- Qu'est-ce que tu fais là ? m'écrié-je. Pourquoi tu pleures ?

Elle hoquète.

- Je ... je peux dormir chez toi ?

Je reste décontenancée.

- Que se passe-t-il ? questionné-je totalement perdue.

- Je... juste laisse-moi entrer, ne pose pas de questions, supplie-t-elle.

Mon regard circule entre ses yeux rougis, sa main qu'elle cache dans sa veste et ses cheveux en désordre.

- Tu es mon amie non ?

- Oui, ok entre.

Elle me serre dans ses bras et je reste immobile, complètement perdue. On se dirige vers la porte d'entrée et je lui fais signe de faire le moins de bruit possible, mes parents doivent dormir.

Effectivement, quand on entre, il n'y a aucun bruit, tout est silencieux. Je l'entraîne vers ma chambre sur la pointe des pieds.

- Tu vas me dire ce qu'il y a maintenant ? chuchoté-je.

Son regard trahit de la détresse, de la peine et... de la peur ? Je m'en veux aussitôt de la brusquer.

- Ça-va ? dis-je.

Elle fait non de la tête et je l'attire contre moi. Je n'ai jamais vu mon amie aussi mal. Quelques fois, je la trouvais fatiguée mais jamais désespérée à ce point-là.

- Pourquoi tu es venue ?

- Je ne pouvais pas aller chez moi.

En voyant que je m'apprête à questionner davantage, elle ajoute.

- Je ne me sens pas d'en parler maintenant.

Je referme ma bouche.

- Juste une dernière, insisté-je. Pourquoi es-tu venue vers moi et pas vers Louane et Amélie ?

Elle ne répond pas tout de suite.

- Avec elles, ce n'est pas pareil, en ce moment on ne se parle plus.

Je me sens honteuse de ne pas avoir remarqué qu'elle s'était disputée avec les filles et qu'elle allait mal. Encore une fois, j'ai tout fait de travers !

On s'installe dans mon lit double et on se place dos-contre-dos. Je repense à cette journée si particulière. Ambre paressait en pleine forme ce matin, pendant ma fête d'anniversaire aussi ... Mes pensées dérivent progressivement sur ces instants dans le parc. Puis sur la soirée passée avec Julien en tête à tête. Un sourire apparaît. Est-ce que lui aussi en y pensant, il ne peut s'empêcher d'être heureux ? Ces évènements ne m'étaient pas arrivés dans ma « première vie », j'en suis sûre. Je n'avais pas eu cette conversation avec Julien.

- Bonne nuit Ambre, murmuré-je.

- B'nuit.

Son ton est épuisé, depuis combien de temps attend-elle dans le noir ? Je reste allongée en fixant mes étoiles phosphorescentes jusqu'à ce que sa respiration ralentisse et qu'elle s'endorme. Je ne tarde pas à faire de même.

* * *

Quand j'entrouvre mes paupières, je sais aussitôt que quelque chose est étrange. En me retournant, je vois le visage paisible de Ambre et les souvenirs me reviennent. La soirée. La fête. Ses sanglots devant chez moi...

Je sors de la pièce silencieusement et je me rends dans la cuisine. Heureusement, que nous sommes samedi, je vais pouvoir laisser dormir Ambre qui semble en avoir grandement besoin.

- Coucou ma puce, m'accueille maman. C'était comment hier ? Tu n'es pas rentrée trop tard ? Tu t'es amusée ?

Je hoche la tête en réponse à toutes les questions en m'asseyant à table. Il est neuf heures et je sens bien que je n'ai pas toutes mes heures de sommeil.

- Ambre est restée dormir avec moi, dis-je.

- Ah bon ? s'étonne maman. Pourquoi ?

- Euh... on s'est dit que ce serait sympa et puis ses parents ne sont pas chez elle, mens-je.

- Ils sont où ?

- Je ne sais pas.

J'espère qu'elle ne va pas pousser l'interrogatoire plus loin, je n'ai aucune réponse à lui fournir si ce n'est que moi non plus, je n'en sais rien.

Ambre dort jusqu'à presque midi, ce qui m'étonne d'elle.

- Je ne savais pas que tu étais une grosse dormeuse, la taquiné-je en entrant dans ma chambre.

- Pourquoi, il est qu'elle heure ? s'écrie-t-elle.

- Midi.

Elle se frappe le front.

- Je ne dors jamais autant ! C'est ma première vraie nuit depuis ...

Elle s'interrompt pensive mais se reprend rapidement.

- Faut que je file, ma mère va s'inquiéter !

Je fronce les sourcils. Sa mère n'est donc pas au courant de son escapade... c'est un vrai mystère.

- Tu ne veux pas me dire pourquoi tu pleurais hier ? demandé-je en la regardant s'activer.

- Une autre fois ... peut-être ...

Je la regarde partir, intriguée et étonnée, mais je respecte son choix comme elle l'a toujours fait pour moi. Une chose est sûre, je me souviendrai de cette soirée d'anniversaire ...

* * *

J'ai comme objectif de remonter mes notes en ce moment. Je travaille donc plus que d'habitude mais je trouve quand même le temps de voir Julien et Ambre. Ambre, depuis cette fameuse soirée est redevenue « normale » et fait entièrement comme si rien ne s'était passé, nous n'en avons pas reparlé. Parfois, elle semble bizarre, mais à part ça, tout est rentré dans l'ordre.

- Tu as fait l'exercice ? demande Mathis, prêt à me tendre le sien pour que je le recopie.

- Oui ! coupé-je.

Il semble impressionné et je vois un petit sourire joueur apparaître, comme s'il tentait de me provoquer. Il pense donc réellement que nous sommes les meilleurs amis du monde.

Avec lui, il y a toujours du malaise, je n'ai pas encore réussi à lui dire clairement stop et j'ai l'impression qu'il continue toujours à espérer.

Les journées s'enchaînent, je suis obligée de continuer les séances de psy mais elles ne sont plus si désagréables. On parle de tout sauf de mon problème de mort. On discute de mon père qui est tout le temps pris par son commissariat et qui travaille beaucoup trop, de ma mère, légèrement surprotectrice, de mes amis... de tout. J'ai appris à supporter ses manières un peu brusques, elle a accepté que je ne prononce pas le moindre mot au début sans jamais me forcer réellement. On a toute les deux fait un pas vers l'autre.

- Tu veux que je te raccompagne ce soir, propose Mathis, plein d'espoir.

- Non.

Il me fixe déçu et je culpabilise aussitôt.

- Je ... j'ai autre chose à faire et puis...

Non, je dois être plus ferme et claire avec lui, cette histoire dure depuis trop longtemps.

- Entre nous, c'est fini depuis longtemps et ... je n'ai pas envie de reprendre. Tu ne seras jamais plus qu'un ami à présent.

Je m'en veux quand je vois son sourire disparaître, mais il fallait que je le fasse, non ? Ce que j'aurais dû faire en réalité, c'est ne jamais le faire espérer, j'ai eu tort il y a longtemps de l'autoriser à être à côté de moi et d'accepter ses cadeaux sans rechigner. Je suis vraiment détestable.

Ce soir-là, je compte donc rentrer avec Julien, comme tous les jours en ce moment, mais il marche déjà avec Romane. Je soupire. Est-ce qu'il y a quelque chose entre les deux ? Et puis, pourquoi ça m'importerait ? Serais-je jalouse ? Non, non, non ... pas du tout ... si ?

Le lendemain en arrivant devant le lycée, je trouve Ambre totalement ... désemparée. Son chignon est défait et elle ne semble pas avoir fermé l'œil de la nuit il y a même un peu de sang sur la main.

- Ça-va ? dis-je en me précipitant à sa rencontre. Qu'est-ce qu'il y a ? Tu dois me dire !

Elle fait non de la tête et je vois qu'elle est au bord des larmes.

- Laisse-moi au moins arranger ça, décidé-je. Baisse-toi.

J'attrape ses cheveux et je tente de les démêler avec les doigts. Je les entortille en chignon en libérant quelques mèches devant. Je sors ensuite mon éternel tube de mascara et je lui en applique légèrement. Plus qu'un dernier détail, je farfouille dans mon sac et lui tend, avec un sourire, une barre de céréales.

- Merci, murmure-t-elle en croquant dedans. Tu es vraiment une amie super.

Je fais non de la tête mais elle ne me voit pas. Je repense au nombre de fois où j'ai repoussé Ambre pour mes problèmes, et au nombre de fois où je l'ai ignorée sous prétexte que je voulais être seule. La seule chose que l'on peut dire c'est que je ne suis pas une amie super du tout.

Néanmoins, elle semble aller légèrement mieux. Qu'est-ce qui peut lui arriver pour la mettre dans cet état ? Apparemment, elle n'est pas décidée à me le confier pour le moment ... Je vais devoir trouver toute seule.

- Vous savez des choses sur Ambre ? Ce qui lui arrive ? Son passé ? demandé-je à Amélie et Louane à la récréation.

Elles me regardent de haut en bas et disent d'un ton mauvais.

- À propos de Lilie-Rose et son père ? s'étonnent-elles. Elle ne t'a pas dit ?

Je secoue la tête, intriguée.

- Ce n'est pas à nous de dévoiler ça, désolée, dit Louane en attrapant Amélie par le bras.

- Attendez ! m'écrié-je. Qui est le père de Lilie-Rose ?

Mais je n'obtiens pas de réponse. Que peut donc me cacher Ambre sur le père de Lilie-rose ?

Des idées de ce que cache Ambre ?🧐