Fleur aux pétales d'or
Il y a une légère référence à The Sun and the Star, mais celle-ci n’est pas un spoil (on pouvait le deviner dans les toa). Si vous n’avez jamais vu le Disney Raiponce, (allez racheter une enfance déjà) vous trouverez des spoilers dans cet os.
Il y a très longtemps, au début du monde, le dieu Apollon laissa tomber une goutte de son pouvoir sur Terre, donnant naissance à une fleur pouvant combattre tous les maux de Pandore. Durant des millénaires des gens tentèrent de l'acquérir et d’exploiter ses pouvoirs, mais personne ne la trouva. Personne ? Pas vraiment… Il existait un enchanteur, le Père Percy, qui utilisait ses pouvoirs pour préserver sa jeunesse. Cependant, un jour, le roi de Corona passa de l’autre côté, emportant avec lui sa lignée et laissant derrière sa très chère femme. Mais, dans une nuit baignée par les larmes de la veuve, l’Olympien lumineux donna un nouveau cadeau à l’humanité : un héritier. Dans ce don il retira la panacée, qu’il jugeait inférieure au bienfait apporté par son fils. La naissance fut célébrée par tout le royaume et tout sembla parfait pendant un instant. Un moment brisé par le Père Percy qui, pour échapper au fléau de Thanatos, kidnappa l’enfant et le cacha pour que plus personne, même les dieux, ne lui enlève son soleil.
Et c’est là que j’arrive, le plus grand voleur de tous les temps, Nico di Rider.
~~~
L’obscurité étouffante cachait ma présence à ce foutu poney, qui me cherchait comme un imbécile en dehors de la caverne. Cependant, ma respiration précipitée et beaucoup trop bruyante risquait de me faire découvrir. Pour me calmer, je tâtai ma sacoche, y trouvant la couronne signant mon départ vers la richesse, raison de ma fuite et du sourire s’invitant sur mes lèvres. Après quelques minutes de faux-silence étouffant, j’entendis le cheval s’éloigner et je faillis le suivre quand je vis à l’autre bout de la grotte de la lumière. Je connaissais tous les passages souterrains du pays, me valant le titre du voleur le plus recherché du royaume, et pourtant je n’avais jamais entendu parler d’un accès à une carrière à cet endroit de la forêt. Je décidai de le suivre, dans l’espoir d’esquiver l’armée définitivement. Au bout du couloir se trouvait un territoire prospère protégé par d’immenses falaises et où se trouvait au centre une tour vertigineuse qui restait debout grâce à une sorcellerie que je ne connaissais pas. Ma course poursuite m’ayant fatigué, j’escaladai le bâtiment en quête d’un logis à l'abri des gardes et de mes concurrents. Enfin arrivé, je vérifiai une nouvelle fois que mon précieux était en place et, alors que j’allais explorer la bâtisse, un objet percuta mon crâne et tout devint noir.
Je baignais dans l’obscurité, ce malgré ma certitude que mes yeux étaient ouverts. J’eu peur d’être devenu aveugle mais une sorte de corde se déplaça et je retrouvai la vue, bien qu’elle soit impactée par l’ambiance tamisée. Tandis que je retrouvais mes esprits, je remarquai que la pièce était parcourue de cheveux, sorte de lierre prolifère et doré. Je tentai de me lever, mais mes poignets et mes chevilles étaient liés à la chaise par cette même chevelure, me procurant un haut-le-cœur de dégoût. Je cherchai tout autour de moi l’origine de cette cascade capillaire mais ne trouvai personne. C’est alors qu’un corbeau se posa sur mes jambes, me dévisageant comme s’il était humain.
-C’est bon Coronis, tu vois bien qu’il est piégé. Il ne va pas nous faire du mal.
J’essayai en vain de trouver l’origine de cette voix quand, tout d’un coup, une silhouette sauta des poutres et atterit dans un coin obscur de la pièce. À petit pas, elle s’approcha et bientôt se tint devant moi un blondinet. Sa beauté me laissa sans voix bien qu’il me détaillait de haut en bas comme un caisson de marchandise. En retour, je me permis moi-même de contempler sa splendeur masquée par une ridicule tenue multicolore de la dernière décennie.
-Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? Comment m’avez-vous trouvé ? Êtes-vous seul, bandit ?
Mon “ravisseur” cracha ce dernier mot comme s’il s’agissait de la pire insulte qu’il connaissait, bien qu’une dizaine d’autres bien pires me virent à l’esprit en l’espace d’une
seconde.
-Je m’appelle Nico, mais tu peux m’appeler “mon pire cauchemar” ou “roi des ténèbres”. Si tu veux qu’on fasse plus ample connaissance, tu peux commencer par me détacher, beauté.
-Qui d'autre connait ma position, Nico ?
-Okay beauté-
-William.
-Will. Je me promenais juste en forêt et je suis tombé sur ta tour. Personne d'autre ne sait où je suis, ne t’inquiète pas.
Je regardai à mon côté pour m’assurer de la présence de ma sacoche mais je n’y trouvai que le vide.
-Tu as mis où ma sacoche ? Elle contient un objet très important pour ma famille.
-C’est surtout un objet que tu as volé, charlatan. Malheureusement pour toi, je l’ai caché là où tu ne la trouveras jamais.
J’explorai les alentours du regard et vis juste derrière Will une armoire à pharmacie qui semblait bien remplie. Elle débordait même tellement qu’une lanière ressemblant dangereusement à celle de mon sac en dépassait.
-C’est dans l’armoire hein ?
Au lieu de me répondre, il prit une poêle et m'assomma avec.
Je flottais de nouveau dans les ténèbres quand je sentis un liquide dégouliner le long de mon visage, me réveillant directement. Une odeur de fiente flottait dans l’air et, en voyant l’expression de joie du corbeau, je compris ce qu’il avait fait. William se tenait devant moi, surveillant chacun de mes gestes.
-Tu peux dire à ton piaf de ne pas me chier dessus ? Je sais que mes cheveux ne sont pas les plus propres, mais ce n’est pas un nid.
-Que veux-tu de moi ? Mes cheveux ?
-Ta longue tignasse de princesse me dégoutte, et j'apprécierais si tu la retirais de mon corps. Comment tu fais quand tu as des poux en plus ? Ou pour te les laver ? C’est juste un outrage à la bonté humaine.
-Attends, tu ne les veux pas ?
-Pourquoi je les voudrais bordel ?! Par la bonté de l’Olympe, j’adore l’or, je l’admets, mais pas les cheveux dorés. Je me suis retrouvé dans ta tour à cause d’un terrible quiproquo, fin de l’histoire. Maintenant, si tu me laissais partir, je t’en serais reconnaissant.
Le foutu piaf se remit sur mes genoux et m’observa comme s’il voulait me manger les yeux. J’essayai de me transporter par vol d’ombre pour enfin fuir ces fous mais c’était comme si ses cheveux aspiraient l’obscurité que j’attirais.
-Alors, tu en penses quoi Coronis ? Dit-il la vérité ?
Le corbeau piailla et s’envola sur l’épaule de Will, lui donnant un côté majestueux.
-Donc, vu que Coronis dit que tu racontes la vérité, je peux te proposer un deal. Chaque année, il y a plein de mini-soleils qui s’envolent dans le ciel. Je veux que tu me fasses y aller et que tu me ramènes ensuite ici, le tout sans que rien ne m’arrive. Si tu le fais, tu pourras ravoir ta sacoche.
-Tu parles du lancé de lanternes en l’honneur du prince disparu ? Je ne suis pas vraiment dans l'optique de retourner au royaume, donc je refuse.
-Ce que tu ne comprends pas, Nico, c’est que j’attends depuis 15 longues années de voir ces lanternes. Donc, à moins que tu sois déterminé à moisir ici jusqu’à la fin de tes jours, tu m’y guideras.
-Si tu crois me faire peur, tu te trompes. Et, pour ta connaissance, je saurai m’échapper dès que tes cheveux ensoleillés seront loin de mon corps.
Il sembla tout un coup perdu et la panique rongea ses traits. Sa splendeur s’était évaporée, laissant derrière elle la peur et l’anxiété. Je connaissais que trop bien cette sensation, ce sentiment de perte totale de contrôle. C’était comme si on devait tirer en continu sur un fil pour avancer et que quelqu’un le coupait de la plus violente des manières. En soit, un petit détour à Corona n’allait pas me tuer, ou en tous cas l’illusion d’un voyage là-bas. Car, si je ne pouvais pas retrouver la couronne, un jeune homme aussi beau pouvait valoir une coquette somme pas déplaisante.
-Okay, j’accepte de t'emmener voir les foutues lanternes mais tu dois me promettre de me libérer de tes cheveux et de me rendre la couronne.
-Seulement quand on reviendra ici.
-Ouais, c’est ce que je disais…
Son visage s'éclaircit de nouveau et il se jeta dans mes bras sans demander mon avis sur ce contact inutile et répugnant. Sa manière de transpirer de joie m’épatait. Il était si innocent, c’était presque dommage que je doive le donner à des gens pas très purs. Will me délivra enfin et, sans plus tarder, je m’élançai dans la descente de la seule tour sur Terre à ne pas avoir d’escalier. Alors que j’étais à la moitié du chemin, je vis le garçon me dépasser à toute vitesse, utilisant ses cheveux en corde et laissant son piaf de compagnie dans la tour. Je paniquai en le voyant dégringoler aussi rapidement- non pas par attachement amical mais parce que la compote d’humain n’était pas très vendeuse- mais il finit par diminuer l’allure et, le temps que j’arrive en bas, le téméraire voltigeur n’avait pas encore mis le pied au sol et contemplait à la place l’herbe comme si elle allait le manger. Cependant, dès que Will descendit de son prémonitoire capillaire, il commença à courir et à batifoler comme un gamin. Il s’étonnait de chaque petite chose, même de la rivière qui m’aidait à laver la selle qui marquait mon visage. Et, alors que je crus que la situation ne pouvait pas empirer, mon fardeau commença à pleurer parce que son Père Percy allait avoir le cœur brisé ou à danser de joie parce que c’était “le plus beau jour de sa vie”, les deux dans une suite sûrement destinée par les dieux à me tuer. Ses cris et sa joie de vivre étaient énervants, certes, mais je commençais à apprécier ce garçon paumé. J’avais été comme lui, à une époque heureusement immémorable. Il avait juste besoin d’aller vers le chemin de l’illégalité, la seule bonne voie dans ce monde inégal. J’avais eu un guide pour me montrer toutes les nouvelles possibilités de la vie, je pouvais bien prendre à mon tour ce rôle dans sa vie. Alors que j’étais assis à le regarder jouer avec les fleurs, il courut et s’accrocha à moi comme une moule à son rocher. Il fallait vraiment rectifier le point qu’il pouvait me toucher si et seulement s’il avait mon feu vert…
-Et si Père avait le cœur brisé ? Je suis vraiment le pire fils de l’univers…
-Est-ce qu’il sera anéanti ? Oui, c’est sûr. Mais, si tu veux mon avis, aucun parent ne sera un jour satisfait de son enfant. Alors, le meilleur moyen d'aller mieux, c’est de leur prouver qu’on est des incompétents finis et qu’on est heureux de l’être.
-Mais c’est horrible !
-Ils sont horribles à nous imposer toutes leurs attentes impossibles. On a le droit de vivre comme on le veut ! Tu verras, tu t’y feras assez rapidement. La vraie vie t’attend en dehors de ces bois Will. Alors, je te reconduis chez toi, tu me rends ma sacoche et tu redeviens le petit garçon obéissant ou alors tu franchis le cap et tu deviens tout ce que tu veux devenir le temps du voyage ?
-Je vais le faire, je vais aller voir les lanternes !
-Bien. Avant tout, ça te dit une petite pause dîner ? Je sens que tu vas adorer “Le Dauphin Mutant”. Ce sont des chouettes gens super farfelus mais gentils comme des agneaux.
-Et bien, si tu le recommandes, ça ne peut qu’être des gens convenables !
Ce sont des gens convenables, mais seulement quand tu fais des affaires pas très nettes avec eux ou quand tu dois laisser ton passé de côté le temps d’une soirée. Cependant, si je voulais partir du royaume sans risquer ma peau pour un jeune homme en détresse, leur aide était bienvenue. On parcourut le petit kilomètre pour arriver jusqu’à la taverne pendant que je dressais la liste des règles à respecter, lui faisant miroiter la suite de son aventure à mes côtés. Soudain, la bâtisse se dressa devant nous, véritable capharnaüm architectural. Comme pour la tour de Will, je me demandais à chaque fois que j‘y allais comment le bâtiment réussissait à ne pas s’effondrer, bien que cette fois-ci la question sur le fait qu’il soit ensorcelé était vite répondue par les origines du propriétaire. Ce dernier qui m’avait, il y a moins d’un an, interdit de revenir avant que je sois majeur. Il fallait juste espérer que mon offrande payante allait lui faire oublier ses menaces de mort… Le boucan s’entendait de l’extérieur et le sourire de Will se fit un peu moins rayonnant. Cependant, je le poussai à entrer et un silence agressif nous accueillit. Satyres trop peu vêtus et pirates plus que bourrés nous jetèrent des regards noirs tandis que je m’avançais vers le bar. Heureusement, la majorité était trop occupée à admirer la chevelure d’or de mon compagnon pour me remarquer, bien que plus d’un cracha à mes pieds alors que je traversais la salle en prenant soin d'esquiver les sous-vêtements, les bouteilles de vin et les substances inconnues qui maculaient le sol. Je pris tout de même soin de récolter les cheveux de Will pour éviter de le salir avant l’échange. Il s’assit comme si de rien n’était sur un tabouret, son visage agrémenté d’un sourire forcé. Je restai debout, attendant la venue du maître des lieux. Celui ne daigna pas à se montrer, laissant la puissance de sa voix engourdir mes sens.
-Nico, tu sais très bien ce que je t’avais dit la dernière fois. Amis, attrapez-le !
Et, d’un coup, comme si on avait remis en route le temps, tout le bar me sauta dessus, m’étouffant entre leurs corps dénudés sans prendre gare à mon espace vital. Je comprennais enfin ce qu’ils ressentaient dans leurs relations charnelles polyamoureuses et je me promis de ne jamais y participer. Soudain, on me poussa vers un trône et deux solides pirates me retinrent devant leur protecteur. Ce dernier me fit un sourire sarcastique tout en me jaugeant de haut en bas. Il me considérait comme le pire des bandits, mais lui-même baignait dans l’illégalité et l’occulte. Son apparence juvénile dépossédée des traces de la vieillesse le prouvait de la manière la plus orgueilleuse. Même ses cheveux disposés de la plus flatteuse des façons montraient sa vrai nature. Pas celle d’un humain, ou d’un ensorceleur. C’était celle d’un dieu qui se faisait passer pour un homme. D'un coup, l’un de mes deux gardes s’effondra avec dans le bras une immense aiguille et derrière lui se tenait Will, pourvu d’une expression aussi neutre qu'effrayante. Je ne perdis pas une seconde et rendit hors d’usage la partie du deuxième pirate. Dès que je fus libéré de sa poigne, je sortis mon épée et la pointa sous la gorge de la divinité.
-Dionysos.
-Nico. Ça fait toujours plaisir de te voir, mais si tu pouvais t'empêcher de rendre hors-service mes plans culs, cela me ferait plaisir. À moins que ton charmant compagnon prenne leurs places.
-Je viens parler affaire, Ô grand dieu de l’absinthe.
-Avant tout, vous devez me promettre que vous n’allez pas blesser ou capturer mon guide, brigand.
Je levai les yeux à la remarque de Will. Il ne m’aidait pas, avec son ton faussement agressif. Malgré tout, Dionysos éclata de rire et des larmes embrumèrent même ses yeux quand il eut fini.
-J’aime bien ton ami. Allons, petit, pourquoi as-tu fait de ce charlatan ton guide ?
-J’ai toujours rêvé de voir les lanternes de Corona et il va m’y guider.
-Un rêve ? J’en ai eu un, une fois.
Contre toutes attentes, le dieu se leva et ordonna à ses musiciens de jouer. Et, d’un coup, tout le bar commença à chanter par rapport à leurs rêves vains. C’était comme si la joie de vivre de mon compagnon avait affecté toute l’audience. Chacun faisait sa petite prestation, même ceux qui semblaient il y a quelques minutes au bord du gouffre. Parmi tous, le plus étonnant restait le dieu, qui enchaînait les vers avec une harmonie déconcertante pour un alcoolique comme lui. Je crus même pendant un instant que sa voix était la plus belle que j’eus entendue de ma vie, mais cette pensée me parut insensée dès que Will commença à chanter. Elle était de celles qui vous prenaient par les tripes, qui s'accrochaient à votre âme et qui vous transportaient vers de contrées imaginaires comme quand une mère récite un conte. Chacun de ses mouvements étaient remplis d’une grâce inhumaine, guidés par ses pas qui semblaient former une toile complexe et invisible. Ses cheveux le suivaient à la trace, formant autour de lui une véritable tornade d’or. Il nous contait son désir de trouver les remèdes à toutes les maladies de ce monde et je me surpris à être heureux de l’avoir aidé à s’échapper. Cependant, je ne devais pas oublier la vraie raison de notre visite. Je m'approchai alors de Dionysos, tentant de lui faire entendre mon marché. Or, lorsqu'il me remarqua enfin, le dieu fit la sourde oreille face à mes demandes et me propulsa dans l'espace créé par la fin de la chansonnette de Will. Tous les regards se braquèrent sur moi, me mettant dans un état de malaise incomparable.
-Allez, chante petit ! Et après, je verrai ce que je peux faire pour toi.
-Je ne chanterai pas pour votre bon plaisir.
-Sinon, je peux toujours demander à Gleeson de t'escorter jusqu'à la case prison. À ce qu'il paraît, la garde royale traite bien les charlatans occultes en ton genre.
Le satyre en question s'approcha de moi et mit son gourdin en travers de ma gorge. Je sentais son souffle contre ma nuque, me hérissant les poils et répandant son haleine fétide. Je balayai la salle du regard, sûrement la dernière chose que je verrais avant mon arrestation. C'était idiot de se faire capturer en plein milieu des plus gros malfrats de ma génération. Mais, soudain, alors que j'étais sur le point d'annoncer ma propre condamnation, mon regard s'arrêta sur Will. Il murmurait des paroles, muettes à cause de l'agitation qui régnait, mais je lus sur ses lèvres leur sens. Il m'encourageait. Il me demandait de chanter. De le faire pour moi, pour lui, pour la couronne, pour les lanternes. Je pris une goulée d'air, regardai droit dans les yeux Will, et par ce biais Dionysos qui trônait à ses côtés, et commençai à chantonner. Au début, je n'osai pas parler fort mais, au fur et à mesure, encouragé par le rythme proposé par les musiciens, j'augmentai le volume :
-Je suis comme vous, je rêve aussi ! De quitter ce monde fou et aller au paradis. Je rêve d'être accepté et de me sentir aimé. Je sera enfin jeune comme Hébé et je pourrai quitter mes traumas… Le tout en aimant quelqu'un qui ne mourra !
Un tonnerre d'applaudissements suivit ma déclaration, transformé en bourdonnement par mon cœur battant à toute allure. Un vertige manqua de me faire tomber, suivi d'un deuxième et ensuite d'un troisième, qui me poussèrent à prendre congé à côté du trône. Mais, aussitôt que je m'échouai contre celui-ci, la porte s'ouvrit en gros sur la garde royale. Sans hésiter, je sautai sur Will, le pris par le bras et l'entraînai sous le bar sans merci pour mon petit-déjeuner qui manquait de sortir. Les gardes beuglèrent mon nom de partout tandis que mon compagnon de route m'interrogeait du regard. Peut-être aurait-il été important de mentionner ce léger détail. Je crus un instant que Dionysos avait vendu la mèche, mais il déboula dans notre cachette et nous indiqua la cave, la même dont il m'avait toujours interdit l'accès. Nous voyant indécis, il nous poussa dans la trappe et la ferma derrière-nous. Nous dûmes donc avancer dans le tunnel. Heureusement, par une je-ne-sais-quelle-sorcellerie, autour de nous se déployait une aura de lumière. Un dieu avait-il eu la folle idée de nous bénir ? C’était peu probable, à moins qu’il avait ignoré ma présence grâce au charmant Will. Ce dernier qui s’était transformé en véritable moulin à parole depuis le début de notre escapade souterraine, me permettant de l’appeler mentalement de tous les noms. Pour une raison inconnue et que je ne voulais pas connaître, il m’interrogeait sur mon passé et toutes les choses complètement inutiles telles que mon plat préféré ou si je préférais mourir d’une infection ou d’un empoisonnement. Tellement d’informations futiles face au fait que je venais de perdre une somme d’argent considérable et ma liberté de m’enfuir de Will et de ses somptueux rêves…
-Donc, tu t’appelles Nico Di Rider et je ne peux rien savoir d’autre sur ta vie ? Même ton âge ?
-Exactement. Attends, j’ai une question pour toi ! Veux-tu bien fermer ta magnifique gueule ?
Un silence suivit ma déclaration, une si délicieuse pause dans ce voyage déjà trop long.
-Même ton groupe sanguin ?
-Bordel, tu ne comprends pas quoi dans “ferme-la” ?!
Il se figea dans une expression horrifiée, n’osant même pas respirer. Il essaya de parler, mais renonça et me devança dans le chemin, l’air renfrogné. Je le suivis après quelques secondes d’hésitation ; de toutes manières, il n’y avait qu’un chemin. Cependant, je remarquai que mon ombre avait changé, aussi ridicule et improbable que cela pouvait paraître. Tout autour d’elle se trouvait une myriade d’autres silhouettes. Elles semblaient vouloir passer dans le monde matériel, leur noirceur tâchant mes vêtements naturellement sombres. Mes pouvoirs s’étaient activés par erreur, terrifiant donc le pauvre Will… Je comprenais maintenant sa réaction. Même moi j’étais terrifié par ma propre puissance, un gars lambda ne connaissant que sa tour et son père allait forcément être terrifié face à cette horreur. Je le rejoins et l'enjoins à se retourner, ce qu’il fit sans opposition. Il semblait si blasé, comme si l’idée de voir ses lanternes ne l'enthousiasmait plus.
-Je suis désolé, sincèrement. Je ne voulais pas te terrifier et je n’aurais pas dû te parler comme ça.
-Bizarre.
-C’est ta seule réaction ?
-Non, regarde la terre des murs, elle tombe. Comme si…
-...Quelque chose de lourd nous poursuivait. Will, cours !
Je ramassai ses cheveux et courus à sa suite, n’osant pas me retourner pour voir notre- ou plus possiblement nos- poursuivant. Nous immergeâmes enfin à la lumière du soleil, mais une immense falaise nous séparait du reste de la route. Au-dessus de nous se trouvait un aqueduc en bois, cependant aucun accès nous permettait de le rejoindre. Il y avait bien une échelle pour nous mener au fond du gouffre mais, au moment de risquer la descente, Travis et Connor sortirent d’un des tunnels du bas de la cavité. Ils avaient l’air furieux, ce qui était normal au vu de notre dernière rencontre où j’avais volé notre butin collectif.
-C’est qui ?
-En bref, ils veulent ma peau.
Quelques gardes royaux arrivèrent de là où nous étions venus, nous menaçant de leurs glaives.
-Et eux ?
-Ils veulent me mettre en prison jusqu’à la fin de mes jours.
À leur suite arriva le foutu pégase qui me coursait depuis que j’avais volé la couronne, lui aussi l’air chafouin.
-Et ça ?
-On va assumer que tous ceux qui sont ici me détestent, clair ?
Soudain, avant que quiconque ne fasse un geste de plus, Will lança et noua sa chevelure sur une poutre et se jeta dans le gouffre, se servant de ses cheveux comme d’une liane et m’abandonnant à la merci de tous mes ennemis. Je retins ma respiration un moment, sous la peur de retrouver mon seul allié en crêpe, mais il arriva sain et sauf de l’autre côté de la falaise. Seulement, les gardes commencèrent à s’agiter et je ne pus donc m'intéresser plus longuement à son sort. Je dégainai à mon tour mon épée et fondis dans la masse, tranchant les tendons des genoux et enfonçant mon arme dans les défauts des armures jusqu’à ce que plus personne ne soit sur mon chemin, ou presque. Seul le pégase resta debout et il pointa sur ma gorge une arme qu’il tenait fermement dans sa gueule. J’essayais d’esquiver, mais ses mouvements reflétaient les miens, me forçant à m’épuiser. Quand il réussit enfin à me bloquer au bord du précipice, l’équidé envoya valdinguer ma lame au fond du fossé d’un coup de sabot. Je sentis alors une corde s'agripper à ma main et je ne pus voir avant d’être propulsé en arrière qu’une touffe de cheveux dorés. Je plongeai donc vers le sol, forcé par la gravité à m’écraser, mais j’arrivai juste au-dessus de la terre quand j’entamai la remontée, propulsé à grande vitesse d’un bout à l’autre de la falaise. Les Stolls faillirent m'embrocher, mais, grâce à Will qui réajusta ma trajectoire, je les esquivai et atteris sur l’aqueduc. Malheureusement, le foutu pégase m’apercut et attaqua à coup de sabots sa structure, causant l'effondrement d'une poutre. Will était trop loin, beaucoup trop loin, mais je ne pouvais plus le laisser tomber. C’était eux contre nous désormais.
-Will ! Balance-toi !
Il suivit mes ordres et sauta par-dessus le vide, atterrissant au sol sans blessures. Je sentais dors et déjà la structure du pont vaciller, ce qui me força à me glisser le long du dénivelé. Cependant, la destruction de l'aqueduc me prit de court et me força à sauter les derniers mètres qui me séparaient du sol. Immédiatement, je pris les cheveux de Will et me remit à courir. J’entendis une grande explosion, et la terre se mit à trembler comme si les dieux se déchainaient. Un bruit assourdissant nous empêchait de communiquer, mais nous étions tous les deux concentrés sur un même objectif : arriver à un des nombreux tunnels du fossé. Nous y arrivâmes tout pile avant qu’une tour de pierre ne s’effondre sur l’entrée, nous plongeant dans le noir brisé par la même aura que tantôt, bien qu’elle soit maintenant amenuisée. Mais, malgré la défense que nous offrait l’impasse, de l’eau commença bientôt à inonder le renfoncement. Même en prenant de la hauteur dans l’étroite caverne, nous fûmes bien vite obligés de nager pour pouvoir respirer le peu d’air que la salle contenait. J’essayai plusieurs fois de trouver une sortie qui aurait été cachée par le liquide, ou au moins trouver un endroit assez sombre pour nous téléporter, mais l’oxygène me manquait à chaque fois. Will s’attaquait pendant ce temps à la parois du dessus, or la seule chose qui changeait était l’état de ses mains. Après une dizaine d’autres tentatives, je dus me faire à l’idée : on était fini. Mon compagnon aussi sembla s’en apercevoir, car il se laissa doucement emporter par le fluide sans broncher.
-C’est de ma faute. J’aurais dû l’écouter et ne jamais être parti. Je- Je suis terriblement désolé Nico.
-Je suis homosexuel. Je voulais au moins le dire à une personne avant de décéder.
Il se mit à rire à ma blague, ou en tous cas je le crus durant un petit instant. Car, rapidement, ce sont des sanglots qui rythmèrent son corps. Ses larmes rejoignirent l’eau qui s'immisca dans tous mes orifices. Moi qui avait tant côtoyé la mort, je la sentais enfin venir me prendre. Elle avait 88 ans de retard, cette imbécile. Je fermai les yeux, et me laissai emporter par les courants…
~~~
-Attends, tu as rêvé de moi sexy et chantant ? C’est la meilleure que je n’ai jamais entendue !
Des larmes de rire percèrent, me faisant hausser les yeux en l’air. Lui qui me forçait à être son patient, il était peu professionnel. Après, je n'avais jamais eu de psy. Peut-être qu'ils étaient tous comme ça.
-Mr.D., vous aviez promis de ne pas vous moquer. Je ne sais même pas pourquoi j’ai rêvé de ça !
-Je ne me moque pas voyons ! C’est juste que je ne savais pas que tu me voyais comme ça.
-Je ne vous vois pas comme ça ! C’est juste que- Pour une meilleure intégration à l’univers- Vous avez compris !
-Won’t devrait se faire du souci, je commence à te pervertir un peu trop. En soit, j’ai toujours de la place en trop à mes orgies. Je suis sûr que ça te serait d’une grande aide pour ta confiance en toi, et pour tes futurs rodéos avec Zolcocasse bien-sûr.
Je ne répondis rien : la riposte ne servait qu’à empirer la situation avec lui. Pourtant, je savais pertinemment que mes joues fleurissaient d’une couleur pivoine à ces propos pervers.
-Au fait, pourquoi tu l’as assommé ce matin ?
-Il m’a dit qu’il voulait se laisser pousser les cheveux un peu plus.
-Je peux rajouter sur ta liste de traumas de 20 pages “Traumatisé par Raiponce” je suppose.
Et il se remit à rire dans sa barbe, savourant son foutu coca light avec lequel il ferait mieux de s’étouffer. Je sentais que la journée allait être longue, très longue.
J'espère que cet histoire relativement bizarre vous a plu. En tous cas, j'espère que vous n'êtes pas lassé de mes os-bullshits car je ne suis pas prêt d'arrêter
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