Chapitre 11 : Clairière ensoleillée
On est au milieu du mois de juillet, l'après-midi pour être précise et j'ai décidé de poser les choses pour essayer d'y voir plus clair.
J'attrape une grande feuille blanche et je note en espaçant les questions suivantes : Où ? Quand ? Comment ? Qui ? Pourquoi ? J'ai pris mon plus beau feutre pour les noter. Le même que j'utilisais petite pour écrire « Chambre de Lisa – ne pas déranger » sur ma porte. Je m'allonge ensuite sur le sol et je pose ma tête dans mes mains.
La première question : Où ? La réponse, je la connais, j'inscris « Au bout de l'allée devant chez moi ». Je peux passer à la seconde question : Quand ? J'écris « mai – mardi ». Je réfléchis en mâchouillant le bout de mon stylo. Le bal du lycée devait être organisé le 29, il me semble. Combien de temps avant suis-je morte ? Je creuse ma mémoire mais je suis rapidement interrompue par maman qui entre sans prévenir dans ma chambre.
Immédiatement, je retourne ma feuille pour cacher les inscriptions. J'ai pensé quelques fois à tout lui dire, mais je sais d'avance qu'elle paniquera et voudra me faire soigner. Et puis nos relations sont plus que tendues en ce moment...
- Il ne faudra pas que tu oublies de préparer tes valises, dit-elle.
Je soupire, j'ai toujours aimé ces vacances au camping, mais maintenant que papa a annoncé qu'il ne venait pas à cause d'une affaire primordiale et que la famille de Julien ne peut pas nous accompagner non plus, je ne suis plus très motivée. Maman dit que ça permettra de resserrer les liens mère-fille. Je ne suis que moyennement convaincue par cette théorie. Nous partons demain, et je ne suis pas ravie.
À contre cœur, j'abandonne ma feuille et je commence à regrouper des affaires, les questions tournant encore en boucle dans ma tête.
Le soir, maman entre à nouveau dans ma chambre, un petit sourire en coin.
- J'ai une surprise, annonce-t-elle.
J'incline la tête.
- Il se pourrait bien que les LINDON viennent passer quatre jours de camping avec nous...
Mes yeux s'éclairent.
- Mais ... tu m'avais dit qu'ils ne pouvaient pas cette année ! dis-je.
- C'est vrai, ils ne peuvent pas venir au début, c'est pour ça qu'ils viendront trois jours après nous. Tu es contente ?
- Oui !
Nos deux familles partent ensemble quasi tout le temps, notamment au camping. C'est les meilleures vacances que j'ai passées avec Julien, à chaque fois, notre amitié est renforcée et petits, nous sommes très vite devenus inséparables grâce à ces moments partagés.
Cette année, j'avais espéré passer la semaine au camping avec eux comme d'habitude, mais ils m'avaient annoncé ne pas pouvoir.
- Tu savais depuis quand ? menacé-je.
- Longtemps, mais on voulait te faire la surprise, je te préviens maintenant pour que tu fasses ta valise en conséquence...
- Qu'est-ce que ça change pour ma valise ? m'étonné-je.
- Peut-être que tu emmèneras des tenues plus belles.
Je lève les yeux au ciel.
- En réalité, je ne supportais pas cette petite tête triste quand je parlais du camping.
- Mais toi, tu es contente qu'ils viennent ? demandé-je.
Elle hoche la tête.
- J'adore parler avec ses parents et ça va te faire du bien de passer de bonnes vacances après ce que tu as enduré cette année.
Je lui saute dans les bras. Elle paraît étonnée mais heureuse. Ça n'était pas arrivé depuis longtemps.
Une fois qu'elle est sortie de la chambre je me jette sur mon téléphone.
- Allo ?
- Tu savais ! m'exclamé-je. Tu savais et tu ne m'as rien dit !
- Heu, je ne vois pas de quoi tu parles, répond Julien.
J'entends son sourire à sa façon de parler et je ne peux m'empêcher de faire de même.
* * *
Deux jours plus tard, en claquant la portière, je ne me sens plus du tout aussi déprimée à l'idée des vacances au camping.
Papa se penche par la vitre ouverte pour m'embrasser et me souhaiter de bonnes vacances. Je ne réagis que moyennement à son étreinte, toujours déçue qu'il ne prenne pas plus de temps pour être avec nous. Nous passons après ces fichues enquêtes.
Le moteur démarre et nous nous éloignons dans l'allée. Pendant la première partie du trajet, nous n'échangeons presque pas de parole, il y a de la tension dans l'air.
- Comment ça va avec tes amies ? tente maman.
J'hésite à rentrer dans son jeu ou à juste répondre « bien ».
- Ça-va, Ambre est gentille avec moi, et ça me permet de ne pas être seule...
Maman tourne sa tête vers moi.
- Pourquoi seule ? Tu ne restes plus avec tes amis ?
- Je ... non. Ça me rappelle trop Jade, murmuré-je.
Elle reporte son attention sur la route en acquiesçant doucement.
- Et ton petit cœur, il est pris ? Tu es amoureuse ?
Je me fige.
- Quoi ... non !
Elle rit et je n'arrive pas à croire que je parle de ça avec elle.
- Tu peux me le dire tu sais, je suis ta mère.
Je secoue la tête.
- Et avec Mathis, vous n'êtes plus ensemble, c'est ça ?
- Mais... comment es-tu au courant ? m'exclamé-je.
- Je suis ta mère et une mère sait ce genre de chose.
Si vous voulez mon avis, cette phrase est inquiétante ... Mais je ne peux m'empêcher de sourire devant sa mine malicieuse.
- Non, on est plus ensemble.
Pour éviter d'autres questions, je monte le volume de la radio et j'ouvre les fenêtres. La tête appuyée contre mon dossier, je repense à ce qu'il vient de se passer, peut-être que ces trois jours mère-fille ne vont pas être si terribles après tout.
Arrivées au bungalow, on déballe nos affaires.
- Petit tour à la piscine ? propose maman.
J'acquiesce et je file enfiler un maillot de bain. À chaque fois que je viens ici, j'ai l'impression d'être déconnectée du monde réel le temps d'une semaine. Je ne pense plus au lycée, aux soucis, je vis pleinement.
Les jours qui suivent sont plutôt agréables. On fait des randonnées, on se baigne... On parle plus toutes les deux, comme si on apprenait à mieux nous connaître. Je ne suis pas encore prête à lui avouer mon secret, mais peut-être que ça viendra un jour...
Allongée sur mon lit, je fixe le plafond. Tout paraît si normal, comment est-ce possible que quelqu'un veuille ma mort ? Qui ? Je pense aux membres de ma famille, mais personne ne semble me détester, mon oncle peut-être... Mais c'est impossible, je ne lui parle jamais.
Romane ? Non ! Elle ne m'apprécie pas mais elle ne sera pas capable de commettre une atrocité pareille... Ambre ? Non.
Je continue à lister des gens ainsi, mais je sens bien que ça ne mène strictement nulle part, sauf peut-être vers l'angoisse et le stress.
Une pensée s'insinue en moi : peut-être que je ne connais pas encore le tueur, peut-être qu'il arrivera dans les mois qui suivent et développera une haine contre moi. Il faut que je me méfie de toutes les nouvelles rencontres. Je soupire. Je suis en train de devenir carrément parano, mais à ma place, qui ne le serait pas ?
* * *
- Il fait beaucoup trop chaud ! soupiré-je en sautant sur le caillou en face.
- On arrive presque, m'assure maman.
Voilà presque une heure que l'on marche en plein soleil et maman a beau m'assurer que le résultat en vaut la peine, je reste sceptique.
- Tu ne te souviens pas ? Nous y sommes déjà allés il y a quelques années...
Ces vacances au camping ne sont pas une nouveauté, on y va presque tous les ans et à chaque fois, on invite la famille de Julien à venir. C'est la première année où papa ne nous accompagne pas. C'est étrange, je le sens tellement distant et pris par son travail, il n'était pas comme ça avant...
- C'est bon, je vois la crique ! s'exclame maman.
J'accélère l'allure. En effet, à une cinquantaine de mètres, la petite plage blanche nous attend. Mes lèvres s'étirent en sourire. Dans ce coin paradisiaque, je peux oublier, un cours instant, tous mes soucis, je peux oublier Jade, le carnet, l'accident. Je peux tout oublier tandis que mes pieds s'enfoncent dans le sable chaud. Le doux parfum salé de la mer me rappelle tant de souvenir. Je jette ma serviette et je cours vers l'eau en riant. Et rire c'est rare en ce moment.
Les vagues mes chatouillent les orteils. Je lâche mes cheveux et je plonge. L'eau est fraiche. Ça me fait du bien après deux heures de marche sous une chaleur écrasante. Maman me rejoint et nous nous laissons porter par les vagues qui nous ramènent sans relâche vers la plage. S'il fallait mettre pause sur un instant, ce serait maintenant. Les yeux rivés vers le ciel, le soleil réchauffant mon visage et les vagues me berçant doucement dans leurs bras accueillants.
Une fois la baignade terminée, nous nous allongeons sur les serviettes et j'attrape mon téléphone abandonné dans le sable. J'ai un message de Julien :
Julien : On part demain à la première heure, mes parents sont super contents et moi aussi 😊
Je souris. J'ai l'impression que j'étais au milieu d'un forêt sombre, dense et envahissante et que soudain, je venais de trouver une clairière ensoleillée où me reposer, le temps de passer. Juste le temps de passer. Et après ce ne sera qu'un dur retour à la réalité.
Bon, qu'en pensez vous ? Un avis ?
J'espère que vous appréciez toujours ce livre...🤨🤞🥰
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