Chapitre 27 : Différentes possibilités

Je me redresse immédiatement, faisant glisser le plaid au sol. J'entends le message habituel de Julien arriver mais je l'ignore. Malgré la pénombre, je distingue clairement une silhouette masculine. L'homme jette de petit coup d'œil nerveux autour de lui. S'il savait que je suis à l'affut derrière ma fenêtre...

Je distingue un sac dans sa main.

J'ai soudain envie de bouger, de courir, d'hurler, mais je n'en fais rien. Mon téléphone sonne de plus belle. Mais mon regard reste fermement fixé sur l'homme qui allume à présent une lampe de poche. Ce serait tellement plus facile de sortir en lui disant : « Eh là ! Qu'est-ce que tu fais mon cher ? Tu ne vas quand même pas mettre une bombe sous la voiture ! ». Je souris toute seule en imaginant sa réaction mais mes lèvres retombent rapidement quand je réalise au sens propre du terme ce que je viens de penser.

Cet homme veut ma mort.

Un frisson me parcourt le dos. Il faut que je garde ça en tête : « Cet homme veut ma mort. Ma mort merde ! » Je sens les battements de mon cœur s'accélérer et je reporte rapidement mon attention sur mes observations nocturnes.

L'homme manipule quelque chose dans son sac et soudain son visage passe dans le faisceau de sa lampe. Je me fige. J'ai déjà vu cet homme, j'en suis certaine. Mais où ? Quand ? Je fouille dans mes souvenirs mais rien ne me vient. Pourtant, je pourrais jurer que je le connais. J'attrape fébrilement mon portable abandonné nonchalamment au sol et j'ouvre l'application photo en ignorant les messages inquiets de Julien.

Je fais la mise au point sur la silhouette et j'attends qu'il montre à nouveau son visage. Je le vois s'agiter, puis s'allonger sous la voiture et trafiquer un moment. Il ne semble pas professionnel, rien que le fait que je puisse voir son visage, qu'il ne prenne aucune précaution sur des éventuelles caméras montre qu'il ne s'est pas préparé. Du moins, pas correctement. Il pose cette foutue bombe dans la précipitation. Il tue dans la précipitation. Il me tue dans la précipitation. Est-ce qu'un jour, je saurai pourquoi ? Pourquoi maintenant et surtout pourquoi moi ?

Après d'interminables minutes, il ressort enfin de sous la voiture et je prends une série de clichés. Il ramasse son sac, jette quelques coups d'œil et s'en va rapidement. Me laissant pantelante dans ma chambre.

Les premières minutes, j'entends seulement mon cœur résonner dans ma poitrine. Je suis forcée de m'assoir tant mes jambes tremblent.

Que faire ? Que faire ? Que faire ?

Je jette un coup d'œil à mon téléphone.

Julien : Toujours rien ?

Julien : Heu Lisa ?

Julien : Je suppose qu'il y a quelque chose alors... ou alors tu n'as plus de batterie.

Julien : Lisa !!

Julien : Je commence franchement à m'inquiéter.

Je tape fébrilement une réponse.

Moi : Tout va bien t'inquiète pas. Je l'ai vu. Je l'ai même reconnu.

Julien : Quoi ?!! C'était quiiiiiiiiiiiiii ?

Moi : Je ne sais pas. Mais je suis sûre de l'avoir déjà vu quelque part.

Julien : Que vas-tu faire ?

Mes doigts restent suspendus au-dessus du clavier. Je n'ai pas de réponse.

Moi : Je vais voir.

Julien : Comment ça ?

Julien : Lisa !

Julien : Aaaaah, je déteste quand tu fais ça !!!

Je délaisse mon téléphone et je me lève d'un bond. C'est là que tout se joue. Ai-je le courage d'y aller seule à quatre heures trente du matin ? Il le faudrait mais ... et s'il revenait ? Et si je faisais exploser ? Et si je mourais à nouveau ? Non, non, non je n'en ai pas le courage visiblement. Alors que faire ?

C'est fou cette soudaine envie de bouger, de ne pas rester les bras croisés. Pourtant ce serait si simple de m'endormir comme si de rien était. Mais alors, tout se reproduirait et je mourrais à nouveau... Non ! C'est tout simple, je dois sortir, couper les fils et... Non je ne peux pas !

Je m'assois à mon bureau et respire longuement. Rien ne presse, songé-je pour me rassurer. Je fais défiler les photos prise sur le moment, mais sur aucune je n'arrive à distinguer le visage. Frustrée, je tente de me remémorer ses traits, son nez large, ses yeux sombres... Où ai-je pu le voir ?

J'attrape mon carnet et j'ouvre une nouvelle page, je commence timidement à tracer quelques traits. Je n'ai jamais été une pro du dessin, mais je tente de faire le portrait le plus ressemblant possible. Moyennement satisfaite du résultat, je ferme le livre d'un coup sec. J'en oublie qu'il est bientôt cinq heures du matin et que mes parents dorment à côté.

Mes parents ... s'ils savaient.

J'ai l'impression qu'il y a tellement de choses dans mon esprit que je n'arrive pas à réfléchir calmement. Pourtant, réfléchir calmement c'est exactement ce qu'il me faudrait à l'instant T. J'ai soudain l'impression que ma chambre est trop petite, que j'étouffe. Je me jette à plat ventre sur le lit et tente une nouvelle fois d'éclaircir mes pensées confuses et de comprendre quelque chose dans ce bazar.

J'évalue les différentes possibilités. Ne rien faire : non. Sortir seule désactiver la bombe dans la nuit : je ne pense pas en être capable. Suivre ma promesse faite à Julien : je n'en sais rien.

Je sais que c'est ce que souhaiterait mon meilleur ami. Mais tout d'abord, le dire à qui ? Maman ? Elle me prendrait pour une folle. Papa ? Papa je ne sais pas ... les chances qu'il me croit sont tellement faibles mais qui d'autres ?

Je tourne en boucle les « pour » et les « contre ».

Il est cinq heures douze du matin. Le temps presse ! Dans deux heures, le réveil sonnera et quarante minutes plus tard, je monterai dans la voiture ... deux minutes après...

Je n'ai pas d'autre choix. J'attrape une nouvelle fois mon téléphone et je tape précipitamment.

Moi : Je vais tenir ma promesse, je n'y vais pas seule.

Julien : Ouf, tu fais le bon choix.

Et s'il se trompait et si c'était justement cette décision qui menait une nouvelle fois à ma perte ? Je dois avoir confiance.

Moi : tu peux t'endormir, tout ira bien.

Mes étoiles phosphorescentes au plafond semblent me dire la même chose, je peux le faire. Allez ! C'est décidé, je saute sur mes deux pieds, j'enfile un sweat et je prends mon courage à deux mains.

Je vais aller voir papa.

Je sors de la pièce sur la pointe des pieds et me dirige vers leur chambre. Petite, au moindre cauchemar, je m'y précipitais et ils m'autorisaient à finir la nuit dans leur grand lit. Je souris dans le noir et m'approche de la porte.

J'ai quelques secondes d'hésitation, mais je finis par toquer doucement. Aucune réponse. Ils doivent dormir profondément. Je me faufile donc dans la pièce sombre et je secoue l'épaule de papa.

Brusquement, il ouvre les yeux.

- Quoi ?! J'ai raté mon réveil ?

- Non, viens, il faut que je te montre un truc, chuchoté-je.

Il se redresse et jette un coup d'œil à l'heure.

- Lisa ! Il est cinq heures du matin ! Ça attendra.

Il se tourne de l'autre côté et semble se rendormir. Ce n'est pas possible ! Je lui tapote une nouvelle fois l'épaule.

- C'est important, quelqu'un est venu dans le terrain.

Cette fois, j'arrive à obtenir son attention.

- Qui ? Pourquoi ? Comment tu sais ?

- Je ne sais pas qui s'est, il a ... a trafiqué sous la voiture. Et je le sais parce qu'il a fait un peu de bruit et ça m'a réveillé.

Bon d'accord, je mens légèrement, mais c'est pour la bonne cause.

- Ça ne peut pas attendre demain, Lis' ? Tu as sûrement rêvé.

Je roule les yeux, agacée.

- Non ! Je ne te réveillerai pas pour rien...

Il grogne.

- S'il te plait ! Sinon j'y vais toute seule.

- Aller toute seule où ?

- Dehors, sous la voiture...

Maman se met à s'agiter à côté.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? marmonne-t-elle.

- Rien, dit papa d'une voix catégorique.

Néanmoins, comme pour contredire ces paroles, il se lève et me suit dans le couloir.

- C'est quoi cette histoire ? Une nouvelle hallucination ?

- Non ! J'ai entendu du bruit, en regardant par la fenêtre, je l'ai vu, c'est tout.

Mes joues chauffent, pourvu qu'il me croit ! Il hausse les sourcils, puis marmonne.

- De toute manière, je suis réveillé maintenant.

C'est parti ! Je vais empêcher ce meurtre. Mon meurtre en l'occurrence.


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