10-Azael
J'ai retrouvé un fragment de mon passé.
C'était il y a longtemps.
Je ne saurais vous dire quand.
À présent, je m'en souviens précisément.
Je suis né Humain, dans une ville prospère.
Un petit havre tranquille.
Nous traversions une longue période de paix.
Ce que je croyais.
L'alchimie se développait exponentiellement.
Les alchimistes d'état collaboraient, inventaient.
Cela donnait naissance à de révolutionnaires inventions.
Chaque jour, de nouvelles formules étaient crées.
Cela inquiétait.
Je me souviens du journal de l'alchimie moderne.
Un numéro sortait chaque semaine.
Des cercles d'alchimie gravés sur chaque page nous renseignaient, sur tout ce qui nous concernait.
Lorsque je les activais, les pages colorées du journal étaient réduites en poudre et s'envolaient, de sorte à créer des images.
C'était un art poétique, ludique, utile.
On y parlait d'alchimie, mais aussi de jardinage, des nouvelles tendances, du quotidien.
En revanche, la politique n'était présente sur aucune page.
On ne parlait tout au plus que des progrès de l'alchimie.
Les avancées étaient majoritairement destinées à la cathédrale d'Ys.
C'était l'élément le plus marquant de la cité.
La silhouette du bâtiment évoluait chaque jour, et longtemps, elle fut en chantier.
Je me souviens bien de son imposante rosace en vitrail.
Elle devait occuper une bonne moitié de la façade.
Cette rosace... Elle comportait les mêmes motifs que les marques sur ma main.
Ce doit être cette cathédrale qui fit basculer mon destin.
On ne voyait que rarement le roi d'Ys.
Je me plaisais à lire le journal, et conter ses nouvelles au chevet de mes parents.
Ces derniers travaillaient pour l'état.
C'était il y a longtemps.
Un jour, je rejoignis les rangs de l'état, également.
Je fus alchimiste.
Puis, il y eut le feu incandescent.
Il embrasa mes rêves, mes espoirs.
Les flammes ardentes restèrent gravées dans ma mémoire.
Comment ai-je pu oublier, que nous est-il arrivé ce jour là ?
Peu après l'incendie destructeur, vint le déluge.
Avec lui apparurent les démons.
Enfin, tout disparut.
L'eau emporta mes souvenirs.
-Aïe !
Je viens de recevoir une claque corriace de la part de Nao.
Qu'est ce qu'elle me veut encore ?
- Léviathan ? Qu'est ce que ça signifie, pourquoi tu ne m'en a pas parlé plus tôt, j'aurais pu y passer, à vouloir te sauver !
Ah, c'est vrai. Je viens de rencontrer Léviathan.
Ce doit être en me noyant dans ses eaux, que j'ai recouvert une partie de mon passé.
-Léviathan est un démon, c'est tout ce que je sais. Je viens de m'en rappeler.
Nao soupire.
Elle doit avoir compris, je n'y suis pour rien. J'ai la mémoire en compote.
J'ai l'impression d'avoir passé la journée à me débattre dans les eaux de Léviathan, mais le soleil est haut dans le ciel. C'est l'après midi.
Nao est pressée.
-Tu peux marcher, on y va ?
Elle a pas le temps, celle là...
-Deux minutes, je dois vérifier quelque chose.
- Si t'es trop long, je m'en vais. Ou je brûle le reste de tes cheveux, je sais pas encore.
Je dois pas me rater.
Je trace un cercle, à l'aide d'une branche, sur le parterre moussu.
-Tes cercles sont étranges. Je n'en ai jamais vu de pareil.
Je suppose qu'elle attend une réponse claire, autant lui dire la vérité.
- Je connais bien les cercles d'alchimie, mais celui là est différent. Je me sers du motif sur mon poignet comme modèle.
Je lui montre.
- Une fois à Babel, il faudra chercher des informations dessus. Ce type de cercle a un nom ?
Je lui réponds instinctivement, comme à chaque fois.
Ce nom, j'en suis certain, c'est le bon.
-C'est un cercle Chthonien.
Nao écarquille ses yeux.
-Jamais entendu parler.
Je suis curieux d'avoir des réponses. Mais je ne m'attends à rien de joyeux, à vrai dire...
J'ai fini de tracer le cercle. Il fait un bon mètre de diamètre, et même s'il n'est pas parfait, il fera l'affaire.
-Nao, prête moi ta dague.
-Tu vas encore te scarifier
-Exactement.
Je coupe légèrement mon pouce.
Une goutte suffira.
-Léviathan.
Le cercle s'illumine instantanément. Un geyser d'eau puissant en sort, m'obligeant à reculer.
De la pluie nous tombe dessus, et je n'arrive pas à arrêter l'effet du cercle Chthonien.
-germinatio versus caelum
À ces paroles de Nao, une plante sort du sol, et nous abrite de ses grandes feuilles.
-Azael, tu fous quoi ?!
-J'essaie de comprendre comment ça marche !
Si j'ai bien compris, je peux produire un élément à partir du nom d'un démon. Samael pour le feu, Léviathan l'eau.
L'élément choisi sort du cercle, il faut dépenser du sang en échange...
C'est un mélange de magie et d'alchimie.
En revanche, le démon Bélial a changé la couleur de mes yeux, dans la forêt, il ne correspond à aucun élément, c'est plus complexe que ça...
Je me demande si je peux combiner les éléments.
-Samaël
Je ne distingue qu'une légère flamme immédiatement éteinte par l'eau.
Nao se met à rire.
- Félicitation, Azael, du feu et de l'eau.
J'aurais dû m'en douter.
-Bélial
L'eau prend une teinte verdâtre.
Mais changer la couleur de l'eau ne m'est d'aucune utilité. Je pourrais tout au plus faire la manche avec, en cas de besoin.
Ce que je note, c'est qu'une partie différente du cercle scintille, selon le nom du démon prononcé. Il faudra noter ça sur du papier.
- Tu peux arrêter, maintenant ?
Nao est pressée, mais je dois tester une dernière chose.
Je connais le nom d'une divinité que l'on me contait, enfant.
Tous les sept ans, Baal, divinité de la vie, affrontait Mot, celle de la guerre.
Selon le vainqueur, 7 ans de fertilité ou de sécheresse s'ensuivaient dans le royaume.
Mes parents accordaient une grande importance à cet événement.
Ils attendaient la première pluie, qui leur assurerait le salut.
Cela ne coûte rien d'essayer.
-Mot
Le cercle ne réagit pas. Il faut tenter l'autre divinité.
-Baal
Une partie du cercle se met à briller, sans qu'un quelconque effet se produise.
J'ai une idée.
Je porte lentement ma main ornée du cercle vers la droite. Le geyser dévie, l'eau ne nous tombe plus dessus.
C'est déjà ça.
En utilisant Baal, je peux donc contrôler l'élément produit par le cercle, comme le font les mages ? Il faut poursuivre les essais.
À présent, de mon index, je dessine des ronds dans les airs.
de petits filets d'eau m'obéissent, ils forment petit à petit une spirale autour du geyser.
Les filets d'eau ne retombent pas au sol, ils semblent suivre Mes mouvements de main.
Plus le geste est fluide, plus la quantité d'eau déviée est grande.
Au bout d'une minute, je parviens à produire un tourbillon au sein du cercle.
Je ferme le poing. Le geyser s'interrompt, toute l'eau retombe au sol.
Au centre du cercle maintenant éteint, la goutte de sang est encore présente, mais elle a rapetissé.
Une partie a été consommée.
Je me tourne vers Nao.
- On peut y aller, je noterai cette expérience sur du papier, à Babel.
Nao soupire.
- À t'entendre parler, on dirait un alchimiste.
J'ai remarqué une aversion de Nao envers les alchimistes. Mais j'aime bien les conflits, il faut que je lui dise.
-J'en étais un, autrefois.
Étonnement, elle ne me lance pas de sorts ou ne fond pas sur moi avec sa dague.
Je sens, au contraire, une profonde nostalgie sur son visage.
-Allons-y.
Je suis sûr que Nao finira par apprécier les alchimistes.
Ce sont après tout de simples humains.
Certains sont corrompus, d'autres vils, mais il existe de chics types.
Peu à peu, les arbres se font moins hauts. Au bout de quelques heures, nous sortons de la forêt.
Enfin, Nao pointe l'horizon du doigt, souriante.
- On y est !
J'entends un grondement d'eau au loin.
Je lève la tête, et aperçois un immense fleuve, sinuant le long d'une grande cité.
Le fleuve de Babel.
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