Chapitre 20
Le soleil se levait sur Fanyarë. Les tours de bétons et d'aciers s'élevaient au milieu du trafic assourdissant des vaisseaux. Si le centre de Lombal respirait la haute technologie ainsi que la richesse, la périphérie demeurait encore sous-développée. Elle était constituée de bidonvilles et de vieux taudis délabrés qui s'entassaient comme des boites. Féathor et Narlera, cachés sous leur épais manteau à capuche, tentaient de se frayer un chemin dans la foule ; les chemins entre les maisons étaient très étroits pour la simple raison que des étalages étaient disposés dans la rue. Une forte odeur de viande grillée et d'immondices flottait dans ce lieu malsain. Les humains avaient ainsi fui les campagnes pour trouver refuge sous la grande cité technologique et échapper au virus. Malheureusement, la surpopulation ne faisait qu'accentuer les risques de contamination.
— Par-là, assura Féathor en trouvant un passage découvert.
— Quel endroit horrible, murmura Narlera, comment peuvent-ils vivre ainsi ?
— Ils n'ont pas le choix. Allez, viens.
Le couple s'aventura encore plus au centre de la ville. Des barrages astraux étaient dressés pour empêcher les humains de pénétrer dans le sein de la cité. Tous s'agglutinaient contre les soldats, criant démentiellement, et leur lançaient des projectiles de toutes sortes. Les astres, dans leur combinaisons ultraperfectionnées, ne craignaient rien et de temps à autre, ajustaient leurs armes à feu et lâchaient des rafales sur la foule enragée.
— Comment allons-nous passer ? souffla Narlera, il faudrait prendre une navette et survoler les barrages.
— Non, je sais dérégler leurs systèmes. Il suffit juste de trouver un coin du barrage sans garde.
Aussitôt, ils s'élancèrent dans le réduit, bousculant les mendiants et les badauds. Montant sur les toits plats des habitations, ils poursuivirent leur route jusqu'au mur. L'enceinte se dressait plus haute, ce qui voulait sans doute signifier que des soldats étaient superflus à ce poste.
Le couple s'avança jusqu'au bas du mur de béton. Une porte blindée restait le seul relief de cette immense façade grisâtre. Féathor se pencha sur le code pendant que Narlera observait si des sentinelles apparaissaient en haut du barrage.
— Dépêche-toi... dit-elle légèrement tendue, je sens leur présence.
— J'y suis.
Après être parvenu à pirater le réseau, Féathor ouvrit la porte et s'y engouffra avec l'elfe. Le changement était spectaculaire : on laissait les bidonvilles crasseux pour des espaces dégagés et propres où des navettes déambulaient silencieusement. Les tours de verres disparaissaient dans les nuages et des ponts aériens rejoignaient les différentes constructions. Des bâtiments gravitaient dans les airs et malgré l'atmosphère détendue qui régnait, on remarquait l'immensité titanesque de la ville qui s'étendait sur des milliers d'hectares. Lombal étaient sans doute la plus grande cité de Fanyarë surtout que différentes strates de vie se succédaient, comme des étages. La vie fourmillait, donnant un aspect de ruche.
Dans les larges avenus, des écrans diffusait toutes sortes d'informations. Féathor se retourna vers Narlera et lui tendit des lentilles de contact.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Tous les habitants de Lombal sont en permanence scannés par des drones ou autres sortes de robots. En portant ça sur tes yeux, ils ne décèleront rien d'anormal. Tu t'appelles désormais Visilli et moi Duskuli.
— Vraiment moches comme noms !
— C'est courant ici. Bon, prends une de tes potions maintenant.
— Tu es sûre de ne pas en avoir besoin ?
— Personne ne peut soupçonner que je suis un demi-astre. Mais toi, cela se verra.
Narlera avala une des potions qu'elle portait dans sa sacoche et se métamorphosa immédiatement en astre. Le changement n'était pas flagrant mais assez pour qu'on ne puisse pas la soupçonner.
— Avançons maintenant, dit Féathor, faisons semblant d'être dans un milieu familier.
Ils avaient changé de vêtements afin de mieux se confondre dans les foules. Ici, la plupart des habitants portaient des tenues au ton neutre, serrées près du corps.
Après quelques heures de marches, ils parvinrent au pied du palais royal, au milieu d'une assemblée qui attendait patiemment un évènement. Les deux étrangers s'arrêtèrent afin de comprendre la situation. Du haut d'un balcon, le roi apparut, son image étant retranscrite sur tous les écrans de la ville. Féathor eut le souffle coupé : il venait de reconnaitre Arnil.
Morgal retira la pierre d'argent qu'il avait accrochée à une mèche de ses cheveux. Ces attrapes-rêves elfiques étaient enchantés et permettaient d'éloigner les cauchemars. Ce dont le roi d'Onyx avait fort besoin. Ils se redressa sur son séant et posa la pierre sur la table de nuit.
— Si j'étais toi, dit-il, je me lèverais, tu vas être en retard pour ton Conseil.
— Non, murmura Luinil en se réveillant, à chaque fin de mois, j'ai une journée libre. Enfin presque libre : il y a toujours des imprévus.
Elle se redressa, laissant sa longue chevelure tomber en cascade sur sa peau nue.
— Faut croire que j'ai choisi la bonne date pour rentrer, fit remarquer Morgal en glissant ses doigts dans les belles boucles noires.
Luinil repoussa les draps et s'étira en poussant un petit gémissement avant de retomber sur l'oreiller.
— Tu étais bien partie, plaisanta Morgal, si tu t'écoutais je suis sûre que tu passerais tes journées dans ton lit à ne rien faire.
— Je ne serai pas à rien faire si tu es avec moi dans le lit.
— Vos propos outranciers ne sont pas à la hauteur de votre rang, Majesté.
— Si tu n'es pas content, releva-t-elle, il y un grand nombre d'hommes qui serait prêt à prendre ta place.
— Tiens ! On en parle de l'autre imbécile avec qui tu joues ?
— Nim ? Tu ne vas pas me dire que tu m'en veux encore ?
— Tu as bien failli coucher avec lui tout de même.
— Tu es si mignon quand tu as ta tête de jaloux.
— Mmh.
— Il est gentil et n'a pas d'idées tordues.
— Je ne vois pas ce que tu lui trouves de plus que moi.
— Bien ! pour commencer, il est grand, il s'habille bien, il n'a pas de sourire pervers et ah oui, il a une barbe. J'aime bien les hommes avec une barbe.
— C'est raciste, ce que tu dis.
Luinil pouffa de rire et lui ébouriffa les cheveux :
— Je te fais marcher, c'est tout. Et puis, tu sais que c'est toi que je préfère.
Elle se retourna sur lui et l'embrassa. Morgal grogna de satisfaction et lui saisit les cuisses, tenté par les charmes de sa maîtresse. Mais une sombre pensée le ramena à la réalité. Sans la lâcher, il ajouta gravement :
— Luinil... je dois te dire certaines choses.
La reine fronça les sourcils, craignant d'entendre de mauvaises nouvelles.
— J'ai été ressuscité par le roi des Réceptacles, Nahôm. Il m'a chargé de te ramener au sanctuaire d'Hostos. Il ignore notre relation mais veut s'en prendre à nos enfants.
Luinil se redressa, ahurie par ces mots :
— Mais... Pourquoi ? Que gagnerait-il à faire cela ?
— Il craint qu'ils ne s'emparent du Balgivox avant lui.
— Que feras-tu ?
— Le tuer : je sais où se trouve le Balgivox désormais. Nahôm ne me sert plus à rien.
— Peut-être pourrions-nous continuer à le manipuler ?
— Haha, je te reconnais enfin !
— Nous ne sommes pas si différents l'un de l'autre, chéri.
Une telle perspective redonna le moral à Morgal. En plus de cela, il était épaulé par Luinil. Le duo machiavélique étant à l'œuvre, rien ne pouvait les arrêter dans leur machination sournoise.
— Je dois me lever, finit par dire la reine, Handelë m'attend.
— Je croyais que tu étais libre, râla-t-il.
— C'est vrai mais j'ai des habitudes à respecter, expliqua-t-elle, je n'ai pas vu Ambar depuis plusieurs jours.
— Pour moi cela fait un an, souligna l'elfe, et je ne tiens pas à laisser Carnil s'occuper de son éducation ; ce n'est pas lui le père.
— Il l'est officiellement, rétorqua-t-elle.
Luinil sauta sur l'épais tapis rouge et saisit son peignoir de soie pour se couvrir. Morgal regarda avec une certaine déception ses formes séduisantes disparaitre sous le tissu fin.
— Je te rejoindrai lorsque tu seras seule avec notre fils, ajouta-t-il en se mordant la lèvre, je dois retrouver d'anciennes connaissances.
— Interdiction de tuer qui que ce soit, objecta Luinil en relevant sa lourde chevelure noire.
— Si tu y tiens... mais certains le méritent.
— Tu veux te venger de Carnil ? Il n'a pas été tendre avec toi mais tu peux le remercier d'avoir pris soin de ton fils.
Morgal hésita à répondre que le roi avait aussi tenté de tous les tuer et qu'il avait laissé Wendu enlever Ambar.
Luinil chaussa ses escarpins et se retira dans le boudoir pour se faire habiller. Peu de temps après ; un bruit de portes et des voix indiquaient qu'elle quittait ses appartements. Toujours allongé dans le lit, Morgal se demandait ce qu'il allait faire : un plan s'imposait. Il trouvait un malin plaisir à provoquer la chute du roi des Réceptacles.
On toqua à la porte. Mécontent d'être dérangé dans ses réflexions criminelles, il attendit que l'opportun s'éloigne. Mais ce dernier insistait.
— Tant pis pour lui, maugréa Morgal en se levant, si on retrouve un tas de cendres devant l'entrée...
Il renfila rapidement son pantalon et sa chemise et se dirigea vers la porte qui ne cessait de vibrer. Pris d'impatience, le roi d'Onyx ouvrit brutalement la porte, faisant sursauter Nim.
— Excusez-moi, bafouilla-t-il, je cherche la reine.
— Elle n'est pas là, répondit sèchement l'elfe en le dévisageant.
— Heu... Bien. Je l'attendrai dans ces appartements.
— Elle ne rentrera pas avant la fin de la journée, affirma l'autre en sentant la colère lui monter.
— Je patienterai : j'ai des choses urgentes à lui dire... Et vous ? Qui êtes-vous ? Je ne vous ai jamais rencontré dans le palais.
— Moi ? s'étonna faussement Morgal, je suis le domestique chargé du bon fonctionnement des appartements de la reine.
— Vous êtes un elfe ? demanda Nim surpris.
C'était d'ailleurs bien la première fois qu'il en voyait un à Arminassë.
— Et alors ? s'énerva Morgal, ça pose problème ?
— Non... Pas du tout...
Il était grandement déstabilisé par cet homme. Mais cela ne l'empêcha pas de rentrer, légèrement mal à l'aise par le regard glacial de son interlocuteur. Il ne savait comment l'expliquer mais l'elfe lui faisait peur, comme s'il était face à un mauvais esprit.
L'astre s'assit dans un fauteuil observant l'inconnu plus en détail. Habillé entièrement de noir, il ne portait pas de chaussure et ses cheveux blonds étaient en bataille.
—Vous n'êtes pas un domestique, conclut-il en fronçant les sourcils.
Morgal éclata de rire, faisant apparaitre ses canines crochues :
— J'en venais à me dire que le chef de l'escadron d'espionnage n'était pas plus perspicace qu'un poulet ! Non, je ne suis pas un domestique... Vous désirez boire du chaud ?
Nim fut totalement désorienté par ce changement brutal. Voilà que cet étrange inconnu lui proposait de se désaltérer alors qu'il ne semblait pas le porter dans son cœur.
— Je... Heu... Oui, s'il vous plait.
Morgal attrapa deux coupes qui reposaient dans un buffet et en tendit une, remplie, à Nim.
— Comment avez-vous fait ? s'exclama l'astre en contemplant le liquide.
— Créer une liqueur à partir de rien n'est guère compliqué, assura-t-il en s'asseyant dans un fauteuil en face.
— Bon... Et me direz-vous qui vous êtes ?
— Je suis le roi d'Onyx.
Nim faillit faire tomber sa coupe et blanchit brusquement.
— Que faites-vous ici, murmura-t-il terrifié, vous étiez mort ! Vous... Vous voulez assassiner la reine ?
— Ai-je l'allure d'un criminel ? Je ne suis pas là pour répandre le sang et encore moins celui de Luinil.
Nim se pinça les lèvres, sentant la sueur perler dans son dos. Sa gêne semblait amuser Morgal. Ce dernier adorait avoir cette influence sur les autres.
— Et vous, insinua l'elfe, la reine m'a beaucoup parlé de vous.
— Ah ? fit-il en desserrant son col du doigt.
— Vous l'aimez, n'est-ce pas ?
— Je ne peux rien vous cacher... Est-ce vrai ce qui se dit entre vous et Luinil ?
— Qu'est-ce qui se dit ? demanda Morgal en levant un sourcil.
— Eh bien, j'ai entendu par la maîtresse du roi que vous entreteniez une relation intime avec elle.
— Voyez cela avec la reine, répondit-il la mâchoire crispée, après tout, c'est avec elle que vous vous arrangerez.
Nim n'osa pas creuser la question, craignant d'attirer le courroux du roi d'Onyx. À vrai dire, il ne comprenait pas ce qu'il se passait ; jamais il n'aurait cru que cet elfe soit l'homme le plus puissant du Cosmos. Il faisait très jeune, n'avait pas un visage rappelant ses abominations commises ni une carrure ou une tenue proportionnelle à son importance.
Morgal termina sa boisson et se leva :
— Vous m'excuserez, mais je pars retrouver la reine.
— Je vous suis.
Il le toisa de son regard glacial, puis, sans prêter attention à l'astre, il se prépara à sortir des appartements. Mais au lieu d'emprunter les couloirs, il utilisa un passage secret, caché derrière une lourde tapisserie.
— Comment connaissez-vous cet endroit ? s'exclama Nim sur ses talons.
L'elfe souffla d'exaspération devant le bavardage incessant de son interlocuteur.
— Je ne vous répondrai pas pour la simple et bonne raison que je n'en ai pas envie.
— C'est facile de dire cela quand on a volé les pouvoirs de toute une race !
Morgal se retourna brusquement dans le conduit étroit et attrapa Nim à la gorge :
— C'est tout aussi simple d'éliminer ceux qui me dérangent !
L'astre se pinça les lèvres mais ne recula pas pour autant. Il ne voyait pas pourquoi il devait baisser le regard devant un homme aussi abominable et dépourvu de valeur. Cela sentait les conflits en perspectives... Il continua à le suivre jusqu'à ce qu'ils aboutissent dans un cloitre lumineux. Aucun domestique ne déambulait et un silence reposant régnait, accompagné d'un arôme de fleurs, venant du jardin privé qu'ils longeaient.
Sur une terrasse couverte, Luinil était assise confortablement dans un épais fauteuil rouge, aux côtés d'Handelë. Apercevant les deux hommes, elle se leva, surprise de les trouver tous les deux ensembles.
— Morgal ! s'étonna-t-elle, je vois que vous avez fait connaissance.
Morgal lui adressa un sourire forcé pendant que Nim ne savait pas quoi ajouter. Handelë s'approcha de l'elfe :
— Et moi qui espérais que vous étiez définitivement mort ! siffla-t-il, vous revenez toujours pour semer le trouble, seigneur Morgal !
— Votre antipathie pour moi n'a pas changé, ricana-t-il.
— J'aimerai bien que la reine la partage !
Luinil haussa les sourcils et se baissa pour prendre Ambar dans ses bras. Instinctivement, Morgal détourna la tête mais la ressemblance entre l'enfant et lui était flagrante. Nim s'en aperçut mais ne le releva pas, légèrement gêné de découvrir que l'héritier d'Arminassë n'était pas légitime. La reine se tourna et tendit Ambar à son père : celui-ci scruta le gamin avec curiosité. C'était bien la première fois qu'il tenait son fils ainsi, dans les bras. Il sourit en remarquant que l'enfant lui ressemblait trait pour trait. Aucun doute sur sa parenté n'était possible.
— Qu'a-t-il sur le visage ? demanda-t-il.
— Un incendie dans sa chambre, expliqua Handelë d'un air supérieur, le prince n'y a malheureusement pas échappé indemne. Sa tempe a été brûlée et depuis il garde une cicatrice...
— Je vois qu'il est entre de bonnes mains ! s'indigna Morgal.
— Il serait mort sans l'intervention du capitaine Nim, rajouta le conseiller avec le malin plaisir d'exaspérer l'elfe.
En effet, il semblait que le chef de l'escadron d'espionnage soit plus investi auprès de Luinil que prévu. Elle ne s'en séparerait pas de sitôt et cela irritait grandement Morgal : cet imbécile avait pour atout le changement et l'appartenance à la même race que la reine.
Il fut stoppé dans sa réflexion par Ambar qui trouva la bonne idée de lui baver sur l'épaule. Légèrement crispé, il redonna l'enfant à Luinil, ignorant la face allègre d'Handelë qui se moquait de lui.
Du haut de sa fenêtre de pierre, Russa regardait la scène : à sept étages de hauteur, elle ne parvenait réellement à distinguer les personnes regroupées dans le jardin privé. Il y avait certes, la reine, le prince, son conseiller ainsi que le chef de l'escadron d'espionnage mais l'autre était inconnu. Russa frissonna : pouvait-il s'agir du roi d'Onyx ? Cela était peu probable mais si cela s'avérait être vrai, elle verrait sa situation changer brutalement en même temps que celle de Carnil.
— À quoi penses-tu ?
La maîtresse du roi se retourna brusquement, n'ayant entendu personne arriver. Devant, elle se tenait un enfant, vêtu de guenilles. Elle voulut appeler ses gardes pour le sortir immédiatement mais elle ne put sortir aucun son, captée par cette présence étrange ; dans tout Arminassë, le seul enfant était le prince.
— Qui... Qui es-tu ?
— Peu t'importe, suis-moi.
Aussitôt, le gamin disparut par une porte privée qui descendait dans un salon d'hiver. À la fois effrayée et piquée par la curiosité, elle prit les longs escaliers en colimaçon. Devant elle, l'enfant trottait inlassablement, sa chevelure châtaine se balançant d'une enjambée à l'autre. Enfin, après une interminable descente, il s'arrêta au milieu de la pièce, devant l'énorme cheminée de marbre éteinte. La lumière matinale peinait à percer les lourds rideaux de velours rouge qui bloquait le froid, plongeant ainsi le salon dans une atmosphère assoupie, statique et mystérieuse. Russa s'avança lentement vers l'enfant qui lui tournait le dos, telle une statue sous le haut plafond décoré de peintures et de moulures. Dehors, elle pouvait entendre la voix de la reine et de ses proches raisonner sous les arcades.
— Tu as toujours désiré être reine, n'est-ce pas ? demanda-t-il sans se retourner, tu la détestes mais au fond, tu l'envies.
— Que veux-tu ? interrogea-t-elle légèrement énervée par ses paroles plus vraies que blessantes.
— Je suis venu te ramener à la maison, mère.
Russa se raidit, se sentant pâlir. Siril tourna son visage vers elle et ajouta avec rancune :
— Tu m'as abandonné au sein d'une secte qui cherchait à me tuer !
— Je... Je ne pouvais pas te garder : ton père est un démon.
— Peut-être... Mais tu l'es aussi désormais !
Russa poussa un cri : d'étranges tatouages apparaissaient sur sa peau et ses cicatrices se ravivaient et se mouvaient sur son corps, la lacérant. Perdant l'usage de ses yeux et le contrôle de ses pensées, elle se roula sur le sol, totalement possédée.
Les battants de la porte s'ouvrirent brusquement, poussés par un vent soudain. Les cris de Russa attirèrent la reine et son entourage. Devant le démon en transformation, Luinil se figea, traumatisée par cette vision fantomatique ; déjà, de longues ailes crochues se dépliaient dans le dos de la victime, accompagnées d'un dégagement de fumées noires.
Russa se releva brusquement en tordant ses membres. Aussitôt, Nim dégaina son glaive et Handelë partit prévenir la garde qui, de manière inexpliquée, ne s'était toujours pas pointée.
Le démon, désormais revêtue de chaines et de cuir noir, se précipita dans un coin du plafond, sans cesser de pousser des cris rauques. Dardant ses yeux vides sur les intrus, elle se laissa choir devant eux et allait se ruer sur Luinil avant que Morgal ne lui lance un sort.
Russa se heurta violemment contre la cheminée, toujours noyée sous le torrent magique du roi d'Onyx. Elle tenta de se relever mais se réaffala sur les dalles, dépérissant rapidement.
Subitement, Carnil se heurta avec violence contre Morgal et brisa la chaine de sortilèges :
— Arrêtez ! s'exclama-t-il, vous la tuez !
Aussitôt, Russa se releva et se téléporta pour disparaitre de la vue du groupe. Remonté par le comportement de Carnil qu'il n'avait vu arriver, Morgal précipita le roi d'Arminassë sur le tapis, bien décidé à le réduire en cendres.
Carnil, sur les reins, pensa vivre ses derniers instants, mais à son grand étonnement, Morgal se retint et disparut à son tour.
Décontenancé, le roi se releva et scruta avec effroi la cheminée où était partie sa maîtresse.
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