Chapitre 13 : On ne pouvait pas faire pire...

Il y a quelque chose qui n'est pas logique et qui me perturbe. J'ai déjà vécu ce que je suis en train de vivre. D'une autre manière, avec une autre vision, mais je l'ai déjà vécu. Certaines choses, je les devine à l'avance grâce à ce retour en arrière mais d'autres ... non. Au moment de dire au revoir à Julien, je ne savais plus que faire, pourtant je l'ai vécu. Étions-nous si proches dans ma « première vie » ? Peut-être que c'est le fait de partager un secret qui nous unis ... Ce secret n'existait pas avant.

Je secoue la tête et me reconcentre sur le moment présent : choisir mon cahier d'histoire.

Je ne m'y suis jamais prise aussi tard pour faire mes achats de fournitures, mais cette année, je n'y voyais pas grand intérêt. Demain, je rentre en première, mais Jade n'est pas à mes côtés, la rentrée perd tout son charme.

J'attrape un cahier à spirales et je le glisse dans mon sac. Avant, c'était un moment sacré, mais à présent, j'étais même prête à faire mes achats après la rentrée mais maman m'a poussée à y aller maintenant.

Demain, je vais vivre un « grand jour » mais encore une fois, je l'ai déjà vécu ; je sais malgré-moi ce qu'il va se passer. Même si tout est flou dans ma tête, j'ai les grandes lignes, et une rentrée, ça ne s'oublie pas vraiment.

Bon maintenant, mon agenda. Je me déplace dans les rayons, perdue dans mes pensées et manque plusieurs fois de rentrer dans les gens.

Quand je reviens à la maison, mon sac plein, je m'écroule sur mon lit. Peut-être que demain sera ma dernière rentrée ... Si je n'arrive pas à éviter ma mort, il me reste neuf mois à vivre. Que faut-il que je me dise ? Que j'en profite ? Mais comment peut-on en profiter si on a ce poids à traîner derrière nous ?

- Lisa, on mange, dit maman en passant la tête dans l'entrebâillement de la porte.

Pour une fois, papa se joint à nous. Hier, je les ai entendus se disputer à ce propos. Les souvenirs de ce qu'il va se passer sont très vagues autour de papa, mais il ne me semble pas que ça va aller en s'arrangeant. C'est tellement étrange comme sensation. La sensation de savoir en avance tout en étant dans le doute et le flou. Dans mon carnet, parfois je regrette de ne pas avoir été plus précise sur ce genre de détails, j'ai simplement écrit les événements marquants.

Une fois le repas terminé, je file me coucher, sans même préparer mon sac ou mes vêtements.

Rien que ça. Le fait que je n'organise rien, c'est différent de ce que j'avais fait dans ma première vie ; est-ce que ce genre de choses peut changer le futur et me permettre de ne pas mourir ? Peut-être qu'il faut que j'évite de reproduire les mêmes gestes.

Je crois surtout que je me pose trop de questions à la fois.

* * *

Je suis éveillée par la sonnerie stridente de mon réveil. Je grogne. Ça faisait presque trois mois que j'en étais débarrassée.

Quand j'allume mon téléphone, un message de Julien s'y trouve :

J'espère qu'on sera ensemble 😊 Et évite d'être en retard pour une fois 😉

Je souris mais ne réponds rien. Au fond de moi, je pressens la réponse, je sais bien que rien n'est sûr, que peut-être une de mes actions a changé la donne et que peut-être je suis avec des gens différents ... mais c'est peu probable.

En fait, ma vie se résume à des « peut-être ».

J'enfile une tenue et je fourre mes achats d'hier dans un sac.

Maman me souhaite une bonne journée tandis que je sors. Nos relations se sont beaucoup améliorées après ces vacances au camping. Ça non plus, je n'en avais aucun souvenir ... mais sûrement que ça ne s'est pas déroulé ainsi la première fois. Maman ne m'avais pas prise pour une folle car pour elle, je n'avais pas eu d'hallucination... tout était tellement plus simple !

En arrivant devant l'établissement, je n'échappe pas aux embrassades collectives. Je ne suis pas restée en contact avec mes amis, sauf Julien évidemment et puis Ambre de temps en temps. Revoir Ganaël, Mathis et puis Romane est très étrange.

Je plaque un faux sourire et je les salue. Puis, avec une légère sensation de stress, je m'avance vers les listes. Même si je le sais déjà, mais j'espère encore au miracle. Je parcours les feuilles une pas une, elles ne sont pas très nombreuses et dès la deuxième je tombe sur mon nom : CREUZE Lisa. Je finis la liste mais pas de LINDON Julien. Je lui lance un petit regard déçu. Évidemment, il se retrouve avec Romane dans la troisième classe. Avec moi, il y a Ambre mais aussi ... Mathis. Je soupire profondément. On ne pouvait pas faire pire. Je me rends en traînant les pieds jusqu'à ma salle, cette année promet ! Une fois devant la porte, j'y trouve Ambre.

Elle s'avance immédiatement vers moi en souriant.

- Ça va Lisa ? Tu as passé de bonnes vacances ?

Je souris mais ça sonne faux. Rester avec elle, me perturbe. Et si c'était ça qui provoquait ma mort ? Il ne faut surtout pas que je reproduise toutes les erreurs du passé. Mais en même temps, ça paraît si illogique, pourquoi Ambre aurait-elle un quelconque rapport avec un meurtre ? Mon meurtre en l'occurrence.

- Je prends ça pour un oui ? relance-t-elle.

- Oui, c'était cool.

Elle acquiesce. Je remarque qu'elle semble fatiguée et elle a de gros cernes. Voyant que je la fixe les sourcils froncés, elle paraît légèrement décontenancée. Devant mon manque d'enthousiasme, Ambre me jette un rapide coup d'œil et part rejoindre d'autres filles à la fin du rang.

Et s'il fallait que je reste plus avec le groupe, comme avant ? Et s'il fallait que je continue comme si Jade était encore là ? Je ne comprends plus rien à cette affaire et y réfléchir me donne mal à la tête.

Tout est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop compliqué.

- Coucou Lisa.

Aaah ! Il ne manquait plus que lui.

- Oui Mathis ?

Je m'en veux un peu d'être si dure avec lui, mais il ne semble même pas comprendre le message.

- Tu veux qu'on se mette à côté ? demande-t-il.

On se croirait en sixième avec ce genre de question. Je m'apprête à secouer la tête négativement mais une pensée apparaît : Et s'il fallait que je change le tournant ? Que je sois radicalement différente pour que rien ne m'arrive ?

- Oui ...

Je ne l'ai pas dit avec beaucoup de motivation, néanmoins, son visage s'éclaire. Sûrement que je le fais espérer pour rien, tant pis, j'ai d'autres chats à fouetter.

Je n'écoute que d'une oreille les explications de ma professeure principale et gribouillant dans un coin de mon cahier de brouillon. Elle répète qu'il y a le bac de français en fin d'année et des épreuves de spécialités. Je me fige. Dans mes souvenirs, le bac de français n'en fait pas partie, normal, je ne l'ai pas vécu. Soudain, ça devient plus concret. Je balaie ma classe du regard. Eux, ils vont le passer, mais moi ? J'espère que oui et c'est bien la première fois que je donnerais tout pour passer une épreuve.

- Lisa ? Tu écoutes ? Il faut se mettre par binôme pour les casiers, me dit Mathis en me tirant de mes pensées. On se met ensemble ?

Je hausse les épaules.

- Peu importe.

Il s'empresse alors de noter nos deux noms côte à côte sur la feuille dédiée tandis que je porte mon attention vers la fenêtre. À quoi va ressembler cette année ?

* * *

À la sortie des cours, je m'apprête à aller parler à Julien, mais je le trouve en grande discussion avec Romane. Je fais donc demi-tour et je commence à rentrer à pied. Seule. Il faudra bien que je m'y habitue à ce genre de trajet. Mes écouteurs vissés dans mes oreilles, je me concentre sur simplement mettre un pied devant l'autre.

Mon téléphone vibre soudain au creux de ma poche.

Julien : Tu es où ? :-/

Moi : En chemin.

Julien : Ah ! Tu as été rapide dis donc... Ça-va ? 😉

Moi : Oui.

Puis j'éteins mon téléphone, je n'ai pas envie de poursuivre cette conversation. C'est comme si je lui en voulais, comme si c'était de sa faute...

Pourtant je sais qu'il n'y peut rien, mais l'imaginer avec Romane toute la journée, m'énerve profondément. Pourquoi ? Il n'y a aucune raison, si ?

À présent, nous sommes repartis pour des mois de cours,mais sans Jade, et puis sans Julien dans ma classe, le lycée va rapidementdevenir un véritable calvaire.

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