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De manière un peu inhabituelle, le trio sortit de leur lycée en même temps. Ils ne s'étaient pas arrêtés dans leur salle. Tout le monde avait un programme chargé : Seungmin à la supérette, Felix avec son cousin, et Hyunjin en soirée.
Le noiraud n'avait développé une appréciation des soirées que très récemment. Tout s'était fait assez vite, sans qu'il ne le comprenne vraiment. Il ne se trouvait pas dans la même classe que ses deux meilleurs amis alors il avait eu besoin de sociabiliser. On lui avait proposé une soirée, il avait pensé non, dit oui pour, il ne savait pas trop, s'intégrer vu que tout le monde y allait ? s'était retrouvé avec un verre rempli de... quelque chose, dans une main, d'une roulée dans l'autre, discuter avec n'importe qui, un peu importe où, et surtout à se déhancher sur tout ce qui pouvait ressembler à une piste danse.
Au début, il avait eu du mal. Et puis, une fois rentré chez lui, une fois qu'il s'était étalé sur le sofa usé et un peu mort – comme lui ? – de son appartement, une seule pensée lui avait traversé l'esprit : « C'est dingue. ». Il avait adoré et il avait recommencé.
Il y retournait dès qu'on lui en proposait une. Ce soir, c'était chez Seo Changbin. Ses préférées.
« Le mec a une baraque de dingue ! expliquait-il en écartant les bras comme pour donner plus d'intensité à son propos. Ça se voit que ses parents sont pétés de thunes, nan mais qui a une véranda en plein Séoul ? C'est à se demander ce qu'il fait dans un lycée comme le nôtre...
—On est plutôt bien classés, quand même, rappela Seungmin. C'est la seule raison pour laquelle mes parents n'ont pas demandé de dérogation. »
Ah oui, les parents de Seungmin. Hyunjin les craignait un peu, alors il ne passait chez lui que lorsqu'il était sûr de ne pas les croiser.
« T'es sûr que tu veux pas venir ? Peut-être que tu pourrais kiffer en vrai, t'as besoin de prendre l'air. Felix est trop amoureux des jeux vidéo pour que je le traîne.
—Même si je le voulais, je n'ai pas le temps et tu le sais. En plus mes parents me tueraient. Ta mère est vachement laxiste.
—Elle me laisse vivre, nuance. »
Même si ses sourcils se froncèrent, Seungmin ne rétorqua pas.
« Bon les gars, je dois vous laisser, intervint Felix en arrivant à un carrefour. J'ai promis à mon cousin qu'on materait un film ce soir.
—Ciao l'ami ! »
Seungmin agrémenta la salutation du noiraud d'un petit geste de la main alors que le rouquin prenait une direction totalement différente de la leur.
« Tu sais, même si c'est pas en sortant avec moi, je pense que ce serait cool si tu te trouvais un truc à faire en dehors de l'école, de ton petit job... de travailler dans tous les sens du terme, finalement.
—On a le club de photographie, c'est suffisant.
—Oh, te moque pas de moi ! Felix prend bien plus de photos que toi et moi réunis. »
Touché. Seungmin haussa les épaules.
« J'essaierai de trouver du temps, conclut-il sur un ton qui ne laissait pas à Hyunjin l'occasion de savoir à quel point sa promesse était sincère. »
Avant qu'il ne pût rétorquer, les deux adolescents arrivèrent au passage piéton qui leur servait de point de séparation.
« À demain, lança Seungmin avant de tourner les talons. »
Hyunjin le regarda s'enfoncer dans la rue avant de reprendre son trajet jusque chez lui.
Quand il passa la porte d'entrée, il ne vit pas les chaussures de sa mère dans près la porte. Il choisit donc de se diriger vers le frigo au lieu de sa chambre comme il avait l'habitude de le faire.
À l'intérieur, il ne restait plus grand-chose. Un fond de bouteille de sauce soja, un concombre. Dans les placards, il trouva tout juste de quoi se faire deux portions de nouilles sautées. Il en prépara deux bols, dévora le plus petit, annota le plus gros d'un post-it avec un petit cœur suivi d'un Je veux voir ce bol vide en rentrant ! Pas une miette pour moi, j'ai déjà mangé. Bisous.
Il monta à l'étage, jeta un coup d'œil à son horloge : dix-neuf heures venaient de s'afficher. De ce qu'il avait appris, les gens cools n'arrivaient jamais avant vingt heures. Au moins, cela lui laissait le loisir de débattre sur la tenue qu'il pourrait porter ce soir.
Il n'avait pas une quantité astronomique de vêtements mais faisait toujours attention à ce que les couleurs se mariassent bien correctement. Ainsi, il opta pour un débardeur blanc sous un pull en mailles noir, une petite veste au cas où il avait froid, une petite poignée d'accessoires, un jean classique et des chaussettes Bob l'éponge qui allait de toute façon être couvertes par des bottines affreusement banales. Il souhaitait juste être agréable à regarder et personne ne risquait de poser les yeux sur ses pieds assez longtemps pour les remarquer. Il prit tout de même soin de baisser son pantalon au maximum.
Quand il attrapa son trousseau de clés pour sortir, la vingtième heure de la journée était déjà bien entamée. Seules des chaussures traînaient près du paillasson.
Il avait au plus une petite demi-heure de bus pour arriver dans le coin de Changbin. La tête contre la vitre, il regardait les quartiers et leur esthétique défiler. Il était habitué au paysage, mais la transition lui faisait toujours bizarre.
Il descendit au beau milieu de la banlieue pavillonnaire et repéra sa destination assez vite au milieu des immenses maisons sans vie. La lumière boules réfléchissantes et le monde sur le gazon se voyait de très, très loin. Hyunjin accéléra légèrement.
Le reste, c'était comme d'habitude : il passa la porte d'entrée, reconnut quelques gens de sa classe, les salua, partit en quête de Changbin, le félicita pour cette soirée d'enfer – et être sûr qu'il préparerait encore plus de boisson pour la prochaine fois –, fit un petit tour des lieux. Peu de place sur la piste de danse, beaucoup plus dans le jardin. Son dévolu se jeta sur la piscine, mais avant, il lui fallait absolument un verre.
Il se fraya un chemin jusqu'à la cuisine. À l'intérieur, des dizaines de bouteilles s'alignaient fièrement sur le plan de travail, accompagnée de jolis gobelets verts – ils avaient toujours la même couleur et elle était ignoble. Hyunjin en prit un, à contre-cœur, et se concocta un petit mélange qui lui réussissait bien : crème de pêche, sirop de grenadine, limonade. Tout juste assez pour décompresser sans se rendre saoul dès le premier verre. Il le descendit d'une traite et expira bruyamment, qu'est-ce que ça arrachait ! Le voilà fin prêt pour affronter le monde extérieur.
Il traîna avec lui un second verre, avec moins d'alcool cette fois, pour s'installer au bord de la piscine. Ses chaussures, ses chaussettes bien planquées reposaient à quelques mètres de lui, loin du rebord, pendant que ses pieds pataugeaient dans l'eau.
Il lui fallait avouer que la partie préférée de la maison de Changbin, c'était sa piscine chauffée. Surtout au milieu de l'automne.
« Il est cool ce collier, tu l'as eu où ? »
La voix qui lui parvint lui parut très près, d'un coup. Et pour cause : une blonde – chevelure vénitienne plus que blond basique – s'était glissé jusqu'à côté de lui. Il eut un mouvement de recul à cette réalisation.
« Oh, ça ? »
Il tripota le pendentif autour de son cou pour se donner plus d'assurance.
« Il vient de ma mère. Je sais pas trop si on peut en trouver un pareil.
—Dommage. Il est mignon. »
À ce moment-là, à la façon dont elle le détaillait, il n'était pas de sûr de savoir si elle parlait du bijou de lui-même. C'était bizarre, un peu.
« Iseul, lança-t-elle d'un ton indéchiffrable.
—Hyunjin. »
À partir de là, il se dit qu'il devait sans doute relancer la conversation. Cependant, rien ne passait dans sa tête. Vide. Le noir total. Son regard se porta sur la première chose autour de lui : son verre.
« Tu veux goûter ? »
Elle eut l'air surprise qu'il lui adressât la parole. L'écarquillement de ses yeux se fana cependant en un sourire en une fraction de seconde.
« Tu proposes quoi ?
—Un mélange de... crème de pêche, sirop de grenadine et jus d'ananas.
—J'ai une amie qui s'intéresse à la mixologie. Je ne sais pas si elle aurait approuvé ce choix. »
Iseul porta tout de même le verre à ses lèvres sans quitter le noiraud des yeux.
« En tout cas, moi, je suis fan. »
Ce futsuffisant pour le ravir. Ils dialoguèrent un peu plus, et, avant que leurconversation ne s'éternisât, elle l'invita à aller faire une partie d'il nesavait trop quoi avec son groupe qu'elle disait dans la bâtisse. Il la suivitsans trop se poser de questions. Lorsqu'ils arrivèrent à l'entrée de lavéranda, ils ralentirent. Il n'y avait plus de musique, juste un attroupementun peu trop uniforme pour que ce ne fût normal. Personne ne parlait, tous lesregards semblaient tournés vers la même pièce.
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