Chapitre 12 : Et cette fois, pour de bon

- Lisa, ma belle, viens vite par-là !

Je ne me fais pas prier et je me laisse encercler par ces bras protecteurs.

- J'étais si inquiète pour toi, me dit ma grand-mère.

Je souris tristement. C'est la mère de maman. Je vois bien plus souvent mes grands-parents maternels, car les autres habitent près de Paris et ne font pas beaucoup d'efforts pour nous voir, je sais que papa entretenait une relation tendue avec eux.

Quand elle me lâche, j'ai à peine le temps de cligner des yeux que je suis dans les bras de mon grand-père. Maman à côté de nous décharge la voiture en souriant légèrement. Nous allons avoir le droit à une pause de deux semaines. Deux semaines de détente.

- Entrez, entrez, j'ai fait des rouleaux de printemps pour l'occasion, m'annonce ma grand-mère avec un sourire chaleureux.

Juste avant que nous ne passions à table, je monte installer mes affaires dans la chambre qui sent la lavande. Je suis prise de nostalgie en voyant les cadres penchés qui me terrorisaient. Comme à chaque fois que je viens ici, j'ai envie de redevenir une petite enfant. J'ai envie d'avoir comme seuls soucis, l'égratignure que je me suis faite en tombant dans les graviers.

- À table ! crie grand-mère un étage plus bas.

Pendant quelques secondes, je clos mes paupières et j'inspire à pleins poumons l'odeur de la pièce. Je pourrais presque entendre mes cousins chahuter dans l'escalier pour être le premier à table. Mais quand je les rouvre, le silence s'abat autour de moi. Ces souvenirs, c'était avant, avant que la dispute avec mon oncle vienne déchirer la famille...

Je descends manger calmement et je m'assois avec les trois adultes déjà présents.

J'ai beau demander deux rouleaux de printemps à grand-mère, elle m'en met quatre. Incorrigible, mais je ne proteste pas. Je souris même.

Ces deux semaines, tombent à pic. La pression du bac peut à nouveau redescendre. Je n'ai aucune chance de croiser Julien, et ici, personne ne viendra me déranger. Je peux passer mes journées à réfléchir dans ma chambre, à me balader aux alentours, ou à discuter en bas. Le bonheur. Exactement ce qui me fallait.

Ma grand-mère n'en rate pas une pour me dorloter, elle paraît tellement heureuse que nous soyons ici, je ne peux que partager son opinion.

Maintenant, je suis couchée sur le lit à fixer le plafond et à repérer tous ses défauts depuis vingt bonnes minutes.

- Pourquoi ? murmuré-je. Pourquoi papa enquêtait ?

Je me redresse brusquement.

- C'est vrai ça, sur quoi portait l'enquête ?

Cette question aurait dû être la première que je devais me poser. La toute première.

Sur quoi portait ces investigations ? Sur le père de Ambre ? Sur la photo observée au milieu des papiers ? Comment connaître la réponse ?

- En cherchant, soufflé-je. Et cette fois, pour de bon.

Même si j'adore ces vacances et ces moments tranquilles, je n'ai maintenant plus qu'une envie : rentrer à la maison et me plonger dans les papiers de papa. Malgré cette volonté, je profite encore des soirées passées à observer les étoiles avec mon grand-père et des discussions si rassurantes.

Je verse même une petite larme quand vient le moment de se quitter. Sur la route, maman semble émue, elle aussi était chouchoutée pendant ces deux semaines.

- Je reprends le travail, je vais devoir te laisser seule toute la journée à partir de demain. J'espère que ça ne va pas te gêner...

- Pas du tout, réponds-je en toute sincérité.

Elle fronce les sourcils.

- De toute façon je compte me reposer donc ça ne change pas grand-chose, m'empressé-je d'ajouter pour la rassurer.

Elle hoche la tête en se reconcentrant sur la route.

Comme prévu, elle part tôt le lendemain et moi, dès que la porte d'entrée se claque, je bondis hors de mon lit. Je n'ai jamais été aussi motivée à m'extirper de ce nid douillet. Sans une seule hésitation, je descends en bas et récupère l'énorme pile. Une fois dans ma chambre, le travail commence.

Et cette fois, je ne vais pas le faire à la légère, je vais passer au peigne fin chaque information. Sur mon bloc note, j'inscris ce que je comprends. Et ça, jusqu'à midi passé. Jusqu'à ce que maman m'appelle pour me demander si je mange bien, et pour me demander si ça va.

- Oui, oui, je vais y aller tout de suite, assuré-je.

- Le Tupperware est dans le frigo, il faut juste que tu le réchauffes au micro-onde, m'indique-t-elle.

- D'accord.

- Et si tu as besoin de quoi que ce soit, tu m'appelles tout de suite ok ?

- Oui, marmonné-je.

Parfois, je me demande si j'ai réellement 17 ans...

Tout en avalant le plat préparé avec soin par maman je récapitule à voix haute les éléments.

- Papa et Viallon enquêtaient sur une soirée où des dealers et alcooliques se retrouvaient. Au cours de la soirée, ça a dégénéré et une personne a été retrouvée le lendemain inconsciente et blessée. Elle est décédée deux jours plus tard, par overdose.

On se croirait dans un film noir.

- Eric Lahe-père de Ambre- se trouvait à cette soirée ainsi que deux autres personnes et ils seraient responsables d'après les images de la caméra de ce qu'il s'est produit. Mais pourquoi Éric Lahe n'a pas été arrêté dans ce cas ?

Mon assiette est finie, je la range dans le lave-vaisselle.

- Et quel est le rapport avec Viallon si ce n'est qu'il enquêtait aussi, il faut que je trouve plus d'éléments le concernant.

Je retourne d'un pas déterminé jusque dans ma chambre envahie par les papiers. Aussitôt la musique lancée, je poursuis mes investigations. Papa mentionne quelque fois de son écriture penchée que le comportement de Viallon est légèrement évasif et qu'il n'est pas très actif. À d'autres, il soutient qu'il aura besoin de l'aide de son collègue. Je finis par m'embrouiller complètement et vers dix-sept heures, je comprends qu'il est préférable de m'arrêter là.

Il faudra que je parle à Ambre de tout ça, mais j'ai peur de sa réaction. Le seul qui est au courant du carnet, de ce que je savais à l'avance, de la bombe, c'est Julien. Il pourrait m'aider lui... non ! Il ne pourrait que rendre les choses encore plus compliquées. Cette relation serait toxique. Je ne suis certainement pas faite pour être en couple. C'est au-dessus de mes forces.

Je n'ai d'ailleurs pas expliqué à Ambre ce qui s'était déroulé avec lui, nous n'avons pas échangé de messages. Ni à personne d'autre. J'aimerais tellement faire comme s'il ne s'était rien passé! Et en même temps, je garde précieusement ces instants gravés dans ma mémoire.

Je n'ai même pas le temps de continuer à me torturer l'esprit, je reçois justement un message d'Ambre.

« Tu es rentrée de chez tes grands-parents non ? J'espère que c'était bien 😊. On pourrait se voir demain ? Bisous ! »

Je réponds positivement à cette proposition, de toute façon, il faudra bien qu'elle soit au courant de tout ça à un moment ou un autre et le plus tôt serait le mieux. Malgré l'assurance que je tente de mettre dans ma réponse, une bouffée de stress m'envahit. Comment va-t-elle réagir ?

Tout en réfléchissant, je range les feuilles éparpillées et je les glisse dans un de mes tiroirs. Je tente ensuite de prendre un air détaché au retour de maman, comme si j'avais passé la journée la plus tranquille de mon existence.

* * *

L'air chaud de l'été balaie mes longs cheveux qui tirent vers le blond en ce mois de juillet particulièrement ensoleillé. Je ne suis pas la seule à me diriger vers le parc, je croise des enfants en trottinette, une mamie avec ses deux petits chiens, un homme qui porte un chapeau original. Au milieu de tout ça, je ne dois pas me faire remarquer. Je ressemble à toutes les adolescentes de mon âge. Je me fonds dans la masse et parfois, ça fait du bien.

Nerveusement, je jette un coup d'œil à ma montre. J'ai dix minutes d'avance. Je ralentis alors l'allure et je fais un petit détour. Je n'ai pas envie d'attendre seule. Je préfère encore paraître occupée en marchant.

Mais je remarque rapidement Romane qui me fixe. Elle ne pleure pas, mais elle ne sourit pas non plus. Son regard est braqué sur moi, je sens que cette situation peut vite, très vite devenir malaisante.

- Salut, tenté-je peu convaincue par mon approche.

Elle hoche brièvement la tête.

- Ça-va mieux ? demandé-je avec un peu plus d'assurance.

J'ai à peine le temps de finir ma phrase qu'elle soupire bruyamment. Et déclare d'une voix pleine de sarcasme.

- On a dit qu'on oubliait cet épisode, ok ? C'était la première fois que tu voyais quelqu'un autre que toi qui pleurait c'est ça ? Ça t'a choqué ?

Je recule d'un pas. Vexée. C'est vraiment ça qu'elle pense de moi ?

- Tu crois vraiment ce que tu dis ? craché-je, toute compassion envolée.

Brusquement son visage change. Son masque de haine s'efface quelques instants. C'est maintenant elle qui semble gênée. Mais aussi vite qu'il a disparu, son masque réapparaît.

- Bon j'y vais, finis-je par dire.

Et je m'éloigne d'elle sans scrupule.


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