Chapitre 1 : Rien du tout

Noir.

Mes paupières semblent scellées.

- Lisa ?

Je suis tellement loin...

- Lisa il faut que tu te réveilles maintenant.

Je reconnais la voix de ma mère.

- Bon Lisa, à quoi tu joues ? Il faut vraiment que tu réveilles, ça devient inquiétant et puis Jade t'attend.

Mes sourcils se froncent.

- Jade ? marmonné-je. Mais... c'est impossible.

Étrangement, je ne crois pas avoir mal quelque part. Peut-être que je suis au paradis, ou je-ne-sais-où, loin de la réalité. Oui sûrement, sinon pourquoi la voix de maman me parlerait-elle de Jade ? Est-ce que papa y est aussi ?

- Je panique sérieusement à présent ! Lisa si tu n'es pas levée dans cinq minutes, je rappelle le médecin, il n'avait pas l'air ravi la dernière fois ! clame-t-elle en s'éloignant.

Pourquoi crie-t-elle ? Je ne comprends plus rien...

J'entends un bruit de couvert dans la cuisine. Est-ce qu'ils font la vaisselle au paradis ? Tout ça me paraît vraiment bizarre. Quelque chose cloche.

- Quatre minutes Lisa !

Je soupire, les parents peuvent rester pénibles même après la mort ? Je n'ai pas signé pour ça moi.

Après un énorme effort de concentration, j'arrive à lever lourdement mes paupières. Un plafond. Un plafond que je connais si bien, rempli d'étoiles phosphorescentes. Mais que fais-je dans ma chambre ?

- Trois minutes !

- Arrrg...grogné-je.

Je me sens toute vaseuse, j'ai du mal à y voir clair. La seule chose que j'ai intégré, c'est que je suis morte et pourtant je n'en ressens aucun symptôme. Après, personne ne peut nous raconter ce qu'il a vécu après la mort, le paradis, l'enfer, l'au-delà, tout ça, ce ne sont que des suppositions.

- Deux minutes ! Et tu as réellement envie qu'il te dise que ton cinéma a assez duré ?

Mais de quel cinéma parle-t-elle ?

Je me redresse lentement dans mon lit, un gout de bile dans la bouche. En observant mieux, je reconnais bien ma chambre, mais elle semble légèrement différente. Je ne saurais pas dire exactement ce qui a changé, mais je ne la trouve pas totalement identique.

Le bracelet Ying-Yang, n'est plus pendu sur le petit crochet, et quelques photos manquent à l'appel sur le mur. Pourquoi se seraient-ils amusés à reproduire le décor de ma chambre en oubliant des détails ?

Je contemple ma tenue. Je porte un vieux pyjama. Ils se permettent de changer ma tenue en plus ? Je ne portais pas ça lors de l'accident.

L'accident.

Je frissonne en y repensant.

- Une minute ! Lisa, Jade va s'impatienter, et moi aussi.

Bon. C'est logique finalement que Jade soit là, elle est morte elle aussi, mais maman ? Est-elle morte en même temps que nous ?

J'ouvre mon placard et j'attrape le premier sweat-shirt qui me vient. Je sors ensuite prudemment de la pièce. Ma maison est entièrement identique ? Non, encore une fois, je remarque quelques petites choses ou décorations qui ne sont plus à leur place.

Soit c'est volontaire, soit ils ne sont vraiment pas doués. Quand je dis « ils » je parlent de ces gens au paradis. Ceux qui ont changé ma tenue, qui m'ont mis dans le lit et ont fait le décor.

En passant dans le couloir, je jette un coup d'œil à la fenêtre. Les arbres se balancent doucement. Même l'extérieur a été fait !

- Zéro minute ! Bon Lisa je viens te chercher et...

Maman s'arrête juste avant de me foncer dedans au milieu du couloir. Je la contemple avec attention, pour moi ses cheveux n'étaient pas exactement de cette longueur, encore une boulette des constructeurs ? Je fronce mes sourcils, ça commence à faire beaucoup...

- Qu'est-ce qu'il y a, j'ai un crapaud à la place du visage ? Pourquoi tu me fixes avec cet air ? aboie-t-elle.

- Non, non, c'est juste que...rien.

C'est à son tour de froncer les sourcils.

Je lui passe devant et je marche jusque dans la cuisine. Soudain, je m'arrête net. Mon reflet dans le miroir. Je ne suis pas exactement comme dans mes souvenirs. Même moi ! Je n'ai pas mis ces boucles d'oreilles depuis plusieurs mois et mes cheveux ont encore des mèches blondes, ma peau semble plus lisse et mon collier L n'est pas autour de mon cou. Quelque chose ne tourne vraiment pas rond dans cette affaire !

- Eh ! Ne crois pas que tu pourras t'en sortir comme ça, reviens ici Lisa, tu me dois des explications.

Je me tourne lentement vers elle, une expression de profonde incompréhension sur le visage.

- Alors ? relance-t-elle.

- Je ne vois pas trop de quoi tu veux parler...hasardé-je.

- Tu te fiches de moi ! Ça fait trois jours que tu sèches les cours et que tu ne veux pas te réveiller, tu te rends compte du stress que tu as engendré !

Je passe nerveusement ma main dans mes cheveux. Je n'ai absolument aucune idée de ce qu'elle raconte.

- Tu as bu ? Fumé ? Tu t'es droguée ?

Je fais non de la tête.

Une larme perle au coin de son œil.

- Alors qu'est-ce que tu as fait ?

Je reste silencieuse. Je sens qu'elle est au bord de pleurer.

- Et toi maman ? Qu'as-tu fait ? murmuré-je finalement.

Elle redresse la tête interloquée.

- Qu'est-ce que j'ai fait ? Bah, je me suis inquiétée comme une folle devant ma fille qui ne voulait plus ouvrir les yeux ! Qu'est-ce que tu crois ? J'ai même appelé le médecin qui a dit que tu n'avais aucun symptôme, qu'il fallait juste que tu te réveilles. Tu crois que je suis une mère indigne, c'est ça ?

- Non, bien-sûr que non.

- Alors pourquoi tu me demandes ce que j'ai fait ? Tu penses que...

- Non, je voulais dire, qu'est-ce que tu as fait pour te retrouver ici ?

Cette fois elle ne peut retenir une larme.

- Ici ?

- Oui, comment es-tu morte ? insisté-je.

Maman attrape une chaise de la cuisine et s'affale dessus.

- Lisa, je ne saisis pas ce que tu racontes.

- Moi non plus ! répliqué-je. Et c'est quoi cette histoire de Jade ?

- Mais enfin, ta meilleure amie aussi s'inquiète pour toi, c'est normal, parfaitement normal...

- Non ce n'est pas normal ! Et encore moins parfait ! crié-je. Ma meilleure amie est morte !

Ma mère plaque une main sur son cœur, l'air totalement retournée. Mais ce n'est rien par rapport à ce que je ressens.

- Rien de tout ce que tu racontes n'est logique ! m'écrié-je. Je ne comprends absolument plus rien ! Rien du tout !

Maman ne parle pas, elle se contente de me fixer comme si j'étais possédée.

- Où est papa ?

- Au travail, au commissariat, répond-elle d'une voix tremblotante.

Je soupire. À l'instant où je m'apprête à reprendre la parole, la sonnerie de la porte retentit.

- C'est Jade, murmure maman.

- Non c'est impossible ! Pourquoi vous êtes toutes les deux ici, alors que tu n'es pas morte et qu'elle si ?

Je me frappe le front en essayant de comprendre et maman pose une main qui se veut rassurante sur mon épaule.

- Je...je ne sais pas. Ma chérie, on va aller voir quelqu'un qui t'aidera à y voir plus clair, d'accord ?

- Non, je n'ai besoin de personne, juste d'être seule un moment.

Ma mère acquiesce et je fonce dans ma chambre tête baissée. Je l'entends discuter à la porte d'entrée, sûrement avec cette Jade. Je claque la porte derrière moi et je me laisse tomber sur mon lit.

Bon, je suis morte, mais au lieu de me réveiller au paradis, je suis en enfer. Ou bien maman est morte aussi mais ne veut pas l'admettre. Mais et papa ? Tout ça n'a aucun sens. J'ai une sensation de stress qui envahit ma poitrine, je me sens seule, je ne comprends rien.

Sans vraiment m'en rendre compte je finis par sombrer dans un sommeil léger.

Quand mes paupières papillonnent à nouveau, j'ai espoir que ce ne soit qu'un mauvais rêve mais malheureusement, je porte encore mon vieux pyjama et j'ai toujours mes mèches blondes, celles que je me suis faites pour mes seize ans.

Peut-être que... non, non ce n'est tout simplement pas possible. Mais pourtant beaucoup d'indices convergent et j'ai comme un pressentiment, un sentiment étrange.

Mon cœur bat fort contre ma poitrine, j'ai besoin de savoir.

Fébrilement, j'ouvre les tiroirs de mon bureau. Je pousse les carnets, les chewing-gums et ma calculatrice jusqu'à tenir au creux de mes mains, mon agenda.

Mon agenda.

Mon vieil agenda.

Mon agenda de l'année passée...

Je me fige. C'est tout bonnement impossible et pourtant, les coins ne sont pas encore tous arrachés. Je le feuillette, si Jade peut être ici, c'est qu'on n'a pas cours. Et maman a dit que j'étais inconsciente depuis trois jours. Mes doigts tremblent légèrement en arrivant au dernier coin arraché. Je compte trois jours. Vendredi, samedi et dimanche. Dimanche 7 avril de l'année dernière. Et je serais prête à parier que le jour de mon accident nous étions mardi. Un mardi en mai, plus d'un an après. J'attrape brusquement ma calculatrice et je tapote nerveusement sur les touches en me répétant « Ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible ». Il semblerait que je sois environ 400 jours avant ma mort. Comment ? Pourquoi ?

Je tourne en rond dans ma chambre jusqu'à la crise de nerfs. J'ai dû rêver de la mort de Jade, de mon accident, de tout, il n'y a pas d'autres options.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top