J'ai l'impression de nager pour atteindre un objectif mais qu'à chaque fois, cet objectif s'éloigne de moi au lieu de se rapprocher. Je fais du sur-place. Je rame. Tout ce que vous voulez qui signifie que je n'avance pas.

Le bruit de la fête court dans le lycée, mais je n'ai pas eu l'occasion d'avoir plus de détails sur la date. Ambre semble fermée à me révéler quoi que ce soit bien que régulièrement, le matin, je la trouve dans un état lamentable et Julien passe tellement de temps avec Romane que je n'ai pas eu le temps de lui parler depuis une semaine.

Pour toutes ses raisons, je crois qu'on peut dire que je ne suis pas au top de ma forme. Et plus les jours passent, et plus je me dis que le temps presse.

- Apparemment, la fête se précise me dit Julien, un matin.

- Ah bon ! J'essaierai d'avoir la date pendant la récréation alors ! dis-je.

Enfin, ça va peut-être avancer... Je me rends en cours, plus légère que d'habitude, mais je suis coupée dans mon élan de bonheur, Ambre ne m'attend pas dans la salle, ni dehors. Où est-elle ?

Elle ne se pointe pas de la matinée et je n'ai pas non plus le droit à un message. Cela me rappelle étrangement une autre situation, quand Jade était absente, mais je préfère ne pas y penser.

Je rejoins le groupe qui organise la fête et demande, l'air de rien, s'ils savent la date.

- Ça se fera surement le 12 mai, rien n'est sûr ... répond une fille en reportant immédiatement son attention sur ses amis.

Je m'éloigne. À l'instant où je l'ai entendue, j'ai su que c'était la bonne date. Le 12 mai. C'est si proche...

J'ai envie de prévenir immédiatement Julien mais je le trouve en pleine conversation avec d'autres garçons. Et puis je dois tenter de joindre Ambre qui est introuvable ! Je me faufile donc aux toilettes et lui envoie une série de messages, sans réponse. La journée se termine lentement, tel un supplice. Je suis remplie d'interrogations et de doutes. J'ai l'impression qu'au moment où enfin je trouve des réponses, des milliers d'autres questions apparaissent. Lorsque les cours se finissent, je n'ai pas l'occasion d'appeler ou de chercher mon amie vu que ces fichues séances de psy m'attendent. Même si je commence à apprécier parler avec Clémence, ça ne m'aide pas dans mes vrais problèmes.

C'est donc seulement vers dix-huit heures, à la sortie du cabinet, que je peux enfin me jeter sur mon portable. J'y trouve un message.

Ambre : Tout va bien t'inquiète ❤️

C'est tout ? Un petit message et puis... rien ? Je pousse néanmoins un long soupir de soulagement, elle va bien. Du moins c'est ce qu'elle dit.

Moi : Cool ! Tu avais quoi ? Tu étais où ?

J'attends quelques minutes, immobile sur le trottoir en espérant voir la réponse arriver mais elle ne vient pas. Je poursuis mon chemin, frustrée et légèrement vexée.

Avec tout ça, je n'ai même pas vu le message de Julien, je ne le découvre qu'une fois à la maison.

Julien : Tu veux venir chez moi ce week-end ?

Je souris. En voilà une bonne nouvelle ! Passer deux jours avec lui, ne peut qu'être positif. Je ne pense pas avoir de problème à convaincre mes parents, étant donné qu'ils connaissent très bien Julien et sa famille. Malheureusement ... j'ai tort.

- Ma chérie, on a un projet pour ce week-end, ta petite escapade ne va pas être possible.

Je la fixe, sceptique et déçue.

- Nous allons partir dans un petit chalet isolé pour nous balader et nous ressourcer. Ça permettra de ressouder la famille et on pourra prendre l'air.

Je souffle, ce n'est clairement pas le moment de m'absenter, et comment vous dire que marcher pendant deux jours, n'est pas ce qui, à l'instant présent, me fait le plus envie.

- Papa vient ?

- Il a intérêt.

Vu son ton enthousiasme, je comprends que protester est totalement inutile. Je n'ai donc d'autres choix que d'opiner, lasse.

Moi : Non je ne peux pas dsl... 😭

Julien : Pas grave, une autre fois...

* * *

Aujourd'hui, nous sommes vendredi. Dernier jour de la semaine. Normalement, ça sonne comme une libération, mais sachant ce qui m'attend samedi et dimanche, j'ai moins d'enthousiasme. Je marche en direction du lycée. Je prépare mentalement toutes les questions à poser à Ambre sur son absence de la veille. Quand je la vois, je lui saute littéralement dessus.

- Je suppose que tu vas bien, dit-elle.

- Oui ! Mais toi ? Tu étais où ? Pourquoi ?

Son sourire s'efface.

- Je suis obligée de répondre ?

Elle tourne son visage vers moi et je remarque un léger bleu qui trace le contour de sa mâchoire.

- Évidemment que tu es obligée !

- Bon, je ... je dormais ...

- Quoi ?!

J'ai crié. Les gens se tournent vers nous et nous dévisagent.

- Comment ça, tu as dormi ? Et qu'as-tu fais hier soir pour être si fatiguée ? Tu as une mine affreuse, que se passe-t-il ?

Elle fait non de la tête et répète :

- Tu sauras un jour.

- Mais pourquoi un jour ? Pourquoi Amélie et Louane sont au courant ?

Je sens que je suis au bord de la colère.

- Tu leur fais plus confiance qu'à moi ?

- Non mais elles ... elles l'ont su. Ce n'est pas moi qui leur ai dit !

- Mais qui est Lilie-Rose ? insisté-je.

- Je ne me suis jamais confiée sur ça, murmure-t-elle. Jamais volontairement.

Mes yeux plonge dans les siens. Je n'arrive pas à lui en vouloir mais tout ce mystère m'agace. Je veux savoir, je veux l'aider ! Mais elle n'a pas l'air du même avis ... Nous ne nous parlons quasiment pas de la journée. Non pas que je lui fasse la tête, mais l'échange de ce matin m'a refroidie.

Le lendemain, je charge mon sac à dos dans le coffre et je m'assois en attachant ma ceinture. Deux heures de route m'attendent. J'ai fait une réserve de musique et de bonbons pour tenir le coup. Papa n'est visiblement pas ravi lui non plus et seule maman aborde un grand sourire.

Je pense au week-end que j'aurais pu passer avec Julien et je me sens vraiment frustrée.

Après une heure d'ennui, la tête appuyée sur la vitre, mon téléphone vibre. Étrangement je vois le nom de Romane s'afficher. Une photo. Une photo d'elle et Julien, assis dans le parc, avec inscrit : « Trop belle matinée ❤️ ! » Pourquoi m'envoie-t-elle ça ? Mais surtout, pourquoi est-elle avec Julien ? Serais-je jalouse non ... Juste étonnée, étonnée et ... déçue. En réalité, peut-être que je suis un tout petit peu jalouse, mais vraiment un chouilla, un chouilla minuscule.

Mon téléphone émet une nouvelle vibration.

Romane : Oups je me suis trompée de destinataire 😉

Je ricane. Elle me prend pour qui ? C'est évident que cette photo m'était destinée. Elle n'a pas pu me l'envoyer par erreur, nous n'avons pas parlé depuis plusieurs mois et notre conversation est sûrement la dernière de sa liste. J'en suis sûre à présent, elle voulait juste affirmer son territoire. Quelle garce ! Je ne dois pas y prêter attention. Malgré cette résolution, l'image danse devant mes yeux pendant le reste du trajet. À la place de me voir, il est allé avec Romane, il m'a remplacée ...

* * *

Après une après-midi complète de marche, je m'écroule sur mon lit, épuisée. Mais malgré ma fatigue, je ne parviens pas à trouver le sommeil. Je sens qu'au fil des nuits je dors de moins en moins, le stress ? Les doutes ? Ma mère semble extrêmement inquiète et je sais que c'est en partie la raison de cette soudaine envie d'air.

Mon lit grince au moindre mouvement et je n'ai aucun réseau. Aaah ! je maudis maman et ces idées pour se « ressourcer » ! Tout ce qu'elle arrive à faire c'est me frustrer davantage, rien d'autre.

J'ai déjà tellement de choses à penser, le 12 mai, labombe, le tueur, Ambre ... et j'en passe ! Je fais tinter mes deux braceletsYin-yang l'un contre l'autre dans le noir et mes pensées dérivent aussitôt versJade. Pourquoi il a fallu que le hasard, la malchance, et le destin l'emporteloin de moi ? Parfois la vie peut se montrer cruelle et injuste ... Il fautcroire que le sort s'est acharné sur moi.