Chapitre 1(2)

Pour elle, c'était encore une piste qui se concluait par une impasse. La jeune femme maugréait contre le sort : ces deux émissaires royaux auraient pourtant pu l'aider dans sa quête. Mais un accident funeste était bien vite arrivé. Elle aurait dû s'entretenir avec ces deux riches humains mais elle n'avait retrouvé que leur cadavre. Ces imbéciles s'étaient hasardés dans la ville morte et avaient rencontré les hommes d'un meneur révolté. Les bandes sauvages qui s'installaient sur l'ensemble du territoire menaçaient depuis longtemps le pouvoir monarchique. Les souverains peinaient à endiguer les révoltes raciales, stimulées par la famine et la maladie. Toutes les basses classes sociétales des royaumes de Fanyarë se composaient majoritairement d'humains en soif de justice ; ils se rassemblaient progressivement sous la bannière des meneurs révoltés et gare à ceux qui refusaient de s'y soumettre ou à ceux qui seraient trop riches pour participer à cette rébellion de miséreux, spoliés par le système astral.

Anarrima finit de recouvrir la sépulture de ces deux émissaires, probablement trop fortunés pour être épargnés par leurs semblables.

— Inutile de me maudire, je vous ai vengés, après tout. Pas sûre que vous ne le méritiez... Vous avez trahi votre race en travaillant pour le roi Carnil, non ?

Elle laissa la pelle à la verticale, plantée dans la terre meuble en guise de stèle.

— Et moi qui pensais que vous me donneriez un entretien avec lui...

Elle soupira puis s'assit en tailleur, les bras tendus derrière le dos. Le vent glacial soulevait ses longues mèches blondes qu'elle refusait d'attacher. Caprice de femme...

En attendant, le froid perçait sa veste de cuir, trop légère pour une telle saison. Heureusement, ses solides cuissardes préservaient ses pieds de toute intrusion humide.

— Que fait Nethar ?...

Elle commençait sérieusement à s'impatienter : si seulement elle avait pu décrocher un entretien à la capitale. Au moins, au palais d'Arminassë, elle aurait trouvé des informations sur son identité...

Le peuple des astres l'aurait aidée pour la bonne et simple raison qu'ils voulaient la recruter dans leur armée. Anarrima n'était pas une débutante dans le métier des armes. Par contre, le maniement de son Vala, la magie qui recélait en elle, se limitait encore à quelques balbutiements. Malgré ce dernier point, elle s'était faite un nom, en partie grâce à son passé en Lercemen, sa terre natale. Une longue histoire...

Enfin, la lumière qu'elle attendait apparut à l'horizon et grossit en se rapprochant. Si les terres de Fanyarë gardaient une forte appartenance à un système féodal encré dans les traditions, l'arrivée soudaine de la technologie avait révolutionné un pan de la société. Les humains n'avaient guère tardé à se saisir de ce moyen pour faire face aux hégémonies des races dotées d'un Vala puissant.

Anarrima remercia intérieurement son ami d'avoir pu mettre la main sur une navette. Elle contrastait fortement avec le paysage ainsi que la cité médiévale qui s'étendait non loin.

L'engin colossal ne tarda pas à ralentir pour s'arrêter au-dessus de la terre aride. Ce genre d'appareils s'apercevait encore rarement, la technologie étant encore peu utilisée dans les dimensions. Cependant, ce prototype n'était en rien vétuste ; il ressemblait à une sphère allongée dont les appendices solides et pointus lui donnaient un air légèrement hostile. À n'en pas douter, bien qu'il soit d'une taille restreinte, ce genre de vaisseaux pouvaient infliger de sérieux dégâts. Il plana quelques instants avant que ses réacteurs ne carbonisent entièrement la mousse décrépie qui recouvrait le sol.

Finalement, il se posa dans un nuage de poussière. Une passerelle souple sortit mécaniquement de la carapace d'acier avant qu'un pan de la carrosserie ne glisse sur le côté, dévoilant l'intérieur.

La silhouette du conducteur se découpa avant que la lumière du crépuscule ne dévoilât entièrement son apparence. De taille moyenne, il arborait une tenue d'un noir inchangeable qui contrastait fortement avec le blanc de ses cheveux. Comme si elle se devait d'être intermédiaire, sa peau sans couleurs apparaissait dans des teintes grisâtres. Les deux longues oreilles pointues qui encadraient son visage fin, exempt de toutes rides, rappelaient d'inquiétantes origines. Rien que la longueur de ses canines en révélait longuement sur les particularités accordées à sa race.

— C'est un échec ? demanda-t-il en jetant un coup d'œil à la tombe grossièrement rebouchée.

— Ne sois pas désobligent, Nethar.

— J'ai survolé une quinzaine de cadavres en arrivant.

— Les assassins des émissaires m'ont attaquée aussi... Je les ai tués. Les révoltés ne me facilitent pas la tâche...

— Je vois...

— Je me passerai de tes sermons. Tu es un elfe d'Onyx : si tu pouvais passer ton temps à égorger des gens, tu le ferais.

Nethar haussa les épaules et enjoignit son amie à le suivre. Elle se redressa nonchalamment et lui emboita le pas, toujours déçue de la tournure de sa journée.

— Quelle plaie...

La jeune femme s'effondra dans un fauteuil du cockpit alors qu'elle commençait fortement à perdre patience. Maintenant un an qu'elle parcourait ce pays en large et en travers, à la recherche d'informations. Ne pas savoir simplement à quelle race elle appartenait lui rongeait le sang, l'obsédait. Mais elle n'avait rien trouvé en Lercemen, sa terre natale. Par contre, en Fanyarë, elle avait espéré trouver de nouvelles pistes : et si elle était une astre finalement ? Cette race de mages aguerris qui savaient mieux que quiconque les arcanes valiques. Depuis des siècles déjà, ils régnaient sur Fanyarë, à la tête de puissantes armées.

La jeune femme soupira de lassitude et reporta son regard vers le paysage qui défilait à toute allure derrière le hublot. Devant, Nethar conduisait, toujours paré de son calme indéfectible.

En réalité, l'elfe d'Onyx n'était pas réellement « son ami ». Mais plutôt un garde placé pour la surveiller.

Anarrima appréciait peu ce pendant de la relation avec lui mais après tout, ils avaient déjà vécu bon nombre d'aventures ensemble et Nethar ne l'avait jamais trahie. Enfin... Ce n'était pas tout à fait vrai. Mais quoiqu'il en soit, elle lui faisait plus ou moins confiance malgré les chaos du passé.

— Tu crois que le roi Carnil accepterait de me recevoir ? lui demanda-t-elle soudain.

— Si j'étais toi, j'éviterais. Il risque de peu t'apprécier en te voyant.

— Mais je suis issue d'une des familles les plus prestigieuses des dimensions. Il doit bien avoir à sa cour des mages suffisamment qualifiés pour reconnaitre mes origines.

— En effet... à peine auras-tu ta réponse que tu croupiras déjà dans une geôle. Le roi Carnil écarte les potentielles menaces et tu risques fort d'en être une.

La jeune fille grommela en se détournant de son ami. Bien sûr, Nethar en savait bien plus qu'il ne voulait l'admettre.

— Tu pourrais m'aider, non ?

— T'aider à quoi ? Je te véhicule déjà aux quatre coins de Fanyarë.

— Je parle de ce que tu sais de moi.

L'elfe d'Onyx fronça les sourcils et resserra les mains sur les manettes du vaisseau.

— Nous en avons déjà parlé Ana, tu sais pourquoi je suis là. Si j'en dis trop, ma tête tombera. J'ai reçu l'ordre de te garder dans l'ignorance.

— Mais ! Comprends-moi ! Comment veux-tu que je reste sans rien faire ? J'ai besoin de connaitre un minimum mes racines.

— Mmh... Tu n'es ni une elfe d'Onyx ni une naine, apparemment.

— Merci la perspicacité.

— Au lieu de courir partout tu devrais te poser une bonne fois pour toute et te reposer. Tu vas tomber malade.

— Tu es insupportable. C'est rageant que tu sois dans l'impossibilité de me dévoiler la vérité. C'est à cause de ton foutu maître, c'est ça ?

— Oui. Je ne peux pas lui désobéir.

— Je sais, je sais. Tu n'as pas de libre-arbitre.

En vérité, Anarrima détestait le roi d'Onyx plus que tout. Cet homme tyrannique avait envahi sa terre natale et l'avait réduite sous son joug grâce à une armée d'elfes assassins particulièrement dévoués à leur créateur. La jeune femme les avait affrontés et était même parvenue avec l'aide des forces humaines à repousser l'envahisseur dans ses retranchements l'espace de quelques temps. Mais le souverain maléfique ne s'était pas laissé vaincre pour autant. Il se gardait bien d'instaurer un certain mystère autour de sa personne afin d'éviter à ses ennemis de lui trouver des failles.

— C'est quand même incroyable que je te supporte, lâcha-t-elle à son ami, tu es un meurtrier lobotomisé qui exécute les ordres de l'homme que je voudrais anéantir.

— Après tout ce qu'on a vécu, tu pourrais faire un effort, sourit Nethar.

— Le roi d'Onyx veut me garder dans l'ignorance car si je découvre la vérité, je pourrai le supprimer. Avoue que j'ai raison.

— C'est plus compliqué que ça.

— Rhaaa, tu m'agaces.

Heureusement, les ombres de la capitale annoncèrent la fin du trajet et de la dispute. Nethar installa aussitôt l'invisibilité du vaisseau pour regagner l'abri sans être aperçu des regards. Anarrima laissait toujours son compagnon utiliser cet engin. Elle en était bien incapable. Lui, par contre, avait sûrement dû dégoter le vaisseau dans les monstrueuses fabriques d'Onyx. Son maître n'avait probablement pas négligé l'impact technologique qui heurtait les dimensions et leurs royaumes.

Anarrima soupira et posa la tête contre le hublot : Arminassë, la ville aux mille miroirs, s'élevait une nouvelle fois sous ses yeux. Avec le coucher de soleil, les rayons se reflétaient dans de chaleureuses teintes dorées et jouaient dans la verdure des jardins suspendus. La capitale de Fanyarë était un vrai bijou dans un monde agonisant. Les tours et les coupoles de verres rappelaient le pouvoir du roi Carnil et la beauté de la reine Luinil. Les astres avaient su tirer leur épingle du jeu, contrairement aux humains, et régnaient plus que jamais en maîtres.

En haut de la colline, le palais venait couronner la splendeur de la cité. Jamais construction n'avait paru à Anarrima si magnifique et si haute.

Mais les décisions prises dans ces salles ne manquaient pas de lui faire froid dans le dos. Personne n'était désormais autorisé à connaitre le déroulement des assemblées gouvernementales.

Les lumières chatoyantes disparurent brusquement lorsque Nethar braqua la navette vers l'entrée d'un entrepôt. Là, il gara le vaisseau et invita son amie à descendre.

— En espérant qu'il nous reste de quoi dîner !

— J'ai eu un ravitaillement dernièrement, nous n'avons pas à nous faire.

— Si tu le dis.

Elle poussa une lourde porte et franchit le corridor glacial qui menait jusqu'à leur repère. Pour rendre l'intérieur plus plaisant, Nethar avec accroché des draperies et disposé une multitude de lustres et bougies. À cause de leur situation, quelques mètres sous terre, ils n'avaient ni fenêtre ni soupirail. Après tout, ils ne s'y rendaient que la nuit.

Comme à chaque fois, Anarrima se laissa tomber dans son gros fauteuil, inerte. C'était un rituel qui ne manquait jamais lorsque Nethar la ramenait de ses excursions.

— Je désespère, l'elfe.

— Écoute mes conseils pour une fois. Arrête de fouiner partout, tu vas y rester.

— Je continuerai coute que coute. Demain, je pars pour le palais. Si Carnil est tant une menace pour moi, je m'introduirai dans ses bibliothèques par effraction et trouverai les documents me concernant.

— Qu'est-ce qui te dit qu'il aura les informations nécessaires ?

— C'est forcé, Nethar. J'ai été placée aux Hospices des Veuves comme tous les enfants de familles illustres. Maintenant que l'orphelinat et l'école ont brûlé, il ne me reste plus vraiment d'autres pistes que de toquer chez chaque grande maison.

— Ta quête d'appartenance se soldera par la déception, Ana.

— Je m'en moque, j'ai le droit de savoir. Et ce sera sans toi si tu continues à me mettre des bâtons dans les roues.

Les oreilles de Nethar se baissèrent à cette idée comme s'il était affligé par cette perspective. Il poussa légèrement la jeune fille sur son fauteuil pour s'asseoir à côté d'elle.

— Tu sais que ça me ferait de la peine, Ana.

— Tu n'as pas de sentiments, Nethar, comme tous les elfes de ta race.

— Mais je tiens à toi. Écoute, je dois te dire quelque chose.

Les yeux d'Anarrima s'écarquillèrent de curiosité. Son cœur commença à accélérer : son ami allait-il enfin...

— Non, coupa-t-il, je ne vais rien dire sur ce sujet. Mais je préfère te raconter ceci.

— Je ne suis plus une enfant avide d'histoires, Nethar.

— Eh bien tu t'en accommoderas.

Elle leva les yeux au ciel, lassée par l'entêtement de l'elfe d'Onyx. Elle bascula ses jambes sur les genoux de son ami et posa la tête sur son épaule pour le laisser continuer. Après tout, elle était trop fatiguée pour se prendre une nouvelle fois la tête avec lui.

— Donne-moi tes mains... Voilà. La magie coule dans tes veines comme moi, comme la plupart des créatures qui peuplent le Cosmos. Nos Vala n'ont pas les mêmes capacités en fonction des races. Les astres, les elfes et les nains seront particulièrement avantagés dans ce domaine. Les humains et les gnomes au contraire n'en bénéficient même pas. Entre les deux, se situent les peuplades du nord, des forêts et des mers.

— Et j'aimerais bien savoir vers où je me situe, moi, grogna Anarrima en rabattant une mèche blonde derrière son oreille.

— Ce que je veux dire c'est que depuis quelques années, tu t'es rendue compte que la magie faisait partie intégrante de toi. Mais tu sais encore trop peu de choses sur ses fondements.

— Je progresse.

— Tu ne sais même pas comment il t'est permis d'utiliser ton Vala.

— Et bien, je t'écoute, cher maître.

— Ton Vala agit de pair avec la capacité de ton Esprit. Si ton Esprit est trop faible pour la magie que tu déploies, évidemment, tu mourras. C'est pour cela que l'on t'a toujours enseigné de ne pas forcer sur un sort. Mais il y a une chose que tu dois savoir : certaines créatures, très rares, ont la capacité de jouer avec ton Vala voir même de le supprimer.

— Hein ? On ne m'a jamais parlé de ça.

— Les Réceptacles en sont capables. Les membres de chaque race ont un Vala qui dépend d'une source valique primaire. Et cette source est gardé par un Réceptacle.

— Mais, c'est aberrant. Tu veux dire que je peux croiser une créature qui pourrait annuler ma magie ?

— Exact à condition qu'elle viole l'Interdit qui lui est imposé. Il est évident que les Réceptacles n'ont pas le droit d'agir avec l'opportunité qu'ils ont de faire ce mal.

— Me voilà guère rassurée. Et si le Réceptacle venait à être tué ?

— Toute la race perdrait sa capacité à utiliser de la magie.

— Et qui sont ces Réceptacles ? Où se trouvent-ils ?

— N'importe qui peut venir en ce monde en étant un Réceptacle. C'est un coup du sort. Mais j'en viens au sujet que je voulais aborder : mon maître en est un.

— Le roi d'Onyx est un Réceptacle...

— Il a utilisé les pouvoirs d'une race dont il avait la charge et en a profité pour bâtir son empire. Le rang de Réceptacle lui valait déjà un Vala supérieur mais avec toute la magie d'une race il a pu repousser les limites jusqu'à créer une race à part entière.

— Tu veux me mettre en garde contre lui ?

— Tu n'es pas concernée par la race dont il est le Réceptacle, heureusement pour toi. Mais reste prudente : j'ai entendu que le roi Carnil avait su soumettre un Réceptacle et qu'il l'utiliserait à ses fins. Tu ne ferais jamais le poids face à une telle créature. Je ne veux pas que tu partes pour le palais, Ana...

Elle leva les sourcils, émue par le souci que se faisait son ami. Elle savait bien qu'il souffrait de son manque de liberté. Mais il n'avait toujours pas les capacités de se rebeller contre son maître. Sa soumission était encore totale. Sans doute souhaitait-il éviter à son amie de subir un sort encore plus funeste avec un autre Réceptacle. Déjà qu'Anarrima avait déjà suffisamment souffert avec le roi d'Onyx...

— Ne t'en fais pas pour moi, Nethar. Je m'en sortirai. Je m'en sors à chaque fois. Ne sous-estime pas mes capacités. J'ai bien su affronter ton maître par le passé, hein ?

— Ce n'est pas si simple, Ana... Mais je sais que tu ne lâcheras rien. Je préfère encore t'aider dans ta quête que te voir morte. Non, pour rien au monde je ne voudrais porter ton cadavre dans mes bras...

Elle fronça les sourcils devant ces paroles macabres. Mais il s'agissait de Nethar, il flirtait en permanence avec la mort.

— J'ai des plans du palais dans le bureau, ajouta-t-il, nous pourrons nous y introduire en évitant le maximum de gardes.

— C'est vrai ?

— Calme-toi, l'excursion restera dangereuse.

— Je sais...

Anarrima se retint un instant avant d'enlacer l'elfe affectueusement pour le remercier.

— Tu es formidable, Nethar, assura-t-elle en passant la main dans l'épaisse chevelure blanche.

Elle arrêta brusquement lorsque son ami la souleva par les cuisses.

— Nethar...

Elle ne sut que dire.

Il la déposa délicatement sur sa couchette et bascula au-dessus d'elle avant de caler son visage juste face au sien. Anarrima resta inerte lorsque leurs souffles se mêlèrent et que leurs lèvres se rencontrèrent dans un étrange baiser. Un long frisson et une douce chaleur se propagèrent alors en elle. Elle oublia le temps de quelques secondes, tous ses soucis, ses désirs de connaissance, sa soif d'identité... Cet état pouvait-il durer éternellement avant que ses démons ne viennent la rappeler dans sa quête maudite ? Son ami pouvait-il pour une fois l'extirper de ce chemin périlleux et l'enlacer pour toujours dans une paix de l'âme ? L'étreinte était si douce...

Mais comme s'il regrettait son geste, Nethar se redressa et se dirigea sans rien dire vers une pièce annexée où il avait rangé ses fameux plans.

Voici donc le premier chapitre publié ! N'hésitez pas à mettre un commentaire sur ce qui vous aurait interpelé ;-) c'est très important pour nous auteurs !

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