Chapitre 18 : Ils ne savent rien de ce que j'endure !

- Lisa, il faut qu'on ait une petite discussion, démarre papa.

Je m'assois.

- Comment te sens-tu ? s'enquiert maman.

Je hausse les épaules.

- Nous sommes très inquiets ma chérie, tes notes baissent, tu manges peu, tu dors peu, tu es devenue très renfermée sur toi-même...

Ils vont recommencer à se mêler de ma vie ... je soupire.

Les deux continuent à me dire à quel point c'est important de rester ouverte aux autres, qu'il faut que je surmonte la mort de Jade ... blablabla.

Je regarde ailleurs, agacée. J'en ai clairement marre de leur leçon de morale, ils ne sont pas à ma place et ils ne savent rien de ce que j'endure !

- ... nous sommes donc tombés d'accord, demain, tu reprendras les séances de psy.

Je braque soudain mon regard dans les leurs sans voix. Ils ne vont pas remettre ça sur le tapis quand même !

- Non.

Je n'ai pas l'habitude de contester si catégoriquement leurs ordres, mais le « non » est sorti tout seul. Il ne semble pas plaire à papa.

- Lisa, nous ne voulons que ton bonheur, et en tant que parents, nous jugeons qu'il est nécessaire que tu t'y rendes. Fin de la discussion.

Je me lève brusquement, leur lance mon plus mauvais regard en sortant de la pièce.

Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que j'avais enfin réussi à trouver un équilibre, certes bancal, mais je tenais debout. Je commençais même à reparler à Ambre et Julien. J'étais en train tout doucement à abaisser mes barrières et à recréer un cocon. Et ce n'est surement pas les séances avec cette psy qui croit tout savoir qui vont m'aider. Ils vont vite s'en rendre compte !

Sans compter qu'il faut que je mette bouchée double en cours pour rattraper mes notes catastrophiques. Je souffle, exaspérée.

* * *

- Je te laisse ici et je viens te chercher dans cinquante minutes. Sauf si tu veux que j'assiste à cette séance...

Je sors de la voiture sans prendre la peine de répondre. Je sens que ces cinquante minutes vont être longues puisque que je n'ai pas l'intention de prononcer le moindre mot.

- Bonjour Lisa, c'est Clémence. Tu te souviens de moi ?

Eh oui, malheureusement je me souviens.

Elle fronce les sourcils devant mon silence. Ça-va être plus difficile hein ! songé-je.

- Réponse, dit-elle comme à son habitude.

Ma bouche reste scellée.

- Nous avons besoin de communiquer pour avancer dans tes problèmes.

- Je n'ai pas envie d'être aidée. Ça ne sert à rien de me parler, dis-je.

Je m'assois et je pose mon regard sur la pointe de mes baskets. Clémence semble totalement décontenancée, mais elle se reprend très vite et commence à débiter des paroles que je n'écoute qu'à moitié. Je fixe les aiguilles de l'horloge comme si je pouvais les faire avancer plus vite juste avec le regard.

Quarante-cinq minutes plus tard, je sors à grands pas du bâtiment et je rentre dans la voiture de maman.

- Alors ?

- Alors ça ne sert à rien de m'y emmener une deuxième fois.

Elle soupire.

- Ne sois pas si catégorique. Quand tu es sortie la première fois, tu disais la même chose, mais finalement, elle t'a bien aidée pour ton hallucination.

- Non !

Je me suis vite rendue compte que protester ne sert à rien. Quoi que je dise, ils me forcent à m'y rendre deux fois par semaine. Je suis donc obligée de passer cinquante minutes très régulièrement pendant les mois qui suivent dans le cabinet. Au début, je me mure dans le silence mais au bout de onze séances, je réalise que c'est encore plus pénible, je réponds alors à quelques questions et je lui parle de mes amis et mes relations de famille. En parallèle, je reste beaucoup avec Ambre, qui n'a toujours pas reparlé à Amélie et Louane. Mes relations avec Julien se sont légèrement améliorées et j'ignore Mathis. Voilà où j'en suis.

- Tu porteras quoi ? me demande Ambre.

- S'il y a une chose auquelle je n'ai absolument pas pensé, c'est ma tenue ! dis-je.

- Et bien tu as tort. Tes dix-sept ans, ça se fête correctement !

Je hoche pensivement la tête. Cette fête d'anniversaire, je ne l'ai pas du tout vu venir. Elle ne devait pas exister, ou pas de la même manière dans ma « première vie ». Là, Ambre a organisé une grande fête dans le coin du parc et elle a invité quelques amis. J'apprécie le geste et même si j'ai été très distante, tout le monde semble pouvoir et vouloir venir.

- Vivement ce soir, soupire Ambre tandis que nous attrapons nos plateaux au réfectoire.

Ce matin, mes parents m'ont offert un joli cadre et ils m'ont embrassée rapidement avant de filer au travail. Ils sont au courant de la fête surprise de Ambre et l'ont même aidé à préparer. Je n'ai appris l'évènement que ce matin mais ce fut une agréable nouvelle.

À la fin des cours, je rentre chez moi à pieds. Ambre m'a donné les consignes : je rentre, je me change, et je vais au parc. J'applique ces directives. J'ai une légère hésitation sur la tenue même si elle n'a pas grande importance, j'enfile donc une robe simple et je sors dehors. Sur le chemin du parc, j'attache mes cheveux, plus pour occuper mes mains qu'autre chose.

Le beau temps est de retour et je savoure l'air sur mon visage.

Je ne peux m'empêcher de me dire que même si cet anniversaire s'annonce bien, j'aurais préféré qu'il y ait Jade. Mais tout aurait été tellement différent s'il n'y avait pas eu ce fameux accident. Elle m'aurait épaulé, comprise et soutenue. Peut-être que grâce à elle je ne me serais pas renfermée sur moi-même. Je me rendrais au parc avec ma meilleure amie à mes côtés, je ne sentirais pas cette boule dans mon ventre. Ce stress. Ce stress de revoir tout le monde après mon comportement envers eux. De revoir Romane, Ganaël, Mathis et puis Julien.

Je chasse ces pensées négatives et me concentre sur mon anniversaire, sur la fête qu'ils m'ont organisée et sur le cadeau reçu ce matin. J'oublie que je suis mal-à-l'aise, que demain je dois voir la psy, que je n'ai pas avancé sur mes recherches, que je n'ose plus regarder Julien dans les yeux, que ... stop ! Je vais passer un bon moment, un point c'est tout.

- Joyeux anniversaire !!! crient-ils tous ensemble et un sourire réussit à se frayer un chemin sur mes lèvres.

Oui, je vais passer un bon moment et tout sera parfaitement normal.

La musique, les verres de soda, les rires, les conversations, les batailles d'eau... tout se déroule à merveille.

Le soleil chute lentement dans le ciel, la lumière se dore et les étoiles apparaissent une à une. J'adore ce moment, il me rappelle mes longues conversations avec mon grand-père au crépuscule

- Tu aimes ? me demande Ambre.

- Oui !

Et je ne mens pas. Je passe réellement une belle soirée. J'ai évité toutes les discussions portant sur ces derniers mois, mais j'ai ri et profité. Ambre à raison, je me pose trop de questions.

- On offre les cadeaux ? propose Romane.

Ils acquiescent

Quand on était petit, c'était la toute première chose que l'on faisait, à présent ça passe en second plan.

Je déballe un ensemble de vernis venant de Romane, et des boucles d'oreilles de Mathis.

- À moi ! s'exclame Ambre en me tendant un petit sac.

Quand elle tend son bras, je remarque un bleu sur son épaule, sûrement une chute. Je déballe avec enthousiasme le papier doré et je me vois soudain, ouvrant ce même sac, touchant du tissu bleu sombre et souriant... ce tissu c'est...

- Lisa ? Ça-va ?

Je rouvre brusquement mes paupières, mal à l'aise et je termine d'éventrer l'emballage. J'en sort une jupe noire et un haut bleu marin. Pas n'importe quel haut. Celui... je ferme mes yeux contre mon gré et je suis emportée dans le souvenir.

Je me vois descendre innocente le pare soleil pour me maquiller en attendant papa. Je porte ce débardeur bleu et je le lisse du plat de la main. Papa s'assoit et démarre. On discute et brusquement...Des cris. Du bruit. Du verre. De la douleur....

- Lisa !

Ambre est penchée au-dessus de moi. Je transpire, j'ai chaud. Ma respiration est saccadée, mon cœur tambourine. Pour la première fois, j'ai à nouveau ressenti cette sensation de mort. Cette terreur.

- Qu'est-ce qu'elle a ? demande une voix lointaine.

Je me redresse.

- C'est surement un coup de chaud, mens-je.

Tous semblent accepter et je reprends l'ouverture des paquets, complètement déboussolée par ce que je viens de vivre. Je découvre un pendentif de colombe dont je n'ai étrangement aucun souvenir offert par Julien et des stylos de la part de Ganaël, quelques bonbons et bijoux. Mais je suis loin d'ici, dans ma bulle. Pourquoi est-ce qu'au moment où je me sentais à nouveau parfaitement détendue, mes fichus souvenirs doivent absolument refaire surface sans prévenir ?

Les gens finissent par s'en aller et je les remercie. Je vois du coin de l'œil Julien qui me fixe, je sens qu'il a deviné que ce n'était pas un simple coup de chaud.

- Salut ! s'exclame Ganaël tandis que lui, Romane et Mathis s'éloignent.

Ambre vient me faire la bise et je lui dis que cette fête était géniale.

Je ne précise pas qu'elle était géniale jusqu'à ce que j'ouvre son cadeau et elle disparaît, dans la nuit.

Julien s'approche derrière moi et j'ai un frisson.

- Que s'est-il passé ? murmure-t-il. Vraiment.

Je ferme les yeux. Que dois-je répondre ?

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