Chapitre 3 : les présentations
- Moi j'accepte le mariage.
Elle put voir Valentin affiché un large sourire, Elisabeth se décomposer et pâlir à une vitesse dépassant le mur du son alors que le roi paraissait encore plus dégoûté par la proposition faite par son fils. La princesse Rashta elle, se leva et tapa une crise de nerf incroyablement ridicule.
- Moi aussi je l'accepte, affirma Valentin.
Les paroles du jeune homme firent sortir Anaïs de sa transe. Elle se mit à rougir immédiatement et partit en courant de la salle. Qu'avait-elle osé faire ? Et le prince, comment avait-il pu être aussi sûr de lui ? Élisabeth proposa de faire une pause, et partie la rejoindre. Quelle idée lui était passée par la tête ?! Certes, une alliance comme celle-ci résoudrait tous les problèmes, mais se proposer en mariage?!
- Anaïs ! As-tu perdu la tête ou quoi ? Pense à ton avenir et au développement de tes pouvoirs avant cela !
- Je ne sais pas moi même ce qu'il m'a pris. Mais qu'est ce que j'ai fait...
- On peut toujours proposer une autre sorcière, mais je crois qu'il ne veut que vous.
- Comment pouvez vous le savoir ? Pourquoi ne voudrait-il que moi? Je n'ai rien de spécial... Une autre sorcière serait bien meilleure épouse que moi...
- Alors trouvez quelqu'un susceptible d'accepter, et allez parler au Prince. Mais je te le dis ma petite, tu te retrouves dans un sacré pétrin !
Elisabeth paraissait exaspérée mais aussi inquiète pour elle. Le roi les fit entrer dans la réunion et Anaïs se fit prendre à partie par Rashta, toujours très énervée. Mais devant tous ces regards, Rashta ne put rien faire, et partit s'asseoir loin d'Anaïs, son regard néanmoins toujours fixé sur elle.
Anaïs n'écoutait pas grand chose auparavant, mais après cet incident, c'est comme si elle était un fantôme : elle était présente, sans vraiment l'être. Elle sentait les regards sur elle, et ne savait pas quoi faire. Tout se mélangeait dans sa tête. Elle ne pouvait pas faire marche arrière. Elle se demandait si le prince lui, avait changé d'avis. Sauf que Valentin n'avait absolument pas changé d'avis. Il se voyait déjà débarrassé de son mariage pénible, remplacé par un mariage plus apaisé avec une personne plus appréciable que Rashta. Il avait failli la faire sortir par peur lorsqu'elle avait pris Anaïs, mais il s'était ravisé.
- Comment allons nous nous organiser ? dit un des nobles présents.
- Organiser quoi ? Mon fils est déjà fiancé, et il n'épousera personne d'autre que la princesse que j'ai choisi !
- Et que faire pour répondre aux attentes des sorcières dans ce cas ? dit Valentin.
- Je me souviens avoir déjà dit qu'elles ne méritaient rien de notre part.
- Sauf qu'on s'en balance tous de votre avis, répliqua fermement Elisabeth. Vous préparez votre fils au pouvoir et bientôt il vous remplacera : autant le laisser faire quelques choix avant de le laisser nager tout seul. Par contre Roméo, pas touche à ma protégée : elle est beaucoup trop précieuse pour vous.
- Si je dois épouser quelqu'un, ce sera Anaïs et personne d'autre. Alors père, peu importe votre choix, je ferai ce que je souhaite, et Elisabeth, laissez Anaïs choisir elle-même comme vous le dites si bien. Il est temps que j'ose enfin m'affirmer !
- Je te demande pardon ?! répliqua Rashta, tandis qu'Anaïs prenait une teinte rougeâtre. Je suis ta fiancée ! Ta future femme ! De quel droit ?!
- Je m'en fiche de toi Rashta, la coupa Valentin. Je ne t'aurais même pas remarqué si on ne m'avait pas promis à toi depuis l'enfance.
- Tu n'as pas le droit d'offrir un être aussi ignoble à ce royaume ! s'énerva le roi alors que Rashta commençait à s'énerver encore plus.
- Dois-je vous rappeler que vous avez désobéi vous-même à votre père, en épousant ma mère ?
- Mais ta mère était une princesse !
- Et Anaïs est l'une des sorcières les plus prodigieuses !
- Là n'est pas la question ! Elle n'a aucun mérite à être sur le trône !
- Alors je pense que nous n'avons plus rien à nous dire.
Valentin regardait son père, très sérieux. Il fit le tour de la table, prit la main d'Anaïs, et sortit avec elle. Elisabeth protesta grandement mais il fut beaucoup plus rapide, et il lui claqua la porte au nez puis entraîna Anaïs avec elle dans les jardins, à l'endroit où elle lui avait dit qu'il pouvait décider de se marier avec qui il le désirait. La jeune fille était étonnée, pas choquée, juste surprise mais aussi incroyablement fière de lui. Puis il se passe quelque chose qu'elle ne comprit pas : il s'approcha près d'elle et l'embrassa. Anaïs ne s'y attendait absolument pas ! Mais cela ne la dérangea pas, bien au contraire. Elle profita de ce moment, dans les bras de Valentin. Lorsqu'ils se séparèrent, une question lui vînt à l'esprit :
- Pourquoi as-tu fait ça ? Je t'ai dit de te marier avec celle que tu voulais !
- Alors il faut croire que tu ne suis pas tes propres conseils... dit Valentin en souriant. Je préfère mille fois être avec toi qu'avec elle... et si c'était à refaire, je n'hésiterai pas..
- Mais on ne se connaît qu'à peine, souffla Anaïs même si elle en avait le cœur serré.
- Eh bien, moi je crois au coup de foudre. Et tu me plais déjà, et je sais que je n'ai même pas besoin de te connaître totalement pour tomber amoureux de toi.
Anaïs ne sut pas quoi dire. Que pouvait-elle bien répondre à cette magnifique réplique ? C'était les mots qu'elle attendait, tous ces doutes s'envolèrent. Elle lui fit un doux sourire, les joues rouges. Elle prit timidement sa main en regardant ses pieds et partit se balader.
- Je veux pas te forcer à te marier... Je suis jeune, je ne suis jamais sortie de ma cabane...
- Jamais ? Il faut vraiment que tu découvres le monde ! Il faudrait, que tu regardes les cascades du pays, les plages magnifiques, tu as tant de choses à découvrir pour profiter de la vie !
- Mais, et toi ? Tu ne peux pas abandonner tes fonctions d'héritier comme ça.
- En vérité, c'est le roi qui dirige tout, je suis un peu décoratif... C'est seulement quand je prendrai mes fonctions que je ne pourrai plus voyager librement. Mais je dois en profiter !
- Tu as sûrement raison... On s'assoit ? Si on doit se marier, autant apprendre à se connaître... D'ailleurs... Je sais que tu n'as sûrement jamais eu affaire à une sorcière... Tu as des questions ?...
La nature de la jeune fille ne semblait pas apeurer plus que cela le jeune homme. Il lui parla de son enfance, de sa famille, de sa mère décédée. Anaïs, elle, n'avait pas grand chose à dire, elle ne connaissait rien de ses parents et ne sortait que très rarement de sa cabane. Sa proposition de découvrir son royaume lui plaisait, elle devait l'avouer. Mais elle ne voulait pas le forcer à se retirer de sa fonction de prince, car quoi qu'il dise, elle ne l'avait pas vu pendant des jours avant aujourd'hui. Il devait avoir beaucoup de travail à faire. Elle laissa ses pensées divaguer jusqu'à atteindre Rashta. Elle avait compris durant la réunion que Valentin ne ressentait rien pour elle, mais qu'en était-il de Rashta pour le prince.
- On ne peut pas rester ici, pour ton bien, affirma Valentin. Rashta va péter un câble et pourrait te faire toutes les mesquineries qui lui passeraient par la tête. Mon père serait capable de t'emprisonner... Et que dire de tous ces nobles sournois.
- Mais et toi ? Tu vas bien ? Entendre ces mots de la part de ton père, ça n'a pas dû être facile... En plus de cela .. Tu t'es porté volontaire, alors tu cours autant de risques que moi... Si ce n'est plus... Tu ne peux rester ici plus longtemps...
- Alors allons chez toi, murmura le jeune prince en la regardant dans les yeux.
- Ma cabane sera beaucoup trop petite pour nous deux, soupira Anaïs. Mais... j'ai bien une idée. Il existe une maison secondaire pour les déplacements de sorcières dans certaines forêts où il y pousse des plantes rares. On pourrait s'y rendre ! Je n'ai jamais pu y aller, ce serait une découverte pour nous deux !
- Cela me va, dit Valentin en souriant. On s'y rendra à cheval pour y être avant la tombée de la nuit. Si cela te convient évidemment...
- On peut y aller en balais, le coupa gentiment la jeune fille avec un sourire. Cela sera plus rapide, puis, tu voulais me découvrir un peu plus, n'est-ce pas ? C'est le moyen de transport que j'utilise le plus. Vus d'en haut, les paysages sont magnifiques ! Tu verrais ton royaume d'une manière différente !
- Ce serait vraiment super ! On prépare deux trois affaires, et on y va ? Préviens quand même Elisabeth, elle s'inquiète pour toi.
- Je sais, elle s'inquiète même trop... Elle est toujours là tapie dans l'ombre à guetter le moindre de mes mouvements... expliqua ironiquement Anaïs, jouant avec ses mains.
- C'est parce qu'elle tient à toi ! Et crois-moi, des personnes comme cela, c'est rare et il faut les garder.
La jeune fille hocha la tête puis le prince lui déposa un baiser sur la joue avant de s'en aller.
Quant à elle, Elisabeth l'attendait sûrement déjà dans sa chambre. Elle y retourna donc, parler à Elisabeth, et prendre deux trois affaires. Elle avait oublié Noireau, le pauvre ! Il irait avec eux, elle ne pouvait pas l'abandonner.
Elle écoutait Elisabeth, en faisant son sac. Elle la coupa et lui expliqua ce qui allait se passer, calmement.
- Oh, un otage, intéressant, lâcha sa mentor.
- Otage ? Non, non, c'est juste pour qu'on soit en paix. Valentin ne sera jamais un otage ! Ce n'est pas ainsi que nous résoudrons nos problèmes. Nous cherchons juste à nous isoler pour réfléchir à ce qu'il s'est passé aujourd'hui, pour prendre du recul.
- Vous isolez ? Et être des déserteurs aux yeux du roi ? Très intelligent, dit sarcastiquement Elisabeth.
- Je ne suis pas sa sujette donc il n'a aucun droit sur moi, affirma Anaïs qui savait très bien que de toutes manières, ses pouvoirs étaient suffisants contre lui. Il étouffe Valentin. Et Valentin a le droit de vivre tranquillement. Et puis, ce n'est pas définitif, nous reviendrons ! Ne t'en fais pas pour moi, Elisabeth, j'ai l'âge de me débrouiller seule. Merci de t'inquiéter pour moi, mais il est temps que je prenne mon envol en tant que femme, et en tant que sorcière.
- Prendre ton envol ? Te débrouiller seule ? Qu'il en soit ainsi. Je ne volerai pas à ton secours en cas de problème, même si ta vie est en danger. Tu seras seule face au monde.
- Elisabeth... tu es comme une mère que je n'ai jamais eu. Jamais je ne te laisserais, mais je dois découvrir le monde.
- Es-tu vraiment obligée d'y aller avec Valentin ? J'aurais pu t'accompagner plus tard. En parlant, elle s'était adoucie.
- Oui, parce que nous allons passer le reste de notre vie ensemble, on doit apprendre à se connaître. Et avoue que ce mariage pourrait résoudre tous nos problèmes.
- Anaïs, ca pourrait tout arranger, certes, mais tu es si jeune... Pourquoi t'être lancée dans cette aventure ?... Tu aurais pu être avec qui tu voulais... Et te voilà condamnée à être à la tête d'un royaume...
- Valentin est gentil, assura la jeune fille. Et pour le moment, c'est avec lui que je veux être. Ce n'est pas parce que c'est le prince qu'il ne peut pas me convenir. Elisabeth, je t'en prie fais moi confiance. Je te promet de rester prudente, et je te donnerai régulièrement des nouvelles !
Dès lors que sa mentor se mit à soupirer, Anaïs su qu'elle avait gagné. Elisabeth ne savait pas dans quoi Anaïs s'engageait, mais elle avait l'air confiante, sûre d'elle. Elle la regarda un moment et la prit dans ses bras. Elle n'oserait jamais lui dire, mais elle aimait beaucoup Anaïs, comme sa propre fille. Peut être que, finalement, c'était ce qu'elle était. Elisabeth lui lança quelques conseils puis l'aida à faire ses valises. Elle n'aurait plus qu'à les couvrir auprès du roi, et elle allait devoir inventer elle ne savait quelle excuse. Anaïs remercia encore sa mentor et sortit de la chambre avec Valentin qui l'attendait juste devant la porte.
- Prête ? lui demanda-t-il, toujours avec son habituel sourire.
- Prête.
Ses yeux reflétaient une détermination sans faille, qui ébahi Valentin. Anaïs qui était si timide et peu sûre d'elle, était devenue l'une des femmes les plus déterminées que Valentin n'ait jamais vu. Il était stupéfait. La transformation était remarquable. Il se demandait comment c'était possible. Il se demandait à quoi tout cela était dû. Tous deux, depuis leur rencontre, avaient changé. Ils avaient appris à s'affirmer et à se faire entendre. Ils étaient devenu libres de leurs choix. Et pour profiter de cette liberté, le duo avait décidé de partir.
C'est ainsi qu'ils se retrouvèrent tout deux dans un endroit isolé, tandis qu'Elisabeth surveillait les environs afin que personne ne les voit. Anaïs avait le sourire aux lèvres et n'avait pas envie de retirer sa main de celle de Valentin. Elle était chaude, agréable et rassurante. Elle lança un dernier regard au magnifique château et enfourcha son balai. Valentin vînt se placer derrière elle, peu à l'aise. Il ne savait pas comment se tenir et il trouvait sa position fort inconfortable. Il n'avait pas l'habitude. Mais lorsqu'il enlaça Anaïs sous sa demande, le balai devint bizarrement un moyen de déplacement fort intéressant. Anaïs l'invita à se rapprocher d'elle afin qu'il ne tombe pas. Elle avait rapetissé leurs affaires afin qu'elles ne les encombre pas, et les avaient mis à l'abris du vent. Valentin était tout émerveillé par cette magie. On lui disait souvent que les sorcières étaient extrêmement méchantes et cruelles. Sauf qu'Elisabeth était douce avec Anaïs, et cette dernière ressemblait plus à la perfection incarnée qu'autre chose. Après avoir dit au revoir à sa mentor, la jeune sorcière prit son balai de ses deux mains. Le balai enchanté s'envola doucement, toute en délicatesse, impressionnant encore un peu plus Valentin.
C'est ainsi que le prince et la sorcière s'en allèrent dans les airs, l'un contre l'autre. Cela aurait pu être semblable à un conte de fée, si seulement Rashta n'avait pas été en train de préparer un plan pour sortir Anaïs de la vie de Valentin par n'importe quel moyen. La jeune femme rageait déjà de ne pas pouvoir les suivre à cause de leur moyen de transport mais elle trouverait le moyen de les séparer. Elle renverserait la tendance. Elle était née pour devenir reine, et son seul but dans la vie était de se marier avec un bon parti, pour faire plaisir à ses parents. Le prince était certes beau, mais son statut était ce qui lui importait le plus. Son statut et son argent, évidemment. Quoi de mieux que d'être riche, influent et a la tête d'un royaume. Il fallait supprimer Anaïs. Elle n'avait rien à faire avec Valentin. Si elle ne pouvait pas s'en prendre à eux, elle pouvait faire pression par le biais de quelqu'un d'autre.
Anaïs et Valentin, eux, étaient à mille lieux d'imaginer que Rashta tramait quelque chose. Ils avaient la tête dans les nuages, autant dans le sens figuré que le sens propre du terme. Valentin découvrait, avec un œil curieux, un autre point de vue du royaume sur lequel il allait régner. De son côté Anaïs essayait tant bien que mal de se concentrer, gênée par les mains du prince autour de sa taille. Car même si c'est elle qui lui avait demandé, elle n'avait jamais rencontré d'hommes, et n'avait jamais senti des mains tenir sa taille aussi fermement que Valentin à cet instant. Elle le sentit néanmoins se pencher un peu pour regarder le sol. Elle était totalement paniquée à l'idée de faire une fausse manœuvre et de le faire tomber par inadvertance. Elle déployait toute son attention pour faire attention à lui. Puis, elle vit une sorte de grande maison au loin. C'était leur destination. Elle était au bord d'un étang, et entourée d'un forêt. C'était une sorte d'îlot, un point de refuge, coupé du reste du monde. Elle sourit en le voyant, heureuse d'être bientôt arrivée. Elle relâcha alors un peu son attention:
- Tiens regarde ! C'est là-bas !
- Cela à l'air confortable, commenta Valentin émerveillé de découvrir lui aussi des endroits inconnus.
- Je ne sais pas, admit Anaïs. Je n'y suis jamais allée. C'est la première fois que je vais aussi loin, sans Elisabeth.
- C'est une première fois pour moi aussi, je ne suis jamais sorti du château non accompagné par des gardes, au minimum.
- Alors a partir de maintenant, je serais ton garde, dit-elle, un sourire aux lèvres. Je te protégerai comme je le peux. Mais attention, je n'y laisserai pas la vie.
- De toute façon, jamais je ne laisserais quelqu'un te tuer, affirma le prince.
Anaïs les fit se poser en douceur et ils regardèrent tout autour d'eux, ébahis. Les rayons de soleil faisaient briller l'étang et un vent léger bougeait les feuilles des arbres. Ils entrèrent alors dans la petite demeure.
Personne n'était venu depuis des années, et cela se voyait : les meubles étaient poussiéreux, des araignées avaient élu domicile, et quelques cafards déambulaient sur le sol. Mais rien ne découragea les jeunes gens, ils étaient heureux. Un petit rire sortit de la gorge d'Anaïs avant que celle ci ne se tourne vers son -peut-être- futur mari.
- Je sais que monsieur est prince, mais je ne compte pas nettoyer ça toute seule. Tu sais tenir un balai ?
- Cela ne devrait pas être compliqué, il faudra juste m'indiquer où il se trouve, assure-t-il en s'approchant d'elle un sourire aux lèvres. Mais tu es une sorcière puissante ! Tu ne vas quand même pas me faire croire qu'il n'y a pas de sorts pour tout nettoyer sans effort !
- Et bien figure toi, que oui, mais j'ai bien envie de te voir faire le ménage... Ranger cette maison ne peut que nous faire du bien, et nous aider à prendre nos marques. Elle fit apparaître un balai d'un simple mouvement de main, et le lui passa. De mon côté je m'occupe des affaires ! Elle lui tira la langue tout en s'éloignant vers un petit sac. Et puis tu vas voir, ca va être amusant!
- J'ai du mal à te croire..
Il prit le balai en souriant, amusé par la situation.
- Je commence par quoi ? Les chambres ? Ou ici ?...
- Hum... les chambres. Cela serait plutôt sympathique de passer une bonne nuit ! On verra pour le reste en fonction du temps.
Anaïs libéra Noireau qui partit inspecter les alentours. Il n'avait pas passé un bon moment enfermer dans un petit sac. Et il continuait de se méfier de cet homme qui tournait autour de sa maîtresse. Le petit chat décida alors de suivre le prince, sans jamais le lâcher du regard. Intérieurement, il se moquait de ce piètre homme de ménage improvisé. Valentin lui, ne trouvait pas le chat dérangeant mais n'osait pas l'approcher de peur de le faire s'enfuir. Pour une fois, il était heureux d'être ici, loin du château et ne portant plus ses responsabilités de prince. C'était un soulagement. Il se sentait libre, il pouvait dire ce qu'il voulait sans être jugé par les regards de tous. Enfin, si, il sentait le regard moqueur d'Anaïs derrière lui. Il était si nul que ça pour le ménage ? Il sentit Anaïs s'approcher dans son dos, passer ses bras autour de lui pour finalement attraper le balais.
- Pas comme ça... dit elle en riant, l'aidant dans ses mouvements.
Ils n'avaient jamais été aussi proches. Valentin pouvait humer l'odeur de la jeune fille et il ne s'était jamais senti aussi bien en présence d'une femme. Anaïs appréciait cette légèreté entre eux.
Anaïs était comblée. Ils avaient passé des journées entière à vivre simplement, ne se souciant que d'eux-mêmes, et non de leurs responsabilités. Ils avaient appris à se connaître et elle s'en était rendue compte : elle ne pourrait plus jamais vivre sans Valentin. Elle avait développé des sentiments à son égard, sentiments qu'elle n'aurait jamais pensé éprouver un jour. Ils s'étaient beaucoup rapprochés, et Anaïs apprenait au prince à se débrouiller tout seul. Valentin l'aidait à découvrir le monde du royaume tel qu'il le connaissait. Ils se rapprochaient chaque jour. Ils se baladaient près de l'étang et dans la forêt tous les après-midis. Ils appréciaient leur compagnie l'un l'autre.
Un véritable petit couple.
Mais ils savaient que tout ne durerait pas éternellement. Ensembles, ils avaient pris la décision de rentrer au palais. Quand ? Ils ne le savaient pas. Mais il le fallait. Valentin devait réclamer son trône et Anaïs devait se battre pour les droits de ses sœurs.
Un jour, Anaïs reconnut le corbeau d'Elisabeth devant la fenêtre avec un message à une pattes. La jeune femme s'en saisit et appela Valentin pour qu'ils la lisent ensembles.
"Cher Anaïs,
Ton copain et toi devez impérativement revenir au château ! Je le sens, il se trame quelque chose de grave contre vous. On complote dans le château, je le ressens. Je ne sais pas encore quoi, mais je préfère t'avoir à mes côtés. Faites bien attention à vous, et restez prudents. Anaïs, n'hésite pas à lancer le premier sort que je t'ai appris en cas de danger.
Bien à vous, Elisabeth."
- Je sais bien que mon père ne vous apprécie pas trop, jamais il ne ferait un truc aussi injuste devant ses invités, lâcha Valentin.
- Et Rashta ? Penses-tu qu'elle pourrait nous faire quelque chose de mal ?
- Tu penses vraiment qu'elle pourrait nous nuire ? Je sais qu'elle n'avait pas l'air très heureuse quand nous sommes partis, mais de là à s'attaquer à nous...
- De toute façon nous avions prévu de rentrer. Allons-y !
Ils firent leurs valise en quelques minutes et le pauvre Noireau se retrouva enfermé dans une minuscule sacoche. Anaïs ne pouvait s'empêcher de repenser à sa première rencontre avec Rashta. Tant de méchanceté émanait d'elle, que même les sorcières étaient de petits lutins adorables à côté. Comment Valentin pouvait croire qu'une once de bienveillance pouvait être en elle. À moins qu'elle se soit sentie trahie par le choix de Valentin de choisir Anaïs, pourtant elle ne semblait pas vraiment l'aimer... Anaïs se sentait beaucoup plus à l'aise avec Valentin sur le balai au retour. Le jeune homme était habitué et la présence de ses bras entourant sa taille la troublait toujours mais ne la dérangeait plus.
Lorsqu'ils arrivèrent dans les jardins, Elisabeth se jeta sur sa disciple pour la prendre dans ses bras. Elle ne l'avouerait jamais mais cette petite comptait énormément pour elle, et elle lui avait manquée. Elle salua Valentin aussi d'un geste, il avait pris soin de sa protégée. La doyenne sut qu'elle pouvait maintenant avoir confiance en lui. Elle se détendit alors et adressa un sourire au duo.
- Vous avez fait vite... Il faut agir..
- Que se passe-t-il ? demanda Valentin en prenant la main d'Anaïs.
- J'ai entendu votre ancienne fiancée comploter.
- Qu'a-t-elle encore fait ?
- Je ne sais pas, mais cet endroit regorge de personnes qui ne souhaitent qu'une chose : ma mort et celle d'Anaïs. Nous sommes sorcières, et nous ne sommes pas les bienvenues apparemment. Et maintenant que vous prenez notre défense, vous avez vous aussi des ennemis.
- Mais vous méritez les mêmes droits que tous les autres! Je ne comprends pas pourquoi tout le monde vous craint et vous méprise...
- Les préjugées sont tenaces Valentin, vous devriez le savoir c'est le fondement de notre société, affirma durement Elizabeth.
Anaïs savait que sa mentor avait raison. Cela l'inquiétait encore plus pour ses sœurs. Elle espérait vraiment que la décision qu'ils avaient pris il y avait des semaines fonctionnerait.
Valentin héla des gardes qui se dépêchèrent d'exécuter ses ordres. Il accompagna Elisabeth et Anaïs dans leurs appartement et elles y restèrent jusqu'à l'heure du dîner. Lui était parti se préparer, cherchant les meilleurs arguments pour contraindre son père à l'écouter et à accepter son offre. Il ne s'attendait pas vraiment à voir son géniteur débarquer dans sa chambre en furie sans qu'il n'y ait personne d'autre. Ils n'étaient jamais que tout les deux.
-Pourrais-tu au moins prévenir lorsque tu pars comme cela ou alors tu veux que je meure d'inquiétude !
- Vous mourrez d'inquiétude pour ma personne ou alors parce que je suis l'héritier ? Ou encore mieux : parce que je ne suis bon qu'à me marier avec la princesse de votre choix ?
- Oh cessez de faire l'enfant voyons ! dit-il en s'approchant de lui, l'étreignant pour la première fois depuis son enfance. Vous êtes mon fils, et par ailleurs, la seule chose qu'il me reste de ma défunte femme.
Valentin en resta stupéfié. C'était la première fois que son père lui montrait qu'il tenait réellement à lui. Il en resta de marbre malgré tout. La chaleur de son père lui avait manqué. Peut-être qu'il avait enfin compris et accepté les choix qu'il avait fait.
- Papa. J'aime Anaïs, profondément.
- Comme... une amie, tu veux dire? Le mariage avec Rashta est très important, tu ne dois plus le faire traîner... Il faut que tu te maries, demain à l'aube.
- Je... non, pas comme une amie. Je crois que c'est plus que cela. J'ai promis de trouver une solution pour les sorcières. Et ma proposition lors de l'assemblée dernière était réelle. Je souhaite l'épouser. Elle fera une bien meilleure reine que Rashta, elle connaît le peuple.
- Je vais faire comme ci je n'avais rien entendu. Enfin fils, tu t'écoutes parler? Te marier avec...ça?
- Enfin, père, je l'aime vraiment contrairement à Rashta ! Regardez la vérité en face : les sorcières sont inoffensives si on ne leur porte pas préjudices. Anaïs elle-même a stoppé les agissements de ses sœurs.
- Il va me falloir du temps pour l'accepter. Soit ! Fais ce qu'il te plaît, mais répare tes bêtises, et ne compte pas sur mon aide. On se revoit au dîner.
Le roi sortit de la pièce, laissant son fils seul. Valentin laissa un soupire franchir ses lèvres. Il fallait qu'il y ait un mariage avec Rashta, mais qui accepterait de se marier avec une femme si mauvaise ? Au moins son père ne s'opposait pas totalement à son mariage avec Anaïs. Peut-être voulait-il quand même un peu son bonheur ? Il n'avait plus qu'à trouver Rashta. S'il réussissait à la convaincre, alors son avenir avec Anaïs était assuré.
L'heure de souper arriva bien vite, et un festin avait été préparé pour le retour du dauphin. Tous s'installèrent, mais cette fois, Anaïs était assise à côté du prince, et Elisabeth était en face d'elle. Le roi lui, était au bout de la longue table. Il détaillait longuement Anaïs en se demandant si elle méritait réellement son fils. Tout cela avait été trop loin et il remarquait bien que Valentin ne l'écouterait plus désormais, c'était devenu un grand garçon. Rashta n'était toujours pas arrivée au repas. Il y avait un invité de plus au château. Lorsqu'il s'installa, non loin de Valentin, celui-ci le reconnut très facilement. Il s'agissait de son cousin, Paul, duc de Vicomte. Anaïs regardait autour d'elle, sentant une certaine tension, une atmosphère malsaine. Elle savait qu'elle avait plus d'ennemis que d'amis à la cour, mais la jeune femme se rassurait en se disant que Valentin serait là en cas de problèmes. Elle surprit le regard intrigué du roi sur elle avant que tout le monde ne se taise.
Le silence pesant marquait l'arrivée de la princesse Rashta. Celle-ci regarda d'un œil mauvais la sorcière et Valentin assis à côté d'elle. Elle s'installa en silence, et commença à manger. Pour la plupart des gens présents, ce fut une surprise de la voir ainsi, trop silencieuse. Certains espéraient qu'elle soit malade, ou qu'on lui ait arraché les cordes vocales, d'autres comme Anaïs pensaient plutôt qu'elle préparait un mauvais coup. Elisabeth surveillait les moindres faits et gestes de la jeune princesse. Celle-ci avait les yeux injectés de sangs et ne regardait personne. Le cousin de Valentin la dévisagea longuement.
Le roi se leva de table, et le reste suivit, avant de trinquer fièrement. On fit la fête pour célébrer le retour de Valentin, et de nombreux plats furent amener. Malgré le souhait du roi d'aborder le sujet du mariage, il n'en fit rien. Il préférait mener le repas dans la joie et la bonne humeur avant qu'une nouvelle dispute n'éclate. Bonne humeur qui n'était pas présente car tout le monde savait que le mariage était un sujet actuel de débat. Tout l'attention se braquait sur Valentin, Rashta et Anaïs. Des rumeurs avaient surgi et la cour était divisée entre deux avis. Ceux pour le mariage entre deux personnes de sang royal, et ceux qui étaient pour le mariage avec la jeune sorcière, qui pourrait apporter la paix avec le peuple des sorcières. Mais même si leurs questions brûlaient les lèvres des nobles, aucun n'osa parler. Rashta avait l'air d'une humeur massacrante, et personne ne voulait oser la déranger. Toute la cour ne savait que trop bien ce qu'ils encouraient lorsque les nerfs de la jeune princesse étaient mis à rude épreuve. Et pour les plus jeunes, ils en avaient eu un vague aperçu largement satisfaisant lors de l'interruption de son mariage.
Alors que le dîner toucha à sa fin, le roi fit bien attention de demander avec discrétion la présence d'Anaïs, Rashta, Valentin et Élisabeth avec lui dans le grand salon. La jeune sorcière sentait son ventre se tordre, le roi l'intimidait beaucoup. En voyant son neveu seul, le roi invita Paul lui aussi.
Valentin s'approcha de son cousin, qu'il n'avait pas vu depuis une éternité. Petit, il jouait souvent avec lui dans les grands jardins du château. Son père était le frère de la défunte Reine. En le voyant s'approcher, Paul le salua :
- ça fait longtemps !
- Oui ! Comment tu vas mon cher cousin ? Je veux tout savoir ! T'as une fiancée ? Et tes parents vont bien ?
- Heu, laquelle ? Rashta ou Anaïs ? Mon père veut absolument me voir marier, j'essaye donc de négocier pour que ce ne soit pas Rashta. Pour l'instant, j'arrive à me débrouiller, mais j'appréhende la réaction de Rashta. Et toi ?
- Je n'ai pas autant de problèmes que toi !
- Tu m'en vois ravi ! Et toi du coup ? J'ai appris que tu devais bientôt te marier aussi, qui est l'heureuse élue ?
- Il n'y en a pas. Je suis censé leur ramener une fille de bonne famille. Mais la vérité, c'est que je n'en trouve pas. J'aimerais rencontrer la femme parfaite, que j'aime et qui m'aime. Un peu comme toi avec Anaïs. Il lui fit un clin d'œil, peu discret. Ce n'est pas très compliqué de se rendre compte que tu l'aimes !
- Je.. Je ne vois pas du tout de quoi tu parles! s'exclama-t-il. On s'entend bien, et ça peut lier nos deux royaumes, c'est tout...
- Menteur, n'essaye pas de me duper, toute la cour a remarqué que tu en pinçais pour elle, beaucoup plus que lorsqu'on te prédestinait à Rashta.
Le visage de Valentin vira au cramoisie et il jeta un coup d'oeil à Anaïs qui lui sourit. Néanmoins, il remarquait qu'elle était particulièrement nerveuse. Elle était seule dans un coin, perdue dans ce monde qu'elle ne connaissait pas et ne comprenait pas. Elle n'osait d'ailleurs pas s'approcher pour éviter un scandale avec les nobles, et Rashta.
- Que dirais-tu que je te la présente, Paul ? proposa Valentin.
- Avec plaisir ! Je veux savoir qui a réussi à apprivoiser le cœur de mon cher cousin, et comment ! lui répondit Paul en riant.
Valentin n'aurait su dire comment exactement, elle était juste elle-même, et c'est cela qui lui plaisait. Rashta les regarda se déplacer vers la jeune sorcière qui parlait à Elisabeth à mi-voix. Valentin fit donc les présentations entre elle et son cousin. Anaïs se sentait plus à l'aise maintenant qu'elle connaissait tout le monde dans la salle. Elle se mit même à discuter gaiement avec Paul, tandis qu'Elisabeth et Valentin semblaient discuter calmement. Rashta rêvait de discuter aussi gaiement qu'Anaïs. Elle était jalouse de son sourire, et de sa gaieté. C'était cette émotion qu'elle cherchait plus que tout. Elle était aussi jalouse d'elle. Certes, Rashta n'était pas la femme la plus laide du royaume, mais Anaïs était bien plus belle qu'elle. Et elle, elle possédait le cœur et l'âme, à n'en point douter, de Valentin.
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