Chapitre 28

Devant sa baie vitrée, le roi de Lombal regardait ses vaisseaux de guerre partir pour Eressë N'Dor. Depuis deux jours, les barrières qui séparaient les dimensions s'étaient affaissées, provoquant des chocs climatiques sur ses terres. Il faudrait sans doute plusieurs décennies avant qu'une autorégulation ne se fasse. Sans parler des collisions de dénivelé ou de fuites d'océans. Avec un peu de chance, tout se remettra comme avant la chute des météorites.

Des gémissements firent tourner la tête d'Arnil, l'arrachant à ses pensées. Il regagna le centre du laboratoire où Narlera avait été enchainée dans une capsule de verre, entourée de scientifiques expérimentés.

— Et dire que je vois devant moi l'un des derniers Réceptacles, soupira-t-il.

La femme s'agita dans ses liens métalliques, foudroyant Arnil du regard. De grosses seringues, remplies d'un contenu inconnu à ses yeux, la piquaient continuellement dans le cou et laissaient de larges boursoufflures rouges sur sa peau. Elle ne pouvait ni parler, ni crier à cause de la tige de fer qui lui barrait la commissure des lèvres. Avec cela, les sons des machines emplissaient sourdement la salle d'une blancheur immaculée.

— Tu sais ce qu'elle subit ? demanda le roi en se tournant vers Féathor.

Le prince contracta la mâchoire sous la haine mais ne répondit pas. Non seulement, ses mains lui avaient été arrachées, mais en plus, un puissant sédatif l'empêchait de bouger ses membres.

— On appelle cela, un Transfert d'Âme, renseigna calmement l'astre, mais tu connais ces procédés n'est-ce pas ? Tu as failli en être victime à Atalantë, l'année dernière chez le gouverneur Tornango. À mon ordre, ces bombonnes que tu vois là se videront dans son sang et atrophieront ensuite son cerveau.

La respiration de Féathor s'accéléra de colère mais il garda le silence.

— D'ici quelques heures, continua l'autre, elle me sera entièrement dévouée. Nous ferons quelques modifications dans son esprit, certes, mais elle pourra ainsi rejoindre mes agents. Voyons, ne fais pas cette tête, je prendrai soin de l'augmenter. Mi-machine, mi-femme.

— Allez au diable...

— Dans quelques années, tous les peuples de la nouvelle dimension s'arracheront ce procédé pour subir aussi des Transferts d'Âme...

Il s'arrêta et se tourna vers le capitaine qui venait d'apparaitre sur le pas de la porte coulissante.

— Majesté, commença-t-il d'un air totalement robotisé, les armées de Carnil ont rejoint Eressë N'Dor.

— Bien sûr, il savait que le Balgivox se cachait là-bas. Attendez mes ordres pour lancer l'offensive.

Il recentra son regard sur Féathor :

— Je leur enverrais bien ta tête, mon cher prince, mais je tiens à ce que tu sois en vie lorsque les forces de ta mère se feront pulvériser.




Nahôm apparut brusquement dans la salle du trône, la main contre son cœur affaibli. Sa haine contre la reine d'Arminassë ne fit que décupler la violence de ses intentions : il l'écartèlerait après lui avoir écorché la peau, il se le jurait.

Mais lorsqu'il s'aperçut de l'état de la salle, ses idées de torture s'envolèrent pour faire place à l'effarement : le sol était jonché de cadavres, ou du moins, ce qu'il en restait.

Gardant son sang-froid malgré la stupeur, il s'avança entre les membres épars et le sang séché. Une abominable odeur de putréfaction et d'excréments emplissait ses narines. Il cherchait à comprendre la source de ce massacre mais aucun des Réceptacles n'avaient survécu.

— Ils sont tous morts, trancha une voix féminine.

Nahôm se tourna vers Djinévix, attendant une réponse à ses questions :

— Ils ont utilisé le Vala Interdit et se sont entretués.

— Qui leur a permis de faire une chose pareille ! explosa le roi.

— Mais... C'est vous, Majesté. Vous avez vous-même décrété qu'ils devaient se rebeller. Ils ont choisi de se libérer ensemble. Ce n'était pas la meilleure idée mais ils n'ont pas désiré entendre mes avertissements.

Nahôm jura dans sa barbe : il comptait bien utiliser ces hommes pour affirmer sa puissance mais il n'en restait pas un en vie.

— Où est le Faucheur ?

—Il m'a informé sur ses intentions, Majesté. Il désire que vous le rejoigniez en Fanyarë : il a capturé la reine et son fils.

Les yeux du roi rougeoyèrent de vengeance : il espérait bien corriger l'affront que lui avait fait Luinil.

— Vous le trouverez à quelques lieues de la capitale, dans les mines de diamants.

Nahôm hocha la tête et ne perdit pas une seule seconde pour assouvir son envie meurtrière. Peu lui importait le massacre des membres de sa race ; il ne les avait jamais considérés autrement que comme des moyens. Et désormais son objectif était tout tracé.

Il se téléporta dans un sombre tunnel, éclairé de torches à la flamme vacillante.

Ses pas le menèrent jusqu'à une vaste grotte, creusée pour l'extraction des pierres. Il resserra sa poigne sur son bâton magique, légèrement interloqué par ce lieu de rendez-vous. Mais après tout, Morgal tenait à demeurer discret, sans doute de peur d'attirer des renforts d'Arminassë.

— Faucheur ? héla-t-il dans la cavité.

Sa voix résonna sur les murs suintant mais seul le silence de ce lieu obscur daignait lui répondre.

Et puis, une lame lui transperça brusquement le ventre. Il hoqueta et dans un dégainement soudain trancha son agresseur. Un homme sans nature apparente s'effondra à ses pieds, le corps sectionné.

— Qu'est-ce que c'est que cette plaisanterie ? maugréa-t-il en refermant la blessure sous sa poitrine.

Il avait à peine achevé ses mots qu'une quinzaine d'assassins se ruèrent sur lui, leur épée levée.

Nahôm abattit son bâton sur le sol, désintégrant la moitié de ses meurtriers. Mais d'autres apparaissaient et se jetaient sur lui, comme si la peur de mourir de la main d'une entité si puissante ne les effleurait même pas.

Le Réceptacle barrait les coups habilement sans savoir contre quelle race il se battait. Dans un moulinet mortel, il en décapita trois et en pulvérisa le double d'un sort.

Après une courte téléportation, il se retrouva à l'autre bout de la caverne pour reprendre ses esprits mais ses agresseurs avaient le même don et ne le laissèrent pas une seconde de répit.

Le roi poussa un cri de rage, balayant la mine entière d'un puissant sortilège.

Cette fois-ci, aucun homme ne sembla survivre : à ses pieds, une cinquantaine d'assassins gisaient, le corps éclaté.

— Un deuxième massacre pour aujourd'hui, souffla-t-il en s'appuyant contre la paroi rocheuse pour reprendre ses esprits.

Mais comme la ténacité d'une malédiction, un guerrier apparut juste devant lui et referma un bracelet ensorcelé sur son poignet. Nahôm tenta de l'en empêcher mais un violent coup de masse lui fit perdre connaissance...




Lorsqu'il se réveilla, attaché à une colonne de granite, son Vala ne répondait plus, contenu par le bracelet de cuir enchanté.

Il était seul dans une longue salle, sans meubles ni ornements. Seule une demi-douzaine de torches apportait une teinte de vie à ce lieu. Mais sinon, la noirceur l'entourait.

Et puis, les portes du fond claquèrent et Morgal s'avança d'un pas assuré sur les dalles poussiéreuses.

— Morgal ! s'exclama Nahôm avec une lueur d'espoir, arrachez-moi ses liens.

Mais le roi d'Onyx stoppa devant le captif et pencha silencieusement la tête sur le côté, comme s'il tenait à lire dans l'âme de l'homme en face de lui.

— Morgal, tu peux me dire qui étaient ces hommes !

Il haussa innocemment les sourcils :

— Les assassins qui t'ont attaqué ? Ce sont des elfes d'Onyx.

— Des...

— Oui, c'est vrai que d'habitude, on les voit avec une peau grise et des cheveux blancs mais ceux-là ont changé d'apparence pour te mettre ce bracelet.

— Morgal ! Quelle est cette mascarade !

Le concerné baissa ses longues oreilles, comme gêné par la voix forte de son roi.

— Écoute, Nahôm, il se trouve que j'ai besoin de toi pour effectuer un petit échange...

— Détache-moi !

Morgal mima une expression affligée sur son visage, ce qui exaspéra d'autant plus le Grand Réceptacle.

— Je voudrais bien, « Majesté », mais elle ne le désire pas.

Nahôm porta son regard vers le fond de la salle et distingua la silhouette filiforme de Luinil s'approcher.

— Élimine cette salope ! cracha-t-il à son Faucheur.

Mais Morgal resta de marbre alors que la reine le rejoignait.

— Tue-là, murmura-t-il de rage.

Une troisième personne se manifesta derrière la colonne ; quand elle se plaça aux côtés du couple, le prisonnier sentit son visage se décomposer : il venait de reconnaitre le jeune prince nurvars qu'il avait maudit, des millénaires plus tôt.

— Je te le donne, assura Morgal au démon, et en échange, retire la marque à ma fille.

La créature des enfers le regarda avec méfiance ; Lussius serait en effet prêt à laisser Anarrima pour assouvir une si ancienne vengeance, mais de là à abandonner le Balgivox... Quoiqu'il en soit les parents de la jeune femme n'étaient pas au courant sur ce point. Libérer le Cygne Noir ne voulait pas signifier qu'il oublierait son enfant.

— Qui sait, continua l'elfe, peut-être parviendras-tu à annuler la malédiction en te l'appropriant : n'est-ce pas lui l'auteur du malheur de ta race ?

— Accepter ce marché ne veut pas dire que j'oublierai que toi aussi, Faucheur, tu as participé à la perte des miens, trancha Lussius, j'accepte de relâcher mon emprise sur ta fille mais notre combat n'est pas fini.

Il se tourna avidement vers le Grand Réceptacle, ses yeux de démons brillant à l'idée des tortures qui lui passaient par l'esprit.

— Morgal, souffla Nahôm, tu m'as trahi....

— Et depuis, longtemps, « mon cher », tu as été aveugle. Depuis tout ce temps, je restais là, sous tes yeux et tu ne m'as pas soupçonné une seule fois.

— Tu... C'est toi qui as violé l'interdiction des dieux ! Tu as baisé cette pute !

— En fait, il se trouve aussi que tu as porté la main sur ma femme et mon fils, Ambar...

Nahôm serra les dents ; la sueur perlait dans son dos et sur son visage. Morgal se pencha vers sa face et lui prenant la nuque, déclara dans un murmure :

— Je veux que tu saches une chose, Nahôm, personne, oui, personne ne touche à ma famille.

Il se recula brusquement et arracha les chaines pour le jeter à terre. Le Grand Réceptacle haleta alors que son Faucheur le redressait de force et le laissait en pâture aux démons.

— Morgal ! Ne me laisse pas ! cria-t-il, les yeux exorbités par une peur soudaine.

— J'en suis navré, mais tu as blessé ceux que j'aimais...

Lussius empoigna sa future victime par le col et s'apprêta à repartir vers l'Île Bénite mais avant de disparaitre, il se tourna vers le couple et tendit une fiole à Morgal :

— Donne cela à ta fille et elle retrouvera sa liberté.

L'elfe acquiesça et regarda le démon emporter son ancien roi dans les ténèbres de l'Enfer.

Le silence s'abattit sur les deux Réceptacles.

— Il est temps pour nous de rejoindre Anarrima, assura Luinil.

— Je pars pour la cité d'Onyx et te rejoins en Eressë N'Dor avec mon armée. N'oublie pas que Féathor est prisonnier et qu'Anarrima se trouve quelque part près de Sarnelët El Irin. Nous devons jouer serrer.

Luinil inspira fortement : le combat n'était pas fini.




Anarrima se baissa, évitant l'impact d'un missile. Elle sauta dans une rue et se fraya un passage entre les habitants paniqués. Les astres de Lombal pilonnaient la capitale, détruisant tout sur leur trajectoire. Bientôt, des soldats couverts d'une combinaison ultrarésistante pénétrèrent dans les murs. D'étranges appareils, fixés à leurs armes leur permettaient d'identifier les passants paniqués. Anarrima savait qu'ils cherchaient à mettre la main sur elle. Ou plutôt, sur son enfant.

La jeune femme se retrouva sur la plage ; sur l'horizon, les vaisseaux d'Arminassë affrontaient ceux de Lombal dans d'innombrables éclairs. Elle frissonna et observa ses mains : la magie courait entre ses doigts et les effets de Lussius s'étaient annulés avec la disparition de ses ailes noires. Si la possession était toujours en elle, elle avait désormais la capacité d'user de son Vala.

Anarrima ne savait où elle pouvait se dissimuler dans cet enfer ; Sarnelët El Irin était encerclée.

Sur les remparts, les lumbars se défendaient avec la force du désespoir, ils catapultaient d'étranges projectiles sur les soldats astres.

La magicienne comprit aux effets que cela produisait que ce n'était autre que des fumigènes portant le virus. Normalement immunisés, les astres sombraient tout de même dans la folie en l'espace de quelques secondes et se transformaient en contaminés. Mais comme si leur cas causait une menace supérieure, les astres atteints mourraient, leur tête compressée par leur propre casque. Anarrima frissonna en pensant à quel point leurs supérieurs avaient un pouvoir absolu sur eux.

Elle se détourna du spectacle et s'élança sur les galets. Mais une forte décharge électrique la pulvérisa à l'épaule. Elle s'écroula et s'entailla la chair sur les pierres tranchantes. Incapable de se relever, la jeune femme sentit les soldats la rejoindre :

— Nous l'avons trouvée ! déclara un astre dans son micro intégré au casque.

Anarrima tenta de bouger mais son corps ne répondait plus. Toutefois, ses sens restaient alertes et elle perçut un second groupe, plus nombreux, la rejoindre.

— Majesté, nous avons détecté le Balgivox.

Le roi s'approcha de la femme étendue et ordonna :

— Relevez-la.

Deux gardes l'empoignèrent sous les bras et la redressèrent. Le souffle d'Anarrima stoppa : Arnil, son père adoptif, se tenait sous ses yeux. Le roi de Lombal demeura figé, abasourdi par une telle découverte :

— Anarrima ! s'exclama-t-il en la saisissant contre lui, Ana...

La magicienne sourit faiblement :

— Je croyais que vous étiez mort, murmura-t-elle.

— Non, je suis là.

Il lui caressa les cheveux sans la lâcher.

— Donnez-moi la seringue, ordonna-t-il à ses hommes qui étaient restés impassiblement en retrait.

Aussitôt, Arnil injecta le remède dans les veines d'Anarrima, lui permettant de retrouver petit à petit l'usage de son corps.

— Vous m'avez manqué, souffla-t-elle à l'astre.

— Toi aussi, Ana.

Elle se releva sans quitter ses bras.

— Tu es en sécurité, maintenant, assura Arnil en lui caressant le dos, je te promets que plus rien ne t'arrivera.

Anarrima retint un sanglot, comme si toute l'angoisse qu'elle avait accumulée pendant tous ces mois devaient s'échapper.

Elle enfouit la tête dans l'épaule de son père adoptif, emplissant ses poumons d'un air pur. Mais contre l'armure, elle le sentit se raidir :

— Éloigne-toi d'elle ! s'écria Arnil.

La jeune femme se retourna pour apercevoir Morgal, accompagné de ses assassins d'Onyx, tous aussi bien équipés en technologie que les astres de Lombal.

— Ne touche pas à ma fille, cracha-t-il en le pointant du doigt.

— Ce n'est pas ta fille, Morgal. Si c'était le cas, jamais tu ne l'aurais laisser dépérir ici ! Son véritable père, c'est moi. C'est moi qui ai veillé sur elle. Le fait que tu l'aies conçue ne fait pas de toi son père !

— Lâche-là ! Ou je t'assure que je raserai ta malheureuse cité sous mes bombes ! Tu ne lui veux que du mal !

Arnil pris le visage d'Anarrima en coupe et lui murmura :

— Ne le suis pas, il veut simplement prendre la puissance du Balgivox. Il a déjà anéanti tous ses frères de race. Il t'a toujours utilisée, Ana. Tu ne dois lui faire confiance...

— Ne l'écoute pas, Anarrima, contra Morgal, pense à ce qu'il a fait subir à ta mère !

La jeune femme se trouva écartelée entre ses deux pères. Quoiqu'il en soit elle devait choisir. Elle se dégagea des bras protecteurs d'Arnil et fit quelques pas vers l'elfe.

— J'ai de quoi te guérir, ma fille, certifia-t-il en lui tendant la fiole de Lussius, j'ai trouvé un moyen de t'exorciser.

— Ana... souffla l'astre, si tu bois ça, c'est lui qui te possèdera. Je t'en prie, reviens vers moi. Je saurais trouver un remède à ton mal. Rien n'arrête la technologie. Pense à ce que nous avons vécu ensemble, en Lercemen...

La magicienne plissa le front avant de replonger le regard dans celui de son géniteur :

— Je suis désolée, Morgal. Mais je ne peux accepter d'être votre fille.

Elle se retourna et rejoignit Arnil.

Morgal resta estomaqué quelques instants, comme sentant une deuxième fois le sabre du Cygne Noir lui traverser le corps.

— Anarrima, je t'en supplie...

Elle secoua la tête, ne désirant entendre la voix de son père plus longtemps. Le roi de Lombal la prit sous son bras et la guida vers un portail électronique. Elle disparut, sans un regard en arrière, de peur de changer sa décision. Le portail se referma entre elle et le roi d'Onyx.

Morgal sentit son corps se tendre sous la rage :

— Anéantissez tous leurs vaisseaux, ordonna-t-il, détruisez-les tous avant qu'ils ne regagnent leur base.

Un assassin hocha la tête et transmit les ordres.

Déjà, le pays s'enflammait sous les braises ardentes du combat. La ville n'était plus qu'un tas de gravats où les plaintes des habitants se mêlaient aux détonations des mitrailleuses et des canons. Dans le ciel, les vaisseaux entraient en collision et s'écrasaient dans des nuages de poussière noire. Même sur la mer, les navires se canardaient jusqu'à sombrer dans les profondeurs abyssales.

Si sa fille l'avait renié, Morgal comptait bien assouvir sa soif de sang avant la tombée de la nuit. Il se dirigea vers le champ de bataille et y déploya toute la magie des Réceptacles déchus. Des torrents de sorcellerie meurtrière se déversèrent en Eressë N'Dor et détruisirent la cible dans des explosions de ténèbres.

Peut-être qu'Arnil avait gagné la manche : il était reparti avec le Balgivox. Mais les forces qu'il avait mobilisées n'existaient plus...

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