La révolte

Puis de la lumière jaillit de ses mains et vola vers l'animal. Le loup s'effondra, mort. Mais Nax ne cessait de fixer ses mains. Il n'avait pas fait ça ! Ce n'était pas possible non ? Personne n'aurait pu faire une chose pareille ? Toutefois il l'avait fait. Il avait fait de la magie. Seulement on lui avait toujours dit que seul Iona, la maîtresse de l'obscur avait ce genre de dons et qu'il en était ainsi depuis des siècles.

Et ce fut sans y croire, le cœur léger, qu'il rentra chez lui annoncer la nouvelle à sa famille.



Un cri aigu résonna dans la caverne de la sorcière. Iona venait de croiser son reflet. Il n'y avait que peu de différences. Elle restait cette femme belle, désirable, dangereuse. Mais son œil avisé avait perçu ce que jamais il n'aurait dû y avoir. Son visage fermé et parfait avait vieilli. Très peu, elle faisait toujours jeune, mais cela n'aurait jamais dû arriver. Depuis six siècles qu'elle vivait, jamais son aspect n'avait changé.

Après l'horreur, vint la rage.

Elle trembla, la lave sous ses pieds bouillonna, les monstres attachés ou non rugirent et les murs tremblèrent. Elle était la maîtresse de l'obscur. Cela ne pouvait s'expliquer que d'une seule façon. L'obscur reculait, un peu de lumière était né.

- Qui ? hurla-t-elle. Qui a bien pu faire entrer un peu de lumière ?

Il n'y avait qu'une façon de le savoir. Se penchant vers l'un des bassins de lave, elle fit venir une chauve-souris d'une pensée. L'animal arrivé dans sa main, elle dessina de son index dans le cou de la créature, un simple trait. D'un murmure il devint une blessure profonde coûtant la vie à l'animal. Son sang s'échappait de la gorge et plongeait dans la lave pendant qu'elle murmurait une incantation. Le liquide se mit à tourbillonner et lui montra le visage d'un paysan mangeant dans une maison dans laquelle vivait de nombreux enfants et des animaux encore plus nombreux. L'odeur nauséabonde de tous ces êtres montait jusqu'à ses narines et emplissait la grotte.

Elle serra les dents. Un paysan ? Un garçon qui n'était même pas un homme ? Ce n'était pas lui qui allait la mettre en danger quand même ? Pourtant son visage qui n'était plus aussi jeune ne mentait pas.

- Loup ! Vient !

Un loup noir, gros, terrifiant, la mâchoire ainsi que les naseaux écumant d'une salive de flamme et les yeux étincelant d'une lumière verte surnaturelle s'approcha à l'appel de sa maîtresse. Il se frotta contre elle et s'assit à son côté.

Lui désignant le garçon elle ordonna :

- Trouve-le-moi ! Et tue-le, lui et tous les siens !

Il se leva lentement, renifla l'image et courut d'une vitesse irréelle loin, bien loin, à la poursuite du garçon. Mais en le regardant courir Iona ne put que remarquer qu'il ne courrait plus aussi vite qu'avant.



Nax s'attendait à être admiré des siens. Mais Bold, son demi-frère, se disputait avec son père. Ils parlaient du roi, des nobles. Bold disait qu'il était temps qu'ils payent pour toutes ces années d'esclavage, qu'il était hors de question qu'ils continuent de se tuer pour payer un impôt servant à engraisser tous ces bons à rien.

Il est vrai que ces dernières années, les hivers se faisaient de plus en plus rudes, la nourriture venait à manquer et les guerres avec les pays voisins était un danger planant constamment sur leur tête. Entre les conscrits, comme leur frère cadet qui était parti se battre pour ne jamais revenir alors qu'il était si jeune et si bon, les invasions ennemis qui détruisaient, pillaient, violaient et les réquisitions de l'armée cela commençait à peser bien lourd, surtout sur leurs estomacs qui criaient famine bien trop souvent.

Néanmoins, son beau-père continuait d'affirmer qu'on devait laisser leur confiance aux grands. Les temps étaient durs, mais on vivait ainsi depuis la nuit des temps, comment feraient-ils sans les grands ?

- On se débrouillera ! fit Boyd en tapant du poing sur la table. On pourrait bien s'occuper du pays nous aussi.

- Mais enfin Boyd, diriger un pays ce ne doit pas être comme mener paître les bêtes. Laissons cela à ceux qui ont appris à le faire ! Il ne me viendra pas à l'idée de laisser ma ferme à un aubergiste. Laissons donc gérer le pays aux rois. Tout reviendra dans l'ordre un jour ou l'autre.

- J'ai fait quelque chose d'étrange tout à l'heure, intervint Nax avant que son demi-frère n'insiste.

Ce dernier lui jeta un regard noir.

- On a une discussion sérieuse là !

Boyd ne l'avais jamais vraiment apprécié. Ils avaient le même âge à peu près, la mère de Nax ayant épousé Damien, le père de Boyd à la mort de son père, alors que lui-même venait d'être veuf. Depuis sa mère était morte et Damien l'avait gardé comme son fils. Ce qui ne plaisait pas à Boyd qui se sentait floué.

- J'ai fait de la magie ! annonça Nax.

Un grand silence suivit.

- Tu as dû rêver. Seul Iona peut en faire, intervint le chef de famille.

- Je sais bien. Mais je l'ai fait.

- Alors prouve-le ! renifla Boyd.

Nax leva une main tremblotante et l'écuelle de son frère voleta. Les plus jeune le fixèrent ébahit, les bêtes s'approchèrent, puis tout s'arrêta.

- Il faut en parler à l'assemblée ! conclut Damien.



L'assemblée du village avait lieu dans la plus grande des granges et par un hasard des plus chanceux se tenait le soir même. Chaque habitant était installé, buvait et discutait tranquillement, en attendant que quelqu'un ait quelque chose à annoncer. Damien se leva et poussa Nax devant lui.

- Mon fils a développé une étrange faculté ! Nous avons besoin de vos lumières pour comprendre.

- Quel genre de faculté ? demanda le vieil ermite du village, comme il y en a dans tous les villages si l'on en croit les histoires, même ceux, surtout, les plus reculés.

- Il a fait de la magie.

Des exclamations fusèrent de partout. De la magie ? Seule la maîtresse de l'obscure pouvait en faire. Peut-être était-il un de ses rejetons et qu'on devait le brûler vif et s'en débarrasser, cela allait attirer malheur au village.

- Laissez-le d'abord nous montrer ce qu'il peut faire, intervint le vieil homme.

Le jeune homme leva la main et une lumière vive en jaillit, faisant pousser des paquerettes à ses pieds. Tous l'observèrent ébahit.

- Ce n'est pas de la magie maléfique, commenta l'ermite disant tout haut ce que chacun avait pu constater.

D'ailleurs déjà certains commençaient à songer à tout ce qu'ils allaient demander au jeune homme de faire pour eux.

- Ca fait de Nax celui qui nous débarrassera de l'obscurité. Il va vaincre la maîtresse de l'obscur. Ce sera une tâche compliquée mais...

Un homme débarqua alors dans la grange.

- Le roi est en prison ! Des gens comme nous, du peuple, là-haut, ils se sont révoltés et l'ont mis en prison ! Ils avaient faim et ils en avaient mare de payer pour leurs privilèges à tous ces nobles. Ils réclament le pouvoir au peuple !

Des exclamations fusèrent à nouveau de partout, d'excitation, de peur, de joie. Certains parlèrent de partir les soutenir, d'autres d'assiéger le château du seigneur. Nax était tombé dans l'oubli.

Damien lui ne s'était pas enchanté de la nouvelle, il avait pris le garçon par le bras et l'avait accompagné chez l'ermite.

- Que faut-il faire ?

- Nax doit partir. La maîtresse a sans doute déjà envoyé des monstres sur ses traces pour le tuer. Pars à l'ouest, pars dans son repaire l'affronter ! Si tu y parvins la lumière reviendra sur le monde.

- Je ne vais pas partir tout seul ! Je n'ai que quinze ans !

- Peut-être pourriez-vous l'accompagner. Vous serez de bon conseil, supposa le père de famille.

- Si j'y vais-je mourais, comme c'est toujours les cas des mentors. Trouve-toi des compagnons sur la route. Un ou deux guerriers, un assez mystérieux l'autre avec de l'humour, un guérisseur suffisamment vieux pour que sa mort ne paraisse pas injuste et une fille, ça te consolera dans les moments difficiles.



Et c'est avec ces recommandations qu'un paysan de quinze ans, qui ne connaissait rien d'autre que son village perdu au fin fond du pays partit sur les routes. Personne n'y fit attention, pris dans une fièvre révolutionnaire, à part celui qui l'avait appelé son fils mais n'avait jamais été son père, qui lui avait cédé un âne qui représenterait une perte énorme pour la famille en ces temps disette, quelques vivres tout aussi précieuse quand on avait dix-huit bouches à nourrir et une accolade pleine de larmes refoulés.

Nax ne fut guère débrouillard. A la ferme on cultivait sa nourriture et on attendait des mois avant de la goûter. Quand on voyageait on ne pouvait se permettre ce genre de choses et trouver de la nourriture fut difficile. Il tomba malade plusieurs fois, à cause de champignons, d'eau impropre, d'aliments mal préparées.

Se repérer aussi était une épreuve. Il n'était jamais partit très loin de son village, sur des routes qu'ils parcouraient depuis qu'il savait mettre un pied devant l'autre. Alors il s'égara un nombre incalculable de fois, dès qu'il devait quitter les routes du royaume.

Puis il y avait ces révoltes. Le peuple lui-même s'affrontait. Certains soutenaient et aimaient le roi, d'autres voulaient le voir tomber lui et tous ces privilégiés qui l'entouraient. Ils en avaient marre de souffrir, se saigner, pour que ceux-là se gave. Et dans chaque ville, les deux partis s'affrontaient de manière violente et sanglante. Personne n'était épargné. Et même quand un camp avait gagné, il veillait avec crainte sur son prochain, craignant d'y déceler un ennemi à exterminer. C'est comme ça que des massacres avaient lieu. Et c'est pour ça qu'un étranger était mal vu. D'ailleurs Nax avait beau expliquer qu'il partait détruire la maîtresse de l'obscur, tous le regardaient avec suspicion. Les royalistes y voyaient un acte contre leur camp, puisqu'elle avait toujours était protégé par les puissants, quand les révoltés y voyaient une manière de refuser de se battre contre la noblesse.

Alors Nax finit par se taire sur la raison de sa venue, d'éviter le plus possible les villes.

Un jour enfin après de terribles maux de ventre, il décida de se reposer dans la ville prochaine. Et il tomba sur la ville la plus gigantesque qu'il n'avait jamais vu. On y trouvait un dédale de rue, de nombreux commerces, de nombreuses auberges. Il en choisit une et se dit qu'il trouverait ses compagnons avant de partir.

Il commença sa recherche par le guérisseur. On avait bien un médecin, mais il était jeune et plutôt fêtard. De plus il se battait pour les révoltés, sa quête lui semblait vaine et futile. L'apothicaire lui était un homme sec et fier d'une quarantaine d'année, encore trop jeune sans doute, qui ne pensait qu'à marier sa fille et faire fructifier son affaire.

Cheminant dans la ville désespéré, il tomba sur une église qu'on pillait et détruisait sous les yeux d'un vieux prêtre qui les observaient sans rien pouvoir dire.

Nax s'immobilisa. Les moines étaient censés connaître les plantes. Un prêtre sans doute aussi.

- Pourquoi n'intervenez-vous pas ? demanda le jeune homme pour engager la conversation.

- Ils n'attendent que ça pour me mettre à mort. Pour eux ce serait la preuve que je suis du côté du roi. Il ne peut en être autrement quand on prie pour eux.

- Venez avec moi ! Regardez ça ne vous fait que du mal et j'ai une proposition pour vous.

Le prêtre l'observa méfiant :

- Je ne suis ni royaliste ni révolté. J'obéis aux dieux c'est tout.

- Alors c'est tant mieux !

Et cela intrigua le vieil homme qui le suivit au cabaret le plus proche où autour d'une chope Nax lui raconta sa quête. Baptistin, qui était le nom du prêtre, approuva les dire de l'ermite.

- Je peux peut-être te trouver un ou deux guerriers. Avec ces révoltes il y a des perdants qui donneraient n'importe quoi pour vider toutes cette rage et fuir cet endroit où ils sont pourchassés.

- Ce serait merveilleux ! Merci beaucoup.

- Evidemment je viens aussi. Même si mes talents de médecine sont nuls, je peux soigner vos âmes et c'est déjà beaucoup dans ce genre de quête. Et puis ton don est un cadeau que les dieux nous offrent.

Nax ne fit pas la fine bouche. Même si l'idée de voyager avec deux royalistes et un prêtre ne l'enchantait pas, rendant sa position plus précaire.

- Va chercher la fille. Je t'amène les guerriers.

- Merci père Baptistin. Retrouvons nous ici ce soir ?

- Très bien.

Trouver une fille lui paraissait compliqué. Comment convaincre une fille de l'accompagner à l'aventure en compagnie de trois autres hommes. Il songea alors à celles qui devaient être désespérés. Il alla trouver les lavandières, rougissant et leur proposa qu'on l'accompagne dans une quête. Il ne récolta qu'une gifle. Chez les fileuses il n'obtint que des moqueries. Il finit par aborder toutes les filles qu'ils croisaient.

- Quel est ta situation ?

- Mon père est fermier dans un village du sud, près de la rivière des anges.

Beaucoup s'arrêtaient là, lui rappeler qu'avec la révolte, leurs hommes pourraient prendre le pouvoir et faire d'elle des reines.

- Et tu vas m'épouser ?

- Non, c'est juste pour une quête. Je... Tu n'auras rien à craindre pour ton honneur.

Il rougissait en expliquant cela.

- Ma réputation elle sera finie.

Alors il demanda à son aubergiste où trouver une fille prête à tout. On le mena à un bordel. Le naïf fermier rougit devant ces filles qui vendaient leur corps. Il fut amené à une chambre où une fille plus jeune que lui encore attendait à moitié dénudé, le sourire édenté, les cheveux bruns filasse et le corps trop maigre. Elle se serra contre lui et il s'écarta terrifié.

- Tu veux partir avec moi ? demanda-t-il brusquement.

- Tu es rapide toi ? D'habitude les clients attendent plusieurs nuits avant de demander ce genre de choses.

- En fait je cherche une compagne pour une aventure, une quête. On partira détruire la maîtresse de l'obscur.

Elle rit.

- C'est bien payé ?

- Personne n'est payé. Mais on va débarrasser le royaume d'une plaie.

- Et qui s'occupera des mille autres ? S'en débarrasser d'une ne changera rien. Et puis vous serez combien ?

- Avec toi on sera cinq, deux guerrier, un prêtre, moi.

- Génial ! Quelle belle perspective ! Tu crois que j'aime mon métier pour avoir envie de passer d'un homme à un autre quatre fois toutes les nuits, le tout gratuitement. Je suis là parce que j'étais assez stupide pour croire qu'un gentilhomme épouserait une fille de cuisine et me donner à lui. Evidemment quand je suis tombé enceinte il m'a laissé tomber et c'est moi qui ait été chassé pour mauvaise conduite. Je n'ai pas eu le choix ensuite, nul autre endroit n'acceptait mes services.

- Avec nous tu échapperais à cette vie. On ne te forcera à rien. On est des héros, des gentils. Le genre de gens qui sont respectueux des femmes.

- Je sais très bien qu'à notre époque ce genre de choses n'existe pas. Et encore moins parmi les guerriers.

- Qu'as-tu à perdre de toute façon. Tu n'aimes pas cet endroit. Et si tu préfères y revenir je suppose qu'il n'y aura aucun souci pour ça.

Elle l'observa un moment en silence.

- Très bien.

Et il partit, avec une fille habillé de manière vulgaire rencontrer ses deux nouveau compagnons et rejoindre un prêtre.

En arrivant au cabaret il trouva le prêtre avec deux hommes, l'un discutant gaiment avec une femme voilé et l'autre patienta sombrement.

Il s'approcha de la table et le prêtre déclara :

- On a aussi trouvé une fille.

- Moi aussi. Voici Naïa.

- Tant mieux. Plus on est de fous plus on rit ! déclara celui qui bavardait avec l'autre.

- Je ne sais pas, deux filles c'est synonyme de problème, affirma le prêtre.

- T'y connais rien aux femmes ! En tout cas hors de question que je parte, affirma Naïa.

Nax s'assit calmement et déclara :

- On peut bien les emmener toutes les deux.

Il tenta de voir l'a fille sous ses vêtements mais elle continuait de cacher son visage.

- Qui sont ses messieurs ?

- Folco à votre service ! s'inclina le seul des deux guerriers qui semblait posséder une langue.

Il était jeune et avait une belle mine, que son sourire lumineux contribuait à rendre charmant.

- Vous avez été un guerrier ?

- Eh bien j'ai été un garde du seigneur de cette ville avant qu'il ne nous quitte. Je ne me suis jamais vraiment battu, mais j'étais prêt à le faire en cas d'attaque.

- Comme quand le peuple est arrivé ?

- C'était différent ! On est formé à protéger ces messieurs d'un voleur ou un assassin, pas d'une troupe d'enragé. En tout cas cette jeune demoiselle est la fille de feu mon maître. Je lui aie juré de prendre soin d'elle. Elle s'appelle Léontine. Mais on va l'appeler Michka pour plus de sécurité.

- Et votre ami ?

- Monroe est un ancien conscrit. Il a fait la guerre. Et aujourd'hui il veut juste quitter cette ville. Sa famille a péri dans ces affrontements. Il n'a plus rien ici.

L'homme avait la mine sombre et semblait s'ennuyer au plus haut point.

- Parfait ! On part demain à l'aube ? proposa Nax.

- Bien sûr ! approuva Folco avec empressement.

Il lui fit un sourire et tous se séparèrent.



Avec ses nouveaux compagnons Nax apprécia bien plus sa quête. Folco était un compagnon très agréable, il parlait beaucoup, était des plus amusants et prévenant avec chacun, particulièrement avec Léontine de qui le jeune fermier tentait d'imaginer le visage qu'elle laissait masqué. Après tout s'il devait prendre compagne entre elle et Naïa c'est elle qu'il choisirait, malgré son quai mutisme, elle avait bien plus des airs de princesse de conte de fée que leur autre compagne. Naïa était gentille certes et ils discutaient beaucoup tous les deux, mais elle n'avait rien de charmant et il n'aimait pas son caractère trop affirmé que ne sied pas à une jeune fille. D'ailleurs le père Baptistin ne cessait de la réprimander quand elle tentait de donner son avis ou les rembarraient. Mais elle continuait d'en faire qu'à sa tête. Puis il y avait Monroe. Monroe parlait peu, à peine plus que Léontine, mais il était des plus efficaces. Il savait le chemin à prendre, quelles plantes manger ou non, lesquels il était utiles d'emporter pour soigner. Nax le trouvait des plus admirables, il était fort, beau et il avait des tas de connaissances. Enfin jamais il ne le prenait de haut alors qu'il n'était qu'un garçon de ferme. Les deux hommes passaient tout leur temps ensemble, Nax faisant presque la conversation pour deux. Alors même qu'il n'avait jamais été bavard avec lui il avait envie de tout lui raconter, il aimait son regard sombre qui pétillait en entendant ses histoires et son sourire serein quand il lui faisait part de son inquiétude. Avec Falco ils tentaient de lui apprendre les armes, car on ne savait jamais. Et Nax aimait plus que tout se battre avec lui. Naïa voulait aussi apprendre mais les garçons lui disaient qu'ils seraient là pour la protéger, ce qui ne semblait pas lui plaire.

Une nuit, alors que Nax l'observait surveiller le camp, en tentant de s'endormir, des loups surgirent dans le camp et se jetèrent sur eux. Les garçons et Naïa bondirent sur leurs armes et se jetèrent sur les animaux. Les coups pleuvaient mais les bêtes semblaient increvables.

- Ce sont des loups de l'obscur ! cria le père Baptistin. Nax utilise ta magie !

Le jeune homme tendit la main et la lumière inonda leur camp. Les loups touchés par cette lumière se réduisirent en cendre tandis que les autres encore épargnés tenter de fuir mais Falco et Monroe les poursuivirent pour les achever.

Nax se retourna alors vers le prêtre pour le remercier mais ce dernier s'écroula, mort. Un loup ayant eu le temps de s'occuper de son cas. Monroe et Falco vérifièrent à leur retour que tous allaient bien et ensemble ils enterrèrent la mine sombre leur défunt compagnon. 



A peine remis de leurs émotions qu'ils arrivèrent à Darktown la ville la plus proche du repaire de leur ennemie.

- On y est ! s'exclama incrédule Nax.

Il y était arrivé. Il allait chasser l'obscur de ce monde.

- Oui. Naïa fais un tour en ville, assure-toi qu'on puisse y entrer et y séjourner ! ordonna Falco.

- Pourquoi moi ?

- Personne ne laisserait à la porte une fille ! Vas-y !

Elle protesta un peu mais partit. Et ils attendirent. Encore. Et encore. Les minutes s'égrenaient sans aucun signe de leur amie. La tension était à son comble, même Falco ayant toujours un mot à dire semblait silencieux et rester près de Léontine l'arme à la main. Nax lui observait Monroe. Il se demanda soudain ce qu'ils allaient faire une fois tout cela fini. Est-ce qu'il ne verrait plus jamais Monroe ? Il ne pouvait se l'imaginer.

Enfin Naïa revint.

- Tu en as mis du temps ! déclara Nax. Tout va bien ?

- Oui. Je voulais vraiment m'assurer qu'on ne risque rien. Vous venez ?

Elle avait pris une chambre dans une taverne chaleureuse, plus que le reste de la ville où les traces des affrontements opposant royalistes et révolutionnaires étaient encore partout.

- Cette ville semble tellement sinistre ! souffla Falco. La situation s'est apaisée pour qu'il n'y ait plus de combats ?

- Non. Les révolutionnaires ont gagnés la ville, annonça Monroe en s'asseyant à leur table. Ils ont exécutés toutes les familles de royalistes.

- C'est terrible ! souffla l'ancien garde.

- Evite de dire ça ici si tu ne veux pas subir le même sort ! déclara amèrement Naïa.

Cette dernière semblait très excitée depuis leur arrivée en ville.

- De toute façon on ne s'attardera pas, déclara Nax.

- Non tu as raison, approuva Folco. On s'autorise une bonne nuit de sommeil et demain à l'aube on part attaquer le véritable fléau de ce royaume.

Et ils levèrent leur verre à cette idée. Ils s'accordèrent un bon repas dans lequel Monroe ne faisait que picorer, l'esprit ailleurs.

- Qu'est-ce qu'on va devenir après ça ? demanda Nax.

- Toi tu n'as pas trop à t'en faire. Les héros deviennent toujours roi ou un truc comme ça. Comme maintenant il n'y en a plus en plus, tu pourras prendre sa place et pacifier le pays ! affirma son compagnon le plus bavard.

- Mais je m'inquiète surtout pour vous. Qu'est-ce que vous comptez faire ?

Folco jeta un regard à Léontine. La tradition voulait sans doute que une fois leur quête fini Nax et elle se marie. Mais il n'en avait pas vraiment envie et il avait l'impression que Folco non plus.

- Je resterais surement prendre soin de vous ! déclara-t-il avec un sourire qui cachait probablement une infinie tristesse.

- Et toi Monroe ? insista Nax.

Il haussa les épaules.

- J'verrais.

Tous se tournèrent vers Naïa qui eut un grand sourire en déclarant qu'elle allait vivre sa vie.


Iona était désespérée. Allongée sur le sol de sa caverne elle se sentait faible. Ses loups étaient morts, elle-même ressemblait désormais à une vieille femme. Tout cela à cause de ce maudit fermier. Mais il allait voir ce qu'il l'attendait. Elle le tuerait. Demain elle le vaincrait. Et alors tout redeviendrait comme avant. Cette nuit elle devrait reprendre des forces. Alors elle puisa sa magie dans toutes les créatures l'entourant, récupérant ce qu'elle avait mis en elles. Les bêtes hurlèrent alors qu'elle se nourrissait de leur magie les faisant mourir lentement. Elle serait seule, mais demain elle pourrait à nouveau recréer des créatures aussi terrifiantes.

- Demain ! prononça-t-elle.

Car il était hors de question qu'un ennemi provoque l'attaque finale. C'était au héros de le faire.


Sauf que les compagnons furent réveillés en pleine nuit. Une troupe d'homme armée entra dans la chambre, les tirants de leur sommeil.

- Il doit y avoir une erreur... dit Nax.

- On m'a dit que vous êtiez une bande de royaliste !

- Non. Je suis le héros de la lumière.

- T'es-tu servi de tes pouvoirs contre nos oppresseurs ?

- J'ai un combat plus important à mener !

- Tu es donc du côté du roi !

Les gardes l'inspectèrent lui, Monroe, Falco et retirèrent enfin son voile à Léontine. Notre héros ne put s'empêcher de regarder avec curiosité. Il fut déçu. Elle était des plus banales, les cheveux d'un brun clair, le regard brun, plutôt maigrelette. Elle n'avait rien de spécialement gracieux.

- Regarde-moi celle-là ! Je te parie que c'est une noble avec un teint pareil !

Et le garde la gifla. Falco rua, tenta de se dégager des mains de ceux qui le tenait pour la protéger mais en vain. Ils lui administrèrent encore quelques coups qu'elle reçut en silence. Ils la relevèrent, le visage ensanglanté mais une expression de haine farouche hantant ses traits.

- Où est Naïa ? demanda Nax alors qu'on les emmenait.

- Elle nous a trahis ! rugit Folco. Si je la trouve je la tue !

Ils les jetèrent dans un cachot sordide. Le garde aida leur compagne à s'assoir et s'assura que ça allait. Nax lui ne cessait de tourner en rond. Dire qu'il pensait battre la maîtresse de l'obscure à cette heure-ci.

- Qu'est-ce qu'on va devenir ?

- Ils vont sans doute nous faire décapiter dans les heures venir ! répondit Monroe à la porte.

- Décapiter ? s'alarma Folco d'une petite voix.

- On ne peut pas rester ici ! paniqua Nax.

- Non. Tu as une mission à accomplir et vous deux vous ne méritez pas la mort.

- Tu n'as pas l'air très inquiet toi !

- Ils vont me libérer. Je suis dans leur camp.

Folco se jeta sur lui mais Nax et Léontine s'interposèrent.

- Comment ça ? demanda l'élu avec un intense sentiment de trahison.

- Ma famille a bien été tué mais par des royalistes, pour nous punir de notre choix. Avec des compagnons révolutionnaires nous avons repris ma ville et moi je suis parti ; Je voulais monter à la capitale, aider la révolution et venger les miens. Je suis parti avec vous pour vous trahir.

- Je vais te...

- Mais j'ai changé d'avis. Nax tu... Tu vas faire de grandes choses. Ils ne s'en rendent pas compte mais ce que tu vas faire est bien plus important que de renverser ou rétablir le roi. Ca on peut toujours le faire plus tard, un élu on en aura pas deux et c'est le Mal que tu vas chasser. Folco tu es un des hommes les plus droits et fidèles que je connaisse et la personne la plus aimante que je connaisse. Et toi Léontine pour une noble tu as été des plus courageuses et humble. A aucun moment tu ne nous a pris de haut. Alors je ne compte pas vous laisser croupir ici. Faites-moi confiance !

Ils n'avaient pas le choix.



Quelques heures plus tard on vint les tirer de leur prison.

- Je ne la regretterais ! souffla Folco

- Citoyen Monroe nous vous prions de nous pardonner notre erreur ! dit l'un des gardes en le libérant. C'est une affreuse erreur !

Ils se saisirent par contre des trois compagnons. Monroe frappa alors l'un des gardes dont il se saisit de l'arme. Nax tenta de l'aider avec sa magie, sans résultat.

- Ce ne sont pas des créatures de l'obscur ! murmura Léontine.

- Allez-y ! cria Monroe. Ne m'attendais pas !

Il continuait de se battre. Nax l'observait, incapable de l'abandonner.

- Viens Nax ! insista Folco.

- On ne peut pas le laisser.

- Pars ! hurla Monroe en se retournant brièvement une fois tous les gardes vaincus. On se retrouvera ne t'en fais pas !

Il courut se jeter sur ceux qui arrivaient et les trois compagnons coururent hors de cette ville maudite.



Nax, Folco et Léontine frissonnèrent devant la caverne. Le mal y suintait de partout, les glaçant jusqu'au sang.

- Eh bien quel endroit lugubre ! Ce n'est pas là que je m'installerais ! souffla Folco.

- Allons-y ! soupira Nax. Il le faut !

Il avança dans la caverne, suivit de ses deux compagnons. Bien qu'ils ne serviraient à rien. Le combat se ferait uniquement entre lui et la maîtresse de l'obscure.

Cette dernière l'attendait, un sourire aux lèvres.

- Alors c'est toi le paysan qui pense me battre ?

- Oui. Aujourd'hui vous allez mourir.

Elle s'esclaffa et projeta son pouvoir sur lui. Nax eut juste attend le réflexe de tendre le main pour faire sortir le sien avant que la vague sombre ne l'atteigne. Mais la lumière la chassa progressivement.

- Non ! hurla son ennemie.

- Vous êtes finie ! lui affirma Nax tandis que sa magie progressait de plus en plus dans la caverne.

Elle l'atteignit et la fit fondre en hurlant de douleur avant qu'elle ne s'évapore, morte à jamais. Cela avait été facile, mais il fallait bien que le héros gagne ! Sa magie emplit toute la caverne qui se para de magnifiques fleurs et d'arbres majestueux, transformant le torrent de lave en une eau limpide.

- C'est magnifique ! souffla une voix bien connue.

Ils se retournèrent. Monroe était là trainant Naïa avec lui. Nax en eut le cœur battant de le voir.

- Je vous ai ramené un cadeau. Je crois que Folco avait très envie de s'occuper d'elle, annonça-t-il.

- C'est clair ! gronda ce dernier.

- Laissons-la s'expliquer ! intervint doucement Léontine.

- Très bien ! Pour combien tu nous as trahis ? rugit l'ancien garde.

- Pas une pièce. Les révolutionnaires eux ne me traitent pas comme une moins que rien sous prétexte que je suis une fille. Ils m'ont accepté dans leur rang, m'ont même laissé combattre.

- Après tout ce qu'on a fait pour toi !

Folco brandit son épée.

- Non ! le retint Nax. Laisse-la partir. Elle a choisi la trahison. Elle finira par le payer. En attendant allons annoncer notre victoire !



Mais personne n'en eut rien à faire ! Le royaume ne s'intéressait qu'au nouveau gouvernement qui venait tout juste d'apparaitre. Les bardes et conteurs racontaient les exploits des révolutionnaires. Et les compagnons durent s'avouer qu'ils n'auraient aucune récompense.

- Qu'est-ceque vous allez faire alors ? demanda Nax comme ce soir-là dans la taverne.

Comme ce soir-là Folco jeta un regard à Léontine.

- Vous devriez quitter le pays. Ce sera plus sûr pour elle, déclara le héros ignoré de tous.

- Oui je ferais ça.

- Et tu peux tout à fait l'épouser. Je n'ai nulle vue sur elle, lui assura Nax. Et puis je ne suis qu'un fermier et c'est clair que c'est toi qu'elle veut.

Les deux amoureux se sourirent, heureux. Ils les accompagnèrent au port où ils se dirent adieu.

- Vous serez toujours les bienvenus chez nous ! déclara leur ami à la langue bien pendu juste avant de monter.

- Et on viendra vous voir !

Tous s'étreignirent une dernière fois. Nax observa le navire les transportant filer loin. Monroe à ses côtés.

- Et toi ? lui demanda-t-il fébrilement. Qu'est-ce que tu vas faire ?

- Je ne sais pas. Je ne risque pas d'être le bienvenu nulle part je crois.

- J'ai cru que je te reverrais jamais tu sais. Et avant ça quand j'ai cru que tu m'avais trahi j'ai jamais rien ressenti d'aussi douloureux. Alors que je n'ai jamais été aussi heureux que le moment où je t'ai vu dans cette caverne.

Il lui fit son sourire serein si adorable. Et au diable les traditions, les croyances et tout cela. Il l'embrassa. Pas comme on embrasse un ami mais bien comme on embrasse la personne que l'on aime. Parce que c'était ce qu'il ressentait pour Monroe, de l'amour. On pourrait lui proposer toutes les princesses du monde qu'il ne voudrait toujours que Monroe.

Après ce long et passionné baiser, ce dernier lui prit la main :

- Je crois que je vais rester avec toi ! lui dit-il.

- Parfait ! Je sais déjà où je veux aller.



Ils avaient cheminaient un long moment, évitant les villes, mais avec Monroe ce n'était pas vraiment un souci pour se nourrir. Et puis passer du temps ensemble était un bonheur bien trop précieux pour qu'ils protestent du temps que leur prenait le chemin. Enfin Nax arriva en vu de son village.

Aussi étrange que cela puisse paraître il ne voulait plus aller nulle part. Il voulait juste rentrer et reprendre sa vie avec Monroe. Il savait qu'au village on n'aimerait pas les voir ensemble mais il avait la magie de son côté non ? Ils finiraient par s'y faire.

Malheureusement en pénétrant dans le village il s'immobilisa, ne pouvant en croire ces yeux. Devant lui il n'y avait plus rien. Les maisons étaient soient abandonnées soient détruites et là où s'était tenu l'assemblée un tas de corps décapité, parmi lesquels il reconnut Damien, ses frères, ses amis, ses voisins, le vieil ermite. Tous les gens qu'il avait aimé et connu.

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