φαρμακον

Avant tout, je tiens à préciser, certains dialogues sont très… spéciaux. Les "z" sont mis car le personnage ne sait pas ouvrir grand la bouche, pas car j'étais défoncé en écrivant. Également, les termes médicaux sont expliqués à la fin. En parlant de médecine, je tiens à préciser que je ne suis pas du tout médecin. S'il y a des éléments incorrects et que vous vous y connaissez là-dessus, n'hésitez pas à me le dire. Bonne lecture !

Tout commença par un match de volley-ball. 

Il faisait beau ce jour-là. C'était une de ces journées de printemps qui donnaient envie de re-découvrir l'extérieur après les lourds mois d'hiver. Bien-sûr, à la colonie, dès que le moindre rayon de soleil était de sortie, qu'il fasse -20 ou 75°F, tout le monde vaquait à diverses occupations extérieures, qui ne manquaient pas. En effet, entre la cueillette des fraises, l'escalade d'un mur de lave, essayer d'ignorer les tirades enflammées de Mr.D. et l'esquive des mines des Arès et des pranks des Hermès, l'ennui n'avait pas sa place. Et ce sans parler de mon activité préférée, les matchs de sport en famille.  

Il se tenait alors un match serré, opposant ma chère fratrie au bungalow de Niké. Serré n'était pas vraiment le mot approprié. Le meilleur terme aurait été humiliant, si nous ne nous défendions pas comme des dieux. Car, chose assez courante durant les tournois de sports, nos deux bungalows étaient côte à côte en termes de stratégie, de dynamisme et de tous les autres critères qui font qu'une équipe est douée. Cependant, chose moins courante, mes frères et sœurs et moi étions sur la corde raide. Les points pour nos adversaires s'accumulaient alors que nous peinions à en marquer quelques-uns. Enfin, ce fut ça durant toute la première partie du match. Car, après une mi-temps bien méritée, nous qui étions misérablement destinés à perdre entamâmes une remontada folle, qui nous mena même à la victoire. Cependant, les perdants n'en furent que plus mauvais joueurs. Parce que, comme sous entendu auparavant, en tant que progéniture de la déesse de la victoire, chaque élément de leur équipe était un énorme mauvais joueur, et cela tenait même du miracle qu'ils ne trichaient jamais. Leur mentalité était simple, même pour moi : perdre après un beau match ? C'était okay, ça faisait partie du jeu. Perdre soudainement après un match couronné jusque là de succès ? Non, cela ne pouvait pas exister, il devait forcément y avoir anguille sous roche. Et ce fut sûrement ce qui les poussa à se réunir à la lisière de mon champ de vision, semblant comploter. Mes soupçons prirent vie quand leur conseiller s'approcha de moi, clamant énergétiquement des paroles absolument fausses :

-Eh Solace ! Si tu crois que je ne t'ai pas vu prendre un de tes remontants durant la pause, tu es vraiment stupide mec. 

-Excuse-moi ? Je ne sais même pas de quoi tu parles Vicky. 

-Le truc que tu as avalé, tantôt. Ne me prends pas pour un con, tout le monde t'a vu. 

-J'ai pris un sucre car je faisais une chute de tens'. Tu sais ce que ça veut dire au moins ? Car ta caboche se fait tellement cogner que tes neurones doivent être aussi nombreux que tes arguments. 

-Tu es un docteur, non ? Tu dois forcément connaître des astuces de triche. Enfin, si tu es aussi doué en infirmier qu'en combattant, tes parents doivent vraiment être fiers de toi.

-Je t'interdis de parler de mon travail comme ça. Surtout venant d'une triple buse pensant d'abord avec son épée qu'avec son cerveau. 

La situation commença à s'envenimer à vue d'œil, malheureusement. Ce qui tenait de base d'un simple conflit entre cet imbécile et moi était devenu l'œil d'un ouragan de gens. En premier plan, mur du cyclone, les autres enfants de Niké, qui n'arrêtaient pas de faire foisonner des noms d'oiseau plus sales les uns que les autres à mon égard, et ma fratrie, tentant de me calmer par des "Tu sais ce que tu vaux Willou !", "Ne laisse pas un gars comme lui te blesser !" ou des "C'est épic comme du Sabaton mais je préfère le Armstrong !"

-Comment ça "Un gars comme lui" ? Allez viens Kayla, à moins que tu sois aussi peureuse que ton frangin. Je suis un poil plus mobile que tes cibles, tu arriveras à me viser ? Entre-nous, vous, les Apollons, vous ne servez qu'à faire joli dans la déco. 

-Laisse-la en dehors de ça connard.

-Oh, le chaton sort ses griffes ? Tu es si chiant Solace, être pacifiste à ce point ne devrait pas être permis.

Personne ne m'appelait chaton, personne. J'étais en manque de répliques et de patience et, mû d'un réflexe inconnu, je lui foutus une gifle. Le choc plongea l'auditoire dans un silence horrible, dans une surprise palpable, qui furent bientôt brisés par le coup de retour que Vicky m'asséna, et que je n'avais même pas vu arriver. Il ne limita pas la force de ses frappes, me forçant donc à me défendre du mieux que je pouvais, ce qui se résumait à essayer de le frapper à l'aveuglette. Le combat tournait vraiment au vinaigre pour moi, et je le savais très bien. Sous ses poings je sentis se fracturer un élément de mon visage, sûrement le nez. Malgré ma douleur, malgré mon souffle coupé, malgré la violence de mes gestes, je ne pouvais m'arrêter. Il m'avait cherché, il devait répondre de ses actes et, cette fois-ci, guérir ses blessures n'allait servir à rien. Lui aussi avait du mal à continuer, en tout cas ses grognements peu civiles me le firent croire. Je voyais du coin de l'œil une foule grandissante faire des échanges de drachmes, je l'entendais hurler comme des grosses qui s'égosillent sur une course d'escargots, mais sur le moment je m'en fichais. Dans ma tête, il n'y avait que lui et moi. Ses points et les miens. Ses blessures et les miennes. Quand tout un coup, je me sentis chauffer de l'intérieur, comme quand… Non. C'était impossible. Je ne pouvais pas être en train de le guérir ? Mon corps était si con que ça ? Mais, aussi vite que l'idée folle germa dans mon cerveau, mes sensations de chaleur s'arrêtèrent, en même temps que Vicky qui mit subitement fin à son enchaînement de poings pour cracher du sang au sol. 

Dans cet arrêt, un long sifflement prit possession de mes oreilles, m'empêchant de penser ou d'entendre correctement la foule en délire. Alors que je voulus lâcher une phrase bien clichée montrant ma supériorité,  je sentis une main agripper fermement mon poignet, m'entraînant contre mon gré hors de l'octogone humain, vers la Grande Maison. Il me semblait entendre la personne me parler, mais je n'étais sûr de rien. L'adrénaline circulant dans mon corps m'en rendait quasiment étranger, comme si j'avais un rôle de caméra dans mes péripéties. Tous mes sens, plus un mal de tête, me revinrent quand, après m'avoir fait m'assoir dans le hall d'entrée, ma guide, Kayla, se mit à remuer furieusement devant moi : 

-Will, allo la terre, je te parle ! 

-Ze quoi ? 

Articuler me faisait mal, c'était comme si je ne pouvais plus ouvrir trop grand ma bouche. 

-Je vais chercher Chiron, tu ne peux pas aller à l'infirmerie vu que ton meilleur ami de chez les Niké va t'écorcher sinon. Et, au vu de ta manière de marcher, vaut mieux que tu ne montes pas d'étages. 

Je ne répondis pas, ma réponse n'aurait servi à rien à part à m'autoflageller. Je n'arrivais pas à comprendre ce qui m'avait pris quand il a commencé à m'insulter. Il cherchait juste à me titiller et je suis tombé dans son piège. Ce n'était pourtant pas ma première fois dans une situation pareille, alors pourquoi ? Plongé dans mes pensées, je vis seulement à la dernière minute le directeur s'accroupir devant moi, sûrement prêt à me dénigrer à son tour. Cependant, dans les centaines de phrases que je m'étais préparé à entendre, Mr.D. choisit la moins logique :

-Le blondinet, pourquoi tu prends de la place dans mon magnifique hall d'entrée avec la moitié du visage en compote ? Tu ne vas pas bien avec la déco pour un lampadaire. 

-Ze ne zais peu ze qui zous prend meuz vous zwete bizrre Mr.Zv. 

-Oula, je comprends mieux pourquoi tu es là toi. Tu sais, l'alcool quand on ne tient pas, c'est mal. Même pas capable de se gérer eux-même à notre époque…

Il fit apparaître une canette de coca light et, au lieu de l'ouvrir, mon directeur me la tendit. Surprenant sûrement mon regard interrogateur, il me la fourra délicatement sur la pommette. Je ne savais pas comment cet alcoolique avait su que le froid était bon pour les blessures humaines mais je n'osai pas faire de commentaire tellement le contact glacé me fit du bien. Je pris la canette en main, ne voulant pas mettre fin à la bonne humeur sacrée du dieu. De base, il était gentil avec Neeks, pas avec moi. C'était étrange. 

-Meuzi. 

-Le gamin d'Hadès m'aurait buter s'il avait appris que je ne t'avais pas aidé, ce n'est pas de la sympathie à ton égard, sache-le. Qu'est-ce que tu as foutu ? Ne me dis pas que môsieur le guérisseur de ce taudis s'est battu ? 

-Ze me zuis zéfenfu, nuzance. Où zest Ziron ? Zeyla zest zeurtie il zy za longzemps

-Attends deux secondes… Chiron un de tes gosses te cherche, c'est urgent bordel ! 

Son cri suraigu me fit sursauter, rappelant à la charge mon mal de crâne.

-Ça va Zolcocasse ? Tu as vraiment, vraiment la tête dans le cul. Pourtant, c'est le meilleur moment pour faire de la photosynthèse.

-Ze zais bzien zé ze ne zuis peu une pzante.

Son inquiétude commençait vraiment à me faire peur, il ne s'était jamais montré comme ça depuis longtemps, sûrement depuis le début des voix de Nico. Peu importe ses liens avec Neeks, il n'avait pas de dette à lui payer ni de contrat pour me protéger, en tous cas pas à ma connaissance. Mon état ne pouvait pas être si grave que ça, si ? Okay, je ne savais pas vraiment parler, mais il n'y avait pas mort d'homme. Finalement, avant que je puisse faire une remarque sur la situation, Chiron et Kayla arrivèrent et eux aussi semblèrent inquiets de mon aspect. Le premier inspecta rapidement mon état, me fit les contrôles de bases des docteurs puis, encore plus renfrogné, envoya Kayla chercher des médicaments qui, je le savais, ne se donnaient pas pour un petit bleu. Il me prit ensuite pour m'allonger sur la table à manger, ne respectant sans doute pas les conditions d'hygiène normales d'un hôpital.

-Ze zais bzien z'ai zit ! 

-Will, tu ne vas pas bien. Tu t'entends parler ? Dio' un miroir s'il te plaît. 

Et je compris que, effectivement, je n'allais vraiment pas bien. Ma pommette droite s'était transformée en purée de myrtille assez gonflée, emphysème sous-cutané classique, et de mes narines jaillissait une croûte de sang à peine séchée, épistaxis. J'avais également de l'hypoesthésie* et l'ouverture de ma cavité buccale était limitée. Ce n'était pas beau à voir du tout, et encore moins quand on était censé savoir diagnostiquer ça à un patient. Peut-être que Vicky avait raison, que j'étais un mauvais docteur. Après tout, qui n'aurait pas pu savoir qu'il avait son os zygomatique fracturé ? Un non-médecin, pas la prochaine génération de soins des États-Unis. 

-Os zygomzatzique zroit brizé. 

-Exactement. Allez, maintenant, tâche de te détendre. Kayla va bientôt arriver avec tout ce qu'il faut. 

Je ne savais pas exactement en quoi consistait l'opération, je n'étais quand même pas un dictionnaire de médecine vivant, mais je sus que c'était sérieux quand on me fit boire une concoction de pavot spécial palais d'Hypnos qui m'emmena plonger dans les doux bras de Morphée. 

~~~ 

Le lendemain matin, je m'occupais déjà de l'infirmerie. Après avoir passé une nuit horrible sur une table (qui n'était étonnement pas le meilleur matelas possible), le début de la journée me permit d'oublier en des gestes simples la veille. J'allais un peu mieux après l'intervention : mon os était replacé et devrait guérir en moins de deux à trois semaines grâce à mes gènes d'Apollon et la nourriture des dieux combinés, j'aurai en attendant un demi-visage de schtroumpf. Le point négatif, c'était que l'infirmerie avait comme unique résidant Vicky, qui bien qu'encore dans les vapes, pouvait se réveiller d'un moment à un autre. Kayla m'avait tenu au courant des nombreuses complications de ma victime et bourreau. Il avait un exanthème* un peu partout sur le corps, une toux assez sanglante et vivait à ce qu'il paraît des problèmes gastriques… délicats. Personne ne savait ce qu'il avait, à moins que développer une variole en deux secondes en cas d'échec faisait partie du contrat pour être enfant de Niké. Face à ça, je me sentais partagé, comme si j'avais sur mes épaules un ange et un démon. D'un côté, j'étais inquiet pour lui, malgré ce qu'il m'avait fait : être diagnostiqué d'une maladie inconnue n'était pas génial. D'un autre, j'étais heureux qu'il souffre un minimum des conséquences de ces actions, bien que souffrir de cette manière n'aurait pas été celle que j'aurais choisi si j'avais été une Parque. Lui qui me traitait de médecin raté allait devoir "subir" mes soins, quelle ironie… 

-Oh Solace, je t'ai bien amoché au final. Tu pourras encore séduire ton cher "death boy" avec ta face de myrtilles ? 

Au final, la pitié que j'avais pour lui pouvait bien s'envoler 

-Oh Chzalzan, tu pourrzas conquzérzir quelqu'zun zavec tza tronche de dzébile ? 

-Et en plus le petit protégé d'Apollon ne sera plus chanter ? Quelle bonne pierre de coup pour un tricheur en ton genre ! 

-J'aurzai recouvzert zdans moins de zdeux jours. 

-Et moi je serai dans deux jours en train de battre ton petit bungalow dans notre revanche !

-Tu n'zes pzas mzaleude toi ? 

S'il ne me répondit pas, son corps le fit. Subitement, le seau à côté de son lit prit une importance vitale pour la propreté de l'infirmerie. Malheureusement pour mon patient, dès que son vomissement finit, son estomac fit entendre un ultime caprice, l'envoyant balader dans la salle d'eau du centre de soin. Du meteoxane devrait aider tout ça. 

-Ne tzire pzas lza chzasse ! 

Je partis donc aider mon cher patient, non pas par appréciation personnelle mais par condition de médecin. Dans quelques jours j'allais devoir passer le serment d'Hippocrate, ce n'était pas le moment de tout faire capoter. En plus, j'allais être le plus jeune médecin de cette colonie à le passer et, bien qu'il ne sera valable que dans les camps, il représentait beaucoup de choses pour moi. On me faisait assez confiance pour me remettre le titre officiel de docteur, le même que celui qu'on offrait à mes collègues de l'Antiquité. C'était la chance d'une vie. C'était sur ces belles pensées que je contemplais la belle diarrhée de Vicky. Autant sa maladie nous échappait, à moi, aux autres Apollons ou à Chiron, autant sa gravité se manifestait un peu partout, dont dans la couleur des selles : noires. Par expertise médicale totalement certifiée, je pouvais dire qu'un corps devenant noir était très inquiétant. Alors que je complétai les notes de mes collègues quant aux symptômes du fils de Niké, j'entendis du bruit provenir de la pièce d'à côté. Le petit loup avait de la visite, super pour lui, mais il ne fallait pas risquer que la maladie se propage. C'est donc pour ça que je revins dans la pièce principale, armé de masques chirurgicaux et de désinfectant, et tombant sur un spectacle inattendu. À son chevet ne se tenait pas une ou deux personnes, mais son bungalow entier, accompagné de celui des Arès. Un véritable tintamarre de chuchotements se mua en discours sans queue ni tête quand je déboulai. Tous, sans exception, me regardaient comme si j'avais ouvert la boîte de Pandore.  

-Qu'zest-ce quzi se pzasse zici ?

-Ce qui se passe est que tu as empoisonné notre conseiller ! 

C'était une fille à peine plus âgée que moi qui avait parlé. 

-Pourquzoi je l'aurzai fzait ? Z'est zillzégzal.

-Bizarrement, après que Vicky t'ait accusé de tricherie, accusation totalement fondée soit-dit-en-passant, il est tombé malade. Que le hasard est surprenant de nos jours ! 

-Vous pouvzez demandzer zà Ziron, z'étais dans lzes vapes czar votre pzote m'za brzisé lza pommzette. 

-Tu aurais pu être aidé d'un autre Apollon !

-Zils n'ont rzien zavoir zavec za. 

-Solace, je te jure que si on tombe aussi malade que lui "comme de par hasard", je t'enverrai chez ton beau-père.

-Clzarisse, czalme-toi za n'zarrzivera pzas. 

Première leçon, chez les demi-dieux, ne jamais dire quelque chose de pire ne peut pas arriver car cette chose arrivera. J'aurai dû le savoir, mais pourtant ma conviction m'avait fait dire ça. 

Le lendemain, l'infirmerie entière fut transformée en un centre de soins spécial enfants d'Arès et de Niké. Si tous mes frères et sœurs étaient mobilisés pour venir à leur aide, Chiron m'avait bien fait comprendre que je n'allais qu'empirer les tensions en essayant moi-aussi de les guérir, surtout au vu de la veille. J’étais donc destiné à faire la grande distribution de masques, de gels hydroalcooliques, de fiches sur les gestes barrières, sur les horaires de sorties et d’utilisation des installations mais également au collage des consignes sur le nettoyage efficace des mains dans les sanitaires. En bref, j’étais la parfaite campagne de sensibilisation au premier confinement de la colonie. Au moins, Lou-Ellen et Cecil avaient décidé de se confiner avec moi, et je ne serai donc pas seul à attendre comme une larve dans mon lit que les héros du jour fassent leur travail. Et ils déboulèrent justement dans le bungalow, emportant dans leur sillage un énorme panier de vivres qui me mit l’eau à la bouche sans même savoir ce qu’il y avait réellement à l’intérieur. Cecil se jetta sur moi tandis que Lou-Ellen essayait de faire je-ne-sais-trop-quoi avec un drap blanc.

-William Andrew Solace, tes saveurs sont arrivés ! 

-Cecil, je t'adore mais pas besoin de crier ! 

-Oh mais notre Will a retrouvé la voix ! 

-Mon zozotage apollonèsque ne va pas vous manquer ? 

-Tellement nous manquer qu'on t'a apporté des denrées de survie pour éviter de t'entendre parler. 

-Et un drap pour me transformer en fantôme ?

-Roh, un peu de patience Solace ! J’ai encore des boules cochons et je n’hésiterai pas à les utiliser. Je suis sûre que tu seras très sexy en porcinet. 

Soudainement, le drap se leva et se figea en l’air. Je vis du coin de l'œil Cecil s’agiter et, d’un coup, les premières images d’un générique que je connaissais que trop bien s’afficha sur le panneau improvisé. Mon cœur commença à palpiter comme si j’étais un petit garçon en face de son idole. En soit, c’était le cas : j’était toujours un gamin face à l'héritage public de George Lucas. Je me voyais petiot, découvrant pour la première fois ce générique. Je voyais également Austin quand il me l’avait joué pour mon anniversaire. Quand Lou-Hellen nous rejoint sur mon lit, je me jetai sur eux pour leur faire un énorme câlin. Vraiment, ils étaient incroyables. 

-Je ne vous mérite pas les gars !  

-Will, tu vas nous étouffer, je ne crois pas que tuer des gens pour les remercier est une bonne chose. 

Je les lâchais donc, je n’étais pas motivé à cacher deux corps. 

-De base, c’était ta surprise d’anniversaire mais, quand on t’a vu faire la promotion des gestes sanitaires, on a décidé de l’avancer. Franchement, tu étais vraiment triste à voir. Je crois qu’on a bien fait. 

-Je devrai l’ajouter à mon livre de sortilèges, le sort de Star Wars qui apporte le bonheur. 

-Bon, je crois qu’en bons hobbits on peut sortir la boufaille et démarrer le premier marathon Star Wars de la colo' ! 

-Prendre du plaisir sur des gens malades, c’est un peu immoral, non ? Surtout avec mon implication dans l’affaire… 

Lou-Ellen me prit à son tour dans ses bras, échangeant l’incroyable vue du début du film à celle de ses yeux. Elle avait le regard de “Je vais te tuer si tu dis encore un truc dans le genre”, ce qui ne présageait jamais rien de bon, surtout en apercevant Cecil s'intéresser subitement à Star Wars.

-Will, ce n’est pas de ta faute si des connards qui t’ont insulté sont tombés malade.

-Ouais, comme de par hasard.

-William, tu es un soigneur, un fils d’Apollon, tu ne peux pas rendre quelqu’un malade, c’est contre ta nature même. Et en plus, l’aurais-tu fait si tu en avais eu le pouvoir ? 

-Non, bien-sûr que non. 

-Alors voilà, tout est réglé, tu ne peux pas t’en vouloir mais tu peux regarder ce chef-d'œuvre.

-Mais je ne peux pas continuer à leur en vouloir comme ça ! En plus, les Arès s’en sont mêlés et j’ai déjà assez de problèmes avec eux…

-Tu vas devoir assumer que tu as triché, comme ça tu ne seras plus le bouc émissaire de cette épidémie et plus personne n’aura de vrais raisons pour te détester, à part le fait que tu voulais la victoire. 

-Mais je n’ai pris qu’un sucre, et ce n’est pas comme si j’avais pu changer l’issue du match seul. 

-Tu devras leur faire croire ça, okay ? Maintenant regardons le film, Cecil n’a quand même pas volé le coffret pour rien ! 

-Je suppose qu'on doit honorer ses compétences. 

-Cecil, prends nos invités surprises ! 

-Oui chef ! 

-Nos invités surprises ?

Et, aussi étonnant que ça pouvait l'être, ces personnes se trouvaient dans le panier. Alors que je m'attendais à le voir sortir des lilliputiens, trois bouteilles émergèrent et se fourrèrent entre mes mains et celle de Lou-Ellen.

-On est mineur les gars !

-C'est du panaché, et il n'y a que trois bouteilles. Qui peut être bourré avec du panaché ? 

Et c'est ainsi que le grand marathon des Star Wars commença. Alors que s'affichèrent les premières images de l'épisode I, quatrième film de binge watching, quelqu'un frappa à la porte. Enfin, frapper était un euphémisme… défoncer la porte aurait été le terme adéquat. De l'ouverture nouvellement créée par la perte de l'entrée émergea Mr.D. et, au vu de son équilibre plus que bancal et de la bouteille de panaché dans sa main- à croire que cette boisson était partout- je compris vite qu'il avait réussi le miracle de se bourrer avec. Si des dizaines de questions sur le pourquoi du comment émergèrent dans ma tête, mon directeur m'empêcha de les formuler en commençant à beugler comme un taureau qu'on égorge : 

-Zolcocasse, tu viens avec moi, tout de suite !

-Hum, non ? Vous êtes vachement pompette monsieur et je ne suivrai pas quelqu'un dépossédé de moyen de penser quand il y a Star Wars. Sauf raison médicale. Saurez-vous retourner à la Grande Maison sans mon aide ? 

-Je ne retournerai pas à la Grande Maison ! Le grand dieu de l'alcool que je suis à retrouver son dû et donc, en tant que grand dieu, j'ai besoin d'une suite. Malheureusement pour toi, tu es le seul gay que je connaisse ici. 

-Je suis en couple. 

-Je suis sûr que ça plaira à Nico. 

-Il est plus pur que Harley !

-Tu serais surpris p'tit. Bon, tu viens, j'ai pas toute la nuit moi. 

-Très bien, je vais vous montrer un endroit génial tout bleu qui pue l'encens, vous allez a-do-rer.

-Merci m'chou !

Avec un regard de regret, je laissai derrière moi Cecil et Lou-Hellen pour reconduire le dieu en lieu sûr. Pour les autres en tous cas, pas pour lui. D'une synchronisation hors-norme, je le pris pour l'aider à marcher et il s'appuya sur moi, et que les dieux me croient quand je dis que ce gars est vachement lourd. Ainsi, en clopinant et en essayant de respirer le moins possible l'horrible odeur de l'Olympien déchu, j'essayai d'atteindre la Grande Maison. Heureusement, il était trop occupé à me draguer pour prêter attention à notre destination et me métamorphoser par colère. Quoique, peut-être que transformer un campeur en dauphin sur la terre ferme l'aurait fait désaouler fissa. Et éviter de draguer un campeur mineur, ce qui n'est pas très légal. Car, si se sentir désirer restait agréable, et encore, que ce sentiment vienne d'un vieux si proche de moi que je sentais son haleine spécial bière de pauvre n'était pas ce que j'aimais le plus. Sauf si ce vieux avait été Nico Di Angelo, bien-sûr. Enfin arrivé, en tant que parfait infirmier, je le lâchai dans un des canapés du salon, interchangeant également ma position avec Seymour. C'était un gros chat en soit, et ça aime les gros câlins les chats. Les Will ? Non. À mon tour, je me laissai échouer sur un des fauteuils. Il devrait vraiment inscrire le porter de Mr.D. au Jeux Olympiques. 

-Eh, Zolcocasse, ça va mieux ta foutue tronche ? 

-La mienne ? Oui. Par contre, les autres… 

-Ah, ça fait du bien de revenir à la bonne vieille époque : l'alcool, la peste antonine…

-De quoi ? Répétez un peu ? 

-Tu veux t'inscrire en tant que prêtre pour mon temple ? Mais bien-sûr Zolcocasse !

-Non, pas ça, après. 

-Will, tu fais quoi ici ? Je t'avais dit que tu ne pouvais pas aller à l'infirmerie et que ce n'était pas négociable. 

Je sursautai et trouvai derrière moi Chiron, qui semblait tout aussi surpris de ma présence qu'inversement.

-Mr.D. voulait relancer son culte, j'ai donc dû le ramener en sécurité. Chiron, c'est quoi la peste antonine ? 

-Où as-tu entendu parler de ça ?

-Il vient de m'en parler. C'est quoi ?

-Je crois qu'il te faudra une tisane… 

-Non, expliquez-moi. 

-Bien.. Au deuxième siècle, des soldats ont dévasté un temple de ton père. Bien-sûr, Apollon a lancé une peste pour se venger. Pour être plus précis, les symptômes étaient l'apparition d'exanthème, des problèmes gastriques, des selles noires et… Oh.

-C'est une peste antonine, ils l'ont eu. 

-Will, ont-ils insulté ton père ? Car, si c'est le cas, lui seul pourra les soigner. 

-Pas ma connaissance en tous cas.

-Tu devrais retourner à ton bungalow, je saurai m'occuper du directeur, et contacter ton père pour voir. Encore merci pour m'avoir aidé à organiser ce confinement et n'oublie pas la traduction des textes pour demain. 

-Très bien Chiron. 

Et je partis donc me réfugier dans le bungalow de nouveau plein de vie. Alors que le marathon continuait, mes frères et sœurs me racontèrent leur journée remplie de vomis et de diarrhées. Je leur omis volontairement ma découverte, je n'étais pas la personne qui devait leur dire, surtout que nous n’en étions pas tout à fait sûr. En plus, autant passer une bonne dernière soirée, car le lendemain j’allais devoir vérifier certaines de mes hypothèses…

~~~

Avant même que mon père sorte de son sommeil, j’étais à l’infirmerie. La majorité des patients dormaient, et heureusement. Cependant, je me devais d’interrompre la somnolence de l’un d’entre eux, pour la science. Je me penchai donc vers lui et le secouai de toute ma délicatesse. 

-Bordel, j’ai dit que je voulais dormir ! Oh, le connard professionnel, tu voulais t’excuser pour avoir empoisonné une vingtaine de personnes ? 

-Vicky, j’ai mes tords, c’est vrai, mais je n’ai rien à voir avec votre maladie. Au fait, je suis justement là pour m’excuser d’avoir triché. Je voulais tellement la victoire que je n’ai pas vu la répercussion sur ton bungalow. 

-Tu… Tu assumes ta triche ? Vraiment ? J’ai donc bien gagné le match ?

Il ressemblait à un gamin à qui on vient de promettre une sucette. Ou à moi la nuit dernière. Et dire que son excitation provenait du mensonge… Je détestai vraiment cette situation.

-Oui, vous avez gagné. 

-Solace, tu fous quoi ici ? Tu viens nous remettre une dose de poison ? 

-Ouais, tu as vu où on en est à cause de toi ? 

Les autres malades s'étaient donc réveillés sous les cris de leur camarade, génial. 

-Les gars, il vient d’avouer qu’il avait vraiment triché ! Nous avions raison ! En plus, je ne sais pas vous, mais je vais un peu mieux. 

-Oh, Will, je ne savais pas que tu avais assez de couilles pour tricher et l’avouer. 

-C’est vrai que j’ai un poil moins mal au ventre ! C’est vrai que vous êtes doués, vous, les Apollons. Enfin, quand tu n’es pas avec. 

Je devais à tout prix éviter de m'énerver. Respirer. Juste respirer.

-Ouais, je ne suis pas forcément le couteau le plus aiguisé du tiroir, ou plutôt le doliprane le plus efficace de la pharmacie, hahaha !

-T’es gênant mec, arrête. 

-Will, je t’avais interdit de venir à l’infirmerie ! Il est trop tôt pour que des malades parlent aussi fort.

Encore une fois, je me retournai, surpris. Et, encore une fois, c’était le vieux Chiron qui m’avait interpellé. Ça commençait dangereusement à être une habitude. 

-Hum, je me suis dis que vous étiez déjà levé et que donc le cours pouvait commencer ! J’ai juste fait un petit détour pour confesser mes petits secrets à ces chers joyeux lurons et eux m’ont avoué qu’ils se sentaient mieux ! N’est-ce pas génial ?

-Vraiment, mec, tu es super gênant.

-Boine, on ne dit pas ça voyons ! Allez, ton “petit détour” a assez duré. Vous tous, vous restez ici tant qu’un Apollon ne vous a pas clairement dit que vous pouviez sortir. 

Et je dus donc suivre l’allure dynamique du centaure tout autour de la Grande Maison à la recherche de thé et de livres de grecs pour m’échouer finalement sur une chaise de son bureau. Pendant de longues et ennuyantes minutes qui me servirent à réfléchir sur la curieuse maladie de mes ex-ennemis, Chiron feuilleta mes différentes traductions. J’avais l’impression d’être en face d’un vieux professeur de grec regardant le dernier examen d’un élève, sensation assez réaliste dans un sens. Après une centième gorgée de thé, à croire que la tasse appartenait à Nanny McPhee, il se réintéressa enfin à moi : 

-C’est du très bon boulot Will ! L’hymne homérique pour Asclépios manque un peu de finesse mais, au vu du vocabulaire et de la construction étrange des phrases, c’est déjà incroyable ! Par contre, pour le mot “φαρμακον”, je vois que tu n’as eu aucune hésitation quant à la traduction, ce qui n’est pas très normal. Peux-tu me dire la traduction du mot ? 

-Euh, c’est une substance médicinale ? Genre un médicament ? 

-Pas exactement. Tu te souviens de la petite histoire d’hier, sur ton père ? 

-Oui, il a lancé une épidémie, mais quel est le rapport ? 

-Pourtant, il est censé être le dieu guérisseur, pas vrai ? Le grec est plein de nuances pareilles. “φαρμακον” agit de la même manière, c’est le pouvoir de guérir et de faire tomber malade. Heureusement que tu n’es pas confronté à la même dualité ! Au fait-

Il continua de parler mais je ne l'écoutais plus. En cet instant, je sus deux choses : mes hypothèses s’avéraient vraies et je ne devrai jamais révéler ce secret à quelqu’un. 

Et dire que tout avait commencé par un match de volley-ball. 

~~~
Définitions : 

-l'hypoesthésie : Diminution de sens du toucher ou de la sensation, engourdissement 

-exanthème : Rougeur cutanée qui accompagne certaines maladies.

J'espère que vous avez apprécié cet os autant que j'ai aimé l'écrire !

Passez une bonne journée/soirée/matinée/je-ne-sais-quoi-é

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