Chapitre 56
Bonjour à tous,
Je tiens à vous dire que ce chapitre n'a pas été soumis à la correction. N'hésitez pas à m'avertir si vous voyez des coquilles.
Bonne lecture!
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Les instants qui avaient suivi ces révélations furent douloureux. Tout semblait se confondre, me torturer et ressasser inlassablement le melting pot de sentiments qui me caractérisait. Les paroles d'Axel m'avaient profondément remuée. Le mélange de ses confidences et de ma souffrance lors de cet anniversaire morbide était un cocktail explosif. Cela avait si fort qu'il m'avait fallu deux jours et des somnifères pour trouver un semblant de réconfort. Je ne replongeais pas dans ma dépression toutefois j'avais besoin de temps pour tout assimiler. Évidemment cela avait alerté tout mon entourage craignant que je retombe dans mes travers. J'avais dû les rassurer et leur prouver que je devais seulement me retrouver en paix avec moi-même. Mon retour au lycée s'était déroulé sans encombre, peu avait fait le lien entre mon absence et la date fatidique. Mais je ne pouvais nier que j'étais parfois dans la lune.
– Lilou-Ann ? Vous allez bien ?
Je relevai le regard et tombai nez à nez avec mon prof de sport. Est-ce que j'allais bien ? Oui, j'allais mieux, mais je n'avais pas envie d'être dans ce gymnase, je préférais dormir plutôt que de courir après une balle pour la mettre dans un panier. J'aimais le basket, mais clairement avec l'arrivée du printemps, je rêvais de prendre le soleil malgré la fraîcheur ambiante. J'avais besoin de m'évader, de respirer, de souffler loin de ces quatre murs.
– Ne vous inquiétez pas, je suis juste fatiguée, rien de grave...
– J'ai cru m'en rendre compte. Mais vous savez, ici, personne ne vous juge et si vous avez besoin de parler, vous savez que nous sommes là.
Ce jeune professeur était arrivé lors de mon année de seconde et avait tout fait pour se montrer bienveillant avec nous, manquant parfois d'autorité. Je le connaissais peu et j'appréciais son geste, mais je ne voulais pas de pitié. Je devais garder la tête froide. Je ne pouvais pas flancher à moins de trois mois du baccalauréat.
– Merci, c'est gentil. Mais je ne veux pas perdre de points bêtement.
Sans attendre de réponse, je me hâtai de rejoindre mon équipe sur le banc. À peine avais-je posé mon fessier, que j'entendis des gloussements provenir de ma droite.
– Si ce n'était pas notre prof, je ferais tout pour me retrouver coincée avec lui dans le vestiaire, souffla une camarade de classe à une de ses copines.
Je tournai mon regard vers le sujet de la conversation. Il était clair que pour un enseignant, il détonnait un peu dans le paysage et n'était pas désagréable à regarder, seulement je ne comprenais jamais ce besoin farouche de fantasmer sur le corps professoral. Parfois j'avais vraiment la déplaisante sensation que depuis un an, je n'avais plus rien en commun avec les jeunes de mon âge. J'avais certainement vieilli plus vite que je ne l'aurai cru. Je soufflai lourdement et reportai mon attention sur le match. Très concentré, je vis mon meilleur ami marquer trois points, ce qui fit crier les dindes de mon groupe. Mon Dieu, ces filles faisaient peine à voir, mais au moins, elles avaient le mérite de me faire rire. Alors qu'une de mes coéquipières sortit du terrain, je fus obligée d'y faire mon entrée. Rapidement, je trouvai ma position et tentai tant bien que mal de faire avancer le jeu. Or c'était sans compter sur le grand blond qui se mettait sur mon chemin. À peine avais-je la balle que son corps faisait irruption dans mon champ de vision m'empêchant de faire ma passe. Profitant de mon lien avec lui, je me mis à crier lorsqu'il eut le ballon en main. Il se retourna et je saisis sans attendre l'objet de toutes les convoitises. Je profitai de cet effet de surprise pour me faufiler jusqu'au panier, marquant ainsi quelques points pour mon équipe. Seulement en voulant réitérer ma petite feinte, je ne fus pas assez vive pour échapper aux deux bras qui m'encerclèrent me soulevant du sol. Bougeant dans le vide, mes pieds ne touchaient plus terre et je détestais cela. Il s'amusait de mon minuscule gabarit en me portant comme une vulgaire poupée de chiffon.
– Mais, arrête, laisse-moi marquer ! criai-je à mon meilleur ami.
Il rigola ouvertement, attirant tous les regards sur nous. Mes joues s'empourprèrent immédiatement, me mettant très mal à l'aise. Par chance, mon professeur remarqua la scène qui se jouait sur le terrain et d'un coup de sifflet tout le monde se calma.
– Vincent, lâchez Lilou-Ann s'il te plaît. Le but c'est de lancer le ballon, pas les copines !
Évidemment, il me déposa avec toute la délicatesse qui le caractérisait. Si je m'en sortais sans un bleu aux fesses, c'était mon jour de chance. Finalement, cette séance de sport m'avait permis de me changer les idées et c'était non négligeable en ces moments compliqués.
Assise dans une des salles de travail, je ne pus m'empêcher de fixer bêtement la date dans mon agenda. Nous étions le cinq avril, un jour en soi assez banal, mais je prenais conscience que le temps passait bien trop vite. Fixant la pendule, je me souvenais des heures passées ici, je ne pouvais oublier les fous rires avec mes deux folles, les débats houleux de philosophie, le nombre de feuilles que j'ai écrites, les heures à me perdre dans ce regard que j'aimais profondément... Tant de vestiges d'une époque révolue. Me sortant de mes pensées, je saisis mon livre d'histoire et me replongeai dans les raisons de la guerre froide.
Les vacances allaient arriver et je savais que j'allais devoir me lancer corps et âme dans les révisions pour le bac. Même si j'avais obtenu quelques points d'avance l'an dernier avec le français et les sciences, je ne pouvais pas me reposer sur les lauriers.
– Lou ?
Absorbée par ma lecture, je n'avais pas vu Axel entrer. Depuis ses confidences, nous nous étions croisés plusieurs fois. Comme de vieilles connaissances, nous avions échangé des banalités sans grand intérêt. J'avais eu très peur que toutes ces révélations nous mettent à mal, mais ce n'était pas le cas. En effet, notre relation semblait plus simple, plus naturelle, comme si nous n'avions pas échangé de baisers, comme s'il n'y avait jamais eu de secrets, comme si Zac ne nous avait jamais liés. Nous reprenions une amitié assez classique. Alors qu'il m'observait, je lui fis signe de prendre place à mes côtés. Tandis qu'il s'asseyait auprès de moi, je décidais de lancer la conversation.
– Comment vas-tu ? chuchotai-je en évitant de croiser son beau regard.
Je ne pouvais nier que ces émeraudes remuaient quelque chose en moi. Il fallait se rendre à l'évidence, elles me sondaient et me charmaient. Je n'étais pas insensible ; or je n'étais pas prête. Je ne voulais plus ouvrir mon cœur, de peur qu'on me le brise à nouveau.
– Ça va et toi ?
– Bien, merci...
Des banalités, j'avais raison. Même si l'un comme l'autre, nous voulions avancer, nous n'arrivions pas à réellement échanger. Chacun de nous tentait de se préserver et de ne pas blesser celui qui est en face avec une parole de trop. J'avais la sensation de me noyer entre deux eaux. J'étais perdue entre l'envie irrépressible de lui raconter ce que je vivais et le besoin de me protéger. Je n'arrivais pas à gérer pourtant il le fallait. Je ne voulais pas risquer de le perdre une nouvelle fois.
Reprenant là où je m'étais arrêtée, j'essayai de me replonger dans ma lecture. Même si la course entre les États-Unis et la Russie pouvait s'avérer intéressante, je ne parvenais pas à être profondément concentrée. J'aurais voulu faire abstraction de sa présence, mais c'était peine perdue.
– Lou ?
Je relevai le regard et tombai sur ce qui me déstabilisait. Ses yeux. Je ravalai douloureusement ma salive et soufflai un grand coup avant d'acquiescer.
– Est-ce que pendant les vacances, ça te dirait qu'on se fasse une sortie tous les deux ensemble ?
Mon organe vital se mit à tambouriner violemment. Je posai mes paumes sur la table afin qu'il ne puisse pas percevoir mon trouble. J'aurais aimé lui répondre, mais je n'y arrivais pas. Mon cœur me criait oui tandis que mon cerveau me hurlait non, début de la bataille entre la raison et la passion. Ma gorge s'asséchait, mes mains transpiraient et tout mon être semblait me lâcher.
– Si ça t'inquiète de te retrouver qu'avec moi, on peut proposer à d'autres ? me questionna-t-il, percevant sûrement mon malaise.
– Je... je... bégayai-je.
J'étais vraiment pathétique. Alors pour éviter de me ridiculiser davantage, je déchirai un bout de papier et griffonnai ma réponse : « C'est d'accord, mais pas de tête-à-tête s'il te plaît, je ne m'en sens pas encore capable ». Je lui tendis la feuille et observai sa réaction. Il hocha la tête avant d'afficher un grand sourire. Et nous voilà partis dans une conversation silencieuse. Nous échangions des écrits afin de prévoir notre sortie à venir. Tout naturellement, il me proposa d'inviter Leïla et Arthur. J'acceptai parce que je savais qu'avec elle, je serais pleinement à l'aise, sans jugement. Nous décidions donc de nous faire un ciné suivi d'un verre dans un bar. Soulagée, je lui adressais un clin d'œil et étais prête à passer ce moment ensemble. Dans la foulée, j'envoyai un message à ma meilleure amie pour savoir si elle était d'accord et avoir ses disponibilités. Bien entendu, elle valida l'idée et m'envoya son emploi du temps. C'était sur ces bons instants que s'achevait ma semaine de cours.
C'était épuisée que cette période se terminait. J'avais attendu ces congés avec tellement d'impatience que j'oubliais presque que j'allais devoir réviser jour et nuit si je voulais obtenir mon bac avec mention. Il fallait que je vise l'excellence si je voulais aller dans la fac que je souhaitais pour mes études de droit. Dès le premier week-end, Luce avait établi un planning millimétré. Pour moi, c'était assez évident : révision du lundi au dimanche, matin, midi et soir. Par chance, elle m'accordait deux soirées de libre par semaine et un samedi tranquille en plus de mon rendez-vous chez la psychologue. Mes parents, quant à eux, travaillaient une bonne partie de nos vacances afin de pouvoir être un peu plus présent après. Pour mon aînée, elle devait finir de préparer les derniers partiels de sa licence avant de pouvoir intégrer son Master de l'éducation, ce qu'on appelait anciennement l'IUFM. Enfin Lau s'était inscrite au stage de danse du mois d'avril. Une part de moi l'enviait, j'aurais aimé m'oublier en dansant, me noyer dans les mouvements, m'enivrer dans la musique, m'évader tout simplement.
– Tu veux que je te laisse une autre soirée de libre au cas où Axel souhaiterait encore te voir ? me demanda Luce en me jetant un regard furtif.
Si je ne l'aimais pas autant, je l'aurais étranglée d'avoir osé poser la question. Je lui racontais tout alors évidemment quand je lui avais donc confié mon échange avec le brun, elle avait sautillé comme une enfant. Selon elle, il fallait seulement que j'accepte d'avoir eu des sentiments pour lui, même si c'était difficile. J'avais beau tenter de nier, elle n'en démordait pas et je finissais par être à court d'arguments. J'avais fini par fuir la conversation par pure lâcheté.
– Non je dois rester concentrée sur mes révisions. Et j'aimerais y aller doucement, tranquillement sans me précipiter, je ne veux pas avoir mal une nouvelle fois.
Écarquillant les yeux, elle me fixa intensément. Je ne comprenais pas sa réaction et attendais qu'elle m'explique.
– Lilou, tu es amoureuse. Je le sais et ta réponse signifie que tu veux faire ça bien, ce n'est pas sans raison... Je suis tellement heureuse...
Sa remarque me toucha plus que de raison. Elle venait de toucher la corde sensible. Elle savait appuyer pile où il fallait. J'avais beau lutter de toutes mes forces pour ne pas craquer, pour repousser mes sentiments, seulement je peinais à y arriver. Son regard qui me sondait, ses baisers qui me transportaient, ses bras qui me réconfortaient, son odeur qui m'apaisait, tout cela me manquait. Je réalisais soudainement que toute la carapace que je m'étais construite s'effritait... J'étais lamentablement tombée amoureuse...
Je ne pus m'empêcher de verser une larme. Je culpabilisais de passer à autre chose, je m'en voulais de vouloir un autre garçon et par-dessous tout, j'étais effrayée qu'il me brise le cœur.
– Non Lilou, je suis désolée, je ne voulais pas te blesser, pardonne-moi... souffla mon aînée en me serrant contre elle.
Elle n'y était pour rien, malheureusement les mots restaient bloqués dans ma gorge. J'aurais aimé lui confier qu'elle avait simplement raison, mais que j'étais tout bonnement paralysée par cette prise de conscience. Elle me berça de longues minutes, me calmant comme elle le pouvait. Elle fredonna une douce mélodie et cela finit par m'apaiser. J'essayai de faire le tri dans ma tête. Je ne voulais pas lui cacher, je ne le pouvais pas.
– Luce... Je crois que je tiens vraiment à lui, mais ça me fait tellement peur... murmurai-je de façon presque inaudible.
Elle déposa un baiser sur ma tempe avant de me forcer à me lever et me guider dans ma chambre. Arrivée à l'intérieur, elle s'installa en tailleur sur le lit et me fit signe de la rejoindre. Prenant place à ses côtés, mes mains trouvèrent un soudain intérêt pour ma housse de couette blanche.
– Je vais te poser des questions Lilou et j'aimerais que tu y répondes le plus sincèrement et spontanément.
J'acquiesçai sans trop savoir dans quoi je m'engageai. Je tentais de calmer ma respiration, c'était complètement stupide avec elle, je ne risquai rien...
– Comment sont tes derniers résultats scolaires ?
– Très bons enfin beaucoup mieux qu'en début d'année !
– Comment ça se passe avec tes amis ?
– Euh très bien.
J'étais perplexe face à cet interrogatoire sans queue ni tête. Finalement je n'avais aucune raison d'être anxieuse si cette discussion continuait ainsi.
– Et comment te sens-tu à l'idée de danser de nouveau ?
– C'est... C'est formidable... Je ne sais pas comment l'exprimer c'est juste incroyable, j'ai l'impression de respirer, de renaître, de vivre...
– D'accord, donc on peut dire que dans l'ensemble, tout se passe bien. Alors, dis-moi, s'il arrivait quelque chose à Chloé, continuerais-tu à parler à Leïla ?
Je ne comprenais pas cette question. J'avais beau aimer ma sœur, je ne voyais tout simplement pas l'intérêt de cette suite de demandes. Or j'avais décidé d'être honnête et tentai de répondre.
– Bien sûr !
– Si Vincent partait, cesserais-tu de voir Baptiste ?
– Non, absolument pas !
– Si je meurs demain, détesterais-tu Lau ?
– Mais ça ne va pas ! Putain, mais Luce, qu'est ce qui ne tourne pas rond chez toi ? Je pensais que tu voulais me remonter le moral pas me torturer davantage !
Elle ne laissait rien transparaître, comme si ce que nous venions de dire n'avait eu aucun effet, aucune importance. Elle se leva et saisit le cadre de Zac et moi, posé sur ma commode. Se repositionnant face à moi, elle me le tendit. Je tentai de rester le plus calme possible, mais cela me demandait un effort surhumain. Chaque fois que mes yeux se posaient sur cette image, je ne pouvais m'empêcher de songer à cet amour qui nous liait. Je mordillais ma lèvre inférieure et me concentrais sur ma respiration. Souffler, inspirer, expirer, inspirer, expirer...
– Ne me coupe pas, je t'en supplie. C'est tellement complexe que je ne sais même pas par où commencer. Celle que tu vois sur cette photo est toujours là. Quand il est parti, tu lui as donné une partie de toi, une part de ton cœur. Mais celle que tu es n'est pas comme un parfum qui s'amenuise à force de le mettre. Tu peux choisir de diffuser celle que tu es, de toucher chaque personne. Tu n'es pas quantifiable, ton amour non plus. Ce n'est pas parce que tu perds quelqu'un que tu dois arrêter d'aimer ceux qui t'entourent. Tu as aimé Zac d'une façon la plus pure qu'il soit, mais ouvrir son âme à un autre n'est pas incompatible. Et tu sais aussi bien que moi que si Axel était ami avec Zac, c'est que ce garçon est quelqu'un de bien...
Touché, coulé. Échec et mat. Game over.
Je me sentais vidée. Chaque mot avait résonné en moi, chaque conseil était d'une sagesse exemplaire, chaque phrase était d'une authentique véracité. Il me fallait juste l'accepter et l'intégrer comme un véritable mantra.
– Aime Lilou. Tu en as le droit, tu n'es coupable de rien bien au contraire. Tu peux être fière de ce que tu es devenue. Je ne te le dis peut-être pas assez, mais tu es un modèle pour moi...
Elle se racla la gorge et tenta d'essuyer les larmes qui menaçaient de couler. Sa confidence me souffla. Alors en guise de réponse, je me blottis contre elle. Si elle savait à quel point sa présence, son soutien et son amour m'avaient permis de remonter la pente, que si j'étais encore là, c'était grâce à elle.
Elle caressa mes cheveux et finit elle aussi par se calmer. Ça me touchait tellement. Je n'avais rien de très exemplaire, mais ses mots me réconfortaient. C'étaient sur ces belles paroles que je gardais en tête et tentais tant bien que mal d'avancer.
Les jours qui suivirent me laissèrent peu de répit pour réfléchir. Tout y passait philosophie, histoire, géographie, économie, anglais, allemand... Je voyais peu mes sœurs, cela se limitait au repas et à mes rares moments de pause. Un tiers de mes vacances s'étaient déjà écoulées et je craignais de ne pas m'en sortir. En ce jeudi, Chloé et Vincent avaient décidé de venir à la maison pour revoir les mathématiques. Mon meilleur ami étant plus à l'aise dans cette discipline, nous allions enfin profiter de ces connaissances pour progresser. Attablés dans le salon, chacun de nous était profondément concentré sur les cours de probabilités. Il était fort plausible que je sois pitoyable dans cette matière. Même si je bossais dur, mes notes ne dépassaient jamais le onze. Deux chiffres médiocres qui vu le coefficient ne m'aideraient pas dans l'obtention de mon diplôme. Il fallait donc que je redouble d'efforts.
– Chloé, sérieusement ? Ça fait trois fois que je t'explique que ce n'est pas possible. Refais l'exercice.
Mon blond perdait patience et le connaissant, il n'allait pas tarder à plier bagage et à rentrer chez lui. Seulement, nous avions cruellement besoin d'aide. D'une oreille attentive, j'écoutais le moindre éclaircissement qui pouvait sortir de sa bouche. Au bout de quatre heures d'entraînement, d'explications et de coopération, mon cerveau commençait à ne plus pouvoir engranger davantage d'informations.
– J'abandonne, je suis claquée, lâcha Chloé en repliant ses affaires. Je dois y aller, ma mère m'attend.
Je n'eus le temps de dire un mot qu'elle déposa un bisou sur nos joues avant de s'éclipser. Je décidai de ne pas poursuivre, cela ne servait plus à rien. Je rangeai mes cours et proposai un verre à Vincent. Cependant, en observant ses traits, je sus que quelque chose le travaillait. J'étais partagée entre l'envie de le questionner pour apaiser ma curiosité et le laisser se confier à moi. L'invitant dans le salon, je tentai de créer l'atmosphère propice aux confidences. Relevant mes cheveux et m'asseyant en tailleur, je le fixai attendant qu'il me livre ce qui le tracassait. Les minutes défilaient et seul le silence nous entourait, ce que je finis par briser.
– Vincent, tu es sûr que ça va ?
Je le vis soudainement mordiller sa lèvre avant de voir sa jambe battre un rythme imaginaire. Assis à côté de moi, je posai ma main sur la sienne pour l'encourager à se confier sans crainte. Après plusieurs hésitations, je le vis se soupirer lourdement avant de prendre la parole.
– J'ai eu Juliette au téléphone samedi matin et je suis passé chez elle, le jour même. En arrivant là-bas, il était sur place...
Il n'avait pas besoin de citer son nom pour que je sache de qui il pouvait parler. Ses jointures blanches et le petit pli sur son front trahissaient son trouble.
– Ils m'ont tout dit... Tout. Son lien avec Zac, leur passé, son retour, la demande de Juliette, votre relation, ses sentiments... Tout.
Il marqua une pause avant de reprendre en murmurant.
– C'est juste... Je sais pas Lilou. Il le connaissait. Zac et lui étaient potes d'enfance, il sait des choses que même moi je ne sais pas. Zac lui avait parlé de nous... C'est tellement perturbant, putain ! Au fond, je comprends certains actes même si je t'avoue que j'ai eu envie de lui refaire le portrait... Mais est-ce que si j'avais été à sa place...
Il s'arrêta quelques instants, perdu dans ses pensées. Il semblait revivre cet entretien. Il analysait et cherchait une explication. Il souffla un grand coup avant de reprendre.
– Je détestais sa façon de te regarder, de s'approcher de toi, de te tourner autour. Je sentais que quelque chose clochait, qu'il me manquait des pièces du puzzle. Maintenant je sais que c'est parce que Juliette lui avait demandé de veiller sur toi et putain, ça me fout les boules. Même si ça me tue de le dire, il a été bénéfique pour toi, je sais qu'il n'y est pas pour rien dans ton évolution... Il tient à toi, pour de vrai.
J'avais la sensation qu'il exposait un fait et qu'il essayait de l'accepter, comme une douloureuse vérité. J'aurais aimé le rassurer, lui dire de ne pas s'inquiéter, que j'avais tourné la page or ce n'était pas le cas.
Le silence prenait place et je détestais cela. Même si Axel m'avait beaucoup apporté, le rôle de Vincent dans mon avancée était si immense qu'aucun mot n'avait le pouvoir de le décrire. Il a été mon pilier, mon ami, mon sauveur. Alors histoire de laisser tout cela de côté, je lui proposais de sortir dans un bar. Je ne voulais pas qu'il rate ses révisions et encore moins ses examens, donc j'étais prête à lui changer les idées, à lui faire oublier cette rencontre. Malheureusement, ses parents l'avaient privé de sortie suite à ses absences en cours. Il n'avait rien trouvé de mieux que de sécher certaines heures. À la place et après de dures négociations avec ses géniteurs, il décida de rester manger à la maison. Préparant le repas de ce soir, Luce revenait enfin avec Lau après son stage de danse. Je n'étais pas particulièrement douée alors une salade de tomate mozzarella ainsi que des pizzas feraient l'affaire. Le dîner se passa de façon très détendue et nous permit de nous évader durant quelques minutes. Toutefois, toutes les bonnes choses avaient une fin, il était l'heure pour lui de rentrer.
Après une brève étreinte, je retournai à mes révisions. Il fallait que je me donne tous les moyens pour y arriver, quitte à tomber d'épuisement.
Les jours défilèrent et mes heures de lectures et d'entraînement s'enchaînèrent. Mes moments de liberté se limitèrent à mon entretien avec madame Ross, les sorties pour récupérer Laurianne au studio ou pour téléphoner. Le dernier week-end avant la reprise approchait, je décidais donc de tenir parole et d'appeler Juliette. Je le lui devais, elle avait fait bien plus qu'elle n'aurait dû pour moi. Portant le combiné à mon oreille, je tentais de rester focaliser sur ce que j'avais à lui dire. Ne pas paniquer, ne pas pleurer. Pourtant cela était assez difficile. En quelques minutes, tout s'enchaînait très vite. Sonnerie, salutations et excuses. Et ce que je redoutais arriva, elle fondit en larmes en entendant le son de ma voix. Elle craignait que je ne lui pardonne pas ; or je n'avais rien à dire. Elle avait voulu me préserver, m'aider à avancer, me materner pour s'assurer que j'aille mieux. Alors, comment lui en vouloir ? Comment en vouloir à cette femme qui n'était que de l'amour à profusion ? Finalement, ce qui ne devait durer que quelques instants se transforma en une longue heure de partage, d'échange, de rire et de pleurs. En raccrochant, j'observai le calendrier et une pointe d'appréhension se nichait sans attendre au creux de mon ventre. Mon rendez-vous avec Axel devait avoir lieu vendredi soir. Leïla et Arthur avaient répondu présents seulement, je me sentais stressée. Comment allions-nous nous comporter ? Est-ce que cela n'allait pas être gênant de se retrouver avec un couple ? Tant de questions que j'allais devoir mettre de côté pour profiter de ce moment sans me torturer avant.
Face au miroir, je contemplais ma tenue. Malgré la pluie d'avril, j'avais opté pour une petite robe, simple, mais efficace. J'avais envie d'être jolie sans trop en faire. Mes cheveux bruns attachés en une longue tresse, j'avais mis mes yeux clairs en valeur. Nos tourtereaux avaient choisi le programme de la soirée, un verre dans un bar d'arcade non loin de chez Arthur puis un film chez ma marocaine. J'avais décidé de percer l'abcès et de tenter de renouer une véritable amitié avec Axel. J'en avais vraiment besoin. Soudainement, j'entendis la sonnette d'entrée et compris que j'allais devoir me lancer.
– Lilou, c'est pour toi, me cria Luce depuis le vestibule.
Je soufflai un grand coup, observai une dernière fois mon reflet et savourai de me voir ainsi. Il était temps d'accueillir la part de lumière qui n'attendait que de pouvoir éclairer le chemin qui se dressait face à moi...
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Coucou mes petits lecteurs,
Tout d'abord, je m'excuse pour cette attente mais j'ai la meilleure excuse du monde. Une petite princesse est venue combler mon quotidien en ce début novembre. C'est la plus belle rencontre que j'ai pu faire mais ces trois petits kilos me prennent beaucoup de temps ^^
Ensuite, revenons-en à ce chapitre. On se rapproche doucement mais surement de la fin. Lilou évolue et accepte enfin la lumière qui s'offre à elle. Qu'avez vous pensé de ce chapitre? La conversation avec Luce? Les confidences de Vincent?
Et selon vous, comment va se passer le rendez-vous avec Axel?
J'ai hâte d'avoir vos retours, en attendant je retourne pouponner.
Bisous, bisous 🖤,
L.
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