Chapitre 18 : Viallon, j'arrive

Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je préfère garder ma nouvelle résolution pour moi. Je ne ressens pas le besoin de la partager tout de suite, il me faut sûrement un peu de temps.

Au réveil, je fais comme si de rien était, comme si tous mes projets d'enquêtes étaient soudain sortis de ma tête.

- Tu as bien dormi ? questionné-je.

- Oui, oui, répond Ambre en s'étirant.

J'intercepte une légère grimace de douleur qui passe furtivement sur son visage. Mais elle se reprend rapidement et sourit. Je tente de faire de même. Vais-je pouvoir la laisser toute seule une nouvelle fois ? Et si elle revivait ce cauchemar ?

- Ambre, fais-moi une promesse, lancé-je soudain.

Son regard se fixe sur moi.

- S'il recommence... tu sais, s'il te fait à nouveau mal...

- Oui ?

- Appelle-moi et je viendrai. Quel que soit l'heure, quel que ce soit le temps, le jour, peu importe, d'accord ?

Nerveusement, elle mordille sa lèvre inférieure.

- De toute manière, je ne quitte pas l'appartement tant que tu ne me l'as pas juré.

- D'accord. Je promets.

Délicatement, je la serre dans mes bras.

Ensuite, nous avons déjeuné et discuté un peu plus longtemps. Puis, je suis montée dans le bus.

Je n'ai pas évoqué Viallon. Peut-être que sur ce coup-là, j'avais besoin d'être seule dans mes démarches. Je sais pertinemment que si je parle à Ambre, elle va y trouver des objections et des arguments pour ne pas le faire... et elle aurait probablement raison, mais pour une fois, je n'ai pas envie d'écouter la voix du bon sens. J'ai tenté de le faire pendant tous ces mois, et voilà où ça m'a mené : nulle part.

Oui, je vais tout faire pour rencontrer cet homme, pour discuter avec lui. Peu importe ce qu'il faudra affronter pour y parvenir.

Sans que je m'en rende compte, le bus s'est stoppé à mon arrêt. J'ai l'impression d'être une Lisa différente de celle qui est montée hier. Comme quoi, en vingt-quatre heures, beaucoup de choses peuvent changer. Mes recherches, les photos, l'appel avec le collègue, tout ce qui s'est déroulé il y a pourtant peu de temps me paraît maintenant dater d'une autre époque ; celle où je n'avais pas encore cette nouvelle conviction.

- Tu t'es amusée ma chérie ? questionne maman.

Amusée ? Ce n'est pas le terme que j'emploierais pour décrire, le stress, le doute, la colère, la peur et toutes ces émotions que j'ai ressenties hier. Pourtant, je hoche la tête, comme toujours. Parfois je rêverais de tout raconter dans les détails à ma mère, et de lui ouvrir tout simplement mon cœur. Ce serait tellement plus simple si nous pouvions être fusionnelles et sur la même longueur d'onde. Mais je connais d'avance sa réaction, elle va stresser et s'inquiéter pour moi, me recommander des séances de psy et me dire de me concentrer sur mes études à la place. Moi je veux bien entendre ce discours, mais il faut que je comprenne.

Une fois seule dans ma chambre, j'attrape l'ordinateur et mes nouvelles recherches débutent. Mes doigts tapent immédiatement « Détention provisoire ».

La détention provisoire est l'emprisonnement d'une personne qui n'a pas encore été jugée. La personne mise en examen placée en détention provisoire a des (visites, correspondance, ...). Certains droits peuvent être limités par le juge d'instruction.

Mes yeux naviguent, mes doigts notent, mon cerveau enregistre. Nous faisons un travail d'équipe.

- On peut donc leur rendre des visites... Viallon, j'arrive, murmuré-je.

Vous souhaitez rendre visite à une personne condamnée ?

Vous devez demander un permis de visite. Le chef d'établissement ne peut refuser de délivrer un permis aux proches du condamné excepté pour des raisons liées à la sécurité et au bon ordre de l'établissement ou pour prévenir la commission d'infractions. Il peut délivrer un permis à d'autres personnes si elles contribuent à la réinsertion sociale ou professionnelle du condamné ou si elles jouent un rôle sur sa santé.

- Et que se passe-t-il si ça joue un rôle pour la santé du visiteur ? marmonné-je.

Nerveusement, j'entortille mes cheveux autour de mes doigts. Tout paraît si concret, c'est écrit noir sur blanc.

Je continue à me renseigner sur le sujet tout le reste de la soirée. Inutile de préciser que plus je me renseigne et plus ma détermination se renforce.

Dès le lendemain, j'entame les démarches. Je commence à imprimer les formulaires, le seul souci est la case : mineur. Si je la coche, si je suis honnête, il faut que maman approuve le document et pire encore, il semblerait qu'elle doive m'accompagner. Et s'il y a bien une chose qui est certaine, c'est que son non sera catégorique.

Je ne vois que quelques issues à ce problème : attendre mes dix-huit ans, soit attendre sept longs mois, mentir, convaincre ma mère, trouver un autre accompagnateur... Aucune ne me paraît valable. Aucune ne me réjouit. Aucune ne me satisfait.

Alors quoi ? Je vais juste abandonner, je vais juste renoncer ? Certainement pas.

Je force mon menton à se relever, il ne faut pas baisser les bras si vite. Je vais trouver un moyen.

Aussitôt, je me replonge dans la recherche sur les sites du gouvernement. Je ne peux pas renoncer si vite.

Je me fige à la lecture d'un article :

Les personnes mineures doivent avoir l'autorisation de l'autorité parentale et être accompagnées d'une personne majeure.

Juste une personne majeure, pas forcément un parent !

Une idée se fraye doucement un chemin en moi. Je pourrais signer l'autorisation parentale, il ne me faudrait plus qu'un accompagnateur adulte.

- Lisa on mange ! crie maman depuis la cuisine.

- J'arrive.

Après un léger soupir, je referme mon ordinateur et range mes feuilles de recherches à l'abri des regards.

Une fois assise face à ma mère, je me sens un peu honteuse, je lui cache encore des choses, comme toujours. Elle ne comprendrait pas, me souffle ma petite voix interne. Comme quand tu lui disais que tu savais que Jade allait mourir, elle ne t'a pas crue... comme quand tu te sentais responsable de la mort de papa... Elle ne peut pas comprendre.

- Tu as des projets pour la fin des vacances à part la semaine au camping ? questionne maman pour lancer la conversation.

- Pas spécialement. Ambre voulait faire un week-end entre amis mais... je ne sais pas si ça va se faire.

Maman hoche la tête.

- Tu me préviendras si tu as besoin de quoi-que-ce soit. Tu sais, je suis désolée de te laisser seule à longueur de journée la semaine, mais je n'arrive pas à me libérer avec les soldes qui arrivent.

- Ne t'inquiète pas, assuré-je. Ça ne me dérange pas.

Tout en servant le gratin, elle me raconte l'aventure qui est arrivée à sa collègue vendredi dernier et je l'écoute. La conversation prend une tournure des plus anodines quand maman lâche soudain :

- Et Julien ?

- Quoi Julien ? dis-je prudemment.

- Vous étiez très proches, il va comment ?

- Nous n'étions pas proches du tout ! m'exclamé-je. Et figure-toi que je n'ai absolument aucune idée de comment il va.

Elle paraît d'abord surprise par mon ton agressif puis un sourire se dessine sur son visage.

- Tu es mignonne.

- Quoi ? m'écrié-je. Qu'est-ce que tu racontes ?

Son sourire attendri me répond et je lève les yeux au ciel.

Il n'empêche que je me demande comment il va maintenant ! Je sais que dans une semaine c'est son anniversaire, j'ai beau essayer de le rayer de mes pensées, je n'ai pas oublié la date. Son anniversaire... Ses dix-huit ans... Ce qu'il signifie qu'il sera... majeur ?

Je me redresse brusquement.

Il pourrait m'accompagner voir Viall... non ! Non c'est totalement impensable. Je ne veux plus de lui. Je ne vais pas m'en servir pour arriver à mes fins.

Je suis interrompue dans mes pensées par le petit rire de maman qui ne m'a pas quittée des yeux.

- Mais... ce n'est pas ce que tu crois ! lancé-je devant ses yeux malicieux.

Innocemment j'attrape mon verre d'eau et le boit d'une traite.

- J'ai juste pensé à un truc, marmonné-je les joues légèrement roses.

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