7 - Azael

Nao me l'a confirmé, mes yeux sont devenus marron.

Cependant, elle ne parait pas rassurée.

-Et pour tes cheveux ?

J'y ai pas pensé non plus. Ils forment des pointes rouge foncé. Pas ordinaire, mais faudra faire avec. Je suis amnésique, pas coiffeur.

En tout cas, je ne referai pas de cercle pour si peu, ça commence à me fatiguer ces histoires.
Il me faudrait une justification de taille, pour que Nao me laisse garder ma disposition capillaire, là, maintenant.

- On leur dira que j'ai une perruque sur la tête.

Parfait. Un argument imparable. Je suis satisfait de mon coup. Les gens croient toujours ce qu'on leur dit, personne ne se doutera que ce sont mes véritables cheveux. Je peux toujours me faire passer pour un gothiq...

- obilcior incendium

Un incendie fait rage sur mes mèches.

-Ah, mais t'es malade !!!

Nao se plie de rire.

-Arrête, c'est juste des petites braises

- C'est très chaud pour des petites braises ! Ça t'amuse d'embraser les cheveux des gens ?

-Antiquatio. Oui, c'est très drôle !

Le feu s'arrête.
Mes mèches rouges ont disparu.
C'est pas cool.
Au moins, le centre a survécu au désastre...
J'ai des frissons en y repensant.

Nao semble satisfaite de son coup.

Il fait nuit.
Des insectes nocturnes forment une ambiance sonore toute particulière.
Les arbres semblent endormis.
Leurs troncs craquent à la moindre brise, se joignant au concert.
De temps en temps, le lointain hurlement de bêtes sauvages parvient à mon oreille, mais Nao, qui vit ici, m'affirme qu'il n'y a rien d'inquétant.
Il est temps de domir.

Le lendemain, Nao, sûrement debout depuis un moment, me réveille.

-Alors, on y va, à Babel ?

Je me frotte les yeux, dans le cirage.
Je n'ai pas de temps à perdre, et je m'extirpe des bras de morphée dans un effort colossal.

-Oui, bien sûr, je te suis.

En entrant dans le coeur forestier, je suis surpris par la facilité avec laquelle se déplace la piromane, dans un lieu si hostile. Ses pieds savent exactement où se poser, si bien qu'elle regarde toujours au loin, vers son objectif.

Un petit ruisseau sinue dans la forêt. Selon Nao, on peut atteindre le fleuve de Babel en suivant son cours.

L'eau est claire et parsemée de petits rochers moussus. La pelouse est verte, l'herbe fraiche. Des rayons de soleil parviennent à franchir l'épaisse toiture végétale, projetant de petites tâches lumineuses dans la forêt.

Il me reste beaucoup de questions sans réponse, sur Nao et sur moi-même.
J'espère que mon voyage m'apportera des certitudes.

Cela fait une bonne heure que je cours pour suivre Nao.
Je fatigue, mais je ne pensais pas tenir autant. Je m'arrête.
Nao n'apprécie pas trop.

-Quoi ? Déjà essouflé ?

-Un peu, oui. Je gambade pas souvent dans ces bois, moi.

-C'est la première fois que je vais si loin toute seule.

Ok, c'est officiel, je suis nul à chier.

Ici, la forêt est plus dense. Les arbres s'étendent à l'infini, on perçoit avec peine leurs sommets.

Nao semble fixer quelque chose, mais je ne vois rien.

-Qu'est ce qu'il y a ?

Elle pointe du doigt le ruisseau.

- Regarde bien.

Une biche s'abreuve sur la rive.

Son pelage est fin, parsemé de légères taches blanches.

Je la mangerai bien, mais nous devrions arriver à Babel demain, et il y a plein d'auberges.

La biche m'a aperçu, elle me dévisage.

Ses yeux sont d'un noir onix. Ils m'absorbent de leur profondeur.

Depuis que nous sommes arrêtés, j'ai du mal à récupérer mon souffle. L'air semble disparaître à chaque inspiration, et de la brume épaisse sort des entrailles de la terre.

-Nao ! Tu sais ce qu'il se passe ?

Elle n'est plus là, la biche non plus.
La brume s'est épaissie subitement.
En l'espace d'un instant, je suis de nouveau pomé dans la forêt, et l'oppression que je ressens ne disparait pas.
J'hurle, mais impossible de trouver Nao.
Je ne vois qu'à peine le bout de mes pieds.
Le sentier principal aurait-il été plus sûr ?

Malgré cette perte de sens, j'entends encore le bruit clair du ruisseau.

Je ne retrouverai pas Nao.
Tant pis, il me faut avancer, tout écoutant le gentil glouglou de l'eau.

(note de l'auteur: j'aime la sonorité du mot "glouglou")

Je marche, pas après pas, de peur de me cogner contre un arbre.

Il y a une petite heure, le soleil était haut dans le ciel. Maintenant, je ne distingue qu'une lueur lunaire dans la brume.

À chaque pas, il fait un peu plus sombre.

J'entends toujours le ruisseau, mon oreille ne se trompe pas.
J'ai peur, mais je dois m'économiser pour ne pas manquer d'oxygène. Tout stress serait inutile.

La terre devient boueuse. Depuis mon réveil, je porte de simples chaussures noires, mais si ça continue, ces dernières vont finir en lambeaux.

J'entends un ample "ploc" à chacun de mes pas.

Bientôt, de l'eau m'arrive aux genoux.

J'ai beau chercher la rive, le niveau de l'eau ne diminue pas, bien au contraire.
Il n'y a pourtant pas de courant, et il ne pleut pas.
L'eau semble sortir de la terre.

Je décide de m'arrêter, et d'attendre quelques minutes.
L'élévation du niveau de l'eau faiblit petit à petit.

C'est déjà ça, mais je suis embêté. Je ne peut pas rester immobile, je mourrai de faim et de soif. Heureusement, l'eau n'est pas froide.

Au bout de plusieurs minutes, je sens un léger courant le long de mes jambes.

Il doit forcément suivre la direction de Babel.

Je fais donc un pas dans le sens du courant.
Subitement, il s'intensifie.
L'eau monte drastiquement.
Elle atteint mon torse en à peine dix secondes, et je force sur mes pieds pour ne pas céder face au mouvement de cette masse liquide.

Je respire à pleins poumons et force sur mes pieds, mais ma résistance est vaine, face au courant tempétueux.

Une vague s'abat violemment sur moi.

Je lâche prise. Je ne vois rien et n'entends que le bruit sourd du déluge.

Je m'agite tant bien que mal, pour chercher de l'air, mais il s'échappe, laissant place à l'eau agitée.

Une immense vague se brise de nouveau sur moi.

je coule dans des profondeurs abyssales.

Je tente de remonter à la surface, mais un courant intense me fait sombrer.

Je n'ai plus d'air. Mon diaphragme se contracte et ma bouche s'ouvre. Les dernières bulles d'air qu'il me reste sont libérées.

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