[20] Absence

Le grand blond se pencha en avant pour mieux constater le paysage à travers la vitre du bus. Il se leva d'un bond et se précipita à l'arrière pour réveiller Dipper.

Il ne fallut pas plus de cinq minutes pour qu'ils sortent du car. Et voilà, le vieux Yannick se retrouvent à nouveau seul... Mais personne ne se soucie d'un vieux chauffeur de bus, je ne suis qu'un figurant.

•☆•☆•☆•

"La bêtise est l'absence de l'esprit, comme la sottise est celle du jugement."

~Benjamin Delessert 

•☆•☆•☆•

Le bus s'en alla. Bill leva la tête pour apprécier les rayons du Soleil de Californie lui caresser la peau, tandis que moi, je cherchais mon téléphone portable au fond de mon unique sac à dos.

« -Tu ne t'es pas trop ennuyé durant le voyage ? » demandai-je avec amusement, voyant le démon bailler.

« -Non, j'ai discuté avec le chauffeur de bus. J'ai appris à le connaître ; il a un fils qui te ressemble.

-Qui me ressemble ? Comment ça ? » Il baissa ses saphirs pour me regarder droit dans les yeux.

« -Intelligent, intéressent, déterminée, et rêveur.

-Et en quoi ça me ressemble ?

-Je t'ai imaginé à la place de cet humain sur le moment, alors je pense qu'il y avait bien une raison.

-Si tu le dis. » Je lui souris et enfilai mon sac à dos. L'hôpital où était ma sœur se trouvait à vingt minutes à pieds depuis l'arrêt de bus, mais avant d'y aller, j'aimerais passer chez nos parents. Prévenant le démon de ce petit détour, nous nous mîmes en route. Je reconnaissais très bien la rue de mon enfance. Chaque jour je la traversais pour rejoindre l'arrêt de bus, où le véhicule de ramassage scolaire amenait Mabel et moi à l'école, et ce, jusqu'à la fin du lycée. Après avoir marché quelques minutes, nous arrivâmes devant une grande maison blanche. « C'était toujours le même jardin avec cette même place de parking. Et ce trottoir où j'avais heurté ma sœur, c'était toujours le même également. Pourquoi ne le changeait-on pas ? » La main de Bill se posa sur mon épaule.

« -Tu te sens bien Pinetree ?

-Oui, juste angoissé. La dernière fois que j'ai vu mes parents c'était à Pâques... » Il sourit et me tira jusqu'à la porte d'entrée. J'essayais de le faire ralentir, mais cette fois-ci, il se montra plus fort que moi. Après instant d'hésitation, je toquai. « Une seconde... Deux secondes... Sept secondes. » Et comme chaque fois, sept secondes suffirent à maman pour ouvrir la porte.

« -Mason, mon chéri, tu es venu ! » S'exclama-t-elle en me serrant dans ses bras. Ses longues boucles blondes retombèrent sur nos épaules. C'était doux. Finalement, elle m'attrapa les joues et détailla le visage sous tous les angles.

« -Tu manges assez ? Et du sport, tu en fais ? Tu sais qu'il te faut faire régulièrement des exercices physiques, c'est ce qu'avait dit le médecin ! » Je ris doucement en croisant ses yeux marrons.

« -Oui maman, je vais bien. Nous pouvons entrer ? Je dois chercher quelque chose... » Elle me questionna du regard, avant de détourner les yeux en direction de Bill.

« -Tu as amené un ami ! Bonjour, je suis la maman de Mason mais tu peux m'appeler Méline !

-Bonjour Méline. Je m'appelle Bill. Bill Cipher, le colocataire de Dipper, enchanté de vous connaître. » Il embrassa le dos de la main de maman. Cette dernière sourit, certainement satisfaite des bonnes manières de ce sadique démon, avant de nous inviter à entrer.

« -Papa n'est pas là ?

-Il travaille Mason, il travaille, tu devrais le savoir. » Je soupire et m'assois sur le canapé, Bill à ma droite. Ma génitrice s'excusa afin de préparer du thé pour nous trois. Soudain, je sentis mon ami s'agiter à côté de moi.

« -Mason ? C'est ça ton vrai prénom alors ?

-Oui Bill, mais il n'y a que mes parents qui m'appellent encore comme ça.

-J'aime bien moi, certes moins que Dipper, mais ça sonne bien quand même... Mason. ~

-Je préfère que tu continues de m'appeler Dipper. » Il me tira la langue. Lorsque maman revint dans le salon, un plateau d'argent dans les mains je ne pus m'empêcher de fixer le démon du coin de l'œil. Il lui souriait, certainement par politesse, ou alors il était vraiment content d'être là...

Je pris ma tasse brûlante et l'approchai de mes lèvres. La lave verdâtre se remuait comme la mer fumant de la même façon qu'un train à vapeur mourant, et me donnait l'impression d'être dans un bain chaud. Ça faisait remonter des souvenirs ; la première fois que j'ai vu Bill prendre un bain, le jour il a voulu gouter au café aussi. Tous ces moments étaient reliés à ce type, sans exception. On dirait que je ne me rappelais plus de rien, mis à part son sourire et ses blagues de mauvais gout. Et toutes ses images se volatilisèrent lorsque je pressai le bord de ma tasse contre mes lèvres, me faisant sursauter tellement c'était chaud.

« -Et donc, comment vous êtes-vous rencontrés ? » nous demanda maman en remuant un biscuit devant nos yeux, avant de le tremper pour le manger. Bill et moi s'échangeâmes un regard hésitant, et finalement, c'est moi qui pris la parole.

« Au Mystery Shack. C'était un client et... On s'est bien entendu. Bon pas tout de suite, disons que Bill et moi... Avions eu un différent dans la passée, mais tout s'est arrangé avec le temps. » Bill accorda à mon mensonge sa bénédiction d'un hochement de tête, avant de poser sa tasse en souriant perversement.

« -Oui, et même que depuis quelques semaines nous dormions dans le même lit.

-Bill ! » c'était moi qui devenais rouge.

« -Mason ! » c'était maman, elle avait l'air choquée et interrogative.

« -Maman ne l'écoute pas ! C'est un con qui ne fait que mentir !

-Mason !!

- Bill ! » S'écria en dernier celui-ci – il a hurlé son propre prénom, cet idiot - avec un sourire amusé avant d'éclater de rire, réellement satisfait de la situation. Je lui donnai un coup de coude pour le faire taire, ce qu'il fit en se mordant les joues, rouge. Ma mère leva les yeux au ciel.

« -Mason, pour l'amour du ciel, es-tu gai ?

-Quoi ? Maman ! B-bien sûr que non !

-Rappelle-toi que ça va à l'encontre de la volonté de Dieu si tu l'es.

-Je ne suis pas croyant maman.

-Regarde-toi mon poussin, tu te prends la tête avec les recherches de ton défunt grand-oncle Stanford. Tu ne fais même pas de sport. Et depuis que Mabel ait été internée dans cette hôpital, tu... Mon cœur, je m'inquiète pour toi. Ton père se fait un sang d'encre lui aussi. Peut-être que si tu nous appelais plus souvent... » Je baissai la tête, ignorant le regard embarrassé de Bill qui ne se sentait pas à sa place, pour une fois dans sa vie. Peut-être se disait-il être allé trop loin ?

« -Je sais maman... » La femme aux cheveux blonds se leva et quitta le salon en nous priant de l'excuser.

« -Tu pleures Pinetree... ? » me murmura le démon en se penchant vers moi. D'un revers de manche, j'essuyai mes larmes naissantes et relevai la tête. Je lui souris. Après une infime poignée de secondes il me le rendit.

Je crois que c'était notre truc à nous ; sourire sans répondre, car le sourire en lui-même était une réponse.

Lorsque maman revient dans la pièce, je me levai du canapé et montai les escaliers, laissant Bill avec elle. La chambre de ma jumelle était juste à côté de la mienne, cette dernière étant désertée depuis mon déménagement. Je me refusais d'y entrer, incapable de m'imaginer ce qu'elle était devenue ; mes parents l'avaient-ils réaménagée ? L'avaient-ils laissée intacte ? Peu m'importait. En face de ma porte – bleue avec DIPPER peint blanc - se trouvait celle de ma sœur – rouge avec MABEL peint en arc-en-ciel, décoré de paillette et de dessin au feutre indélébile. Je caressai la cloison de bois, mélancolique, avant d'attraper la poignée pour la baisser. L'ouverture colorée se laissa pousser dans un léger grincement, laissant pénétrer la lumière du couloir ce qui dévoila les poussières volatiles qui régnait dans la pièce. Je traversai le couloir et ouvris grand les rideaux violets. La chambre n'a pas été entretenue depuis ces quatre mois, j'imaginais que la mienne non plus... Le lit était fait, cependant, et longeait le mur sur la droite. À sa gauche, la fenêtre offrait la vue sur le jardin. L'armoire se tenait à gauche, orné d'une multitude de photos - j'en apparaissais sur beaucoup - collés aléatoirement. J'ouvris la porte du meuble et inspectai soigneusement chacun des pulls confectionnés par Mabel. Je pris son préféré, à savoir le pull rouge avec une étoile filante dessus, ainsi qu'un jeans bleu océan et des souliers noirs. Avant de quitter la chambre, je me risquai de choisir un bandeau bleu pour ses cheveux, puis ceci fait, je les pliai soigneusement dans mon sac à dos et refermai la porte derrière moi. Le mieux à faire serait de rejoindre les deux pipelettes au rez-de-chaussée, mais la porte devant moi se mit à m'appeler. Hésitant, je m'en approchai et l'entrouvris pour y passer ma tête. Elle était comme je l'avais laissée il y a toute ces années, mais elle ne contenait plus mes affaires personnelles. Juste ce vieux lit, ce vieux bureau, cette vieille armoire et ce vieux tapis étoilés. « Pourquoi ne l'avais-je pas pris déjà ? » J'entrai dans cette pièce isolée et déposai mon sac au pied sur lit. Je ne tirais pas les rideaux sombres qui embrassaient la fenêtre, préférant laisser cette atmosphère abandonnée pour ne pas donner l'espoir de revenir vivre ici. Elle avait même perdue mon odeur ; ce n'était plus ma chambre. A présent, cette cage demeurera vide et sans vie. Je retirai mes chaussures et m'approchai du tapis. C'était si doux... Je me couchai dessus et fermai les yeux. Il était assez grand pour tenir deux fois pas taille, c'était pour ça que je ne pouvais pas le prendre à Gravity Falls ; trop grand pour le mettre dans la voiture. Mais comme je suis venu en bus, ça devrait faciliter les choses, non ? « Pourquoi ne suis-je pas venu en voiture ? – Avais-je peur de refaire la même erreur qu'il y a quatre mois... ? » C'était si confortable... Il faisait si bon dans cette chambre... Je me souvenais à quel point il m'était difficile de partir...

Soudain, j'entendis quelqu'un se glisser à côté de moi. J'ouvris les yeux et aperçus Bill. Ses yeux bleus étaient figés au plafond, comme si la douceur de ce tapis le surprenait autant qu'à moi. Nous ne disions rien, nous regardions simplement mon vieux plafonnier de crépit. Mes bras longeaient mon corps, me permettant ainsi d'apprécier le délicat contacte de nuage céleste. Et bien même que cette sensation me relaxait, la vue de mon ami si près de moi faisait tambouriner mon cœur dans sa prison thoracique. C'était comme si je n'arrivais plus à respirer.

« -Pinetree ? » chuchota Bill sans détourner le regard du ciel blafard. Je l'interrogeai d'un petit « Hm ? » en tournant la tête sur le côté.

« -Ta mère m'a demandé si j'étais bien avec toi... » J'aurai juré que sa voix tremblait.

« -Et tu lui as dit quoi ? » me risquai-je de demander, voyant qu'il tardait à enchaîner.

« -Je crois que j'ai fait une connerie. » Je me mis assis, ne comprenant pas.

« -Bill, tu lui as dit quoi bon sang ? » Il évitait toujours de me regarder dans les yeux. Il prenait tellement de temps à répondre que ça me faisait stresser.

« -Je lui ai dit que j'ai déjà essayé de te tuer, et que je ne savais pas quoi répondre sur le coup. Mais elle ne sait toujours pas qu'il je suis réellement. » Je ne répondis rien. Il continua.

« -Je suis désolé.

-Ne t'excuse pas, je ne te pensais pas capable de faire mieux de toute manière. » Aucune réponse de sa part.

« -Elle a répondu quoi ?

-Rien. Juste qu'elle était contente que je le lui ai avoué. Je dois être comme un ancien meurtrier pour elle... Au moins, elle est certaine que tu ne puisses pas aimer un type comme moi.

-Et dire que ma mère pense que je suis gai.

-Tu l'es, n'est-ce pas ?

-Si elle le savait, elle serait détruite. Elle est très croyante tu sais, Bill ?

-Comment il s'appelle ? Je ramenais mes jambes contre moi.

-Noé, mais c'est de l'histoire ancienne maintenant. Il est fiancé à Mabel et moi, je me retrouve seul au Mystery Shack, appréciant la visite de Soos et Candy, Pacifica aussi et... Wendy. Sans eux je serais tout seul...

-Mais je suis là moi.

-Mais tu vas t'en aller, n'est-ce pas ?

-Chaque chose en son temps, Pour le moment, je dois sauver ta sœur. Ensuite, j'ai toujours envie de prendre possession de ton corps pendant vingt-quatre heures pour pouvoir plonger dans les escaliers sans abimer mon corps actuel.

-Espèce de masochiste...

-Ca veut dire quoi ?

-Rien rien. Mais après ça, tu partiras, n'est-ce pas ? » Il se contenta de fixer le rideau d'un air absent. « Quelle question stupide. Bien sûr qu'il s'en ira... »

•☆•☆•☆• Pas de bonus •☆•☆•☆•

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top