Chapitre 2 : Dialogue

Elle n'aurait jamais imaginé que cette personne rencontrée dans les bois seraient le prince de son royaume ! La jeune sorcière n'avait plus aucune envie de combattre, au contraire des autres qui continuaient d'attaquer. Elle leva alors sa main vers ses sœurs pour attirer leur attention.

- Attendez un instant ! S'il vous plaît ! Ne bougez plus !

- Pourquoi voudrais-tu qu'on attende ? Nous devrions prendre possession du château ! rouspéta Elisabeth en se rapprochant d'elle.

- Pourquoi faisons nous cela ? A quoi cela peut servir ? Nous sommes entrées dans le château, les gardes ne sont plus là, et le prince se tient juste devant nous !

- Là n'est pas la question! Nous devons prendre possession du royaume! Abats-le tout de suite! C'est un ordre! s'énerva-t-elle.

- Non, je ne peux pas tuer des gens qui n'ont rien fait, commença Anaïs. On ne peut pas faire cela. Il y a sans doute un autre moyen de contrôler le royaume tout entier.

Malheureusement, beaucoup de sorcières n'étaient pas aussi bienveillantes qu'Anaïs et continuèrent de lancer des sorts, toujours plus dangereux. La stabilité du palais fut mise à rude épreuve, mais elle ne tint pas longtemps. Anaïs se mit à réfléchir à toute vitesse, lorsqu'un morceau de toit, auparavant orné de magnifiques peintures, entra dans son champ de vision. Pas le temps de réfléchir, son corps agit bien avant. Son bâton ne servait même plus à rien, seules ses mains étaient les maîtresses du destin de ces gens. Elle se concentra, marmonna deux-trois mots et fit un mouvement brusque des mains qui envoya la partie du toit valser loin des personnes. Tout le monde en resta sans voix. Même elle n'arrivait pas à y croire : elle avait utilisé ses mains. Pas son bâton, ses propres mains. Cela ne signifiait qu'une chose : elle était enfin une sorcière accomplie. Elle était même plus. La plupart des sorcières qui l'accompagnait avaient au moins besoin d'un objet avec elles. Là, seul son corps permettait de lancer ses sorts. Elle avait accomplie une partie de la prophétie. Elle était incapable de se souvenir de l'entre moitié de la prophétie, sûrement à cause de sa stupéfaction face à son exploit mais les sorcières, elles, comprenaient parfaitement. Le prince s'approcha un peu plus d'elle alors que le valet revenait. Anaïs vit alors son panier, celui qu'elle avait perdu dans la forêt quelques semaines auparavant. Il n'y avait plus de doute : la personne qui se tenait devant elle était le jeune homme qu'elle avait épié à son insu. Jeune homme qu'elle avait d'ailleurs qualifié de "perfection". En se souvenant de cela, ses joues se mirent à s'enflammer sans qu'elle ne puisse rien y faire. Elle détourna alors son regard vers ses affaires et s'exclama :

- Mon panier !!

- Je supposais que vous auriez aimé le revoir un jour, murmura le jeune prince en le lui tendant.

Valentin sourit à la jeune fille, totalement charmé par ce charme innocent qui émanait d'elle. Elle était vraiment magnifique ! Elle était si différente de Rashta : plus calme, plus douce, ... Il aimerait apprendre à la connaître, d'autant plus qu'étant une sorcière, il pourrait résoudre le conflit qui existe depuis des siècles. Oui, il avait pris sa décision ! Elle serait son invité d'honneur. Mais le problème "Rashta" n'était pas résolu. Il fallait lui faire comprendre qu'il ne voulait pas d'elle. Il se surprit à sourire en voyant les timides remerciements de son interlocutrice. Elle était vraiment adorable, tout l'inverse de l'autre dégénérée.

- J'aimerais que vous me fassiez le plaisir d'être mon invitée d'honneur, affirma Valentin alors que des cris de stupeur des deux parties cachaient la dernière partie de sa phrase.

- Mes amies et moi souhaitons justement être reconnues. Et ne plus vivre comme des pestiférées loin de tous, expliqua Anaïs d'une voix calme. Mais en quoi être votre invitée d'honneur pourrait changer la donne ?

- Et bien, nous pourrions, ensemble, réfléchir au statut des sorcières dans le pays. J'ai bien vu que vous ne cherchez pas la bataille mais plutôt la paix.

- Et quels sont les compromis que vous seriez prêt à faire? Comprenez bien que, mes sœurs et moi en avons marre de vivre cachées, comme des recluses de la société. Nous aimerions, et je pense que cela sera possible, avoir les même droits que les autres citoyen, dit-elle de façon à ce que le refus soit inenvisageable.

Anaïs ne s'était pas attendue à ce qu'il prenne sa main et la regarde droit dans les yeux. Un frisson parcourut le long de son bras à la rencontre de la peau du prince et elle tressaillit en fixant l'océan qui s'offrait à son regard.

- Peut-être pourriez vous rester pour que l'on puisse en parler...

Surprise par le prince, Anaïs essaya en vain de se reprendre, sans vraiment y arriver. Elle acquiesça en hochant la tête doucement, pour le plus grand bonheur de Valentin. Rashta les fixait depuis le début la bouche cousue. Cela ne lui disait rien qui vaille... Élisabeth les regardait, écœurée par tant de douceur dans leurs échanges. Anaïs sentit le regard de son mentor sur elle, et s'éloigna, comme si elle avait reçu une décharge électrique. Valentin la regardait, désabusé, sans comprendre pourquoi elle agissait ainsi. Il était certain qu'elle ne le détestait pas pourtant ! Il pouvait voir dans son regard qu'il l'avait troublé. Anaïs s'était reprise sous le regard d'Elisabeth, qu'elle ne connaissait que trop bien. Un petit chat noir déboula dans le hall et se posa devant sa maîtresse. Il observait le prince avec méfiance. Anaïs se baissa doucement et le prit dans ses bras, plaquant sa petit tête contre elle. Ainsi, elle avait l'impression d'être protégée, d'avoir un bouclier. Son regard se leva lentement vers Valentin. Elle cherchait ses mots. Mais elle ne les trouva pas. Elle n'arriva même pas à ouvrir la bouche. Malgré tout, Valentin s'approcha un peu plus des sorcières sous la surprise de celles-ci et la stupeur de la cours pour se poster face à Anaïs.

- Si cela vous rassure, une autre sorcière peut vous accompagner. Ainsi, vous ne serez pas seule dans cet immense bâtisse.

Il avait parlé avec un grand sourire, qui avait impressionné Anaïs. Sa voix était si douce, il avait l'air si bienveillant. Elle se demandait si c'était un piège pour attirer les meilleures sorcières afin de mieux les tuer et... Non. Il n'était pas comme ça. Impossible. Elle se tourna vers Elisabeth qui semblait décontenancée. Sa mentor accepterait-elle cette proposition ? Elle lui prit les mains et lui posa la question pour en avoir le cœur net. Cette dernière semblait tout d'abord réticente, mais finit par accepter : "Après tout, si nous pouvons avoir un nouveau statut sans combattre, ce serait parfait." Anaïs fut terriblement heureuse, même si elle réussit à cacher son émotion. Elle se tourna vers le prince et lui dit :

- Nous acceptons votre proposition avec joie !

- Parfait ! Vous logerez ici alors. Avez vous des affaires ? Nous allons vous conduire à vos chambres.

Le prince affichait un chaleureux sourire. Il fit suspendre le mariage sur le champ et tous les invités furent si surpris qu'ils n'osèrent faire aucune remarque. Néanmoins, son père lui décocha un regard sévère lui montrant bien son opinion sur la question. Rashta, rouge de colère, s'approcha d'Anaïs dans le but de pouvoir ouvrir la bouche à nouveau. Anaïs sembla se rappeler que cette femme avait la bouche scellée. Elle annula rapidement le sort, d'un simple mouvement de main. Plus rien ne pouvait lui résister à présent ! Rashta, hors d'elle, se mit à hurler contre son futur mari, et celle qui avait osé gâcher ce -théoriquement- fabuleux jour.

- Toi ! Comment as-tu osé !? C'était MON jour !!!

- Ne fait pas la personne choquée Rashta, commença le prince en la fixant durement. Nous ne sommes pas proches tout les deux; nous n'entretenons que des relations cordiales. Je n'ai aucun reproche à recevoir de toi.

Anaïs se sentit tout d'un coup très gênée. Finalement, ce n'était peut-être pas une si bonne idée. Elle semblait déranger la fiancée du prince, dont elle ne savait d'ailleurs toujours pas le prénom. Elle la regarda, se disant qu'elle n'avait pas vraiment l'air appréciable.

- Excusez-moi de vous interrompre, mais, si nous devons cohabiter.... Comment vous vous appelez ? osa-t-elle demander.

- Comment je m'appelle, moi ! s'énerva Rashta en balayant ses paroles d'un geste de la main. Prince Valentin, comment pouvez-vous perdre votre temps avec cette sorcière de pacotille ?

- Et moi, comment ai-je pu perdre mon temps dans ce mariage... Il avait chuchoté si bas que personne ne l'avait entendu, dans un soupir. S'il vous plaît, Rashta, veuillez vous reposer dans vos appartements, cette journée a été épuisante pour tous.

Anais regardait le "couple" se disputer sans vraiment écouter. Elle était agacée par toute l'arrogance qui émanait de la future reine. Élisabeth, se retenant de commettre un meurtre, prit la parole.

- Si sa seigneurie a finit de se plaindre avec sa voix plus que mélodieuse, commença-t-elle ironiquement, et a, par ailleurs, fini de nous insulter, nous aimerions parler avec le prince, entre personnes normalement constituées.

Si les invités crièrent au scandale, Valentin laissa échapper un rire mélodieux. Rashta, folle de rage, voulait s'attaquer à Élisabeth mais Anaïs s'interposa pour que son mentor ne soit pas blessé. Pour calmer le jeu, le prince fit escorter la jeune princesse dans ses appartements par ses gardes armés, certain qu'elle ne s'y opposerait.

Anaïs s'en doutait, le palais était gigantesque. Mais elle ne s'imaginait pas avoir une chambre dix fois plus grande que sa maisonnette ! Au début elle avait été très gênée, mais le prince (dont elle avait appris le prénom) avait insisté. Elle avait fait au moins 10 fois le tour de celle ci, retenant chaque détails. Elle se demandait à quoi pouvait servir une chambre aussi grande. Elle ne se sentait pas encore à l'aise avec tout cela mais elle allait réussir à s'habituer. On toqua à la porte et ouvrit directement : Elisabeth entra et s'assit à côté de sa pupille.

- Qu'est-ce qu'il se passe exactement avec le prince ?

- Franchement, je n'en sais rien ! Il y a quelque jour, je l'ai aperçu alors que je me promenais dans la forêt, mais si je ne pensais pas que c'était le prince !

- Penses-tu qu'on peut lui faire réellement confiance ?

- Je l'espère sincèrement. Il n'a pas l'air d'avoir de mauvaises intentions... Il m'a même rendu mon panier! dit-elle en le prenant, les yeux brillants.

- Anaïs, quand cesseras-tu de faire l'enfant ? Nous sommes des sorcières, beaucoup de personnes nous détestent et nous dénigrent. On ne peut pas faire confiance aux gens, même à un prince aux beaux yeux. On risque de finir sévèrement punies.

Elisabeth n'avait pas tort. C'était seulement la deuxième fois qu'elle rencontrait Valentin, et encore, la première fois, elle ne lui avait pas adressé la parole. Mais Anaïs avait l'étrange sentiment que cette personne était digne de confiance. Elle baissa un peu la tête en s'excusant. Elle savait bien qu'elles étaient en danger, mais pourquoi toujours être sur ses gardes quand elles pouvaient profiter d'une vie luxueuse durant quelques jours, tout en discutant de leurs droits ? Elle voulait vraiment avoir confiance en lui, elle voulait croire que c'était réellement quelqu'un de bien. Puis, il semblait l'apprécier et vouloir faire sa connaissance à elle. À elle, une sorcière alors qu'il avait sûrement le choix entre plusieurs beautés de la cours. Il l'avait choisi elle et c'était quelque chose d'inespéré : il la sortait de la forêt. Non pas qu'elle détestait la forêt, mais un peu de changement ne lui ferait pas de mal.

- Mais on ne perd rien à essayer ! affirma-t-elle alors pleine de confiance. De toute façon, nous sommes des sorcières accomplies et redoutées, qui oserait nous faire du mal ?

- Il suffit de nous prendre par surprise pendant que nous dormons, et il en est fini de nous ! Réalise un peu ! On est sur le territoire ennemi !

Anaïs la regarda interloquée. Elle ne pensait vraiment pas que le prince était capable de faire cela. Il agissait avec une douceur extrême avec elle, puis, il la regardait si intensément... Etait-elle vraiment si naïve ? Peu importe. Elle écouterait Elisabeth, et serait sur ses gardes.

- Je ferais attention, c'est promis.

- Tu dis toujours ça Anaïs! dit Élisabeth agacée.

Élisabeth avait vraiment peur que tout se passe mal, qu'il arrive quelque chose a sa protégée. Elle connaissait toute la puissance que détenait Anaïs grâce à son pouvoir et elle voulait l'élever à un avenir grandiose. Elle ne souhaitait surtout pas qu'elle finisse morte avant de pouvoir exercer pleinement ses plus grandes capacités. Elle se devait de la surveiller.

C'est ainsi qu'elles se décidèrent à visiter rapidement le palais et notamment les jardins avant le repas. Elles devaient dîner en compagnie du prince Valentin, de la princesse Rashta, des grands nobles. Le roi était aussi présent. La fin de la journée approcha rapidement, et elles furent appelées à manger avec eux. Elles étaient côte à côte, en face de Valentin et sa concubine. C'était assez étrange et les deux sorcières se sentaient assez mal à l'aise. Anaïs savait qu'ils devaient se marier, mais elle avait l'impression qu'aucun des deux ne semblaient amoureux. Le prince ne faisait que de la fixer avec des yeux pétillants alors que Rashta, qui était bien habillée, semblait être ici pour le confort et les bonnes positions. Le roi lui semblait très imposant, mais il avait un regard triste. Ils avaient l'air malheureux, mais ils se forçaient à sourire devant les nobles. Cette table était remplie d'hypocrites en tout genre. "Alors, c'est ça la vie de château ?" se dit-elle. Anaïs balaya son regard sur toutes les personnes présentes, observant, se faisant une fiche mentale. Son analyse se finit sur Valentin, et elle resta un moment à le contempler sans vraiment s'en rendre compte. Leurs regards n'osaient se détourner, comme ci cet instant risquait de disparaître, de s'effacer.

Elle se retrouva seule dans sa chambre après le repas, à cogiter sur sa décision et toutes les personnes peuplant le château. Lorsqu'on toqua à sa porte, elle sut que ce n'était pas sa mentor car la personne attendit qu'elle lui ouvre la porte. C'était Valentin, le jeune prince, avec un sourire espiègle qui lui proposa de faire une balade dans les jardins du château avec lui, avant que la nuit tombe. Sur le coup, elle se méfia. Un prince qui venait dans sa chambre, le soir après le dîner, c'est peu commun et les paroles d'Elisabeth tournaient dans sa tête. Mais après quelques pas avec lui, elle oublia tout et se laissa aller. Ils discutèrent un long moment, apprenant à se connaître. Sans même s'en rendre compte, les deux inconnus se découvrirent des points communs. En une soirée, ils avaient tissés des liens, et s'étaient beaucoup rapprochés. La jeune fille se demandait si le mariage allait vraiment avoir lieu. Elle sentait bien que même si Valentin ne le disait pas clairement, il n'avait aucune envie de se marier à Rashta. Mais pour lors, le mariage avait juste été repoussé, pas annulé. Peut-être serait elle invitée ? Après tout, on pouvait maintenant dire qu'elle s'était beaucoup rapprochée du prince, qu'ils étaient plutôt proches.

Elle regarda Valentin. Il était devant elle, le guidant à travers les couloirs pour la raccompagner dans sa chambre. Sans vraiment savoir pourquoi elle s'arrêta, silencieuse, et regarda Valentin. Elle lui attrapa le poignet avant qu'il ne s'éloigne de trop. Il la regarda, étonné mais heureux et elle sentit son visage brûlé.

- Tu ne devrais pas faire quelque chose que tu ne désires pas même si des gens l'attendent de ta part, conseilla la jeune sorcière.

- De quoi parles-tu ?

Anaïs s'empourpra. Elle hésita puis se lança, le regard fuyant :

- De ton mariage.

Le prince laissa un soupir passer ses lèvres.

- Je n'ai pas vraiment le choix, c'est mon père qui décide...

- Tu n'as qu'à dire non ! Pourquoi te forcer ?? C'est pas pour être méchante, mais Rashta n'a pas l'air de pouvoir apporter quelque chose au royaume...

- Rashta est préparée à être reine depuis le début de son adolescence. Forcément elle le prend mal et tout le monde va le prendre mal si j'annule tout sans aucune raison, soupira Valentin.

- Ce n'est pas sans rien, c'est pour ton bonheur !

- Mon bonheur est insignifiant ! Je suis un prince, j'ai des responsabilités envers mon peuple, envers les nobles, et envers les puissances étrangères. Je suis fiancé depuis mon enfance à Rashta, dans le but d'une alliance, et pour assurer la stabilité du royaume. J'y suis résolu.

- Alors quoi ? Tu dois avoir 20 ans, et tu condamnes ton futur à être long et ennuyeux ? Tu gâches ton avenir pour le passer avec quelqu'un que tu supportes à peine ? Tu ne penses pas que tu pourrais trouver un compromis ? Une alliance ? En contrepartie vous vous mariez avec celui ou celle que vous aimez ??

- Cela ne sera jamais aussi simple que cela malheureusement.... Cela ne dépend pas de moi et je suis censé penser à mon peuple avant ma personne. Mais je vous remercie Anaïs, cela fait chaud au cœur, souffla le jeune homme en la serrant dans ses bras.

Anaïs se tut. C'était la première fois qu'on la prenait dans ses bras depuis un long moment. Elle avait oublié la chaleur que l'on ressentait à ce moment, et elle en profita. Elle passa alors ses bras autour de Valentin, le serrant doucement, blottie contre lui. Ils n'avaient jamais été aussi proches, et elle put se rendre à quel point il sentait bon, et que ses bras étaient plus chaleureux qu'elle n'avait pu l'imaginer. Ils finirent par s'écarter, tous deux gênés mais assez heureux. Le prince ramena Anaïs jusqu'à sa chambre et elle lui offrit un baiser sur la joue avant d'y retourner. Le prince, quant à lui, des suites des dires de la jeune sorcière, cogitait sur son sort. La nuit lui porterait sûrement conseil.

Au fur et à mesure des journées passées au château (soit pas moins de 5 jours), Anaïs s'était sentie bien seule. Elle n'avait pas revue le prince, et passait son temps à lire des épais grimoires dans le jardin. Élisabeth passait de temps à autre le soir afin de discuter, mais le prince lui manquait. Elle repensait sans cesse à cette formidable soirée qu'elle avait passée en sa compagnie. Est-ce qu'il ne venait plus la voir délibérément ? Avait-elle dit quelque chose qui l'avait froissé ? La jeune fille cherchait ce qui avait bien pu causer cela, mais elle ne trouva pas. Aujourd'hui, elle avait rendez vous avec le prince et ses ministres, pour décider de l'avenir des sorcières. Elle irait avec Elisabeth. Elle était jeune et n'avait pas beaucoup d'expérience contrairement à elle. Alors qu'elle se baladait dans ses pensées, elle ne fit pas attention à la princesse qui arrivait. Celle-ci, avec toute sa grâce habituelle, se mit à lui parler aussi joliment et poliment qu'une mouette agonisante. Anaïs ne comprît pas tout de suite ce qui lui arrivait. Néanmoins, elle s'approcha d'elle et lui prit amicalement le bras avec un regard assez arrogant.

- Tu sais, ne va pas imaginer que Valentin tombe amoureux de toi ma chère. Il est assez perturbé ses derniers temps et toujours empathique envers les autres.

- De quoi parlez vous ? Vous pensez vraiment que... que... que... Mais c'est impossible ! Et puis, il est fiancé à vous !

- Crois-tu que je n'ai pas vu tes yeux de biches?

- Je ne vois pas de quoi vous... De quoi vous parlez...

- Ne fais pas l'innocente...

- Mais je ne vois absolument pas de quoi tu parles, minauda la jeune sorcière.

- Tu veux voler mon futur époux et tu oses dire que tu l'ignores ! Espèce de...

- Je vous prie de laisser ma pupille tranquille !

- Nous ne faisions que parler, il n'y a pas de quoi s'affoler.

Rashta regarda longuement Anaïs, puis continua son chemin.

- Anaïs, ne te laisse pas faire par ces gens, ils pensent être bien élevés, mais en réalité, ce sont les pires.

- Oui j'avais remarqué... dit-elle en frottant son bras.

- Viens, on nous attend pour parler de notre avenir.

Les deux jeunes sorcières partirent alors vers leur rendez-vous, pendant qu'Anaïs repensait aux derniers événements. Rashta semblait suspecter quelque chose entre le prince et elle. Néanmoins, cela ne la dérangeait pas et ne la rendait pas mal à l'aise mais elle se demandait comment était fondée cette idée dans la tête de la princesse. Elle se stoppa d'un coup lorsqu'elle revit le prince pour la première fois depuis quelques jours. Mais que lui arrivait-il ? Depuis le jour de l'attaque, elle ne se reconnaissait plus. Et elle en connaissait la cause : Valentin. Comment arrivait-il à la rendre si nerveuse ?! Elles s'installèrent aux places qu'on leur avait attribué. Une nouvelle fois, Anaïs tomba en face du prince. Elle se dit qu'ainsi, elle pouvait le regarder quand elle voulait sans que cela paraisse étrange. Il était toujours aussi mignon mais paraissait fatigué. Lorsqu'il lui offrit un sourire elle se demanda pourquoi il l'avait évité pendant quelques jours. Elle ne comprenait pas. Peut-être qu'elle avait été trop loin en disant à Valentin ce qu'il devait faire à propos de son mariage. En y repensant, elle avait été trop intrusive. Elle soupira, et baissa les yeux. Elle ne comprenait rien de ce que disait les généraux et les nobles. Elle lança un regard à son mentor qui avait l'air concentré, et qui hochait la tête frénétiquement. Apparemment, elle comprenait. Pas besoin de se concentrer alors, se dit-elle. De toute façon, ce n'était pas à elle de choisir, c'était à Elisabeth qui était la doyenne de leur communauté. Elle jeta rapidement un coup d'oeil au prince. Lui aussi semblait distrait et ne pas vraiment écouter cette réunion, pensant sûrement autre chose. Et c'était le cas.

Valentin n'écoutait plus depuis une bonne dizaine de minutes. Il s'était perdu dans ses pensées, bien plus captivantes que ce blabla. Il n'avait pas revu Anaïs depuis cette fameuse soirée même s'il l'avait croisé de temps à autre dans les immenses couloirs. Souvent il repensait à leur rencontre, au temps qu'ils avaient passés ensemble. Mais il n'avait pas eu l'occasion de passer à nouveau du temps avec elle, à son plus grand désespoir. Son devoir l'appelait. Les préparatifs pour refaire le mariage prenaient du temps, son père le tenait à l'œil et lui avait passer un énorme savon. De plus, il le préparait aussi à régner, et Valentin redoutait de devenir roi. Etre roi signifiait avoir de nombreuses responsabilités et porter un lourd fardeau. Et il se doutait que Rashta ne l'aiderait pas dans ses tâches : elle n'était pas très maligne, ni très intelligente. Il rit discrètement, si elle l'avait entendu, elle aurait piqué une crise ! Cependant, quelqu'un l'avait entendu : Anaïs. Et le prince ne put s'empêcher de plonger son regard dans le sien en la voyant le fixer d'un air interrogateur. Apparemment, elle non plus n'avait pas l'air très attentive. Il lui offrit alors un sourire discret, à l'abris des yeux de sa fiancée. Il s'en voulait de ne pas lui parler depuis quelques jours mais il ne pouvait pas s'attirer plus les foudres de son père. Mais il devait trouver un moyen de lui parler sans être vu par sa famille ou Rashta. Les phrases qu'elle lui avait dites le faisait tergiverser. Il aimait énormément son peuple, mais s'il n'était pas prince, tout serait beaucoup plus simple ! Il était encore perdu dans ses pensées, quand soudain quelqu'un frappa la table du poing. Elisabeth attira l'attention de tous : elle était très en colère, et cela se ressentait dans l'air. Anaïs leva lentement ses yeux vers elle, posa la main sur son bras. Elle n'aimait pas la voir en colère, elle la trouvait effrayante.

- Du calme... chuchota-t-elle.

- Me calmer ? Non je ne me calmerais pas face à snobinard sans respect envers nous. J'ai un minimum de dignité. Ca fait bien une heure que vous parlez pour ne rien dire ! Je suis ici pour chercher des réponses, et vous ne faites que tourner autour du pot ! Alors maintenant, vous proposez des solutions ou bien je quitte ce palais, et vous me reverrez avec une armée, prête à vous détruire.

Anaïs n'en revenait pas, ayant comme premier but de trouver un moyen d'entretenir la paix, tout en ayant des droits. Et la voici maintenant, en train d'assister à une presque déclaration de guerre de la part de son mentor. Elle ne savait pas comment réagir.

- Des solutions ? Nous n'avons jamais demandé à ce que les sorcières viennent nous voir pour réclamer des droits et du respect qu'elles ne méritent pas ! clama le roi agacé.

- Alors c'est ça, le véritable visage du royaume...

- Elisabeth ! Calmez vous ! lui pria Anaïs. Cette fois ci, ce fut à elle de se lever : Nous sommes ici parce que nous avons confiance en vous, représentants du peuple.

- Mais nous n'avons rien demandé! Si vous n'êtes pas satisfaites alors rentrez chez vous!

- Père s'il vous plaît ! Respectez les ! Nous devrions essayer de faire un effort pour unir les habitants de royaume. Toutes les personnes du royaume et non que les personnes de la cours.

- Valentin tu ne comprends même pas de quoi il encourt ! Leurs ancêtres ont massacré notre royaume autrefois. Que se passera-t-il si on leur offre des droits ? Elles en voudront toujours plus ! Et on ne pourra pas les en empêcher.

- Et le fait que nous soyons brûlées lentement devant des centaines de gens ?! Vous nous massacrez de jours en jours ! Je ne vois pas pourquoi on devrait payer pour nos ancêtres, s'agaça Elisabeth.

- Parce que vous voyez un autre moyen de régler le problème ?

- Être plus gentil peut-être, ou unir nos deux peuples, proposa Valentin.

- "Gentil" ? Valentin, tu es bien naïf ! Ici, si tu es gentil, quelqu'un te poignardera dans ton dos ! Et puis comment veux tu réussir à unir nos peuples ? Les rancunes seront toujours présentes, malheureusement.

- Il est clair que si aucun effort ne vient de votre part, nous n'avancerons jamais, s'indigna Elisabeth.

- Par un mariage? proposa-t-il, ignorant les dires de la plus vieille. Peut être qu'une union solennelle pourrait arranger les choses, comme on le fait entre deux pays.

- Es-tu devenu fou mon fils ? Penses-tu vraiment te sortir de ton mariage en organisant un autre ? Tu n'y échapperas pas mon fils, pour le royaume, tu dois te marier.

- Et je me marierai pour le royaume, mais pour unir mon peuple. Et non pour l'agrandir. A quoi bon si nous l'agrandissons mais que nous ne sommes pas capable de prendre soin de notre peuple ? A quoi bon l'agrandir si, plus nous avançons dans la vie, moins nous avons de citoyens ? Ce n'est pas en menant une guerre contre elles que nous serons de bons rois, Père. Il faut cesser de verser du sang inutilement.

- Même si tu étais prêt à te marier à une sorcière, cela m'étonnerais fortement qu'une sorcière accepte de se marier avec qui que ce soit !

Anaïs observa Valentin, sous le choc de ce qu'il venait de proposer. Il faisait preuve de courage mais aussi de provocation, la jeune fille en resta encore plus choquée. Ils se connaissaient à peine ! C'était impensable, et il était déjà fiancé. Qu'est ce qu'il lui avait passé par la tête ? Est ce qu'il pensait à elle derrière ce mariage? Sans vraiment s'en rendre compte, elle se leva, les mains sur la table, et dit a toute vitesse :

- Moi j'accepte le mariage. 

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