Chapitre 19 : Je ne peux pas ignorer mon destin

- C'est le cadeau de Ambre ? demande-t-il en s'avançant encore d'un pas.

Je sens son souffle contre mon cou, je reste pétrifiée.

- Il t'a rappelé des souvenirs ? Parle-moi Lisa ...

Je me retourne vivement pour me retrouver face à lui et je murmure.

- Ça m'a fait comme un flash. Je me suis revue dans la voiture au moment où ...

Sa main se pose sur mon épaule.

- Je m'en doutais que ce serait un truc dans ce genre, marmonne-t-il. C'est ton premier malaise ?

- Oui.

Je le regarde, il ne semble pas fâché le moins du monde. Pourquoi tout le monde semble faire comme si j'étais une amie parfaite ? Comme si je ne venais pas de leur dire des choses horribles ces derniers temps.

- Quand j'ai vu le sac et puis la tenue, je ... c'est la même tenue que lors de l'explosion.

Je m'assois dans l'herbe en ramenant mes jambes. Ça faisait beaucoup trop longtemps que je n'avais pas partagé du temps seule avec lui.

- Tu as repensé à tout ça ces derniers temps ? me demande-t-il en s'asseyant près de moi.

- Non pas vraiment, en tout cas, pas volontairement.

- Pourquoi ?

Je hausse les épaules.

- Je préférais oublier pour vivre normalement ...

Il ne répond pas, mais je sens qu'il désapprouve mon choix.

- Tu n'es pas d'accord ? demandé-je d'une petite voix.

- Finalement, tu n'as pas vécu normalement puisque tu es restée seule dans ton coin.

Je baisse la tête.

- Désolée mais ...

- Tu n'as pas à être désolée, me coupe-t-il. Tu vis la chose la plus étrange que je n'ai jamais entendue, personne n'aurait su comment réagir.

- Oui mais je n'aurais pas dû arrêter de te parler et me couper des autres...

Il acquiesce.

- Tu as beaucoup de pression.

On continue à discuter et plus on parle et plus je réalise que j'ai été complètement aveugle et idiote. J'ai tout fait de travers ! Je laisse échapper quelques larmes.

J'ai eu tort sur toute la ligne. Pour mon bien, je dois me replonger dans les recherches, je dois tenter de comprendre et d'éviter ma mort. Je ne peux pas ignorer mon destin ! Je dois le combattre !

Déterminé, mon regard se plonge dans le ciel étoilé.

- Ne me repousse plus Lisa, dit simplement Julien.

Je serre sa main dans la mienne.

- Promis.

On reste silencieux, chacun perdu dans ses pensées ... Soudain, il se redresse et dit :

- On va tout reprendre à zéro ! On va traiter tes questions : où ? quand ? qui ? ... et on va résoudre l'affaire.

Je souris devant sa détermination, je ne mérite pas un ami comme celui-ci.

- Alors, où, c'est fait. Quand ?

- Un mardi de mai ...

- Il y en a quatre, réfléchit-il. Une particularité ?

- Le soir de ce mardi, il y avait une grande fête.

- Parfait ! Il faut juste attendre que cette fête apparaisse pour avoir la date.

Il griffonne sur un papier cadeau.

- Comment ? Un arbre qui tombe sur la voiture ? enchaîné-je. Non il y avait comme un dégagement de chaleur... Une bombe ?

- C'est ce qui me paraît le plus probable...

Nos conversations me redonnent de la force et de l'espoir. Quand je suis avec lui, je me sens différente, plus... puissante ?

Le ciel est sombre, les étoiles brillent... J'espère que maman ne va pas s'inquiéter, mais elle sait que je suis à ma fête d'anniversaire... Je décide de lui envoyer quand même un message par précaution. Quand je reglisse mon téléphone dans ma poche, Julien me fixe.

- Quoi ? demandé-je.

- On en est à la question qui ... Tu as une idée ?

Je secoue la tête. Il émet des propositions, toutes plus improbables les unes que les autres. Parler de qui aurait pu vouloir ma mort me met extrêmement mal à l'aise. Je préfère laisser entendre que c'est un jeu, que ce n'était pas moi qui étais visée mais une personne au hasard. Sinon, pourquoi quelqu'un souhaiterait me tuer ? C'est totalement invraisemblable.

Après maintes propositions, Julien s'approche de moi et me demande de raconter l'accident. Il semble inquiet en me demandant ça mais, il dit qu'un détail peut tout changer.

- On était en retard, comme d'habitude et papa trainait. Moi je l'attendais dans la voiture. Il est venu une première fois et ...

La vibration du moteur. Puis l'arrêt. Mon soupir. Son retour. Le démarrage, le vrai. Quelques petits dérapages sur les graviers. Une question. Ma réponse. Une discussion. Un matin ordinaire. Une détonation. Un souffle chaud. Des vitres brisées. Des hurlements de terreur...

- Lisa !

Je sursaute. Pourquoi suis-je allongée dans l'herbe ? Julien me fixe, anxieux. Ma respiration est haletante, comme si je venais de faire un sprint.

- Calme-toi...

Il s'allonge à côté de moi.

- Désolé de t'avoir refait parler de ça...

Je suis trop troublée pour prononcer le moindre mot. Tout était si réaliste. Et si ça se reproduisait ? Je ne le supporterais pas. Et si quoi que je fasse, c'était voué à l'échec ? Non, il faut que je garde la mentalité du début de soirée.

- On parle d'autre chose si tu veux, décide Julien devant mon silence.

- Non, allons voir Jade, dis-je.

- Mais on est en pleine nuit, proteste-t-il.

Je jette un coup d'œil à mon téléphone, il est une heure du matin.

- Allons-y, j'ai prévenu ma mère que je ne rentrerai pas tout de suite.

Je me lève, mais il reste allongé, sceptique. Comme s'il avait toutes les peines du monde à se redresser. Je tends alors ma main pour l'aider.

- Allez ! J'ai besoin d'elle ...

Ses doigts se glissent dans les miens et je les tire vers moi. Nous voilà debout, face à face. Il est tout près ...

- Allons-y, murmure-t-il.

Nous sortons du parc, je tiens le sac des cadeaux sous le bras et on marche sous les lampadaires. Tout est silencieux. Soudain, il attrape ma main et ne la lâche plus jusqu'au cimetière.

Une fois devant, on s'arrête. Les grilles sont fermées. Sans une petite pointe d'hésitation je pose mon pied dessus et commence à escalader.

- Tu es complètement folle, soupire Julien en me suivant néanmoins.

Dans le noir, on se dirige vers la tombe et je m'accroupis devant. Julien se place derrière, protecteur.

Oh Jade, je ne fais que prendre les mauvaises décisions... Comment va se finir cette histoire ?

Je croise mes bras contre ma poitrine.

Pourquoi j'ai eu le droit à cette seconde chance ? Je suis bien celle qui le mérite le moins sur cette planète.

Je lève les yeux sur les étoiles et je repense aux paroles de mon grand-père : « Les étoiles pardonnent sans juger, elles te protègent et t'accompagneront partout où tu vas. ». Je ferme les paupières en réfléchissant.

Les minutes défilent, je me cale contre Julien et je suis bien. Je pourrais rester là toute la nuit mais bien que nous soyons début mars, l'air n'est pas encore assez chaud.

- Je commence à avoir froid, on rentre ? dis-je.

En silence, Julien acquiesce et on s'éloigne de la tombe. Nous n'avons pas échangé une seule parole, mais sa présence et ses regards suffisent amplement. Même si je suis mineure, dans un cimetière en pleine nuit, je me sens en sécurité. J'ai retrouvé Julien, que pouvais-je demander de plus pour mon anniversaire ?

Une fois devant mon allée, on s'arrête. Il plonge son regard chocolat dans le mien et me dit simplement.

- Bon anniversaire Lis'...

- Merci.

Il m'embrasse sur le front et on se sépare. J'ai passé une belle soirée.

J'inspire l'air de la nuit et bien qu'il soit presque deux heures du matin, je ne me presse pas. Je marche sur les graviers, le cœur léger, soulagée et heureuse. Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti ces sensations.

Mais quand j'entame la descente de notre petite allée, j'entends comme des petits gémissements. Je crois rêver mais en m'approchant je perçois plus clairement des sanglots étouffés. Une personne est recroquevillée, en pleurs... Soudain, je reconnais son visage.

- Ambre ?


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