Chapitre 12

— Maintenez-le ! cria Haran à Nirmor et à Taran, attachez-le s'il le faut jusqu'à ce que Féathor ne revienne !

— S'il n'apparait pas maintenant, affirma Huaurë en tentant de soigner la plaie, nous devrons achever Intiak avant la transformation !

En effet, le garçon était victime de convulsions encore plus violentes, sa peau tournait à l'olivâtre. Il se raidit brusquement lorsqu'Anarrima lui envoya un sort qui l'assomma sur le champ.

— Au moins, dit-elle, il ne souffrira plus et restera tranquille.

Mais l'astre était toujours invisible et l'espoir qu'il rapporte un antidote s'amenuisait avec le temps.

— Attendons encore, suggéra Hecilan en mouillant le front de son petit frère.

Haran rongeait lui aussi son frein et tournait en rond.

— Vous êtes inquiet pour le prince ? lui demanda Anarrima.

— Non... Enfin peut-être. J'ai beau me rappeler sa trahison, il reste important à mes yeux et je ne parviens pas à le dénigrer.

— Féathor ne vous a pas trahis. Il est pourchassé comme Morgal et moi par Carnil. Il cherche juste à enterrer son passé : c'est pour cela qu'il ne vous a rien dit sur sa véritable identité.

— Il est parfois bien difficile de découvrir ce que certaines personnes cachent derrière leur visage, leurs paroles.

— Alors apprenez que la plupart de ces gens maîtrisent l'art du mensonge à la perfection.

La jeune fille laissa son interlocuteur à ses réflexions et vint s'asseoir sous la tente où reposaient les plans. Au Nord d'une des cartes s'inscrivait le nom d'une ville : Atalantë.

— C'est donc cette ville, pensa Anarrima, il y aurait une civilisation là-bas ?

Au loin, le soleil se couchait déjà et les ruines se tachaient de couleurs dorées. Mais bientôt, ce serait le sang d'un innocent qui souillerait ces pierres.

— C'est fini pour lui, murmura Haran, Nirmor...

— Non, intervint Hecilan, attendons encore.

La détresse de lisait dans son regard ; il n'osait accepter la réalité.

— Il est trop tard pour lui, reprit le meneur, ce n'est plus ton frère.

Hecilan se tut et baissa la tête en signe d'accord. Tout son être était tendu par la peine et la colère.

Quant à Intiak, il tremblait, ses membres crispés tressaillaient dans des mouvements saccadés. La bave coulait dans son cou et ses veines s'étaient teintées de noir, telles des racines maléfiques.

Nirmor sortit sa hache. Un long calme s'en suivit. Puis un craquement sinistre vint briser le silence.

Quelques corbeaux s'envolèrent d'un arbre.

Anarrima releva la tête et sentit que l'Esprit d'Intiak était parti vers d'autres dimensions. Encore un mort. C'était à croire que partout où elle allait, l'ombre de la Mort la suivait.

Les hommes construisirent un bucher et allongèrent le corps sur le dessus. Le crépitement des flammes vint briser ce silence mortuaire.

— Plions les tentes, ordonna Haran, et remettons-nous en route. Nous voyagerons de nuit.

La compagnie resta quelques instants immobiles devant le mausolée puis chacun partit ranger un coin du campement. Seul Hecilan garda sa position, le visage fermé et livide.

La compagnie marcha toute la nuit. Au loin, au fur et à mesure que la troupe avançait, la lumière flamboyante du bûcher s'estompait dans les ténèbres. Anarrima cheminait en tête car seule elle pouvait voir dans cette obscurité.

Haran se rapprocha de la jeune fille pour l'aborder mais elle le devança :

— Avant que Morgal ne s'enfuie, lui dit-elle en présentant ses plans qu'elle avait rangés dans son sac, j'ai trouvé des cartes dans une usine remplie d'hommes-reptiles. Elles indiquent l'emplacement d'une ville au Nord et je crois qu'il serait sage de s'y rendre : nos vivres ne vont pas tarder à s'épuiser et il faut nous reposer en un endroit sûr.

— Vous voulez dire qu'il existe encore une civilisation sur ces terres ?

— Des créatures ayant mutées sûrement ; les survivants des radiations nucléaires se seraient réfugiés dans cette ville. J'ignore si nous serions bien reçus mais nous aurons plus de chance de survivre là-bas que dans ces marais. De plus, le portail est à proximité.

— Et si Féathor tente de nous rejoindre ?

Anarrima se tut : l'astre aurait dû revenir depuis longtemps. S'il n'était pas là c'est qu'il n'avait pas trouvé Morgal ou alors qu'il avait perdu contre lui. Mais l'elfe ne pouvait pas se passer d'elle. Elle seule était capable de le protéger de la magie des astres de Carnil. Aucun des deux hommes n'était présent. Pourtant Anarrima espérait le retour de son ennemi car lui seul pouvait lui révéler la vérité.

— Je me demande où est passé ce gosse qui nous accompagnait, ajouta Haran pour changer de sujet.

— Je l'ignore, mais il voulait se rendre à la cité d'Onyx.

— Ah... Et Morgal ? Que veut-il ?

Anarrima chercha rapidement une réponse adéquate mais cela lui fut inutile : un long vrombissement se fit entendre sous leurs pieds au point de faire trembler le sol. Tous se stabilisèrent sur leurs appuis. Le silence revint quelques secondes plus tard.

— Qu'est-ce que c'était ? demanda Huaurë en regardant ses compagnons aussi ahuris que lui.

— Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir, répondit la magicienne.

D'un geste rapide et précis, Anarrima fissura la terre et creusa un large trou. Au fond y passait un tunnel parallèle à la surface mais trois mètres plus bas. Par sa magie, la jeune fille venait de percer une cheminée, un passage vers ce souterrain. Elle n'attendit pas le chef de la meute et sauta dans la faille pour atterrir sur des rails.

— Elle ne te respecte pas beaucoup, charria Nirmor à son chef, tu devrais lui toucher quelques mots à propos de l'autorité dans ce groupe.

— Anarrima est un électron libre, répondit Haran tout de même agacé par le comportement de la femme, ce sera dur de la soumettre.

— Mais c'est nécessaire. Cette compagnie ne tiendra pas si tous les membres n'y sont pas dirigés par un seul homme.

— Vous venez ? cria Anarrima du fond du conduit.

Haran serra les dents : il devait obéir à une femme devant ses hommes et cela blessait fortement son amour propre. Il se résigna à sauter, suivi de ses compagnons et ils atterrirent au côté de la magicienne.

— Ce couloir doit conduire à Atalantë, supposa-t-elle en avançant vers le Nord.

— Puisque vous êtes si maligne, dit Nirmor de sa voix grave, comment expliquez-vous le bruit assourdissant que nous venons de percevoir ?

Anarrima haussa les épaules et inspecta le tunnel : la moisissure se répandait sur les parois cylindriques. Le couloir avait dû être creusé lorsque les terres de Narraca étaient prospères et ce temps était révolu depuis longtemps. La Guerre des Dimensions était passée par là...

Chose étonnante, des lanternes de fer restaient allumées. Le sol formé de terre battue gardait deux longues barres métalliques sur toute la longueur, espacée par des tiges de laiton. De longs tuyaux en zinc semblaient contenir des gaz inconnus et la troupe préféra ne pas trop s'en approcher. La largeur du terrain restait constante au fur et à mesure qu'ils marchaient, soit de plusieurs mètres.

Soudain, de l'arrière, un long vrombissement remplit la cavité de plus en plus fort. Deux grands yeux flamboyants apparurent des ténèbres à une vitesse remarquable, deux phares fixés sur un wagon entièrement rouillé.

Tous se plaquèrent contre les murs latéraux pour éviter de se faire écraser par la machine qui ne tarda pas à disparaitre à nouveau au fond du tunnel.

— C'était moins une, souffla Huaurë, mais qu'était-ce ?

— Une forme de technologie, supposa Haran, mais moins développée que celle de Lombal.

— Le crevard que nous transportons pourrait peut-être enfin nous être utile, maugréa Taran en frappant encore le prisonnier, je suis sûre que tout cela lui est familier.

Pour toute réponse, le captif cracha au visage du colosse. Un coup de poing le projeta à terre mais il ne sortit pas un mot.

— Laissons-le là, proposa Anarrima, il ne sert à rien. Enfin, vous ne voyez pas qu'il est muet ?
L'inconnu plongea son regard intense dans les yeux d'Anarrima :

— Vous voulez des informations sur Atalantë et les chasseurs de prime qui sont à votre poursuite, n'est-ce pas ?

La voix du prisonnier figea la compagnie. Elle était à la fois glaciale et ferme malgré sa condition.

— Quelle est cette ville ? demanda Nirmor en se tournant vers Haran.

— Nous rejoignons en ce moment Atalantë, répondit celui-ci, c'est le seul moyen de survivre.

— Cet endroit n'est pas une oasis de paix, contredit le prisonnier, de plus, des astres de Carnil y sont présents, ainsi que des assassins d'Onyx.

Un léger sourire frôla ses lèvres, comme s'il se réjouissait du fait que ses tortionnaires soient en si mauvaise posture.

— Bien, dit Taran, tu vas nous en dire un peu plus si tu ne veux pas qu'on te laisse sous terre pour donner compagnie aux rats.

— Si vous voulez que je vous aide, il va falloir me délier les mains.

Taran le brutalisa encore une fois et l'inconnu cracha du sang.

— Qu'est-ce qui nous prouve que tu ne vas pas nous trahir ? lui demanda Anarrima en le relevant par le col et le regardant fixement, n'es-tu pas payé pour me tuer ? Dis-nous pour qui tu travailles et nous verrons si nous te laissons en vie.

— Calme-toi chérie, vous vous rendez bien compte que je n'ai pas d'autre choix que de vous suivre. Mon employeur est un homme très influent au sein d'Atalantë : il contrôle les réseaux de drogue, de prostitution, de criminalité et par ce fait, il possède une fortune considérable. Le dirigeant de la cité, le gouverneur, est un incapable qui ne pense qu'à sa fortune et est devenu sa marionnette. Mon maître tente de mettre la main sur l'elfe et toi, surement à cause de la rançon.

— Et que gagnez-vous en échange ? demanda Haran qui n'appréciait guère l'intervention d'Anarrima.

— Je sais que Tornango ne me donnera pas une pièce mais c'était un moyen de m'infiltrer dans son organisation.

Ainsi, c'était un espion, cherchant à faire tomber son commanditaire pour des raisons inconnues.

— Pourquoi avez-vous fait cela ?

— Mes intentions ne vous intéressent pas.

Chacun médita quelques instants sur cet échange. Des mystères s'accumulaient encore et compromettaient toujours plus la stabilité du groupe.

— Quel est ton nom ? demanda sèchement Anarrima.

— Sanar. Et ce n'est pas parce que tu es le Cygne Noir que tu peux me parler sur ce ton. Surtout que je suis le seul à pouvoir vous guider jusqu'à la ville : les galeries de métro forment un véritable labyrinthe.

La compagnie accepta l'intervention de Sanar et se laissèrent guider dans les tunnels. Anarrima ne l'aimait guère mais elle reconnaissait son utilité. Aussi ce n'était pas qu'un simple tueur à gages, c'était un espion infiltré qui en plus de cela l'avait reconnue. Il venait peut-être de Lercemen. Alors qu'elle marchait derrière lui, elle s'attarda sur son physique : il portait sur ses épaules musclées un long manteau de cuir qui battait ses mollets. Ses mains étaient camouflées par des mitaines trouées et une large capuche recouvrait son visage noble, légèrement méprisant. Ses yeux noirs s'animaient d'une certaine étincelle d'ardeur et croiser son regard ne pouvait laisser indifférent. Sur le haut de son crâne se dressaient fougueusement des cheveux noirs, légèrement rasés sur les tempes. Il avançait à grandes enjambées, ses lourdes semelles résonnant sûrement sur les rails.

Piquée par sa curiosité habituelle, la magicienne se rapprocha de Sanar lors d'une pause. Elle l'emmena à l'écart pour l'interroger :

— Qui es-tu réellement ? Je n'aime pas ces mystères et je ne tiens pas à me faire berner par un imbécile de ton genre.

Sanar ricana un court moment devant l'attitude de la jeune fille : elle ne devait pas avoir moins de cinq ans de différence avec lui. Et apparemment, il la dédaignait car il la regardait avec hauteur. Ses yeux glissèrent sur le corset de la femme mais Anarrima ne se laissa pas décontenancée par cette œillade perverse.

— Je viens des terres d'Olorë si tu tiens tant à le savoir. J'y ai rendu la justice et les miens m'ont chassé. La Justice... Encore faudrait-il que les hommes la reconnaissent.

Il sortit de son manteau une gourde de métal et avala quelques gorgées. Anarrima croisa les bras, attendant davantage de sa part. C'était bien la première fois qu'elle croisait un homme de cette dimension : ces humains avaient la réputation d'être extrêmement attachés à leur richesse et avaient développé en plus d'une lourde industrie, un capitalisme effréné.

— Parfois, reprit-il en s'essuyant la bouche de sa manche, le destin s'acharne sans raison sur ceux qui ont fait le Bien, il récompense les mauvais... Parce que cette Justice n'est qu'une idéologie : elle n'existe pas. Toutes les dimensions, les terres et les civilisations sont gangrénées par la corruption et le vice.

Sanar marqua un temps de silence. Il semblait bouillir et ses paroles étaient plus adressées à lui-même qu'à Anarrima.

— Et toi ? demanda-t-il, le Destin t'a-t-il jugée équitablement en fonction de tes actes ?

— Si c'était le cas, je ne serais pas à courir à travers ces terres aux côtés de changeurs de peaux...

— L'absence de l'elfe a pourtant l'air de te troubler, n'est-ce pas ?

La jeune fille ne sut s'il faisait allusion à une potentielle relation entre elle et son ennemi de toujours. Elle décida de ne pas y prêter attention.

— Il devrait déjà être revenu. Morgal ne peut se passer de moi.

— Morgal... Je connais ce nom. C'est étonnant mais il me semble qu'il y ait un personnage pareil dans les vieilles légendes de mon peuple.

Anarrima se mordit les lèvres : si Sanar avait entendu parler de Morgal, peut-être savait-il aussi que ce dernier avait anéanti tout un royaume et s'était attaqué aux terres d'Olorë. Il pouvait alors le dénoncer au reste du groupe qui l'assassinerait sans hésitation. Or Anarrima dépendait de Morgal.

— Que sais-tu sur Morgal ?

— J'ignorais que Tornango, mon employeur, me demandait de capturer Morgal : on m'a juste parlé d'un elfe et de toi, Anarrima. Pourtant je l'avais déjà vu il y a plus de vingt ans ; je n'étais qu'un gosse mais je me rappelle l'avoir rencontré au palais. Il était accompagné d'une femme brune très belle : elle devait être son épouse ou sa maîtresse.

Anarrima pensa à la fille dessinée sur le carnet du roi déchu. Morgal avait sûrement des contacts en terre d'Olorë et même à Arminassë : la femme en question était probablement la reine Luinil. N'était-ce pas elle qui avait envoyé une navette pour les secourir ? Anarrima savait que la reine avait jadis pactisé avec le roi d'Onyx pour augmenter sa puissance. Mais depuis, elle avait retourné sa veste. C'était une femme de pouvoir, prête à se donner au plus puissant. Toutefois, la magicienne avait du mal à s'imaginer Morgal passer ses nuits auprès de la Reine Vierge. En fait, c'était tout simplement impensable : les elfes avaient toujours été extrêmement racistes et jamais l'un d'entre eux n'aurait accepté une relation avec une femme non-elfe. Encore moins une astre.

— Il faut partir, déclara Sanar au groupe, nous arriverons au soir.

— Connaissez-vous un lieu où nous pourrons nous reposer ? demanda Haran, je crois que nous méritons une bonne nuit de sommeil.

— Oui, je possède une adresse sûre mais ne vous attendez pas à un grand confort.

La compagnie chemina tout le jour dans les tunnels. Parfois, des intersections se présentaient mais leur guide savait prendre la bonne route. Le bruit de leur pas résonnait inlassablement et Anarrima se morfondait de ce cadre toujours identique.

Il arrivait souvent qu'un wagon les dépassât et manquât de les écraser. Mais enfin, la lumière du crépuscule se fit voir au fond du couloir. L'obscurité fit place à un rayonnement qui ferma les yeux déshabitués des marcheurs. Lorsqu'Anarrima parvint à relever la tête tout en se protégeant les yeux d'une main, elle fut saisie d'étonnement devant la plus étrange ville qu'elle n'avait jamais vue : éclairées par les rayons du soleil couchant, des tours de zinc et de cuivres s'élevaient vers les nuées. Les maisons s'y empilaient telles des petites boites crasseuses d'où pendaient de vieilles toiles grossières. La poussière balayait les rues traversées par de vieux vaisseaux rouillés faisant rouler leurs rouages mécaniques.

Anarrima se retourna : ils étaient passés sous une énorme enceinte de béton qui entourait toute la ville ; sûrement pour se protéger des radiations. Par endroit, des vieilles bâtisses anciennes surgissaient comme des fantômes du passé. La population était totalement agglutinée, ce qui accentuait le côté malsain. Au sol, des marchés ou plutôt des souks s'étendaient à perte de vue et les habitants étaient vêtus de loques. D'ailleurs, certains d'entre eux ne pouvaient se définir comme humains : la jeune fille aperçut des mutants de toutes sortes qui lui firent froid dans le dos. La plupart tenaient des carapaces sur le corps, d'autres des pics ou des poils comme des animaux.

— Les Dégénérés, comme on les appelle ici, expliqua Sanar, ont été victimes au cours des générations de radioactivité et ont muté. Ils font partis de la basse classe de cette société et les humains tels que nous les méprisons. Car il reste tout de même des hommes normaux ici. Ce sont les plus riches ; enfin si on peut dire riches. Je vais vous mener au repaire.

Ils traversèrent les rues bondées et sinueuses, remplies par la crasse. Les marchands criaient à travers les avenues, obligeant presque les passants à acheter. Anarrima se fit aborder par des gamines poilues, aux oreilles de chat, qui lui présentèrent des babioles inutiles tout en tentant de lui dérober sa bourse.

La troupe parvint à une vieille bâtisse semblable à un garage, imbriquée sur ce qui devait autrefois être un pont surélevé par des colonnes. Pour y parvenir, des échelles de bois et de ficelles pendaient dans le vide, au-dessus du sol.

— Nous y sommes, annonça Sanar, je vais annoncer votre venue au maître des lieux.

En deux trois mouvements, Sanar avait escaladé l'échelle. Anarrima le suivit et arriva sur une plateforme branlante sur laquelle des pièces mécaniques, des roues et autres ustensiles inconnus séchaient. Les toiles épaisses qui formaient la porte d'entrée claquaient au vent et de ce perchoir, il était possible de voir toutes les petites lumières électriques s'allumer au fur et à mesure, au loin, dans le centre-ville, là où les maisons avaient l'air plus luxueuses.

Haran et ses hommes se retrouvèrent eux aussi devant l'entrée et décidèrent d'y pénétrer. Une forte odeur d'huile et de pétrole se faisait sentir. L'intérieur du garage était rempli de vaisseaux à réparer ou à soustraire les pièces encore valides. Un bruit perçant et continu, désagréable à l'oreille, se percevait au fond de la grande salle au haut plafond. Un homme de dos au crâne rasé, portant d'épaisses lunettes, s'afférait à la reconstruction d'un moteur. À ses côtés, Sanar attendait impatiemment qu'il eut fini pour lui parler. Anarrima leva la tête et remarqua qu'une mezzanine avait été installée. Ils devraient pouvoir s'y reposer si l'homme chauve le permettait.

— Que m'amènes-tu là, petit ? demanda le propriétaire en se retournant, après avoir fini son travail, tu n'étais pas censé revenir.

— Les choses se sont passées différemment, Avamaur. J'ai décidé d'aider cette compagnie qui errait sur les terres. Demain, j'irai rencontrer Tornango au centre-ville.

— Si j'étais toi, j'éviterais : c'est la débandade là-bas. Le Gouverneur a été assassiné, étripé et dévoré par les elfes d'Onyx, à ce qu'on raconte. Ils sont partis, emportant des plans technologiques. En plus de cela les astres du roi Carnil sillonnent la ville, on ne sait pas trop pourquoi. Quant à ton employeur, Tornango, il veut être élu Gouverneur, bien qu'un malade ait foutu le merdier dans ses affaires. À ce qu'il parait, ce type lui aurait volé des tonnes de paquets de drogue et tué un bon nombre de ses hommes.

Avamaur s'essuya les mains sur un torchon sale et enleva ses lunettes. Anarrima sursauta : elle ne s'attendait pas à ce que cet homme soit dépourvu d'œil. À la place, il ne restait que deux profondes cavités et des cicatrices peu ragoutantes.

— Ne soyez pas surpris, dit-il au groupe, je n'ai pas besoin de mes yeux pour travailler : c'est une habitude que j'ai prise depuis que j'ai été puni. Si Sanar permet que vous restiez ici alors restez ! Faites ce que bon vous semble.

— Merci, Avamaur.

Sanar fit signe à Haran et à ses hommes de monter à l'étage et de s'installer :

— Le portail que vous cherchez est à trois kilomètres de la ville. Je vous y mènerai quand vous serez reposés.

— Pourquoi faîtes-vous cela ? interrogea Haran méfiant, vous auriez pu nous tendre une embuscade ou je ne sais quel autre coup.

— Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas rancunier, répondit le guide avec une légère pointe d'ironie dans la voix en regardant Taran, je ne suis pas avec Tornango ni avec les astres de Carnil. Je travaille seul et je juge ceux qui sont mes alliés ou mes ennemis. Toutefois j'œuvre seul et je tiens à vous dire que je m'absente ce soir.

Haran se retira, laissant Sanar avec Anarrima et Avamaur.

— Où puis-je trouver l'homme qui s'est levé contre Tornango ? demanda-t-il à l'aveugle, il faut que je lui parle immédiatement.

— Je t'ai déjà dit que cet homme est fou. Je ne l'ai peut-être pas vu à cause de mon infirmité, mais j'ai entendu sa voix. Un vrai psychopathe ! Enfin si tu y tiens absolument, tu devrais le trouver au Ruscoruxa.

Sanar se dirigea vers un coffre et en sortit deux pistolets ainsi que deux poignards pour accompagner son sabre.

— Je viens avec toi, assura la magicienne, peu désireuse de le laisser filer.

Sanar hésita puis accepta : Anarrima ne pouvait que l'aider avec ses pouvoirs.

— J'espère que tu n'es pas une âme sensible, mademoiselle : car le lieu où nous nous rendons se définit comme le bas-fond de la morale humaine.

Et voilà un dessin du prisonnier Sanar, le nouveau guide de cette joyeuse compagnie !

Si vous avez des hypothèses sur la suite de l'histoire, n'hésitez pas à en faire part en commentaire !

Sur ce, que la bonne fortune guide vos pas sur les chemins de l'amitié !

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