Chapitre 6
Anarrima descendait des escaliers tortueux, suivant Furug qui la menait toujours plus loin.
— Où m'emmenez-vous ? demanda-t-elle alors qu'elle se rappelait les avertissements de Morgal.
— J'ai à vous montrer quelqu'un, répondit simplement Furug.
Elle se laissa guider jusque dans une immense salle éclairée à la lumière des torches. Les ombres se profilaient sur des murs nus, parfois agrémentés de tapisseries usées, différentes de celles qui étaient dans les appartements luxueux.
Son regard se posa sur une longue pierre allongée à l'apparence d'une tombe surélevée, sur laquelle un fin tissu blanc recouvrait un corps de petite taille.
— Qui est-ce ? s'enquit-elle, légèrement mal à l'aise.
— Voyez-vous, expliqua Furug en s'avançant vers le gisant, nous sommes dans ce château que depuis quelques années. La vérité est qu'il est hanté d'un esprit immensément puissant mais tout aussi malfaisant. Le Haut-Maître qui vivait ici a voulu s'emparer de cet esprit.
Furug fit une pause puis reprit son histoire :
— Les vieux parchemins d'ici attestent de la présence d'une femme qui errait éperdue dans ces terres désolées et glacées. Les hommes du Haut-Maître la ramenèrent au château ; elle était enceinte et répétait sans cesse comme une folle : « débarrassez-moi de lui. » Mais les hommes ne comprirent pas son désarroi et bientôt la femme mis au monde un enfant à l'apparence commune. Pourtant il s'agissait du fils d'un démon. La mère disparut dans les jours qui suivirent la naissance et sa progéniture fut élevée par le Haut-Maître lui-même qui s'aperçut rapidement des capacités extraordinaires de l'orphelin. Il voulut l'asservir et utiliser ce pouvoir mais cette idée lui coûta la vie ainsi que celle de tous ses sujets. Lorsque nous sommes venus dans cette demeure nous pénétrions dans un tombeau et dans cette salle, reposait l'enfant...
Furug enleva d'un geste sec le drap, dévoilant le corps de l'orphelin recouvert de vieilles fripes usées par le temps.
— Il est conservé ainsi depuis des centaines d'années, continua le chef, et rien ne peut le blesser. Pourtant moi et mes hommes pensons avoir trouvé la solution : il faudrait simplement confronter l'Esprit possesseur avec un autre Esprit très puissant : comme le vôtre.
— Je n'ai plus aucun pouvoir...
— Justement les pouvoirs aveuglent la force de l'Esprit qui sommeille en vous. Agenouillez-vous devant la pierre, cela va s'opérer tout seul.
Anarrima s'aperçut qu'elle n'avait pas le choix face aux dix hommes qui se trouvaient présents et elle obéit à Furug. Celui-ci se pencha à l'oreille d'un de ses sujets et chuchota :
— J'espère que ce ne sera pas encore un échec comme les autres. Mais où est Veoni ? Il devrait en avoir fini avec l'elfe.
À ce moment-là justement, Morgal déboucha dans la pièce. Pendant quelques instants, il regarda la scène puis empoigna brutalement Furug sans que celui-ci ne comprenne ce qui lui arrivait. Mais déjà de longues flammes noires effilochées sortaient du cœur du garçon et pénétraient dans Anarrima.
— Arrêtez immédiatement votre expérience ! s'exclama le roi déchu, arrêtez ou je vous empale de cette épée !
En effet, il s'était emparé d'armes et menaçait Furug d'une lourde lame noire et tranchante.
— Il est trop tard, confirma Furug, nous ne pouvons plus rien faire désormais. Lâchez-moi ou mes hommes vous tueront ...
Morgal lâcha son otage et se précipita sur la jeune fille, l'arrachant du brasier dans lequel son Esprit se consumait. Elle poussa un cri de douleur et se sentit perdre connaissance.
L'enfant se dressa sur son séant, comme réveillé d'un cauchemar. Il cacha sa tête dans ses mains et hurla de toutes ses forces, remplissant la salle d'un torrent mortel de magie. Les flammes ensorcelées se déversèrent jusqu'à la voûte dans une horrible odeur de chair brûlée.
Lorsque Morgal releva la tête, Anarrima se réveillant dans ses bras, tout autour d'eux était consumé y compris Furug et sa secte. Un nuage de cendres retomba sur le sol et emplit la crypte d'un brouillard gris.
L'enfant maudit s'était éclipsé.
— Partons immédiatement de cet endroit, murmura Morgal.
Anarrima se cramponna au manteau de l'elfe comme si elle cherchait soudainement un appui. Elle avait bien frôlé la mort mais son compagnon lui avait encore sauvé la vie.
— Oui, répondit-elle faiblement, rejoignons Haran.
Son corps entier la faisait atrocement souffrir mais de sa main gauche s'échappait une lueur rougeoyante. Anarrima sourit : malgré les blessures que son combat surnaturel lui avait infligées, elle avait retrouvé ses pouvoirs.
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