Chapitre 16 (2)
Féathor, aidé d'Anarrima, dut recoudre la plaie. Heureusement que le blessé était un elfe, capable de se régénérer extrêmement vite. Finalement, ils y parvinrent et laissèrent Morgal récupérer sur le lit après que les draps furent changés. Tous redescendirent à la taverne boire un coup mis à part Sanar qui vint s'asseoir au chevet du blessé.
— Qu'est-ce que vous voulez ? demanda celui-ci en toussant douloureusement, je ne suis pas vraiment apte à vous écouter.
— Vous le serez bien pour m'éclairer.
— Je ne suis pas votre confident, Sanar et je ne vous connais pas : vous devez venir d'une autre dimension.
— En effet. Et vous ne me croiriez pas si je vous disais qui je suis réellement : pas un simple tueur à gage. Vous ne devez pas vous en souvenir mais nous nous sommes déjà vus lors d'un de vos voyages en terre d'Olorë.
— C'est exact ; je ne m'en rappelle absolument pas.
— Eh bien, disons que votre arrivée a changé beaucoup de choses ; le gouvernement est passé en système défensif et quelques temps après, l'armée d'Onyx a envahi la dimension.
— Oui... Enfin, tout cela n'est plus d'actualité...
— J'en conclus après maintes réflexions, que vous avez un lien avec le roi d'Onyx. Or dans quelques jours, nous serons en Lercemen, et là-bas, c'est lui le plus puissant. Qu'est-ce qui me prouve que vous ne tentez pas de nous jouer un mauvais tour ?
Morgal tiqua : bien sûr personne savait qu'il avait été déchu de son pouvoir. La plupart pensait qu'il s'était d'ailleurs rallié à Carnil à cause de la présence trompeuse de son Réceptacle.
— Je ne suis pas un elfe d'Onyx. J'ai toujours vécu dans les cités de Calca, parmi les miens. Mais dîtes-moi Sanar, quand nous sommes nous vus pour la première fois ?
Sanar marqua un temps de silence, hésitant à répondre :
— Je n'étais qu'un enfant. Mais il y avait une femme qui vous accompagnait ; qui était-ce ?
— Ça ne vous regarde pas. Je ne vous demande pas le nom des courtisanes que vous avez croisées dans votre vie !
L'homme abandonna les questions qu'ils avaient en tête et laissa Morgal seul dans la chambre. Il descendit vers la taverne et vint s'asseoir au côté d'Anarrima, la poussant légèrement pour avoir de la place.
— Ne vous gênez pas surtout ! râla-t-elle.
Sanar ne fit pas attention aux réprimandes de la jeune femme et commanda une choppe. La compagnie s'était assise à une longue table mais Taran et Hecilan dormaient d'un profond sommeil, la tête appuyée dans les bras. Tout le monde dans l'auberge parlait de la tempête radioactive qui s'abattait sur les terres de Narraca. Heureusement, près du portail, les radiations étaient nettement moins fortes. La salle demeurait ainsi dans une ambiance assez sereine malgré les cris de quelques ivrognes, de temps à autres. L'auberge de fortune restait tout de même surveillée par les nains. Soudain, trois des gardes pénétrèrent dans la pièce tirant un homme à moitié conscient et le flanquèrent sur une chaise.
Des murmures parcoururent les tables et les comptoirs : encore un voyageur égaré, victime du mauvais temps.
Anarrima sursauta de stupeur : elle reconnut l'homme sous ses mèches noires. Alors que les gardes lui donnaient de l'eau de vie pour le ranimer, l'étranger posa son regard sur la compagnie.
— Ma parole, s'exclama Haran, mais c'est un membre de la secte du Culte ! Je croyais que Siril les avait tous anéantis !
— Vous ! ordonna un capitaine nain en désignant la troupe, occupez-vous de cet homme ; il reste un lit dans votre dortoir.
Anarrima regarda Haran ne sachant quoi faire.
— Nous n'avons pas le choix, conclut le changeur de peau.
— Qui est-ce ? demanda Sanar à l'oreille de la magicienne.
— Il se nomme Veoni. Je l'ai rencontré il y a plus d'une semaine mais je croyais que Morgal lui avait réglé son compte.
Féathor, Nirmor et Haran hissèrent le blessé jusque dans la chambre. Les deux compagnons ivres furent réveillés.
— Où est Huaurë ? demanda Haran, il n'était pas avec vous, Nirmor ?
Nirmor, déposant le corps sur le matelas, secoua la tête en signe de négation. Haran regarda la cour par la fenêtre mais Huaurë demeurait invisible.
Pendant ce temps, chacun vint s'asseoir sur son lit pour profiter de la nuit à venir. Anarrima observa la réaction de Morgal à la vue de Veoni : il regardait l'homme avec ses yeux haineux, prêt à l'occire. Mais comme toujours, il gardait un calme effrayant.
Sanar s'assit sur le lit, près d'Anarrima :
— Je voulais vous demander, commença-t-il, où avez-vous appris à vous servir d'armes à feu ? Vous m'avez beaucoup intrigué chez Tornango.
— Je ne m'en suis servie qu'une seule fois, répondit-elle en s'écartant de son interlocuteur, mais j'avoue que j'ai été surprise.
— Quel genre de créature êtes-vous, Anarrima ? Je vous ai vue tirer : c'était irréel. Je sais que vous êtes une sorcière mais là...
Anarrima baissa la tête en s'abstenant et en se frictionnant les bras ; dehors la neige tombait.
— Venez, proposa Sanar, je connais un endroit où il fait plus chaud.
— Mais la tempête ?
— Ne craignez rien.
Anarrima ne tenait pas à se joindre à lui mais l'idée que Sanar la prenne pour une peureuse la rebutait.
Elle se leva et le suivit au dehors. Les nains les laissèrent sortir de l'enceinte vers les cols rocheux qui donnaient sur le Néant. De temps à autres, ils croisaient des guerriers, chevauchant leurs ours polaires mais les nains permettaient à ce que les détenus s'aventurassent de ce côté car ils ne pouvaient pas s'échapper. La forteresse s'éloignait au fur et à mesure que Sanar et Anarrima montaient. Ils arrivèrent tous-deux à l'entrée d'une grotte impressionnante, une bouche qui menait vers les profondeurs des montagnes.
Ils descendirent vers les ténèbres mais déjà, une douce chaleur accompagnée d'un agréable parfum caressa leur peau frigorifiée. Anarrima ne notait rien d'extraordinaire dans cette caverne mais au détour d'un coin, un spectacle magnifique s'offrit à sa vue : des lacs souterrains reposaient au cœur du silence ; leurs eaux limpides étincelaient de mille petites lumières colorées et fluorescentes. De plus, des insectes tels que des papillons bariolés, survolaient la zone, allumant la cavité de plusieurs petites flammes.
— C'est magnifique ! s'exclama Anarrima, subjuguée par la beauté du spectacle.
— N'est-ce pas ? Suivez-moi.
Sanar s'approcha du plus grand bassin et retira ses vêtements. Aussitôt, il plongea dans l'onde, créant une vague scintillante.
Anarrima se dirigea vers la pièce d'eau, hésitant à suivre son compagnon.
— Vous venez ? cria Sanar de l'autre côté du bassin.
Anarrima se mordit les lèvres, regrettant déjà sa décision. Elle se déshabilla et pénétra dans l'eau. À sa grande surprise, elle était chaude et le fond sableux, sans aucun caillou. Elle s'approcha de Sanar tout en nageant.
— Regardez, dit celui-ci, il y a un boyau qui mène à un endroit encore plus incroyable. Retenez votre respiration, il va falloir plonger.
Sur ce, il disparut sous l'eau, et passa à l'intérieur d'un trou, dans la roche. Anarrima le suivit et après avoir passé le détroit, elle revint à la surface, remplissant ses poumons d'air. À cet endroit, elle avait pied, ce qui lui permit d'observer la grotte dans tous ses détails : des coquillages de toutes formes brillaient sous l'eau claire. Se baigner dans cette eau si limpide et propre la réconforta grandement, se délaissant de toute la crasse accumulée durant le voyage. Anarrima tourna sur elle-même, les yeux en extase.
— Comment ce lieu peut-il exister ? demanda-t-elle en admirant les reflets de l'eau sur le plafond de la caverne.
— Il date de l'époque qui précède la création des dimensions : en ce temps-là, il n'y en avait qu'une seule dans tout le Cosmos mais les dieux ont voulu le diviser pour empêcher les guerres qui dévastaient la terre.
Elle ne s'était pas rendu compte que Sanar s'était rapproché d'elle :
— Ce sont ces genres d'endroits immortels qui nous marquent pour la vie comme le visage de ceux qu'on aime.
Anarrima releva la tête vers Sanar et un long frisson parcourut son dos ; il plongeait ses yeux noirs dans les siens :
— Tu es magnifique, murmura-t-il en caressant le cou de la jeune fille.
Anarrima, déstabilisée, baissa son visage pour échapper à ce regard pénétrant. Les hommes d'Olorë étaient connus pour être bien plus beaux que ceux de Lercemen, et celui-ci ne faisait pas exception à la règle. La magicienne ne put s'empêcher de fixer ces muscles saillants où perlaient des gouttes. Mais si Sanar était aussi séduisant, il n'en restait pas moins mystérieux et suspect. Elle recula et se retourna pour revenir sur ses pas mais elle fut retenue par le bras.
— Suis-je à ce point repoussant ? lui souffla-t-il à l'oreille, je te veux, là, tout de suite.
À ce moment précis, Anarrima voulut carboniser la tête de cet homme. Il osait la considérer comme un objet.
Mais sans qu'elle ne sache ce qui lui prenait, elle l'embrassa compulsivement. Tout devint brusquement sans importance ; elle se moquait de sa quête, seul son plaisir importait. C'était comme si elle avait besoin d'évacuer tous ses soucis. Son cœur s'emballa alors que sa raison l'avait définitivement quittée.
— J'ai envie de toi, prononça-t-elle en enlaçant le cou de Sanar.
Il la prit par les hanches et la souleva hors de l'eau, lui baisant la nuque. Anarrima sentit ses mains glisser sur son corps nu, se raffermir sur ses seins et ses fesses. Il poussa un grondement de plaisir, s'apprêtant à assouvir son envie. Anarrima le voulait, elle voulait qu'il continue de lui montrer sa passion, son excitation dans une étreinte des plus torrides. C'était si bon de sentir le feu s'emparer de son corps, de sentir l'intérêt d'un autre pour soi.
Mais comme revenant à la réalité, elle fut prise d'un soudain mal-être. Sa raison se réveilla brutalement et la chute n'en fut que plus violente :
— Laisse-moi, le supplia-t-elle, je ne peux pas...
Elle desserra l'étreinte, se dégageant des bras qui la tenaient, et plongea vers le boyau pour ressortir à la surface du premier bassin. Elle se précipita vers ses vêtements et les renfila rapidement, honteuse d'elle-même ; elle se sentait ridicule et se reprochait sa faiblesse. Elle s'était comportée comme une adolescente puérile et idiote.
Sanar la rejoignit sans rien dire et se rhabilla. Il paraissait extrêmement agacé, entre la colère et la gêne :
— Je suis désolé, se força-t-il lorsqu'il eut finit, je vous ai manqué de respect et cela ne se reproduira plus.
Chaque parole semblait lui arracher la langue et surtout, sa fierté.
— Je suis heureuse que vous vous en rendiez compte ! Cela fait depuis notre rencontre que vous me traitez comme une vulgaire femme de cabaret !
Sanar aurait voulu effacer de son existence cette malencontreuse aventure. Il baissa ses yeux noirs, admettant malgré lui sa faute. Mais au fond de lui-même, la colère commençait à croître : il venait tout bonnement de se faire humilier. La femme était peut-être le Cygne Noir, elle ne méritait pas non plus l'attention d'une princesse !
Anarrima eut l'étrange impression de l'avoir soumis et s'avançant vers lui, elle posa ses lèvres sur les siennes. Sanar ne parut pas comprendre cet acte et pour toute réponse, la jeune femme lui adressa un sourire malicieux :
— Que cela reste entre nous, dit-elle innocemment.
— Vous ne m'en voulez pas tant que ça ?
— Si, mais il ne sait rien passé ; juste un baiser et quelques caresses.
— Alors pourquoi être partie ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.
Il ne semblait pas vraiment apprécier le fait qu'il se soit fait rejeter alors qu'elle affirmait avoir une attirance envers lui. Sa mâchoire se contracta sous l'énervement.
— Tout simplement parce que je ne te connais pas assez, répondit-elle en se mordant la lèvre.
Ces mots étant dits, elle lui tourna le dos, se dirigeant vers la sortie. Sanar ne tarda pas à la rejoindre, extrêmement agacé par la tournure que prenait cette relation : il n'était pas question pour lui de s'abaisser devant cette femme, aussi belle soit elle. Et pourtant...
Quoiqu'il en soit, il tenait bien à la soumettre à ses envies : pas question, qu'elle continue à se jouer de lui.
Ils descendirent la montagne et rentrèrent dans la forteresse. Une fois dans la taverne, ils montèrent l'escalier et parvinrent au dortoir dans lequel la moitié des hommes dormait.
Morgal, adossé à son oreiller, regardait Veoni d'un mauvais œil :
— Vous attendez que tout le monde sommeille pour le tuer ? se moqua Anarrima.
— C'est en tout cas ce que j'ai très envie de faire ! avoua l'elfe.
L'individu en question était inconscient dans ses draps ; son épaule était disloquée et les doigts de sa main gauche, amputés.
— Que s'est-il passé, demanda Sanar intrigué du comportement hostile de Morgal, je veux dire pourquoi tant de haine contre lui ?
Morgal lui adressa un regard glacial :
— Je n'aime pas qu'on me prenne pour ce que je ne suis pas, répondit-il sèchement.
— Je crois que Veoni lui a fait des avances, renseigna tout bas Anarrima à Sanar.
Celui-ci pouffa de rire sans pouvoir s'arrêter.
— Merci Anarrima ! grogna Morgal à la magicienne, vous n'étiez pas obligée de lui divulguer ce genre d'informations personnelles. Je ne vois pas comment cet imbécile va me respecter et se taire !
— Ça c'est sûr ! nargua Sanar sans se retenir.
— Je le tuerai, maugréa le roi déchu, ça fera une tache de moins dans ce monde !
Anarrima et Sanar le laissèrent à son mécontentement et allèrent à leur couche. Apparemment, le roi déchu n'était guère tolérant sur les variations de mœurs. Après tout, c'était un elfe et ce genre de relations était sûrement interdit en Calca.
Anarrima resta quelques heures à réfléchir à la lumière de la lune. De temps à autre, Morgal soupirait, toujours dessinant dans son carnet, et regardait la jeune fille de ses yeux fluorescents. La jeune femme ne parvenait à comprendre comment il avait pu se remettre aussi vite d'une telle blessure.
En tout cas, il n'avait pas posé de questions sur leur absence dans la grotte. À croire qu'il savait déjà tout. Déjà, à Atalantë, il avait fait allusion aux sentiments qu'Anarrima portait à l'homme d'Olorë. Pourtant, il n'en était rien à ce moment. Avait-il le don de clairvoyance ?
Il avait même fait allusion au cas où elle tomberait enceinte. La magicienne espéra fortement que ce n'était pas une vision prémonitoire : elle avait d'autres soucis que d'attendre un enfant !
Elle se demanda ce qu'il l'avait poussée à finir dans les bras de Sanar. Cette étrange relation avec l'inconnu la rendait perplexe. Son attitude auprès de lui était absurde. Quelque chose lui échappait : elle l'avait désiré l'espace d'un instant, peut-être à cause de son état de fatigue. Quoiqu'il en soit, elle ne regrettait pas d'avoir mis fin à leur échange : Anarrima était vierge et elle ne tenait pas à se faire déflorer par un homme - séduisant, certes - mais totalement énigmatique. Elle savait qu'elle ne l'aimait pas : l'attirance physique était différente de l'amour véritable. Et dans ce cas-là, il était plus bénéfique de séduire Morgal. La jeune fille se surprit à imaginer de telles choses : jamais elle n'aurait cru se jouer ainsi des hommes. Il fallait croire qu'il s'agissait d'une autre de ses compétences. Compétence d'une moralité douteuse... En tout cas, elle pouvait se féliciter d'avoir rallier Sanar à elle.
Elle jeta un rapide coup d'œil vers le roi déchu ; celui-ci restait immobile, semblant méditer.
Anarrima se demanda comment il réagirait si elle le provoquait. Elle soupira et tira la couverture sur elle, décidée à dormir quelques heures.
Dehors, les grognements sourds des ours venaient entacher le silence de la nuit enneigée ainsi que les voix caverneuses des nains, se relayant à la garde.
Hey !! Voici la carte de la dimension de Fanyarë ! Comme il y a plusieurs dimensions dans cet univers, je mettrais à chaque fois une carte correspondant !
Alors comment vous le sentez Anarrima/Sanar ?
Le début des problèmes ?
Et Morgal dans tout ça ?
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