La rivale
- Janie, héritière du royaume de Silura ! annonça-t-on.
La pauvre Janie avança dans la salle le cœur battant. Elle ne serait sans doute pas aussi belle que toutes les autres filles de la soirée et n'aurait aucune chance de conquérir le prince Kenzo du royaume des Fleudres que ses parents espéraient lui faire épouser.
On la dévisagea, rougissante, elle baissa la tête et avança dans la foule. Elle rentra alors dans une autre fille.
- Tu pourrais faire attention ! protesta la belle, alors que ses amies autour d'elle s'offusquaient.
Car elle était d'une grande beauté, dans une grande robe jaune comme le soleil. Ses boucles brunes tombaient autour d'un beau visage.
- Excusez-moi ! fit-elle.
Comme si elle l'avait fait exprès. L'autre lissa sa robe de ses mains sans lui prêter attention.
- Comme elle est gauche, chuchota une des amies une jolie rousse dans une robe blanche.
Les autres ne semblaient pas plus à l'aise.
- Et tu as vu comme sa tenue est vulgaire, commenta une autre en rouge ayant une longue tresse brune et une peau couleur café au lait.
Pourtant sa robe bleue était du même genre que la leur, pas beaucoup plus décolleté, pas plus courte, pas plus moulante.
- Puis elle n'a aucune chance de plaire au prince avec son visage froid, approuva la blonde portant une robe rose.
Elles non plus, en restant aux côtés de la beauté en jaune qui les faisait paraître moins belles, alors qu'elles étaient très jolies physiquement.
- Laissez-la ! gronda celle qu'elle avait bousculée. Pas la peine d'enfoncer le couteau dans la plaie ! Elle est seule, sans amie, personne ne voudrait de cette garce.
Alors Janie se glissa à l'écart la tête haute mais les maudissant intérieurement. Elle se vengerait de ces garces. Elles leurs déroberaient le prince. Elle s'en ferait épouser.
D'ailleurs il débarqua, son épaisse chevelure noir tombait sur son front, il avait des yeux bleus comme la glace et comme sa robe.
Elle devait reconnaître qu'il était plutôt beau garçon. Les filles restaient dans leurs coins en gloussant, alors Janie s'avança vers lui, assurée. De près elle s'aperçut qu'il était plutôt petit, plus qu'elle avec ses talons et il l'observait avec un sourire crispé.
- Prince Kenzo, je suis la princesse Janie du royaume de Silura, se présenta-t-elle en s'inclinant.
- Enchanté ! M'accorderiez-vous la première danse ?
Pour seule réponse elle posa sa main dans la sienne et il l'amena valser sous les regards jaloux des autres filles. Contre lui, elle pouvait sentir son parfum envahissant aux notes fruités et son corps qui se détendait au rythme de leurs pas. Cela la fit sourire et elle demanda :
- Etiez-vous nerveux ?
- Comme vous toutes je suppose. Pour moi aussi c'est une soirée cruciale. Je dois danser avec une trentaine d'inconnue et choisir mon épouse parmi elles, c'est une situation assez inconfortable. Et si je faisais le mauvais choix ?
- Choisissez-moi et vous ne le regretterez pas ! déclara-t-elle en battant des paupières.
Il éclata de rire. Un rire franc et agréable.
- Vraiment, je suis plutôt jolie non ?
- Comme vous toutes ce soir.
- Et je suis de bonne compagnie, d'une des monarchies les plus anciennes et je connais le métier.
- C'est bon à savoir.
Elle avait l'impression de ne pas s'être vendue comme il le fallait. Mais le prince restait souriant et l'interrogeait d'un ton agréable. Enfin la musique s'arrêta et il lui dit :
- Je vous remercie Janie, vous m'avez mis à l'aise. Maintenant il faut que je rencontre les autres.
Il invita alors la fille à la longue tresse qui accepta, ils semblèrent beaucoup rire. Mais à la fin de leur danse, celle-ci lui présenta la beauté en robe jaune. Le prince sembla plus impressionnée, et l'autre très intimidée, mais ils discutaient quand même. A la fin du morceau, il resta avec elle. Et encore et encore, pendant cinq morceaux qui crevèrent le cœur à Janie. Et ce fut elle qui le mena à son amie à la robe rose, que le prince emmena après un regard de regret envers l'autre.
Elle observa l'autre à la robe jaune qui l'avait humiliée et avait gagné le prince. Celui-ci semblait pressé de danser avec les autres, pour en finir.
Quand il eut fait danser la dernière elle se mit sur son chemin avec son sourire le plus ravissant, mais il ne lui accorda pas un regard.
- Désolé Janie, j'ai promis à Loreina de la retrouver !
Et sur ces mots il prit le bras de sa rivale et l'emmena à l'extérieur.
Janie, furieuse, avait pris la direction des jardins. Cette soirée était un désastre. Qu'allait-elle dire à ses parents ? Et elle n'avait même pas eu l'occasion de se venger de cette Loreina.
Elle faisait les cents pas réfléchissant à un moyen d'agir en toute discrétion pour séduire le prince désormais totalement fou de la belle. Elle ne pouvait l'avoir qu'envouter, elle ne voyait pas d'autre solution, cette fille était si insipide. Elle l'aiderait à se sortir de se sortilège.
Sauf qu'elle entendit un petit rire et celui du prince. Levant la tête elle le trouva, lui et cette pimbêche. Elle faisait sa timide, mais au bout de même pas une heure elle semblait déjà très proche de lui, et puis elle avait bien vu en lui rentrant dedans que ce n'était qu'une façade.
- Janie ! s'étonna le prince.
- Sire, dit-elle en se forçant à sourire et s'inclinant.
- Que faites-vous dans les jardins ?
- J'avais besoin de prendre l'air. Comme vous sans doute.
Elle lui fit un clin d'œil qui se voulait complice. Il en sourit. Loreina elle la dévisagea avec colère. Pour une fois ce serait à l'autre d'être jalouse !
- Vous risquez d'attraper froid.
- Votre belle aussi sans doute. Pourquoi ne pas aller chercher nos capes ?
- Vous avez raison, je reviens.
Il pressa la main de Loreina, baisa sa joue, lui sourit et s'éclipsa. Janie continua de sourire jusqu'à qu'il fut loin. Puis elle se tourna vers sa rivale au visage dure, le regard glaçant.
- Peu m'importe ce que tu tenteras, déclara Loreina, il est à moi, il m'aime.
- Je t'en prie, ça fait une heure qu'il vous connaît. Ce n'est pas de l'amour !
- Crois-ce que tu veux. Mais c'est moi qui vais l'épouser. Et tu finiras seule, comme toujours. C'est ce que tu mérites après tout en tant que princesse de Silura.
Sentant sa rage monter en elle, Janie la dirigea sur l'autre qui valsa dans les airs pour retomber plus loin. Sa robe était désormais salit, sa coiffure ébouriffée. Elle se releva et s'enfuit en la foudroyant du regard, pour sans doute tenter de se refaire une beauté.
Janie, souriant devant ce début de revanche, se mit à feindre le chagrin en pleurant à gros sanglots, songeant que le prince arriverait d'une minute à l'autre.
Quand il débarqua, il se précipita vers elle.
- Que se passe-t-il Janie ? Où est Loreina.
Encore elle ! Pourtant elle pleurait ! S'il était si bon ne devrait-il pas l'oublier quelques secondes ?
- Rien, fit-elle en faisant une moue triste. Je devrais sans doute m'en aller.
Elle se releva.
- Janie !
- Je crois que Loreina est allé se changer. Elle ne devrait pas tarder à revenir, fit-elle la voix cassée par un chagrin factice.
- Mais enfin dites-moi que vous arrive-t-il ? insista-t-il en se mettant sur son chemin, le regard troublé.
- C'est sans importance, ma place n'est pas ici.
- Pourquoi dites-vous cela.
- Je suis une Silurienne. La magie n'est pas très bien vu apparemment ici, ça fait de moi un monstre.
- Mais pas du tout ! Je trouve ça fascinant ! Et je suis sûr que tous ici rêverait d'avoir vos pouvoirs. Qui a pu vous faire penser ça ?
Elle baissa la tête, rougissante, et lâcha du bout des lèvres.
- C'est sans importance.
Le prince glissa sa main sous son menton pour qu'elle relève les yeux vers lui.
- Janie dites-moi.
- Vous ne me croirez pas.
- Alors ça ne vous coutera rien de le dire.
- Loreina me l'a dit. Je crois que je me suis ensuite un peu emporté et je l'ai bousculé.
Il sembla hésitant. Puis lui prit la main.
- Revenons à l'intérieur ! Je suis certain que c'est un malentendu.
Loreina n'étant plus là, il la fit danser pour patienter, il se montra charmant et prévenant, ce qui plut à Janie. Quand l'autre verrait ça elle bouillerait de jalousie.
Effectivement à la fin de la danse, ils découvrirent sa rivale, portant la robe blanche de son amie aux cheveux roux, qui les observaient abattus.
- Allons lui parler !
- Non, non ! paniqua Janie.
Tout pourrait échouer si vite.
- Très bien, j'irais seul. Mais je suis sûr que ce n'est rien.
Il avança vers Loreina qu'il emmena danser tout en discutant avec animation. A la fin du morceau, main dans la main, ils rejoignirent la princesse silurienne qui se morfondait, craignant ce qui allait se passer.
- Voilà Janie, ce n'était qu'un malentendu. N'est-ce pas très chère ?
- Oui, souffla la belle les yeux rivés sur le sol.
A ce moment la reine et sa fille la princesse Nissia débarquèrent.
- Mère, ma sœur, puis-je vous présenter Loreina ?
Cette dernière s'inclina en rougissant.
- La princesse de Klarin, commenta la mère en examinant la jeune fille d'un œil critique.
- Et qui est celle-là ? demanda la cadette.
- C'est Janie de Silura, une amie.
La reine l'observa intéressée. Evidement que sa lignée ait du sang silurien et les pouvoirs qui allaient avec devaient l'intéressaient bien plus qu'une alliance avec un pays aussi petit que Klarin.
- Mon fils emmène-moi danser !
- Bien sûr mère !
Après un dernier geste de douceur vers Loreina, il emmena sa mère au centre de la salle. Nissia tenta de faire connaissance avec Loreina, mais cette dernière était toujours aussi impressionnée, sans doute par une famille aussi prestigieuse. Janie elle se sentait à l'aise, sachant que la famille du prince pouvait être un atout supplémentaire, elle plaisanta avec Nissia, lui désigna quelques princes présent qui pourraient bien convenir à la jeune fille et se moquant de ceux venant de petits pays. Elle emmena même sa nouvelle amie à l'un d'eux, et alors qu'ils partirent rejoindre la piste de danse, Janie sourit en voyant Loreina approcher.
- J'ai compris ce que tu faisais. Je ne suis pas stupide. Mais rien de tout ça ne changera l'amour du prince.
- Nous verrons.
Elle retourna vers ses amies et Janie observa le prince en pleine conversation avec sa mère. Parfait il ne ferait pas attention à elles.
S'approchant du groupe qui l'avait humilié, prête à se venger, elle les aborda d'un air qui se voulait humble.
- Mesdemoiselles !
- Oh voilà la sorcière ! s'écria celle à la longue tresse.
- Si nous allions dans le jardin discuter ? J'ai des choses à dire à l'une d'entre vous et j'aimerais que toutes soyez là.
Elle avait une expression contrite, qui les toucha. Pensant sans doute pouvoir encore l'humilier elles acceptèrent. Elles voulurent récupérer leur cape, mais Janie ayant déjà la sienne leur proposa de se rejoindre à la fontaine. La jeune fille attendit en priant pour qu'elles ne disent rien à personne. Elles arrivèrent en riant ensemble. Sans doute l'idée de la voir s'avilir à demander pardon les enchantait.
- Vas-y on t'écoute blondie ! fit celle qui était aussi blonde qu'elle.
- J'ai gagné ! Et vous vous allez regretter ce que vous m'avez fait.
Elle leva les mains et les transforma en quatre cafards qu'elle emprisonna dans une boîte. Elle avait déjà prévue une punition pour chacune. Mais d'abord elle prit un papier et y écrivit un mot d'adieux.
Kenzo,
Je vous remercie mais grâce à vous j'ai enfin pu fuir avec l'amour de ma vie. Mes parents voulaient que je vous séduise et je l'ai fait, j'ai gagné votre cœur et j'en tire une immense fierté d'être celle parmi toutes ces cruches que vous avaient choisi. Mais moi j'avais déjà choisi un autre depuis des mois. Cette soirée sans la surveillance de mes parents était mon unique chance de fuir avec mon aimé. Vous et mes fidèles amies m'ont servies de paravent. Je vous en remercie mille fois.
Loreina.
Elle le laissa sur le banc et rejoignit la soirée. Le prince et la reine lui tombèrent dessus :
- Avez-vous vu Loreina ? questionna le beau garçon.
- Non, on a passé peu de temps ensemble, j'étais surtout avec votre sœur. Mais cherchez ses amies.
Il la remercia et s'éclipsa. La reine la prit alors par le bras.
- Très chère j'aimerais que mon fils vous choisisse.
- Vraiment ?
Peut-être avait-elle une alliée ?
- Oui, je vais me débarrasser de cette Loreina qui est indigne de lui.
- Vous n'en avez pas besoin. Assurez-vous qu'il sache qu'elle a fui avec un homme ce soir, faites passez le mot, trouvez de faux témoin. Et elle ne sera plus jamais un problème.
La reine la lâcha et la dévisagea intrigué.
- Vous en êtes sûre ?
- Certaine.
- Je savais que vous étiez la femme parfaite pour mon fils.
Il était au jardin, relisant la lettre d'un air désespéré.
- Tout va bien sire ?
- Oh Janie regardez la lettre que je viens de trouver !
Lui tendant le papier il l'observa avec désespoir lire la lettre. Elle prit un air compatissant et lui tapota l'épaule.
- Je suis désolé. Il me semblait bien l'avoir vu avec un homme mais je n'étais pas certaine.
- Janie ce n'est pas possible. Elle n'a pas fait ça. Je le sais !
- Si vous y croyez vraiment je veux bien vous aider à la rechercher mais n'ayez pas trop d'espoir.
- Janie vous êtes merveilleuse !
- Merci. Qu'allez-vous dire à votre mère ? Elle et votre royaume ont besoin que vous vous mariez.
- Je sais bien. Peut-être préparer mon mariage avec Loreina sans qu'elle soit là. Je ne vois pas quoi faire d'autre.
- Votre mère veut présenter une fiancée à votre peuple, elle n'acceptera pas.
- Je ne veux pas d'une autre.
- Alors je serais votre fiancée. Je me retirais dès que Loreina reviendra. Mais en attendant, je vous servirez en public. Sauf qu'au lieu de me conter fleurette, on s'appliquera à chercher votre bien aimé.
Il l'observa les yeux plein d'admiration.
- Vous êtes vraiment une femme époustouflante.
Et ce fut elle qu'il demanda en mariage ce soir-là, elle qu'il présenta à la foule. Janie ne doutait pas qu'il l'aimerait. Loreina était plus belle qu'elle mais c'était une garce. Comment pourrait-il l'aimer elle aussi rapidement et ne jamais aimer Janie ?
Parce qu'il ne la reverrait jamais, et ne retrouverait aucune trace d'elle. Le lendemain elle retransforma les quatre cafards. Elle envoya la rousse chez elle, à Silura, enfermée dans une tour isolée avec pour seule compagnie de dangereux prisonnier enfermés dans d'autres cellules. La fille à la peau couleur chocolat fut vieillie instantanément et envoyé comme servante chez un noble solitaire servant ses parents. La blonde fut vendue à un bordel dans les bas-fonds de la capitale silurienne et elle accompagna sa rivale au port, où elle la vendit à un capitaine pirate pour qu'il l'abandonne sur une île lointaine.
- Kenzo me retrouva et tu payeras !
- Non. Je te prédis que d'ici quelques temps il se désintéressera de toi pour m'épouser. Je porterais ses enfants, serait sa reine quand toi tu mourras seule sur une île, de soif ou de faim, après avoir passé des mois enfermées avec ces brutes de pirates.
- Je t'en prie Janie ! Ne fais pas ça !
- Tes amies et toi vous n'aviez pas qu'à m'humilier !
- T'humilier ? Mais on n'a jamais rien fait de tel. Rien qui ne mérite un tel traitement !
- Tu m'as volé mon prince, vous vous êtes moquées de moi, maintenant c'est moi qui vais rire de vous.
L'autre eut un visage sombre et proclama avec morgue.
- Eh bien rit bien tant que tu le peux. Parce que tôt ou tard Kenzo saura la vérité. Il découvrira quelle horrible fille il y au fond de toi et il ne pourra jamais t'aimer. Peut-être même qu'il comprendra que tu t'en es prise à moi et il fera ce qu'il faut pour me retrouver. Parce que tant qu'il restera un souffle de vie en moi je ferais ce qu'il faut pour devenir la reine de Fleudres !
L'ignorant, Janie la laissa, remontant dans son carrosse où elle rentrait chez elle victorieuse, prête à accueillir Kenzo qui demanderait officiellement sa main à ses parents.
Et voilà un texte un peu spécial, qui n'était même pas prévu dans mes 12 nouvelles de base. Mais l'autre jour en tombant sur une histoire des plus classiques, ou la "gentille" de l'histoire flirtait avec l'amoureux de la "méchante" et un moment l'envoyer gicler dans les airs sans raisons (et ses amies se moquaient derrière de la pauvre victime) ça m'a inspiré ce texte, qui est peut-être un peu moins fou que les autres mais voilà. Alors dites-moi vous en avez pensez quoi ?
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