Chapitre 25 : Peut-être qu'il est temps...
Mes paupières papillonnent et une délicieuse odeur de sucré envahit mes narines. Si seulement je pouvais émerger chaque matin avec cette senteur ! Je suis agréablement surprise d'avoir réussi à fermer l'œil, ce n'est pas toujours le cas ces derniers temps. Julien et moi avons parlé jusque très tard avant qu'il s'endorme. Je suis alors restée longtemps immobile, à écouter sa respiration en retournant comme un casse-tête chaque aspect du plan de lundi soir.
J'ai l'impression qu'il est déjà plutôt tard et la luminosité du ciel par la fenêtre le confirme. Le lit à côté de moi est vide et j'entends des conversations dans la cuisine. Pour la première fois depuis un moment, je me sens ... reposée.
- Bonjour ! s'exclame la mère de Julien me voyant entrer dans la cuisine.
Elle me tend une assiette de gaufres avec le même sourire à fossettes que Julien. Ce dernier me salue à son tour. Sur le four, je vois qu'il est dix-heures.
- Tu manges ce midi avec nous ? demande Mme Lindon.
- Non, je vais rentrer un peu avant pour ne pas laisser maman seule.
Tout en parlant, je la laisse me servir généreusement du sirop d'érable sur ma gaufre.
- Pourquoi seule ? s'étonne-t-elle.
- Je pense que papa travaille encore, dis-je.
- Même un dimanche ?
- Ça lui arrive.
Elle acquiesce doucement.
Après ce copieux petit déjeuner, Julien décide de me raccompagner chez moi, sachant que nous nous reverrons pour la dernière fois avant le moment fatidique, lundi, au lycée.
- Tu me tiendras au courant, tu seras prudente, tu ne feras rien d'insensé et ...
- Oui, oui, oui ! Tu me l'as déjà répété ! m'exclamé-je.
- Mais je suis inquiet et je continue à penser que foncer tête baissée seule, c'est totalement stupide et inconscient de ta part.
Je ne réponds rien. Ce genre de discours, il me les a rabâchés toute la soirée et je commence à en avoir eu ma dose.
- Et n'oublie pas ta promesse, recommande-t-il.
- Oui...
- Je m'en voudrais pour le restant de mes jours, s'il t'arrivait quelque chose de grave.
Je rougis, est-ce une déclaration ? Oui, mais sûrement une simple déclaration d'amitié, rien de plus, il faut que je me calme.
- Bon...marmonne-t-il une fois devant ma porte. À demain.
- Oui à demain.
Je ne sais pas s'il a la même sensation que moi, celle qu'il manque quelque chose avant de se quitter. Il paraît lui aussi en plein questionnement avec lui-même.
Après un petit signe de main, je franchis le portillon et je sens que son regard me suit jusqu'à la porte.
* * *
Lundi matin, je me lève, la gorge nouée, le cœur serré et avec une impression étrange. C'est ce jour -ou plutôt cette nuit- que tout se joue.
Quand j'arrive devant le lycée, et que je vois Ambre, je sais immédiatement que ce ne sera pas une bonne matinée. Mon amie est recroquevillée sur elle-même. Je m'approche prudemment.
- Ça-va ? demandé-je.
- Non ...
Elle lève ses yeux pleins de larmes vers moi.
- Pas de question. Pas maintenant.
J'acquiesce en sortant un élastique, du mascara, et ma fameuse barre de céréales. Elle se laisse faire, calme et patiente. Ses sanglots s'apaisent au fur et à mesure que je passe ma main dans ses cheveux.
- Merci, dit-elle une fois que j'ai terminé.
Je meurs d'envie de la questionner sur les marques violacées qui ornent ses poignets, ses pleurs et ses cernes mais je m'abstiens. Je la soutiens par le bras tandis qu'on entre dans notre salle de cours.
Je suis perturbée comme à chaque fois par ce qu'il vient de se passer. J'ai l'impression qu'elle a deux faces, deux cotés, deux aspects. Et nous passons d'une facette à l'autre sans prévenir et sans transition.
Ambre semble réservée et sur ses gardes jusqu'au repas du midi et puis je retrouve mon amie. Celle que j'apprécie tant avec son sourire et son humour, sa compréhension ... la vraie Ambre quoi.
Depuis ma discussion avec Mathis, celle où j'ai été franche et directe avec lui, il a arrêté de me tourner autour, heureusement d'ailleurs. Il traîne avec Ganaël, Julien et Romane. Moi, depuis le décès de Jade, je me suis éloignée d'eux et rapprochée de Ambre. Dans ma « première vie », j'avais eu le même reflexe, mais en moins fort. Je n'ai aucun souvenir des marques de Ambre et de ces fatigues, je faisais donc moins attention à son comportement. Je suis aussi plus proche de Julien que je ne l'ai jamais été. Je ne me suis donc pas contentée de reproduire les mêmes erreurs.
Mon meilleur ami me prend à part pendant la pause.
- Je suis désolé, je ne vais pas pouvoir rentrer avec toi ... mais je veux que tu me tiennes au courant et que tu ne fasses pas de folies ! Et je t'en supplie, au moindre souci, parles en autour de toi !
J'acquiesce fébrile. Pendant quelques heures, obsédée par Ambre, j'en ai oublié que ce soir... ce soir c'est LE moment.
Il me regarde dans les yeux, sa main sur mon bras.
On reste silencieux un moment.
- Je te fais confiance, finit-il par dire en s'éloignant.
J'aspire une bouffée d'air et c'est seulement à ce moment que je réalise que je retenais mon souffle. Pourquoi me fait-il cet effet-là ? C'est simplement mon meilleur ami n'est-ce pas ? Du coin de l'œil, je remarque Romane qui me fixe. Qu'a-t-elle vu ? Dans son regard, je vois de la détermination. Qu'est-elle encore en train de préparer ? Je décide de l'ignorer.
Après une longue après-midi de cours où j'ai du mal à rester concentrée et attentive, je franchis enfin l'enceinte du lycée. Pour la dernière fois ? Non ...
- À quoi tu penses ? demande Ambre.
- À rien de particulier, mens-je en m'adossant contre l'arrêt de bus.
- On a qu'à venir chez toi pour nous préparer avant d'aller à la fête demain, propose Ambre en allumant son téléphone.
- Je ne suis pas sûre d'y aller... marmonné-je.
- Ah bon ? Pourquoi ? s'étonne-t-elle en relevant les yeux.
- Je n'ai pas trop la tête à faire une fête, mais ... non je ne veux pas y aller.
Son sourire disparaît.
- Et pourquoi tu ne me le dis seulement maintenant ?
Je hausse les épaules, penaude.
- Je ne sais pas ce que tu as Lisa, mais tu n'es pas honnête avec moi. Je sais bien que tu ne me dis pas toute la vérité. Pourquoi tu me préviens qu'aujourd'hui ? Je fais comment moi ?
- Toi non plus ! Pourquoi quand tu proposes qu'on se voie avant la fête, tu veux aller chez moi et pas chez toi ? Pourquoi parfois tu es épuisée sans raison ? Pourquoi tu as des bleus ? Qui est Lilie-Rose ? Qui est son père ? Qu'avais-tu ce matin ?
Je reprends mon souffle.
- Toi aussi, tu me caches des choses. Et ce qui me vexe le plus, c'est que tu en aies parlé à Louane et Amélie.
- Je n'en ai pas parlé, elles l'ont su ! s'énerve Ambre. Et toi alors, ose me dire que Julien n'est pas au courant !
Je baisse les yeux. Je ne l'ai jamais vu si agacée, et le pire, c'est qu'elle ne veut même pas que je lui dise, elle. Elle, elle comprend mon silence et le respecte. Pas moi. Moi je lui fonce dedans tête baissée pour qu'elle avoue. Encore une fois, je me trouve indigne envers elle.
Des larmes piquent mes yeux et menacent de s'écouler.
- Désolée ... murmuré-je. Pour tout, je ne te mérite vraiment pas.
Ses traits s'adoucissent.
- Je ne te demanderai plus de me dire ton secret, dis-je simplement.
- J'ai eu tort aussi de te cacher tout ça, après ce que tu fais pour moi, explique-t-elle gentiment. Comme ce matin, quand tu prends soin de moi ainsi, ça me fait réaliser que peut-être ...
Ses yeux brillent de larmes.
- ... peut-être qu'il est temps que je te dise qui est Lilie-Rose.
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