Chapitre 17 : Veuillez réessayer ultérieurement
- Je ne sais pas ce que tu as avec cet ordinateur, chuchote Ambre, mal-à-l'aise. Tu ne veux pas qu'on oublie tout ça et qu'on passe une petite soirée tranquille dans ma chambre.
Quand elle parle, je ne peux m'empêcher de fixer ses hématomes, la petite plaie qui est juste au-dessus son sourcil gauche, sa lèvre légèrement gonflée...
- Non, non on ne peut pas continuer comme ça, on ne peut pas juste être observatrices, dis-je.
J'ajoute plus doucement.
- Tu ne crois pas qu'il est temps d'essayer de faire bouger les choses ? Tu ne crois pas que le moment est venu, d'agir ?
- On n'est pas dans un film Lisa, tout ne va pas se passer comme prévu, et qui te dit que la situation ne va pas empirer ? Nous ne sommes pas des héroïnes de romans qui vont sauver l'humanité.
Des larmes apparaissent au coin de ses paupières.
- On parle de ma vie, de quelque chose de réel. On parle de moi.
Je baisse les yeux.
- Je sais. Mais, je m'en voudrais pour toujours s'il t'arrivait quelque chose de plus grave et que je n'avais rien tenté. Je m'en voudrais pour toujours si je ne saisis pas cette opportunité. On ne fait rien d'incroyable, on fouine juste une tout petit peu, discrètement...et prudemment.
- Oui, prudemment.
J'acquiesce et je la laisse passer devant. Tout est calme.
Une nouvelle fois, nous nous retrouvons en bas. L'ordinateur nous attend gentiment sur la table.
- La porte est fermée à clé ? demandé-je.
Prudemment, on ne joue pas aux héroïnes, me rappelé-je.
Je regarde mon amie verrouiller le seul accès de l'extérieur dans l'appartement. Nous sommes définitivement seules.
Prudemment.
- Pourquoi il l'a laissé en évidence cette fois-ci ? marmonné-je
J'ouvre le clapet de l'ordinateur et l'écran éclaire mon visage. Un bureau vide de presque toute icone ou application. Une seule se page est ouverte, elle attire le regard. Instinctivement, je place ma souris dessus et m'apprête à cliquer.
- Attend ! Ne fais pas n'importe quoi, préviens Ambre derrière mon épaule.
Prudemment.
- Oui, oui.
Je me force à attendre quelques secondes, à observer les autres icones. Puis, mon doigt presse deux fois le bouton et un nouvel écran s'ouvre. Un simple écran épuré, un logo, un sigle pour se connecter.
- Qu'est-ce que c'est ? questionné-je en lisant le nom du site. HossMail ?
- Il veut peut-être simplement consulter ses mails, propose Ambre, visiblement pressée d'en finir.
- Tu m'as dit que ce n'était pas son ordinateur.
Soudain, une pensée me traverse l'esprit.
- Mais dans ce cas... à qui était-il ?
- Ma souris se place aussitôt sur le menu démarrer que j'ouvre, le nom de session apparait.
Un nom.
Un nom que je connais si bien s'affiche.
Un nom qui hante mes rêves : Viallon.
- Ça concerne donc l'histoire de mon père ! m'exclamé-je. Je le savais, quelque chose ne tourne pas rond avec tout ça.
- Ne va pas trop vite, ça ne veut rien dire, tempère Ambre.
- Pourquoi ton père qui n'a rien à voir avec la police se retrouverait avec l'ordinateur du collègue de papa ?
Elle reste silencieuse.
Mon cœur bat vite, très vite. Mes pensées s'emmêlent, tentent de comprendre quelque chose mais elles sont à présent si nombreuses, si dépareillées. Je sens que je suis au bord de la crise de nerfs.
J'ai envie de bouger, de courir cinq cent mètres pour me remettre les idées en place. Mais non, je suis pour le moment clouée à ma chaise devant un ordinateur qui appartenait au tueur de mon père.
Ambre attrape l'ordinateur et le tire vers elle. Concentrée, elle fixe l'écran et ses yeux naviguent au fur et à mesure qu'elle déchiffre le panneau qui orne l'écran.
« Le nombre d'essais maximum a été dépassé, veuillez réessayer ultérieurement. Les mots de passe HossMail sont irrécupérables pour assurer une plus grande sécurité ».
Et un petit chronomètre défile avant le prochain essai possible, plus de cinq heures.
- Pourquoi cherchait-il à déverrouiller la boîte mail de Viallon ? questionne Ambre.
- Pour effacer les preuves, suggéré-je.
- La police ne l'a pas déjà fait ?
- Peut-être pas, ou peut-être qu'il en reste.
Mon amie paraît légèrement agacée et dépassée par tout ça. Ses sourcils sont froncés. Moi aussi j'ai l'impression que nous sommes des petits points par rapport à l'ampleur de toute cette histoire, mais j'ai autre chose en moi, une détermination puissante. Quelque chose qui me pousse à tout faire pour comprendre.
Je prends une nouvelle fois la souris et je navigue dans les dossiers. Tout est vide. Blanc. Propre.
- Viallon a donc bien un lien avec ton père. Celui qui a posé la bombe et celui qui l'a tué sont liés, après tout, c'est logique, murmuré-je.
- Ne t'emballe pas, ils sont peut-être liés pour une tout autre raison, me rappelle Ambre.
- Oui, mais avoue que c'est étr...
Un bruit de porte se fait entendre. La poignée s'actionne dans le vide.
D'un bond, Ambre se lève et claque le clapet de l'ordinateur.
La clé entre dans la serrure. Elle me tire par la main et nous remontons à toutes allure dans sa chambre.
- Ambre ?
C'est une voix féminine. Sa mère. Ambre se détend instantanément.
- Oui, il y a Lisa, on est là-haut, répond-t-elle.
Elle reporte son attention sur moi.
- Tu veux peut-être rentrer, il est bientôt vingt heures...
- Non, je reste dormir. J'ai prévenu ma mère.
Légèrement indécise, elle me fixe.
- Je ne vais pas te laisser seule dans cet état, dis-je.
Un sourire doux étire alors ses lèvres.
- Merci, lâche Ambre.
Je lui rends son sourire. Oui je vais rester avec elle-même si à cet instant je n'ai qu'une envie : être seule pour mettre mes idées et mes pensées au clair et faire le point. J'attendrais un peu, pour le moment il faut que je prenne soin de mon amie.
- Que veux-tu faire ? démarré-je.
- Rien ? Discuter, oublier un peu tout ça...
C'est exactement l'opposé de ce dont j'ai besoin mais j'acquiesce.
Et c'est ce qu'on fait : rien. Nos discussions sont les plus insignifiantes, elle me raconte plus en détail sa vie, je fais de même pour le mienne. Je lui tresse les cheveux, elle me raconte des anecdotes.
J'ai beau faire la conversation, sourire, rassurer Ambre, dès qu'un petit silence s'installe, mon esprit s'évade et file rejoindre tous les problèmes et tous les doutes qui me tiraillent.
Ce n'est que vers vingt-deux heures, que l'on ressort de la chambre. L'appartement est extrêmement calme, je suis tentée un instant de retourner fouiller l'ordinateur mais il n'y a probablement rien à découvrir.
Pense à autre chose pour le moment. Pense à Ambre.
On se lave les dents, ce qui ne nous empêche pas de grignoter des petits gâteaux une fois allongées. Elle sur son lit, moi sur un matelas gonflable à côté. Je dois avouer que j'ai déjà connu mieux comme installation, au moindre mouvement, le plastique émet des couinements pathétiques et il menace de se percer à tout instant. Ça ne m'étonnerait pas que demain matin, je me retrouve le dos contre le sol.
Mais néanmoins, j'ai quand même le sentiment d'être là où je dois être.
En très peu de temps, Ambre s'assoupit, visiblement détendue. Je me lève alors le plus délicatement possible pour éviter les couinements insupportables du matelas et j'éteins la lumière, plongeant aussitôt la pièce dans le noir. Il ne reste plus que la petite fenêtre pour éclairer faiblement.
Les minutes passent.
Je fixe la plafond, condamnée à être immobile pour ne pas réveiller mon amie.
Mes pensées ne peuvent pas changer d'obsession, ce n'est pas faute d'essayer de faire taire toutes ces petites voix insupportables qui parlent de mon père, de Jade, de Viallon, du père de Ambre, de la bombe, de Julien, de...stop ! Chut ! C'est tout ce que j'ai envie de leur crier, un énorme chut !
J'en ai assez de me torturer l'esprit. Mais j'ai beau forcer pour me concentrer sur autre chose, je n'y parviens pas. Alors je suis destinée à faire ça toute ma vie ? À ne jamais pouvoir me lever un matin sans qu'un milliard un de questions m'assaillent ? Sans que les doutes me stressent ? Sans que la culpabilité me coupe l'appétit ? Sans que la détermination et la volonté de comprendre m'empêchent de dormir ?
Soudain, une idée toute simple, toute belle me traverse l'esprit. Elle me paraît à présent si évidente, que je suis surprise de ne pas y avoir pensé plus tôt.
Je vais aller voir Viallon. Je vais lui rendre visite. Je vais me retrouver en face de lui et peut-être qu'à ce moment-là, tout s'éclairera.
Oui.
Peu importe les difficultés que je vais rencontrer pour m'y rendre et pour le voir, je vais y aller.
Je vais découvrir la vérité.
Revigorée, je jette un dernier coup d'œil au visage endormi de Ambre et je ferme à mon tour mes paupières.
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