Chapitre 16 : Le numéro n'est plus attribué
- N'oubliez pas les DM à rendre à la rentrée, reposez-vous bien et puis ... bonne année !
Un concert de grognement lui répond tandis que les chaises raclent contre le sol. Enfin, les vacances ! Je glisse mon cahier dans mon sac et je ferme la fermeture d'un geste sec.
- Passe de bonnes fêtes, me dit Mathis en s'éloignant.
Comment fait-il pour être aussi gentil après toutes les vacheries que je lui balance tous les jours ? Ce mec est incroyable.
D'un coup d'œil, je vois la voiture de maman garée sur le parking.
- Tu es venue me chercher ! constaté-je en m'asseyant sur me siège passager.
- Eh oui, il n'y a pas de temps à perdre pour que tu fasses tes valises, je t'emmène chez tes grands-parents ce soir.
- Si tôt ? m'étonné-je
- Oui on a eu un contre temps et ...
Je l'écoute parler pendant tout le trajet jusqu'à la maison. Une fois dans ma chambre, je n'ai d'autres choix que de rassembler mes vêtements, dentifrice, crème, gel douche dans ma grosse valise rouge. Je ne m'attendais pas à partir si vite, mais un peu de tranquillité ne me fera pas de mal. Cette semaine loin du lycée va me permettre de respirer un grand coup.
Après une heure et demie de route, j'y suis. Ma grand-mère m'accueille à bras ouverts et je monte immédiatement mes affaires dans ma chambre. Cette chambre qui me faisait si peur quand j'étais petite. À présent, je l'apprécie avec ces vieux tableaux et son plafond en pente, elle sent la lavande et le lit est juste sous la fenêtre. Être ici me rappelle tellement de souvenirs d'enfance. Avec mes cousins, nous passions des heures à gambader dans le jardin. Mais ça, c'était avant. Avant que mon père ne se fâche avec son frère, que la dispute prenne de l'ampleur et déchire la famille. Depuis, je ne l'ai pas revu.
Sur le petit bureau, je pose mes affaires de cours et ma feuille de questions. Celle que j'ai commencée il y a maintenant plusieurs mois. Où ? Quand ? Comment ? Qui ? Pourquoi ?
La voir me fait bizarre, juste avant de partir, je l'ai glissée dans ma valise en me disant que j'aurais peut-être l'occasion d'y réfléchir à nouveau. Il faut avouer que ces derniers temps, j'ai discuté avec Jade au cimetière mais ce sont les seuls moments où je pensais à ma mort qui se rapproche pourtant. C'est comme si j'avais soudainement lâché prise. Abandonné.
Les premiers jours, je respire l'air de campagne, je joue avec ma grand-mère et je parle avec mon grand-père. J'ai l'impression d'être redevenue l'enfant insouciante que j'étais.
- Comment va ma petite fille préférée, depuis tout ce temps ? demande grand-père.
- Bien !
Je lui souris. Je me souviendrais toujours des nuits que nous passions lui et moi, assis devant le perron à observer les étoiles. Il me montrait les constellations et nous parlions du ciel. « Raconte-moi encore une légende des étoiles ! » demandais-je chaque soir, petite. Ses histoires me berçaient et emplissaient mes rêves.
- Grand-père, on peut observer les étoiles ? dis-je.
Même si des années se sont écoulées, j'en ressens brusquement le besoin.
- Bien-sûr.
Je file chercher mon plaid le plus doux, tandis que grand-mère nous fait des tisanes.
- Tu vois cette étoile qui brille plus fort ? commence-t-il à la tombée de la nuit tandis que comme avant, nous sommes serrés, assis sur le perron.
J'acquiesce, les yeux pétillants, un sourire sur les lèvres.
- C'est l'étoile polaire, ou l'étoile du berger. Certains disent que si on la suit, elle mène vers une autre terre, une terre de bonheur et de joie, que seuls ceux guidés par l'étoile polaire pourraient trouver.
Je me laisse entraîner par sa voix, posant ma tête sur mes genoux.
- Cette Terre unique contiendrait tout le bonheur des gens qui s'y rendraient et guérirait de tous les maux. Mais tu sais que quoi qu'il arrive, les étoiles veillent sur nous. Tous tes proches y sont représentés et t'observent de là-haut.
Même Jade, songé-je. Laquelle est la sienne ?
- Les étoiles pardonnent sans juger, elles te protègent et t'accompagneront partout où tu vas.
* * *
Le lendemain, papa et maman nous ont rejoints et le meilleur moment arrive : la décoration. On monte le sapin et on accroche tellement de guirlandes que le sapin pourrait être jaune sans qu'on s'en aperçoive. Demain, c'est le réveillon. Le premier sans Jade, peut-être le dernier pour moi. Je ne souhaite pas vraiment de cadeaux, mais la magie de Noël est présente. Il ne neige pas, mais le ciel est blanc, le feu crépite dans la cheminé et les guirlandes brillent. Nous avons dans notre famille toujours fêté le vingt-quatre au soir.
Quand ce grand moment arrive, après un copieux repas, nous passons dans le salon. Comme chaque année, nous attendons minuit en discutant, les adultes enchaînant les verres de vin. Je me prends à imaginer que Jade m'enverra un message à minuit pile pour me souhaiter un joyeux Noël, comme avant. Inconsciemment, j'allume donc mon téléphone et j'ouvre la dernière conversation que nous avons eu toutes les deux.
Joyeux noël cocotte ❤️❤️❤️ !
Quand je clique sur Envoyé, j'ai conscience qu'il est vingt-trois heures cinquante-huit et que si elle le pouvait, elle me répondrait immédiatement que je suis en avance. Je souris en souvenir, elle me disait que c'était de la triche. Je sens qu'une larme me pique les yeux et quand je vois un message apparaître : Le numéro n'est plus attribué, je ne peux la retenir de couler. Comme si elles étaient jalouses, d'autres dévalent mes joues et je sors de la pièce. Pourquoi ça fait si mal ?
- Lisa ? appelle ma mère.
- J'arrive, dis-je en me faufilant dans la salle de bain.
Mon maquillage est gâché à présent, c'est malin ! Je prends appuie sur le lavabo en contemplant mon reflet. Est-ce qu'un jour cette douleur arrêtera de me compresser la poitrine à chaque rappel. C'est comme si elle était tapie dans l'ombre et au moindre brin de souvenir, elle m'enserre le cœur.
Je ne suis pas normale. En observant mes yeux, c'est la seule pensée qui me vient « Je – ne – suis – pas – normale ». Malgré moi, je sais à l'avance ce que je m'apprête à recevoir en cadeau, je sais quelle la sortie qui aura lieu dans deux mois, je sais que je vais mourir, je sais beaucoup trop de choses pour mon petit cerveau. J'aimerais pouvoir me retirer de la mémoire ces instants pour qu'ils arrêtent de me peser. Mais d'un autre côté, ne vaut-il pas mieux savoir ? Pour pouvoir éviter sa mort par exemple ? Je soupire. Tout est beaucoup beaucoup trop compliqué.
- Lisa ? répète ma mère depuis le salon.
- Oui ... un instant.
J'attrape un coton démaquillant et j'essuie mes joues. Je sèche mes larmes et je retourne dans le salon. Mon téléphone vibre dans ma poche mais je garde la tête froide, ne surtout pas se replonger dans les souvenirs.
Les quatre adultes me regardent entrer avec étonnement.
- Bah quoi, vous ne me souhaitez pas joyeux Noël, dis-je pour détendre l'atmosphère.
- Si bien-sûr s'empresse de dire ma grand-mère en me serrant dans ses bras chaleureux.
Malgré la mine inquiète de maman, tout semble re-rentrer dans l'ordre. Je reçois des friandises ainsi qu'un mini télescope, de l'argent de mes grands-parents et ma mère s'approche avec une jolie boîte.
- Tiens !
Je souris, nerveuse. Je sais ce qu'il y a dedans, n'est-ce pas étrange ?
- Merci ...
Je déchire l'emballage sans scrupules et découvre une merveilleuse chaine avec un L rempli de délicat diamants.
- Nous nous sommes dit qu'il fallait que tu aies ton premier bijou de valeur, m'explique papa.
Je les serre contre moi et mon grand-père me noue le collier autour du cou. La sensation de froid, me donne un frisson et le L se pose avec souplesse sous mon cou. Cette sensation m'avait manqué. Mes yeux sont humides. On continue à se gaver de friandises jusque tard, il vaudrait mieux dire tôt même.
- Je vais me coucher, finis-je par marmonner.
- Bonne nuit ma chérie !
C'est un véritable bonheur de m'allonger dans le grand lit qui sent la lavande. D'une main, j'effleure mon nouveau bijou, pensive.
Soudain, je me souviens de la vibration quand je suis revenue dans le salon. J'attrape mon téléphone et pour ma plus grande surprise, un message de Julien s'y trouve. Je le pensais furieux et blessé...
Je voulais te souhaiter un joyeux Noël. Tu sais, j'ai beaucoup réfléchi à tes paroles, mais je tiens à toi et quoi que tu dises, je veux être impliqué dans tes problèmes. Lisa, ne me repousse pas encore une fois et accepte que je sois à tes côtés, je ne veux pas te perdre❤️
Ma main tremble. Que faire ? Et s'il avait raison ?
Fébrilement, je tape une réponse.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top