Chapitre 25 : Qui gagne à ton avis ?
- Oui.
- C'est vrai ? m'exclamé-je.
- J'avoue que ça me fait un peu flipper mais... oui, c'est vrai. Ça a l'air important pour toi.
Je me retiens de lui sauter dans les bras.
- Merci Louna, et tes parents ?
- Ils pensent que je vais aller chez toi puis qu'on reviendra chez moi pour dormir.
- Ma mère pense que je vais aller chez toi aussi.
- Parfait.
C'est comme si on venait de me retirer une épine du pied. Hier, j'ai reçu la confirmation que je pouvais aller rendre visite à Viallon le vendredi soir, et que le détenu avait accepté. Il ne manquait plus que l'accord de Louna.
- Merci, répété-je.
- Qu'est-ce que vous manigancez ? questionne Romane en se laissant lourdement tomber sur la chaise à côté de moi. Dis, t'as le temps de me faire un des chignons dont tu as le secret ?
La petite asiatique acquiesce aussitôt en sortant ses épingles.
- Vous avez rédigé les quarante lignes sur les sentiments ? demande Louna en rassemblant les cheveux de Romanes de ses mains expertes.
- Oui, marmonné-je.
- Ne m'en parle pas ! J'y ai passé la soirée hier, soupire Romane.
La sonnerie marquant la fin de l'inter-court, et donc le début du nouvelle heure de cours retentit quand Louna glisse sa dernière épingle.
- A tout à l'heure, murmure-t-elle en rejoignant sa place à l'autre bout de la salle.
- C'est parti pour une heure d'ennui, râle Romane.
- Arrête ! Les cours de Benot son passionnants, répliqué-je sincèrement.
Dans ma tête, un petit compte à rebours s'est lancé, plus que douze jours.
Chaque matin, je me fais la réflexion.
Plus que onze...dix...neuf...huit...sept...six...cinq...quatre...trois...deux...
En parallèle, les cours s'enchainent, les contrôles, les notes, les séances chez la psy... La routine prend place je reste focalisée sur mon objectif de vendredi soir.
Je pensais que je touchais enfin au but, que j'allais enfin pouvoir découvrir la vérité... jusqu'à cet appel. Deux jours seulement avant le vendredi soir.
- Allo Louna ?
- Oui ! Lisa ! J'ai une mauvaise nouvelle. J'ai un examen de danse qui a lieu dans une semaine et la prof veut me prendre en plus vendredi. J'ai essayé de décaler, mais ma mère avait déjà dit oui, elle m'a simplement dit de décaler notre soirée pyjama à plus tard. Je ne pouvais pas protester, la danse me tient à cœur et je n'avais aucune excuse pour refuser. Tu comprends ?
Une bouffée de stress m'envahit. Que répondre ? Est-ce que je peux réellement lui en vouloir ? Non, non, sûrement pas. Mais comment-vais-je faire ?
- Lisa ?
- ...oui...
- Tu es fâchée ? questionne-t-elle.
- Non, je ne suis pas fâchée, je suis...déçue.
Il y a un petit silence.
- Je sais que ça te tenait à cœur et je m'en veux de t'abandonner, tu ne peux pas décaler ? tente-t-elle.
- Les demandes sont limitées, il va y avoir du délai.
J'entends qu'elle se déplace, elle est sûrement dans la rue.
- Je suis désolée.
- Pas grave, marmonné-je sans grande conviction.
- Ok, je vais devoir y aller, mon bus est là. Mais je suis vraiment désolée ! On se voit demain ?
- Oui, à demain.
Mon bras retombe le long de mon corps. Que vais-je faire ? Sur ma demande, le nom de Louna figure, mais peut-être que je peux y aller avec quelqu'un d'autre à la place.
De toute manière, j'ai plus de seize ans et l'accompagnateur n'est pas obligé de passer l'entrevue avec moi. Ça signifie que son identité n'a pas grande importance.
Une dissert de philo m'attend sur la table et juste en dessous une liste exubérante d'exercices de maths. Je n'ai plus vraiment la tête à travailler malheureusement, je n'ai pas le choix. Comme dirait ma mère, il y a le bac à la fin de l'année, ça ne rigole plus.
Ma soirée me semble, longue et pénible. Et le lendemain, ce n'est pas mieux. Je discute avec Ambre le matin et je me rends en cours. J'échange quelques banalités avec Louna en faisant semblant de sourire. J'ai l'impression que quand je touche enfin au but, tout s'effondre. Et je trouve ça injuste, j'avais un objectif clair que j'étais sur le point d'atteindre.
Mais est-ce que je vais me laisser faire ? Est-ce que je vais renoncer si facilement ? Est-ce qu'au moindre soucis, je m'écarte ? Ai-je fait tout ça pour terminer seule dans ma chambre demain soir ?
Non !
Non !
Et non !
Il m'en faut plus pour me dissuader de découvrir la vérité !
Une vague de force, et de détermination m'envahit soudainement. Sans réfléchir, je redresse la tête.
- Tu as vu un fantôme ? questionne Romane à côté de moi. Tu peux être flippante parfois...
J'ai un petit rire.
- Non je viens juste de prendre une décision, affirmé-je.
- D'après les expressions de ton visage je dirais que tu as décidé de te cloner et d'aller envahir l'Asie... Je me trompe ?
Je lève les yeux au ciel.
- Tu imagines ? Des milliers de Lisa qui courent sur la colline en criant.
- Non je n'imagine pas vraiment, soupiré-je.
- Et en face, on place des milliers de Romane avec des haches, poursuit-elle. Qui gagne à ton avis ?
- Je ne sais pas, mais je dois y aller, dis-je précipitamment en m'éloignant.
Je rejoins Ambre et Julien qui marchent un peu plus loin.
- Coucou, dis-je un peu essoufflée.
Le regard de Julien est intrigué, celui de Ambre est suspicieux. Que dire maintenant ?
- J'aurais besoin de te parler, marmonné-je en désignant du menton Julien.
Après un rapide coup d'œil à Julien, puis à moi, Ambre s'éloigne.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demande Julien. J'ai cours dans cinq minutes...
Je ne peux m'empêcher d'être un peu vexée. Mais je me reprends rapidement.
- J'aimerais que tu me rendes un petit service, dis-je.
- Un service ?
Il paraît incrédule.
- Oui, je ne suis pas majeure et...
Je lui expose les faits, je lui donne le nom de la prison, l'heure, et je le supplie du regard. Tout se joue maintenant.
- Alors ? demandé-je.
- Je ne sais pas Lis', si c'est pour que juste après tu me rejettes ? Pour que tu me repousses sans raison ? Je suis là quand tu en as besoin. Ça t'amuse de jouer avec mes sentiments ?
- Non, bien sûr que non... mais...
Est-ce qu'après je vais le repousser ? Probablement.
- Je n'en peux plus Lis', il vaudrait mieux pour moi que je passe à autre chose.
- Non, tu as raison je n'aurais pas dû te demander.
- Et d'abord tu veux aller voir qui là-bas ?
J'hésite un instant avant de lâcher de ma voix la plus neutre.
- Laurent Viallon.
Ses yeux s'arrondissent aussitôt.
- Viall... l'assassin de ton père !
- Oui. Bon, n'en parle pas à Ambre s'il te plait. Et désolée, je n'aurais pas dû venir te voir.
Je lis de la peine et un peu de colère dans ses yeux.
- Tu vas faire comment ?
- Je vais essayer d'y aller seule et on verra bien. N'en parle à personne, d'accord ?
Au lieu d'acquiescer, il me fixe droit dans les yeux.
Je m'éloigne sans demander mon reste. Qu'est-ce que j'ai pu être stupide de retourner le voir !
- Ah te revoilà, constate Romane. Ce n'est pas très poli de se tirer quand quelqu'un te parle.
Mon visage reste fermé et je m'assois en silence.
- Oh, je vois que madame n'est pas ravie. Qu'est-ce qu'il y a ? Attends, laisse-moi deviner... Julien ?
Je reste impassible et quand le prof de français entre dans la pièce, je fais mine d'être absorbée par ce qu'il raconte. Je pensais réellement que Julien allait accepter. Encore une fois, j'ai été beaucoup trop naïve...
Ça va marcher d'y aller seule ? Ce genre d'endroit est si sécurisé... De toute manière, je n'ai pas le choix. Demain, j'y serai.
Le lendemain, ma mère pense toujours que je vais chez Louna, et elle n'est donc pas surprise de me voir partir à dix-sept heures, un sac sur l'épaule. J'ai revêtu des habits neutres, un style simple, mais qui ne fait pas gamin. Et me voilà à marcher en direction du premier bus qui doit m'emmener à la prison où se trouve Viallon. J'ai encore du mal à réaliser ce que je suis en train de faire. Pourtant c'est bel et bien réel. Je m'en vais découvrir la vérité.
S'ils te laissent entrer seule... ajoute ma petite voix du malheur.
Le regard vissé sur les rues qui défilent, je ne remarque pas tout de suite, la personne qui s'assoit à côté de moi après un arrêt.
- Hey.
Je sursaute en me retournant et je me retrouve face à face avec... Julien.
- Tu ne crois quand même pas que j'allais te laisser y aller seule ?
- Mais... hier tu paraissais... bégayé-je.
- Je sais. J'ai changé d'avis.
- Comment tu as su que... ?
- Je t'ai suivie.
Un sourire timide apparait sur mes lèvres.
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