L'Elu
Les quatre s'étaient retranchés dans une vieille ferme abandonnée. Ils se taisaient et s'observaient en silence, écoutant les bruits venant de l'extérieur, cherchant à entendre les sabots d'un cheval, le signe que l'ennemi les avaient retrouvés ou que celui qui était mort ne l'était pas vraiment. Mais il n'y avait que le silence. Un silence empli de désespoir.
- Je ne comprends pas ! soupira le plus âgé des compagnons, un homme à l'épaisse barbe blanche. Il avait tout ce qu'il fallait. Il était tel que le disait la prophétie.
- Nous le savons bien, souffla un autre bien plus jeune et plutôt maigrelet.
Le vieillard ne cessait de rabâcher la même chose depuis leur fuite. Et l'entendre à chaque fois était comme un nouveau coup de poignard en plein cœur.
Comme à chaque fois il sortit de sa tunique un parchemin froissé et lu :
- Après mille ans sans magie il viendra ce nouveau magicien, l'année d'une sévère disette, prince né parmi les pauvres, marqué d'une lune blanche sur la main qui tuera le roi maléfique. Il trouvera l'épée enchantée, pleurera son mentor et son règne sera le début d'une nouvelle ère de prospérité et de joie. Tout correspond !
Quatre soupirs mélancoliques se firent entendre.
- On a bien eu mille ans sans voir le moindre magicien avant sa naissance. Il est né l'année de la grande famine, dans une pauvre famille de fermier où sa mère la reine l'a abandonnée. Il avait bien une lune blanche dessinée sur sa main droite. Il est bien le premier à avoir fait de la magie depuis mille ans et on l'a tous aidé à retrouver l'épée enchantée. Et il a perdu Bracken pour ça, qu'il a bien plus que pleuré.
Tous baissèrent la tête en repensant à cet autre qu'ils avaient aimé.
- Alors je ne comprends pas. Comment le roi maléfique a-t-il pu le tuer ?
- Peut-être que la prophétie était fausse supposa une jeune fille d'une grande beauté malgré ses yeux rougis par les larmes.
- Une prophétie ne peut pas être fausse !
- Alors ce n'était peut-être pas lui, fit innocemment un géant qui serrait contre lui une hache immense.
- Mais tout correspondait ! s'écria leur jeune compagnon.
- Peut-être qu'il a raison, fit le vieillard avec espoir. Il faut que nous parcourions le pays, cet élu doit bien être quelque part.
Les autres échangèrent un regard, avant d'accepter. Aucun d'entre eux n'y croyait. Mais qu'avaient-ils de mieux à faire de toute façon ?
Alors ils parcoururent le pays, examinant tous les jeunes hommes de famille pauvre né l'année de la grande famine. Ils ne virent rien d'autre que le désespoir et les ravages qu'avait causés le roi maléfique. Après un énième village, la jeune fille prit à part son jeune compagnon :
- Qu'est-ce qu'il y a Thistle ? questionna ce dernier surpris de ce traitement qu'elle lui accordait.
- Qu'est-ce qu'on va devenir ? On est les compagnons du héros, dans les histoires il gagne et on en profite. Mais quand il meure ?
- Comment ça ?
- Le roi nous fait rechercher sans doute, il va vouloir notre mort ou nous punir tu ne penses pas. Et puisque le plus fort d'entre nous n'est plus qu'est-ce que nous on va devenir ? On n'a aucune chance. Et tu sais comme moi qu'il n'y a plus d'élu. Et même s'il y en avait un, tu n'as pas grandi avec lui, il ne m'a pas aimé. Alors dis-moi qu'est-ce qui va nous arriver ?
- Bonne question, répondit-il sombrement.
Leurs deux autres compagnons les trouvèrent la mine basse.
- Vous voilà alors ! Il faut aller au prochain village ! Ordonna le plus vieux d'entre eux.
- Mais, fit leur compagnon à la hache, on n'a pas déjà fait tous les villages ?
- Non, il en reste encore beaucoup.
- Il serait peut-être temps d'abandonner ! soupira Thistle. Il n'y a pas d'autre élu et nous, nous avons tout perdu !
- Jeune fille ne désespère pas.
- Le roi viendra nous tuer nous aussi vous le savez !
- Dans ce cas allons le tuer nous, fit le guerrier.
Tous fixèrent leur ami et compagnon qui semblait déterminé. Le plus jeune d'entre eux prit la parole :
- Après tout Qu'avons-nous à perdre ? Si nous n'y allons pas, ils viendront à nous. Et on peut toujours essayer de venger notre ami.
Tous approuvèrent sombrement.
- Comment peut-on réussir là où Valentin a échoué ? fit sombrement Thistle en observant le château menaçant.
- Il faut y croire ! Enjoignit le doyen de la bande. Et avoir un bon plan.
Un plan ? Ils n'avaient tous qu'une envie c'était de se jeter sur le roi pour le tuer comme il avait tué son ami.
- On va se déguiser en serviteur, poursuivit-il.
- Mais ma hache ?
- Il faudra que tu la caches sous tes vêtements. On entre par les cuisines et on prétend qu'on doit aller servir le roi. Et une fois seul avec lui....
Ils échangèrent un sourire complice.
S'habiller comme des serviteurs fut facile, sauf le moment de cacher la hache qui était plus que visible mais que leur compagnon refusa d'abandonner, entrer par les cuisines aussi, mais ce fut ensuite que la tâche se compliqua :
- Je ne me souviens pas de vous, fit le chef des cuisines et pourtant je connais chaque personne qui travail pour moi.
- On est nouveau ! fit le doyen.
- Un vieillard comme toi ne peut être nouveau ! Et même si c'était le cas, je ne laisserais pas des nouveaux servir le roi en personne, ils doivent faire leurs preuves avant. Mais pour ça il faudrait que ce soit vraiment des serviteurs alors je le répète qui êtes-vous ?
Tous se regardèrent, puis le plus âgé d'entre eux s'avança et lui déclara à voix basse :
- Nous sommes des compagnons du prince Valentin, on est venu finir ce qu'il a commencé. Comme nous vous ne pouvez que désirer voir le roi mourir. Aidez-nous alors ! Laissez-nous l'approcher.
L'autre les fixa apeuré et appela :
- Garde !
Les compagnons sortirent leurs armes au moment où les gardes arrivaient.
- Je m'en occupe, fuyez ! déclara leur ami, hache à la main, en fonçant sur la troupe.
Ils hésitèrent mais voyant leur ami tuer d'un mouvement trois gardes, ils foncèrent. Ils ne virent pas alors que malgré sa force, leur camarade était submergé en nombre et qu'un garde lui planta son épée dans le dos, le tuant sur le coup.
Ils ne s'en doutèrent qu'en sentant des mains les agrippés et qu'ils furent tous les trois jetés au cachot, sans aucun signe de leur ami.
- Cette fois c'est trop ! fit Thistle. On a perdu suffisamment de monde. Garde !
Un jeune garde arriva et la toisa :
- Je veux voir le roi ! proclama la jeune fille.
- Ah oui ?
- Oui. Il faut que je lui parle d'un complot contre lui.
- Tu en parleras à mon supérieur !
- Non. Je ne peux en parler qu'au roi. Demandez-lui s'il veut me recevoir, dit-lui que je m'appelle Thistle.
Deux heures plus tard un garde apparut et lui ouvrit la porte. On l'amena au roi maléfique, qui était seul sur son trône et la fixait de son regard perçant. Elle frissonna. C'était l'homme qui avait tué son bien-aimé, celui qui persécutait le royaume depuis si longtemps. Pourtant elle reprit contenance et s'avança la peur au ventre pour s'incliner.
- Majesté c'est un honneur de vous rencontrer.
- Alors c'est toi la villageoise que mon fils aimait.
- J'ai eu cet honneur Majesté. Mais c'était avant que vous démontriez votre supériorité.
- Vraiment ? Il paraît que tu as un complot à me révéler.
- Oui. Dans vos cachots il reste encore deux de mes compagnons. Ils voulaient que je vous séduisent, comme j'ai séduit votre fils, pour les faire monter dans votre chambre une nuit où je vous aurez fait trop boire pour vous assassiner.
- Ah tiens ! Heureusement cela n'avait aucune chance d'arriver. Je ne bois pas et je ne m'entiche pas de villageoise !
- Pourquoi ne pas les prendre à leur propre jeu majesté. Je les fais monter ici, leur faisant croire que vous êtes ivre. Seulement ils ne trouveront qu'un ennemi et vous pourrez vous débarrasser des derniers rebelles de votre royaume.
Il se leva et s'approcha, elle se retint de frissonner de dégoût.
- Ça serait tentant. Mais je ne suis pas stupide ! Vous m'avez vraiment sous-estimé ! D'abord vous m'envoyez un garçon ayant grandi dans une ferme et qui avait des scrupules à faire couler le sang pour me tuer quand moi j'ai passé ma vie à pratiquer l'épée, tuer et torturer. Et maintenant vous croyez que je vais prendre le risque de me confronter à ceux qui veulent me tuer. Garde ! appela-t-il en l'empoignant.
Deux d'entre eux s'approchèrent.
- Cette demoiselle est arrivée avec des compagnons ?
- Oui, deux hommes.
- Égorgez-les !
Et de son épée il fit de même sur la femme qu'avait aimée son fils. Ses dernières pensées furent pour lui justement, qu'elle allait retrouver. Ses compagnons eux, quand ils virent l'épée des gardes foncer sur eux, pensèrent qu'au moins ils avaient essayé et qu'ils ne seraient plus là pour voir le nouvel âge des ténèbres.
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