[25] Amour - Fin
« Merci. »
Je tournai la tête vers lui, arquant un sourcil.
« Pourquoi tu me remercies ? »
Il détourna légèrement le regard et remonta le duvet jusqu'à son nez. Je finis par lui sourire doucement.
« De rien alors... J'imagine... »
Mais cette nuit-là, c'était différent. Les draps étaient chauds, brûlants, délicieusement brûlants. Ma main ne freinait pas lorsqu'elle entra en contact avec le torse nu de Bill. Nos jambes s'entrelacèrent. Nos corps n'ont jamais été aussi proches. Mes lèvres laissaient des traces sur le cou du démon. Mes épaules gardaient les marques de ses dents. Ses doigts n'étaient pas très experts, mais je m'en fichais. Je pris les initiatives pour lui montrer. Il avait aimé. Il grognait. Il gémissait. Il gémissait mon nom.
Il m'a sorti le « Je t'aime » que j'avais si longtemps cherché.
J'aurai dû lui répondre. Mais j'avais joui. Et l'occasion m'est passée à côté.
•◇•◇•◇•
« Le secret du bonheur en amour, ce n'est pas d'être aveugle mais de savoir fermer les yeux quand il le faut. »
-Simone Signoret
•◇•◇•◇•
J'éteignis finalement la lumière de bureau et me laissai glisser hors de la chaise. La pénombre me caressait langoureusement les bras tandis que je cherchais ma veste. Cela fait, couvert, je quittai mon laboratoire et arrivai à l'étage principal du Mystery Shack. Mes cernes n'étaient pas très creusés. Je réajustai mes lunettes et pénétrai dans l'antre mystérieux. Un homme se tenait là. Il avait vingt et un ans. Ses cheveux clairs étaient légèrement moins frisés qu'il y a cinq ans, liés en couette basse, des mèches rebelles parsemant le bord de son visage. Une écharpe embrassait son tour de cou, d'une charmante couleur opposant celle à ses yeux bleu vif. Sa petite barbe de deux jours lui offrait ce petit quelque chose en plus qui faisait de Théo un homme aussi attirant.
Lorsque le jeune homme m'aperçut, il abandonna son carton de marchandises et s'approcha de moi.
« -Bonjour Mister Pines. » ronronna-t-il avec son accent français si particulier.
« -Bonjour chéri, en forme à ce que je vois... » répondis-je sur ce même ton, avec un chaste baiser que je lui volai.
Sourire suspendu à ses lèvres, il se détourna de moi pour continuer son travail. C'est alors que la patronne du Mystery Shack fit son irruption dans la pièce.
« -Dip', tu n'as pas oublié ce que tu as à faire, n'est-ce pas ? » demanda Mabel en me tendant un café encore brûlant que je pris plaisir à y tremper mes lèvres.
« -Chercher la statue du musée pour l'exposition, oui, difficile d'oublier quand tu le répètes h.24 depuis le début de la semaine... » soupirai-je avec un sourire narquois.
« -Dipper.
-Quoi ? Je suis sérieux. »
Elle plissa des yeux, sans vraiment apprécier mon comportement matinal. Je finis par ricaner légèrement et offrit le reste de café à mon petit ami.
« -J'y vais de ce pas, j'ai terminé mon travail de toute façon.
- Toujours sur tes expériences ? » Je lui fis face, mine pensif, comme si je réfléchissais à quelle repartie je pourrais emprunter. Heureusement pour ma sœur jumelle, Théo fut plus rapide que moi.
« -Tu sais à quel point il adore son petit monde de rat de laboratoire... »
Je lui fis une pichenette bien méritée avant de tourner les talons.
« -Vous m'énervez. »
La dernière chose que j'entendis avant de fermer la porte derrière moi fut leurs rires moqueurs.
[...]
La statue du castor-axolotl-licorne se trouvait à présent dans le coffre de ma voiture. Le doux ronronnement de son moteur me ravit. Lorsque l'heure qu'affichait la radio se figea sur onze, « Hote N Cold » envahit l'atmosphère à la douce senteur de sapin que diffusaient les sièges de l'automobile rouge cuivré. Fredonnant l'air en tapotant des doigts sur le volant, je pus apercevoir le soleil se poser, grâce à sa lointaineté, au sommet d'une montagne. Je me redressai sur mon siège en souriant légèrement, me forçant à recouvrer un minimum de concentration sur la route, jusqu'à ce que je remarque une silhouette se tenant sur son bord. En regardant un peu mieux à travers les verres de mes lunettes, j'aurai dit un homme, avec un enfant qui lui tenait la main.
« -Un auto-stopper... Encore un... »
J'activai le frein et m'arrêtai devant eux. La vitre de ma voiture descendit lentement.
« -Je vous dépose quelque part ? ... »
Mon cœur rata alors un battement. Ce sourire, je le reconnaitrais entre mille. Ses yeux bleus aussi. Ses cheveux. Ses tatouages visibles. Cette air de malice.
« -Ça fait lentement, Pinetree. »
Passèrent alors plusieurs secondes de silence. Sans même prendre la peine de couper le contact, je bondis hors de ma voiture et m'accrochai à son cou.
« -Oh Bill, bordel, Bill, j'y crois pas, je n'arrive pas à y croire... Bill... Bill... » Mes sanglots eurent l'effet d'un soulagement à mes oreilles.
Parce que j'étais heureux. Mais rapidement, peut-être trop à mon goût, je finis par le repousser.
« -Non, attends. Qu'est-ce que tu fais ici ?! Ça fait cinq ans que tu m'as laissé en plan !! Tu ne peux pas revenir comme ça ! C'est quoi ton excuse, hein ??
-Dipper, je te présente Mayron. Maymay, dis bonjour à ton autre papa. »
Ne sachant que faire de ma colère et ma surprise, je baissai les yeux sur le petit garçon qui s'entortillait les mains dans les manches de son pull. Il était blond à reflets châtain, avec de grands yeux marron d'innocence et des joues rebondies d'enfant, picorées de taches de rousseur à la beauté d'une jeunesse lointaine.
« -B-bonjour... » me dit-il avec des étoiles dans les yeux en étirant les bras dans ma direction, me demandant visiblement une étreinte.
Moi, ne sachant où me mettre, je ne pus que le fixer lamentablement.
« -Mayron... ? »
Au vue du sourire gêné du démon humanoïde, la question ne devait même pas être posée. Et pourtant, je ne pouvais rien dire d'autre.
« -C'est... Pour ça que tu es parti ?
-Je suis désolé, j'ai eu peur de t'en parler, alors... »
Bill enfonça les mains dans les poches de son pantalon.
« -Je me suis enfui pour l'élever seul. »
Mayron sortit légèrement sa lèvre inférieure et ses yeux brillèrent d'un éclat de tristesse pitoyable. Il étira un peu plus ses bras, sans que je puisse me résoudre à le toucher.
« -Bill... Pourquoi es-tu revenu ?
-Tu vas trouver stupide. Mayron fête ses quatre ans le dix-sept juin. Il va bientôt faire le grand saut, alors je me suis renseigné à propos du fonctionnement de la maternelle, mais en voyant tous ces jeunes parents devant les écoles et dans les magasins de fournitures scolaires, discutant, s'inquiétant à propos de leurs enfants qui entrent déjà au collège... J'ai eu peur de ne pas faire le bon choix. »
Il prit une lourde inspiration et reposa enfin les yeux sur moi.
« -J'aimerai que Mayron ait ses deux parents. C'est pour ça que je suis revenu. Pour que tu viennes avec nous.
-Tu me demandes de quitter le Mystery Shack ?
-Je te demande de quitter l'Oregon... Pour l'Alaska.
-L'Alaska ?!
-On habite dans une petite ville, Adak, connu pour sa très faible population. Moins de quatre cents ! Et il y a des choses intéressantes qui s'y passent ! Tiens, écoute ça ; rien que la semaine dernière, on a retrouvé un homme décédé dans son salon, sans ses yeux et des écailles dans le cou. Mystérieux, pas vrai ?
-En Alaska ?? Bill, c'est...
-Trop dingue pour toi ?
-Loin, j'allais dire...
-Pas tant que ça, tu sais ? »
Le petit garçon avait abandonné l'idée de me faire un câlin et gardait à présent la tête haute, le visage tourné vers le ciel, observant les nuages qui traversaient l'azure. Sa frange tombait sur le côté, comme l'on voyait une étrange tache de naissance en forme de triangle sur le front. Le Triangle était une petite constellation dans l'hémisphère nord, connu déjà depuis l'époque grecque. La voyant, je ne pus que prendre conscience de ce qu'il m'arrivait. J'avais eu un fils, conçu très certainement lors de la seule nuit de tendresse interdite que j'ai eu avec l'être démoniaque, et je venais de le rencontrer.
« -Pinetree, j'ai vraiment envie qu'il ait ses deux parents. » Son insistance sonna désespérée à mes oreilles.
« -Et... J'ai vraiment envie d'être avec toi.
- Je ne peux pas. »
Je le sentis se raidir sous le poids de ma réponse nette.
« J'ai un mec, une sœur, mon propre laboratoire, un bon salaire et...
- Une routine. Je te connais, Dipper Pines. Plus que tu ne le crois. Tu n'as jamais aimé la stabilité. Tu aimes l'action, l'aventure et les mystères. »
Je mordis l'intérieur des joues, écrasé par la vérité.
« -Bon, d'accord. Peut-être bien que je t'aime. Je n'ai jamais cessé t'aimer, même en ayant une relation avec Théo. Je te le dis cinq ans en retard, mais je suis fou amoureux de toi, Bill Cipher. Et tu es un grand malade qui m'apprends que j'ai un fils, et qui me demandes de déménager dans un endroit encore plus perdu que Gravity Falls. »
Mayron restait dans son coin, et lorsqu'il aperçut mes bras tendus vers lui, il n'attendit pas pour se précipiter vers moi. Ses petites jambes enjambèrent l'herbe sans grande difficulté et il se laissa tomber contre moi. Je le serrai contre mon torse et le soulevai.
« -Ça veut dire quoi ? C'est un oui ?
- Que j'accepte, idiot de triangle. Tu as raison. C'est pas vraiment une vie à partir du moment où Gravity Falls n'a plus aucun secret pour moi. Tu m'as parlé d'un mort sans yeux avec des écailles dans le cou ?
- Oui, c'est bien ce que j'ai dit.
- Alors allons-y !
- Quoi, maintenant ?
- Pourquoi attendre ? Je pars chercher mes affaires et on y va !
- Papa vient a'ec nous ! Yaaa !! » s'exclama Mayron avec un large sourire et en tapant dans ses petites mains potelées.
[...]
Elle était magnifique avec son couvre-chef bleu ciel, sa robe de la même teinte et ses talons cirés qui claquaient à chacun de ses pas. Ses longues boucles cascadaient le long de son dos, allant jusqu'à caresser le parterre. Son visage s'était reculé légèrement, ce qui libéra une infime lueur de soleil qui entra en contact avec ma peau. Que c'était agréable...
« -Pourquoi souris-tu comme ça... ?
-Mabel... T-tu as fait c-ce qu'il fallait... Je t'aime... »
L'arme à côté d'elle ressembla à une ombre sans forme prédéfinie. Lorsque je sentis l'étreinte de ma sœur disparaître, je n'étais pas pour autant mort. Le pistolet qu'elle avait utilisé s'allongea doucement. Un serpent apparut à la place. Et lorsqu'il prit vie, le reptile s'enroula lentement autour de moi, de mes bras, de mon cou, de mes jambes, de mon ventre, comme s'il ne cessait de s'allonger. Il serra sa prise. Je me sentis suffoquer. Un peu hasardeux, je tâchai d'attraper la bête pour l'éloigner de moi. Le serpent fondit à mon contact. Il se transforma en eau. L'eau monta. L'eau noya le paysage. L'eau me noya. Mais je ne me noyais pas vraiment. Les profondeurs étaient sombres, et le sommet bleu-vert. D'instinct, je nageai vers le haut. Les vagues étaient calmes. J'aperçus l'ombre d'une petite embarcation. Une main en sortit et m'attrapa par la mienne pour m'aider à me hisser hors de l'océan. C'était Bill. Il avait une magnifique tenue d'explorateur.
« -Je t'ai enfin retrouvée, créature des fonds marins... » me murmura-t-il en passant une main sur ma joue humide. Ma queue de sirène claqua contre le bois. Il m'embrassa...
.
.
.
Et je me réveillai. Et pour la première fois depuis que je faisais en boucle ce rêve, j'eus une fin. Une fin qui me convenait. Et j'espère que je ne le referai plus jamais.
« -Hm... Pinetree... Reviens, c'est froid... »
Je bâillai et me recouchai, prenant soin d'enlacer mon compagnon semi-endormi, comme il l'avait désiré.
« -Je suis là, ne t'inquiète pas... Rendors-toi. » lui murmurai-je en refermant les yeux.
Dehors, le soleil ne semblait pas s'être encore levé. Adak prenait vraiment son temps pour se réveiller, que l'on soit en été ou en hiver. Mais cela nous importait peu. Bill a toujours aimé faire la grasse mâtiné. Il se trouvait que Mayron aussi. Et pourtant, le voilà qui poussait légèrement la porte, et le grincement me fit rouvrir les yeux.
« -Maymay, retourne te coucher... » grogna Bill qui l'avait également aperçu, et qui ne le cachait pas.
« - Il est midi passé, j'ai faim, moi...
- Midi ? Sérieusement ? Bill, réveille-toi, on ne peut pas rester toute la journée au lit ! Mayron, tu es sûr ?
- Bienvenue en hiver, papa. La table est déjà mise, je vous attends en bas. »
Je roulai sur le flan pour jeter un œil à mon réveille-matin. Et effectivement, l'heure était très avancée. J'étais pris de cours.
« -On arrive. » ricanai-je en me mettant assis, faisant un léger signe à l'adolescent pour qu'il quitte la chambre.
Celui-ci leva d'ailleurs les yeux au plafond avant de tourner les talons, usant de sa magie pour refermer la porte derrière lui. Bill, qui avait entendu mon appelle, m'attrapa le bras et me força à me réallonger, puis vint se positionner à califourchon sur moi.
« -Il peut bien attendre encore dix minutes, non ? »
Son sourire malicieux disparut sous le baiser que je lui arrachai.
« Mab', voici Bill.
- Bill ??
- Et je te présente notre fils. Mayron, voici Mabel, ta tante.
- Oh mon Dieu, Dipper ! ... C'est incroyable... »
Le matelas cambra sous nos poids superposées, faisant grincer les ressorts dans une joie sans nom.
« Tu as tout ?
- Oui !
- Hé ! Freine un peu ! Il y a un enfant à bord de ta bagnole !!
- Je sais conduire, Bill ! Oh, tu peux prendre mon portable dans mon sac ?
- Pour quoi faire ?
- Faudrait que je rompe avec Théo, tu ne crois pas ?
- Tu vas le faire par téléphone ? J'adore !
- Tu adores mon idée ?
- Je pensais plutôt à quel point tu es devenu plus cool.
- Hé !!
- Je rigole, t'inquiète pas Pinetree... ~ J'ai trouvé son nom dans les contacts, j'enclenche le haut-parleur. »
Brusquement, je le fis tomber sur le côté et m'empressai de me mettre à quatre pattes au-dessus de lui, décidant que c'était mon tour de le dominer.
« -Je t'aime, stupide triangle.
-Je t'aime encore plus, petit sapin. »
On se réembrassa, plus sauvagement cette fois. On n'entendait même plus notre fils nous appeler une énième fois depuis la salle à manger.
On n'entendait plus rien sauf les flots de l'amour.
.
.
.
*lâche le micro* Fin... ~
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