas vraiment qui prévenir lors de cette nouvelle sortie. Mais je me sens comme obligée, c'est presque évident, j'appelle Julien pour le prévenir.
- Bien-sûr, je serais là, affirme-t-il.
Et cette fois, je ne fais pas la même erreur, je préviens aussi Ambre. Étonnamment, elle est plutôt enthousiaste à l'idée que je tire toute cette histoire au clair. C'est bien la première fois qu'elle n'est pas réticente.
- Tu n'as pas l'air contre, remarqué-je.
- Non. Je suis même contente que ce soit si tôt, tu viendras dormir chez moi ensuite.
Surprise, mais ravie, j'acquiesce. La dernière chose qu'il me reste à régler est ma mère. Mais tout se déroule simplement, au détour d'une conversation, je l'informe que je vais passer la soirée chez Ambre, et elle accepte sans poser de question.
Une fois dans mon lit, je souris face au plafond.
Tout est prêt. Tout est prêt pour que je découvre la vérité. Et malgré ce soulagement qui se répand en moi, la curiosité et les questions ne se tarissent pas dans mon esprit. Mes yeux restent grands ouverts dans le noir.
Les minutes s'écoulent, je revois cette dernière année dans ma tête. Tous ces moments si marquants d'une vie, je les ai tous vécus cette année. Je repense à mes erreurs, la culpabilité revient au galop et je respire calmement. Il ne faut pas que je me laisse submerger. Pas si près du but.
Mais j'ai soudain envie de bouger, de faire quelque chose. Sans réfléchir je me lève et me guide à tâtons jusqu'au bureau. J'ouvre le troisième tiroir. Mes doigts se referment autour de la clé. Elle est là, au creux de ma main. Ce petit objet à tant de valeur. Prise d'une soudaine pulsion, j'allume mon ordinateur et l'insère à l'intérieur.
J'ai comme un frisson qui me parcourt, un chouilla d'adrénaline. La lumière blanche de l'ordinateur m'éblouit et ma souris navigue entre les documents. Je ne comprends absolument rien aux différents noms et chiffres qui ornent chaque fichier.
Je finis par double-cliquer au hasard.
Une page s'affiche d'abord entièrement vide puis du texte s'affiche. Un mail. Mes yeux avides s'empressent de lire :
Vi à Er :
Creuze a remis l'enquête sur le tapis tout à l'heure en me montrant des photos prises par une caméra de surveillance. Heureusement, vous n'êtes pas identifiables.
Cette enquête est en train de devenir sa priorité, chaque nouvel élément le rapproche de plus en plus dangereusement de vous. Je ne peux pour le moment pas l'orienter sur une fausse piste... J'espère pour vous n'avez pas laissé de traces, la moindre erreur pourrait vous être fatale.
Je vous tiens au courant dès que possible,
L.Vi.
Lentement, je me détache de ce carré de lumière. Que signifie ce mail ? Il était censé innocenter Viallon... Mais ce texte probablement destiné à Éric Lahe, semble au contraire prouver sa responsabilité.
Une idée s'empare de moi. Et s'il me demandait ça pour au contraire effacer cette clé et effacer toute trace de sa responsabilité ? Et si la manipulation faite quelques jours plus tard avait effacée définitivement de la mémoire de l'ordinateur tous mails ? Et si je tenais entre mes mains une preuve ?
Que faire ? Lui remettre ? Faut-il que j'aille le voir ? Et si la police avait parfaitement raison au final ?
Mes yeux me piquent, la panique me gagne et je sens des larmes de colère qui arrivent. Vais-je lui donner comme prévu cette foutue clé ?
Reprends-toi Lisa, et réfléchis calmement. Si cette clé est la dernière sauvegarde de ces mails qui semblent si précieux, copie-la.
- Oui il faut que je la copie.
Aussitôt, j'attrape ma souris et je fais glisser les piles de fichier vers mon ordinateur. Un panneau m'indiquant que l'opération va prendre quelques minutes s'affiche.
Bien, maintenant deuxième point. Faut-il que j'aille le voir vendredi ?
Au fond, je la connais déjà la réponse. Oui je vais aller le voir. Oui je vais aller la chercher cette vérité.
* * *
Nous voilà une nouvelle fois côte à côte dans le bus. Nos jambes se frôlent.
Je serre précieusement dans mon poing la clé contenant la sauvegarde. Tellement fort que mes doigts blanchissent légèrement.
- Tu es sûre de ce que tu es en train de faire ? demande Julien.
J'acquiesce avec détermination.
- Je n'ai pas le choix.
- Si ! Bien-sûr que si, proteste Julien.
- Tu ne comprends pas, je n'ai pas le choix parce que je dois le faire. Pour moi. Pour mon père. Pour Viallon. Je dois le faire.
Son attention se reporte sur la fenêtre. Rapidement, le bus s'arrête et nous descendons. Pour la deuxième fois, on s'avance sur l'allée du bâtiment si imposant. Est-ce la dernière fois ? C'est tout ce que j'espère. C'est tout ce que je m'apprête à découvrir.
Nous sommes fouillés, nous montrons nos papiers d'identité et nous voilà en salle d'attente. Julien parait réellement tendu.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je.
- Être ici me met mal à l'aise. Et t'imaginer seule avec ce type encore plus.
Une phrase résonne dans ma tête et je la prononce avant d'avoir pu y réfléchir.
- Dans ce cas, viens avec moi.
Ses yeux s'arrondissent, son visage s'éclaire et il hoche la tête.
La petite sonnerie retentit. On se lève d'un même mouvement.
Quand nous entrons dans la cellule, Viallon semble surpris de me voir accompagnée et après un rapide coup d'œil à Julien, il se tourne vers moi.
- As-tu la sauvegarde ?
- Oui.
Ma voix était claire et elle résonne quelques secondes. Je le toise du regard.
- Mais avant que je vous la donne j'aimerais que vous me racontiez toute l'histoire. Dans les moindres détails.
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