Chapitre 24 : Tout sauf normal

Je marche avec la musique dans mes oreilles et les mains dans les poches. Tout est parfaitement normal pour un lundi matin. Chose légèrement plus rare : je croise Julien devant sa rue.

- Salut ! m'exclamé-je avec peut-être un tout petit peu trop enthousiasme.

Les paroles de Romane résonnent dans mon esprit « tu vas lui faire du mal ».

- Depuis quand tu ne réponds pas aux messages ? me questionne-t-il en souriant.

Je sors mon téléphone et effectivement, il y a deux messages non lus. J'étais trop agacée par celui de Romane que je n'ai même pas regardé ce qu'il se passait quand mon téléphone continuait à vibrer.

Je le parcours des yeux et les relève en souriant.

- Bien-sûr !

Passer mon samedi après-midi avec lui, surtout en ce moment, ça ne peut pas se refuser. Je me sens soulagée, il n'a pas l'air d'être du même avis que Romane. Et ses menaces, elle peut bien les garder pour elle !

Je sens que la semaine va passer plus vite, bien plus vite ! On poursuit notre route jusqu'au lycée en plaisantant. Heureusement, Ambre nous attend et elle paraît en pleine forme, je vais passer une bonne journée. Même si je dois aller voir la psy à dix-huit heures et même si une longue heure de maths m'attend, les bras grands ouverts, je me sens aussi légère qu'une plume.

* * *

En fin de semaine, le samedi matin, je me réveille et ma première pensée est pour l'après-midi que je dois passer avec Julien. Un sourire étire mes lèvres.

- Tu serais presque en retard, s'exclame-t-il ne me laissant entrer, quelques heures plus tard.

- On n'avait pas fixé d'horaire, protesté-je.

- Même.

Voilà longtemps que je n'ai pas été seule avec lui.

- Tu veux rester ici ou aller au parc ? demande-t-il.

Je hausse les épaules.

- Peu importe.

- Dans ce cas, allons dans ma chambre.

Je le suis dans le couloir de cette maison que je connais si bien. Une fois installés dans sa chambre, une boîte de cookies entre nous deux, un silence s'installe.

- Tu crois qu'il va vraiment se passer un truc dans la nuit de lundi à mardi ? murmuré-je.

Il se tourne vers moi.

- Pour le moment, tout ce qui est dans le carnet s'est déroulé non ?

J'acquiesce.

- Mais c'est tellement étrange. Vouloir tuer quelqu'un... sans raison. Tu crois qu'un jour, on saura pourquoi ?

- Sûrement.

J'attrape un biscuit.

- Quel est le plan ? dit-il en faisant de même.

Nos doigts se frôlent.

- Rester chez moi et observer tout ce qu'il se passe lundi soir. Retirer la bombe avant le lever du mardi matin.

Dit comme ça c'est comme une évidence.

- Retirer la bombe ! Tu es folle, s'exclame-t-il. Tu vas y aller seule, dans la nuit ? Imagine que finalement ce soit autre chose ? On ne peut pas être sûr !

Jusque-là, je n'y avais pas songé en détails, mais c'est bien la seule option.

- Bah oui ? On va se renseigner, ce n'est surement pas sorcier, d'une voix faussement assurée.

J'ouvre un navigateur internet et démarre une recherche.

- Comment désamorcer une bombe ... il s'avère que couper les deux fils permet de désamorcer une bombe si et seulement si elle n'est pas équipée de sécurité ... tout dépend de l'endroit où elle puise son énergie ... blablabla ...

- Mais c'est du délire, tu ne peux pas désamorcer une bombe Lisa !

- Que proposes-tu ?

Silence.

- De toute manière, ceux qui vont poser cette bombe ne doivent pas s'attendre à ce qu'on s'en aperçoive, elle ne doit pas être sécurisée, remarqué-je.

- Oui sûrement, mais ça me paraît extrêmement dangereux ... et risqué.

Je passe près d'une heure à enchaîner les articles sur le sujet, tous plus ou moins fiables. Julien semble sceptique et il finit par s'exclamer :

- On va faire un tour, ça nous fera du bien de prendre l'air !

J'opine, l'esprit empli de fils, de détonateurs et d'explosion. J'ai pris consciencieusement des notes. J'ai l'impression que je suis venue ici pour être rassurée mais, plus on parle et plus j'ai peur.

Marcher sur le trottoir en direction de ce fameux parc qui est comme un refuge pour moi, me détend légèrement.

- Tu stresses ? questionne Julien.

- Oui.

- C'est normal ...

Je ne réponds rien.

- ... non en fait c'est tout sauf normal. C'est vraiment dingue !

Il semble mal à l'aise.

- Tu es sûre de ne pas vouloir tout balancer ? Le dire aux autres ?

Je fais non de la tête.

- Espérons que dans une semaine, on n'en parlera plus, dis-je.

- Et si ça échoue ? Et si tu ne parviens pas à désamorcer cette foutue bombe ?

- Je vais y arriver.

Je ne sais pas d'où me vient toute cette assurance, brusquement, ça ne me ressemble pas. Je m'assois dans l'herbe et je discute avec Julien en arrachant des petits brins autour de moi. J'ai toujours eu cette manie de tripoter quelque chose en parlant.

- Tu veux faire quoi après l'année prochaine ? demande-t-il.

- Je ne sais toujours pas. Je n'en ai absolument aucune idée. Ça me stresse, réponds-je. Ces derniers temps je n'ai pas vu plus loin que mardi, je n'ai pas songé « à l'après ».

- Il faudra pourtant.

Pour moi, si j'ai besoin de choisir mon école supérieure dans un an, ça signifiera que j'ai réussi, que j'ai passé ce moment de ma vie mais surtout ... que je ne suis pas morte.

Le nombre de fois où j'ai tenté de trouver une explication plausible à ce phénomène, en vain. Peut-être que ça n'est pas arrivé seulement à moi. Peut-être que d'autres dans le monde ont eu le droit à une seconde chance, un nouveau départ. Peut-être qu'eux aussi on leur a retourné leur feuille pour qu'ils la réécrivent au verso...

Je regarde du coin de l'œil Julien se passer nerveusement la main dans ses cheveux. Que pense-t-il de moi ? Il me trouve totalement bizarre ? Suis-je classée dans la catégorie « pas normale » ?

- Tu m'en veux ? marmonné-je.

- Pourquoi ?

- Pour tout, pour mon histoire compliquée, pour mon stress, pour mes embrouilles...

- Non. Tu n'y peux rien. Et même si parfois j'ai du mal à accepter, je ne te laisserai jamais tomber.

Je baisse les yeux. Si la situation était contraire, je ne sais pas si j'aurais la même compréhension ... Comment fait-il pour être si ... si parfait avec moi ?

- Tu vas aller à la fête ? dis-je.

- Oui ... pas toi ?

- Non je ne pense pas. Je n'en ai plus vraiment envie et je trouve ça étrange. Enfin, je verrai.

C'est moi où il semble déçu ?

- Mais tu as dit à Ambre que tu venais non ?

- Oui.

Je ne peux m'empêcher de remarquer qu'il a donc demandé à mon amie si je venais.

Le ciel commence déjà à décliner et nous nous rendons au cimetière avant de rentrer chez lui. Lui aussi est fils unique, d'où notre rapprochement quand nous étions enfants, nous étions comme frères et sœurs. Est-ce que notre relation a évolué ? Au fond de moi, je l'espère.

Je mange avec ses parents et Julien. Heureusement, ils ne posent pas de questions embarrassantes. Je les connais bien, mais je sais qu'ils peuvent parfois avoir des goûts douteux en matière d'humour.

- Tu restes dormir ? propose Julien.

Dormir chez lui était réellement une habitude il y a quelques années, je sais que ma mère n'y verrait pas d'objections.

- D'accord.

Son visage s'illumine aussitôt. Tandis que je préviens ma mère. Il tire le matelas glissé sous son lit et le place à côté du sien. J'ai l'impression d'avoir à nouveau huit ans, quand nous cachions des bonbons que l'on dévorait pendant la nuit.

Dehors, le ciel est sombre et la pièce est éclairée à la lueur de la lune. Je m'installe sur mon matelas et je me redresse en prenant appui sur ma paume.

- Le nombre de nuits que j'ai passées ici, petite ... murmuré-je.

- Oui et il n'y en a pas une seule où nous n'avons pas tenté de faire quelque chose qui nous paressait génial mais qui était en réalité complètement stupide.

- Ah la jeunesse !

On se sourit.

Malgré tous nos efforts pour détourner la conversation, nos discussions s'orientent rapidement sur lundi soir, je tente de paraître confiante.

- Tu es forte, me dit-il. J'ai confiance en toi, vraiment. Mais ...

J'attends la suite.

- ... mais ces histoires de bombes, de mort, de tout ça, c'est franchement inquiétant, tu ne trouves pas ?

Je hoche la tête.

- Je ne pourrais pas supporter s'il t'arrivait quelque chose et que j'étais au courant. Je tiens à toi, Lisa.

- Moi aussi.

Silence. Mais un silence qui fait du bien. C'est lui qui le brise le premier.

- Je veux que tu me fasses une promesse. Jure-moi que si au dernier moment, tu ne le sens vraiment pas, tu appelleras un adulte, n'importe lequel. Je t'en supplie, promets-moi.

J'attends quelques secondes et je murmure.

- Promis.

Il me tend son petit doigt et je l'attrape en riant. Un serment du petit doigt, c'est sacré.

On se rapproche de la date fatidique 😬 Mais il vous reste quelques révélations... 😏😗


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