Chapitre 18 (2)
Tous quittèrent la bourgade active et sereine de Coina ; les bourgeois ne voulaient penser aux horreurs qui s'accomplissaient tant qu'elles restaient en-dehors de ces murs. Morgal prit la tête du groupe, le guidant vers la citadelle royale. Les terres qu'ils traversèrent étaient ravagées par la guerre. De partout les armées de Glornil tentaient de secourir la capitale mais les colonnes de blessés étaient encore plus nombreuses. Les champs étaient dévastés et noircis par les incendies, partout les villageois affamés regardaient les guerriers partir au massacre.
— Ils ne peuvent pas vaincre l'armée d'Onyx, affirma Féathor en les observant.
Ce fut avec une certaine pitié que la compagnie croisa le défilé des agonisants et suivit celui des valides vers Nimglal. La route fut longue et pénible : bien qu'ils aient dépassés l'armée, ils entendaient toujours les ordres et les pas lourds des guerriers derrière eux. Enfin, les murs blancs de Nimglal apparurent au loin. La capitale était encerclée de montagnes sauf vers l'Ouest. Tous les monts étaient pris par les assassins d'Onyx, refoulant les secours humains. Dans les murs, les habitants ne tarderaient pas à mourir de faim.
La compagnie stoppa dans un camp militaire, situé relativement loin du front où la bataille faisait rage.
— Il est impossible d'attaquer par les cols, renseigna un capitaine à ses compagnons d'armes, penchés sur une carte, nous sommes forcés de continuer l'affrontement dans la plaine qui donne sur l'Ouest, devant Nimglal.
— Eh bien, soupira Hecilan, j'en conclue que nous allons devoir attendre longtemps avant d'entrer dans la cité.
— Le temps va nous manquer, affirma Haran, il y a bien un moyen pour passer le champ de bataille ou les montagnes, non ? Enfin, nous n'avons de toutes manières pas le choix.
— Ce n'est pas si facile, ajouta Féathor en scrutant le ciel du soir, des dragons survolent la zone et nous repèreront dans tous les cas.
— Attendons la nuit, proposa Sanar, installons-nous loin des garnisons. Il y a un village là-bas où nous pourrions dormir... Enfin s'il existe toujours.
La compagnie se dirigea donc vers un petit hameau. De loin, tout semblait normal mais s'approchant, tous entendirent un vacarme semblable à celui d'une fête.
— D'un côté, il y a des hommes qui partent pour mourir... et de l'autre des imbéciles qui ne pensent qu'à s'amuser ! objecta Taran alors qu'ils passaient les portes du hameau.
— Voyons si la taverne a encore des chambres pour nous, dit Anarrima en s'approchant d'une grosse bâtisse à plusieurs étages.
Ils y pénétrèrent et trouvèrent la salle dans une euphorie tout à fait scandaleuse. Ils avaient l'impression d'être à des lieues de ces contrées mornes et tristes où règnent la peur et la guerre. Ils aperçurent tout de même des soldats, sûrement des déserteurs, buvant sans s'arrêter. La compagnie s'installa au deuxième étage afin d'échapper le plus possible à la cohue.
Anarrima soupira d'aise lorsqu'elle trouva une chambre isolée. Bien sûr, c'est elle qui payerait mais c'était toujours mieux que de s'entasser avec une compagnie d'hommes. Sans parler de l'odeur due à la saleté. Après avoir verrouillé la porte, la jeune fille retira ses vêtements et en conclut que niveau propreté, elle n'était pas non plus au point. Heureusement, elle avait demandé de monter une cuve d'eau chaude. Elle se délesta de ses vêtements et plongea dans son bain, savourant le moment présent. La plaie qui s'étendait de son épaule à sa hanche s'était refermée pour de bon et grâce à sa constitution, elle n'en garderait même pas la moindre cicatrice.
Après un long moment de détente, la jeune fille sortit de la cuve et renfila des vêtements propres : elle ne tenait pas à dormir autrement, de peur d'être surprise par une attaque durant la nuit.
Alors qu'elle enfilait sa chemise de flanelle, on toqua à la porte. Elle abandonna son corset et alla ouvrir pour voir qui la dérangeait. Avant qu'elle n'ait pu prononcer le moindre mot, Anarrima se retrouva dans les bras de Sanar qui prit d'assaut ses lèvres, la plaquant au mur.
Sous la surprise elle se laissa faire un instant avant de le repousser de quelques centimètres. Ce petit laps de temps permis à son compagnon de dévorer son corps des yeux. La chemise blanche qu'elle arborait sans corset laissait entrevoir ses formes voluptueuses. L'homme se mordit la lèvre, témoignant de son désir pour la jeune femme. Ce geste simple fit frissonner la magicienne qui laissa passer un éclat d'envie dans ses yeux, incitant inconsciemment Sanar à posséder ses lèvres de nouveau. Il ne se fit pas prier et elle poussa un grognement de surprise.
Bien qu'un certain plaisir montât en elle, elle n'appréciait guère la tournure que prenait cette scène contrairement à son compagnon qui mettait plus de passion dans ses baisers. Il passa sa main dans les longs cheveux blonds pour la faire descendre sur la gorge nue.
— Anarrima, murmura-t-il en passant sa main sous sa chemise, je ne peux plus attendre. Donne-toi à moi. Maintenant.
Anarrima se figea, écartant son visage de celui de l'homme.
— Tu me donnes un ordre ? lâcha-t-elle brusquement.
— Les femmes comme toi adorent recevoir des ordres pour les satisfaire. Tu vas adorer ce que je vais te faire, ma belle.
Comme pour allier le geste à la parole, il la souleva et la jeta sur le lit. Anarrima n'en revenait pas, choquée par les paroles de Sanar. Celui-ci lui plaqua les poignets d'une main, et de l'autre déboucla sa ceinture. Déjà, sa respiration s'accélérait. Ses yeux brillaient de désir, alarmant toujours plus la magicienne, étendue sous lui. Paradoxalement elle ne parvenait à se contrôler elle-même, l'attirance qu'elle éprouvait pour Sanar se transformant en véritable addiction. Après tout, elle était femme et la tentation de succomber à ses plaisirs la tenaillait fortement. Une forte chaleur naquit dans son bas ventre lorsqu'il écrasa son bassin contre le sien. Toutefois, le comportement autoritaire de l'homme ne lui plaisait guère :
— Sanar, souffla-t-elle alors qu'il lui baisait compulsivement le cou, arrête, je ne suis pas ta putain soumise.
— Tu ne me paraît pas très convaincante dans tes propos, sourit-il narquois.
Anarrima le maudit : il savait qu'il n'était pas indifférent à ses yeux. Mais la réalité lui revint comme une gifle :
— Arrête, supplia-t-elle, on ne se connaît pas. Ne m'oblige pas à faire cela.
Il se redressa sur les genoux, une jambe de part et d'autre de la femme. Il parcourut du regard le corps allongé en-dessous et s'attarda en haut des cuisses :
— Tu es vierge ? demanda-t-il avec étonnement.
Elle rougit et hocha nerveusement la tête. Sanar se mordit la langue, comme pour brider son envie et s'écarta difficilement de la magicienne.
— Je ne veux pas te forcer, Anarrima, ajouta-t-il en descendant du lit, surtout si c'est ta première fois.
— Ne t'inquiète pas pour ça, continua-t-elle avec un sourire en coin, tu aurais insisté et je t'aurais réduit les organes en cendres.
— Je l'ai échappé belle, à ce que je vois !
— Je te conseillerais de faire plus attention à l'avenir : je ne porte pas les pervers de ton espèce dans mon cœur.
— Madame exige des excuses ?
— Non. Tu serais capable de recommencer comme si de rien n'était.
— Ce n'est pas ma faute si tu me provoques ce genre de réactions !
— C'est ma faute, maintenant ?
— Oui, tu aguiches.
— Et toi tu exagères !
Il haussa les sourcils innocemment en finissant de se rhabiller. Anarrima le foudroya du regard pour lui signifier qu'elle ne tenait pas à plaisanter sur ce sujet.
— Je vous laisse, jeune demoiselle effarouchée, dit-il avec une fausse révérence, j'espère que votre jugement sur moi changera avec le temps.
Anarrima s'adossa à la tête de lit : elle ne savait plus où elle en était avec lui. Voulait-il la manipuler comme Morgal ? En tout cas, il avait eu l'occasion d'abuser d'elle. Il s'était retenu, peut-être pour endormir sa méfiance. Ou peut-être avait-il de vrais sentiments pour elle et qu'il avait compris que cela passait d'abord par le respect de l'autre.
Alors qu'il s'apprêtait à sortir, deux hommes drapés de gris vinrent à la porte de la chambre et appelèrent la jeune fille.
— Que voulez-vous ? demanda-t-elle méfiante.
— Seulement vous parler, répondirent les inconnus, cela ne prendra que quelques instants.
Anarrima se tourna vers Sanar. Celui-ci acquiesça de la tête à la demande muette de la jeune femme.
— Il vient avec moi, affirma-t-elle avec sureté.
Les deux hommes hochèrent la tête et les emmenèrent à la cave. Passés une porte, ils la refermèrent derrière eux. Anarrima et Sanar se retrouvèrent dans une salle remplie d'une dizaine d'hommes armés.
— Vous avez tort de vouloir nous tendre un piège, leur dit Anarrima en sortant de ses mains une lumière rouge.
Pour toute réponse, celui qui semblait être le chef éclata de rire :
— Vous pensiez que nous ignorions qui vous êtes, railla-t-il, nous allons nous venger du coup que vous nous avez fait ! Mais j'oubliais : les apparences sont parfois trompeuses.
Subitement, les visages des agresseurs virèrent au gris et leurs cheveux au blanc. Anarrima se rappela la fois où elle avait blessé Morgal, après la mort d'Arnil. Tous les elfes d'Onyx avaient alors été touchés en même temps que leur roi et faillirent mourir.
La magicienne commença à paniquer : les assassins d'Onyx possédaient un Vala non négligeable et se trouvaient en supériorité numérique. Ils dégainèrent leurs longs sabres tranchants et se jetèrent sur les deux cibles. Sanar sortit ses pistolets et abattit deux elfes qui partirent en fumée, laissant chacun un vestige sur le sol. Mais le combat restait inégal. Les assassins n'avaient pas plusieurs semaines de voyage dans les jambes contrairement à leurs cibles. Anarrima fut comme son compagnon, rapidement maitrisée malgré ses sorts déversés. Tous deux furent maintenus, le dos contre le mur.
Le chef s'avança et posa sa lame sous la gorge de la jeune fille :
— Je boirai ton sang jusqu'à la dernière goutte, défia-t-il en passant sa langue sur les dents.
— Arrête, intervint un autre assassin, le roi ne te pardonnerait jamais un tel acte !
— Peu m'importe, rétorqua le capitaine, le roi a disparu depuis longtemps et ne réapparaitra sûrement pas. Tant pis s'il tient à la préserver !
L'elfe d'Onyx allait ouvrir Anarrima lorsque Morgal entra brutalement dans la pièce, se retrouvant face à ses propres soldats. Immédiatement, les elfes d'Onyx reculèrent, muets, devant leur créateur. Anarrima et Sanar respirèrent à nouveau et regardèrent la scène qui allait suivre.
Morgal s'emporta violemment dans des paroles d'une langue étrange et ses hommes parurent totalement désemparés.
— Vous tombez bien, finit-il par dire d'un ton menaçant, je dois me rendre à Nimglal et pour cela vous allez me créer immédiatement un portail pour la capitale et je me fous de savoir ce que pense Morel !
Les elfes obéirent promptement aux ordres et commencèrent à œuvrer.
Morgal se tourna vers la jeune fille :
— Vous êtes tombée dans un piège aussi facilement qu'une vulgaire gamine ! lâcha-t-il sèchement, vous auriez pu vous faire déchiqueter par ces hommes !
Anarrima écarquilla les yeux : le subordonné assassin avait donc raison. Morgal la voulait en vie et ne supportait pas qu'elle risque ses jours.
— Prévenez le reste de la compagnie, ordonna-t-il à Sanar, le portail sera bientôt prêt.
L'humain fronça les sourcils, ne tenant guère à obéir à l'elfe. Il gardait un fort amour-propre et méprisait à peu près toute la compagnie, excepté Avamaur et peut-être Anarrima, cela dépendait de ses humeurs. Heureusement, les hommes d'Haran se manifestèrent d'eux même, alertés par les emportements de Morgal.
La magicienne et ses compagnons furent subjugués par la rapidité des choses mais ne regrettèrent pas qu'elles aillent ainsi : cette rencontre leur faisait gagner un temps considérable. Anarrima se demanda tout de même pourquoi un des elfes avait affirmé que sa mort déplaisait à Morgal. Cet assassin n'avait pourtant pas conscience du serment qui s'était échangé entre son maître et elle. Ainsi Morgal la gardait vivante depuis le début ! Il n'avait, en effet, pas résisté à ses attaques après la mort de son père adoptif. Mais voudrait-il l'éliminer une fois ses pouvoirs rétablis ? Lui réservait-il une toute autre fin ? Anarrima ne pouvait le dire mais les dernières paroles du roi d'Onyx convainquaient ses pensées.
Quant à Sanar, il ne comprenait pas comment Morgal avait réussi à commander ces guerriers sans pitié mais cela confirmait ses soupçons à son égard.
Une fois le portail fini, Morgal obligea les assassins à le détruire après leur passage.
— Comment reviendrons-nous ? demanda Sanar avec méfiance.
Pour toute réponse, Morgal le toisa de ses yeux glacials : il devinait bien ce qui se passait entre le banni d'Olorë et la magicienne, et cela ne lui plaisait guère.
Quant aux membres de la compagnie, à part Féathor, ils ne comprenaient pas grand-chose à ce qu'il venait de se passer car les elfes avaient repris une apparence humaine, sous l'ordre de Morgal, avant leur arrivée.
La compagnie traversa l'étroite porte magique. Elle n'avait rien à voir avec le grand portail naturel de Lercemen mais était tout aussi efficace. Morgal resta le dernier dans la pièce.
— Repartez directement vers la cité d'Onyx, commanda-t-il aux elfes, et dîtes à Morel que le roi est revenu !
Le groupe de meurtriers acquiesça de la tête et laissa Morgal passer la surface noire et opaque.
Hey ! Voilà un chapitre assez calme ( sauf la fin peut-être ). Le prochain chapitre aura donc lieu à Nimglal...
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