Chapitre 55

Bonjour à tous,
Je m'excuse pour cette longue absence. Je tiens à vous avertir que ce chapitre n'a pas été soumis à la correction, j'espère que vous ne m'en voudrez pas. N'hésitez pas à m'avertir si vous voyez des coquilles.
Bonne lecture!

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Quinze jours que nous avions repris les cours, quinze jours que ma petite fête était passée. Cette soirée avait été magique. Je n'aurais pu rêver mieux vu la situation actuelle. J'avais été gâtée plus que de raison et tous mes proches avaient passé un agréable moment. Malheureusement, le glas sonnait aujourd'hui.

En effet, juste deux semaines séparaient nos anniversaires respectifs et si le mien se devait d'être festif, le sien s'avérait être funeste. J'étais enfin devenue majeure. Dix-huit ans, je les avais attendus tant d'années tandis que lui ne connaîtrait que cet âge. Cette date n'avait de cesse de me hanter depuis bien trop longtemps. Nous aurions dû être ensemble, unis, heureux et amoureux, pour célébrer le jour de sa naissance. Or en ce seize mars, je me retrouvai seule, avec pour unique compagnon, le souvenir douloureux d'un événement passé. J'aurais aimé me blottir contre lui, organiser une grande fête et rester à ses côtés toute la nuit. Mais tout cela n'était plus qu'un rêve qui filait entre mes doigts...

Allongée dans mon lit, j'avais prétexté un mal de tête pour ne pas aller en cours. Évidemment, je n'avais dupé personne. Ma mère n'avait pas insisté et avait même posé sa journée pour rester auprès de moi. Afin de me vider l'esprit, je décidai tant bien que mal de me lever. M'apprêtant à aller prendre ma douche, elle entra dans ma chambre.

– Ma puce, je sais que ça ne va pas, mais est-ce que tu veux manger un bout ?

À vrai dire, la faim n'était pas en haut de ma liste, mais la voir dans cet état, avec une telle douceur et bienveillance, je ne pouvais me résoudre à lui quémander un peu de solitude. Alors en guise de réponse, j'acquiesçai et tentai de lui offrir un sourire, aussi mince fût-il. Mécaniquement, je me relevai et la suivis jusque dans la cuisine. Si je n'avais pas été si mal en point, j'aurais sûrement adoré l'odeur de gaufres nappées de chocolat, seulement cela ne suffit pas à apaiser mes tourments. Pourtant, je me forçai à grignoter afin de ne pas l'inquiéter davantage. Posant sa main sur mon bras, elle me sortit de mes songes.

– Est-ce que tu veux qu'on aille acheter des fleurs ?

Je n'y avais pas réfléchi, mais elle avait raison. Même si une plante n'était en rien suffisante, ce petit geste était important. Acquiesçant, je me dépêchai de finir de manger pour aller me laver. Faire couler de l'eau brûlante sur mes muscles crispés par le stress et l'angoisse avait au moins le mérite de me réchauffer. Dans mon esprit, tout tournait en boucle. J'imaginai la scène de ce qu'aurait dû être cette journée. Malheureusement, elle n'en serait rien. L'unique chose que j'allais faire était de me rendre sur sa tombe, pleurer et finir seule sous la couette. Machinalement, je secouai la tête et chassai ses sombres pensées. J'enclenchai le mode pilote automatique pour ne plus penser. Je me séchais, tressais mes cheveux, enfilais un pull et un jean.

– Ma puce, tu veux qu'on regarde un film ensemble ?

J'acquiesçai sans trop savoir ce que nous allions visionner, mais si cela pouvait me changer les idées et faire plaisir à ma mère, j'acceptai volontiers. Installées dans le canapé, elle lança une comédie romantique. Mais au bout d'une vingtaine de minutes, je décrochais et rêvassais à tout ce que je pourrais lui dire. Je fixais mon majeur gauche en faisant glisser l'anneau de mon doigt et j'imaginais encore quel cadeau j'aurais pu lui offrir.

Je tentais désespérément de chasser ces tristes idées de mon esprit malheureusement plus je luttais plus les souvenirs revenaient en force. Mes yeux se remplissaient, ne me laissant aucun répit. Mon pire ennemi, c'était ma propre mémoire.

– Oh non, ma puce... souffla ma maman en me serrant contre elle. Viens, éteignons ça et sortons.

Sans attendre ma réponse, elle se leva, m'attrapa ma main et me guida près de la porte. Je la vis fouiller deux trois tiroir dans la cuisine avant de finir de se préparer. Debout dans l'entrée, je patientais sagement même si intérieurement, je n'avais envie que d'une chose me tapir au fond de mon lit. Une fois prêtes, nous prenions la voiture et nous dirigions vers le centre afin d'acheter des fleurs pour cet après-midi.

Marchant aux côtés de ma mère, j'aimais admirer les passants. Certains pressaient le pas en ce mois de mars, tandis que d'autres flânaient. Combien pouvait comprendre ce que je ressentais ? Combien d'âmes s'étaient égarées ? Combien de temps s'étaient-ils noyés dans la douleur ? Combien avaient réussi à retrouver le chemin de la lumière ?

En ce jour, je côtoyais de nouveau mes anciens démons, comme de vieux amis m'attendant tranquillement tapis dans l'ombre. Une nouvelle fois, je me déconnectais du monde. Je n'arrivais pas à affronter tout ce qui se passait. Je refusais de devoir fleurir une tombe. Je ne voulais pas y aller muni de ma tristesse et de mes regrets. Je voulais tenir ma promesse, je voulais être forte, mais aujourd'hui je n'y arrivais pas...

Je me laissai porter sans prêter attention à ce qui se passait. Nous naviguions du fleuriste au boulanger, en passant par une petite boutique de décoration. Par chance, ma mère comprit bien vite que malgré sa tentative de me changer les idées, cela était vain... Alors pourvues d'un bouquet de lys blancs, nous repartions à la maison dans le plus grand des silences.

Me réfugiant dans ma chambre, je récupérai mon portable que j'avais laissé sur mon lit en me levant. Évidemment, même s'ils étaient au courant, mes amis m'avaient envoyé plusieurs messages.

* Je sais que tu ne vas pas bien, mais tu n'es pas seule, appelle si tu veux qu'on vienne * – Chloé

* Tu es bien plus forte que tu ne le crois, n'en doutes jamais * – Leïla

* Petit ange, on est là avec Baptiste si tu veux, tu n'as qu'un mot à dire. Ne pleure pas, t'es moche quand tu le fais... * — Vincent

Le soutien de mes proches était inconditionnel, toujours là pour me prouver qu'ils étaient à mes côtés. Forcément, mon blond ne pouvait s'empêcher de me taquiner et cela m'arrachait comme toujours un faible sourire. Je continuais ma lecture et tombais sur un SMS d'Axel.

* Aujourd'hui, c'est à lui que j'aurais envoyé un message. Malheureusement, il n'est plus là. Je sais que la journée doit te torturer comme c'est le cas pour moi, alors n'oublie pas que je suis là... *

Une douloureuse lame s'insinua en moi, déchirant mes entrailles. Je savais sa souffrance, mais je peinais à en comprendre tous les tenants. J'avais besoin de réponses, je ne voulais plus de secrets. Donc sans attendre, je lui envoyais ma réaction.

* Merci pour ton SMS. Je serais au cimetière à 15 h, si tu te sens prêt à tout me dire... *

Je ne voulais plus attendre, cependant une boule d'angoisse se forma au creux de mon ventre. Étais-je réellement prête à tout entendre ? Je n'en étais pas certaine, mais il le fallait. Rapidement, je descendis et informa ma mère que je souhaitais me rendre seule vers la dernière demeure de Zac. Forcément elle en profita pour me faire manger un peu, ce que je tentais tant bien que mal d'esquiver, mais c'était peine perdue.

À quatorze heure trente, je me mis en route avec mon triste bouquet en main. Je connaissais le chemin par cœur, une routine que j'aurais aimé oublier. Le portillon, les graviers, les allées et sa tombe. J'y étais, mais je vis que je n'étais sûrement pas la première à venir me recueillir, deux autres bouquets de fleurs trônaient déjà à mes pieds. Je déposais le mien et observais la photo devant moi. Le poids au fond de ma poitrine s'alourdissait brutalement. Je me faisais violence pour ne pas craquer et tenir ma promesse.

– Bon anniversaire mon ange. Ce matin, je repensais à l'an passé et à cette fête. Toi qui détestais être au centre de l'attention, tu n'aimerais absolument pas cette journée. Tout le monde ne cesse de penser à toi avec un air bien trop triste... Je, Zac, je, aujourd'hui j'ai tellement de m —

Ma voix se brisa. Je n'arrivais pas à prononcer un mot de plus, je fixais son visage dans le seul silence capable de m'apaiser. Il me fallait une échappatoire. Je n'avais pas le droit de craquer. J'avais peur de m'effondrer alors je regardai l'heure sur mon téléphone et vis que je devais y aller. J'allais enfin obtenir des réponses.

– Je reviens juste après... murmurai-je à l'attention de l'homme que j'aimais.

Assise à l'entrée du cimetière, j'attendais patiemment l'arrivée de celui qui désormais devait me livrer les ultimes secrets de mon amour perdu. L'angoisse infiltrait chaque pore de ma peau, ne me laissant aucun répit. Le froid me mordait la moindre parcelle d'épiderme à nue, ajoutant une vague de frissons à mon corps...

Soudainement, je vis sa voiture se garer. Les mains dans les poches, le bonnet vissé sur la tête, il avançait le regard sombre. Tout comme moi, il savait que la suite de la journée allait être difficile et décisive pour l'évolution de notre relation. Il s'installa alors à côté de moi dans un mutisme bien trop lourd à supporter.

Les phalanges agrippées au bois, je n'arrivais pas à sortir un quelconque mot. Je priais intérieurement pour qu'il prenne la parole.

– Je vais tout te dire Lou, mais si c'est trop dur pour toi, arrête-moi, je t'en supplie.

Je tournai le visage vers lui. Les yeux perdus au loin, je compris qu'il se faisait violence donc pour lui montrer mon soutien, je posais mes doigts sur les siens et l'encourageais à se lancer.

– J'ai rencontré Zac quand nous avions quatre ou cinq ans. Sylvain et mon géniteur faisaient du rugby ensemble, donc tout logiquement à six ans, nous nous sommes tous les deux inscrits dans le même club, et avons fait notre rentrée en CP dans la même classe. On se voyait sans arrêt, on allait chez l'un chez l'autre. Tous les prétextes étaient bons pour se voir. On était deux mômes, deux fils uniques qui partageaient beaucoup de points communs. C'était naturel. Il était toujours d'une humeur joviale, drôle, blagueur tandis que moi j'étais plus discret. On formait un duo parfait.

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Il semblait se replonger dans ses plus beaux moments.

– Puis à huit ans, mon univers a volé en éclat et honnêtement s'il n'avait pas été là, je ne sais pas ce qu'il se serait passé pour moi. Malheureusement, j'ai été assez vite placé chez mes grands-parents, loin de tous mes souvenirs. Pourtant quoi qu'il se passe, on était là l'un pour l'autre. On s'arrangeait généralement pour passer une partie de nos grandes vacances ensemble. Bien souvent, il venait et on profitait pour rattraper le temps perdu. Ça faisait du bien, il était la preuve que mon passé n'avait pas été effacé sous les coups...

Il prit la tête dans ses mains et souffla lourdement. Je me sentais noyée par ses confessions, je ne savais absolument pas comment réagir. J'aurais aimé le réconforter, mais j'en étais incapable, j'étais plus qu'impuissante face à la situation.

– Je me souviens parfaitement de tout ce qui s'est passé. J'étais avec ma grand-mère dans le jardin. Juliette m'a téléphoné. Ses mots résonnent encore en moi. Cette putain de phrase n'arrivait pas à prendre de sens. Il ne pouvait pas être mort. Ce jour-là, j'ai été renvoyé des années en arrière. J'ai mis du temps à comprendre. C'était surréaliste, il y avait forcément une erreur, pourtant au son de sa voix, j'ai su. J'ai tout quitté, j'ai pris le premier train et je suis revenu ici. Je me suis réfugié immédiatement chez lui. J'ai passé des heures à parler avec elle, j'ai essayé de l'épauler comme je pouvais. J'avais perdu ma mère et elle venait de perdre son fils, donc naturellement on s'est soutenu. J'ai tenté d'être fort, de l'aider dans les démarches, mais je me sentais tellement démuni. Alors j'ai fait ce que j'ai pu je l'ai écouté me parler de lui, de toi, de celle qui avait changé la vie de Zac. Je te connaissais déjà un peu au travers de ses lettres, mais au fur et à mesure je t'ai découvert, sourie-t-il.

Il semblait complètement perdu dans ses pensées, comme s'il était revenu des mois en arrière. Comme un besoin irrépressible, je le laissai se confier tandis qu'une douloureuse pointe naissait au fond de ma poitrine.

– Tout est allé si vite, bien trop vite. Le jour de son enterrement, je suis resté en retrait. Je n'arrivais pas à croire qu'on enterrait mon ami d'enfance, celui qui savait tout, celui chez qui j'avais dormi de nombreuses nuits après la mort de ma maman. Je ne voulais pas voir ma famille alors Juliette et Sylvain m'avaient accueilli quelque temps avant que je n'aille vivre avec mes grands-parents... Assis au fond de l'église, je vous ai écouté un à un parler de lui, ça m'a brisé le cœur...

Une première larme perla au coin de ses yeux tandis que je tentai de faire face à ces souvenirs. Pourtant je plongeai dans cette sombre journée. Je me souvenais parfaitement de la robe que Luce m'avait choisie, de ses mains tentant de me l'enfiler, des doigts de Lau me tressant les cheveux, des bras de mon père me portant pour descendre, du regard de ma mère en montant en voiture. Je me remémorai notre arrivée dans la chapelle, sous le beau soleil. Cette douceur estivale qui contrastait avec le froid glacial de la paroisse. Tel un pantin, j'avais avancé derrière ces planches de bois renfermant l'amour de ma vie. Caché sous mes lunettes teintées, j'avais tenté de faire bonne figure. Une tentative bien vaine quand ils ont déposé le cercueil devant moi. Les instants qui avaient suivi me semblaient flous, comme si une part de mon être s'était échappée. Pourtant les adieux de Juliette à son fils, les anecdotes de Vincent, les sanglots de ses aïeuls résonnaient encore en moi.

– J'ai suivi la procession en retrait jusqu'au cimetière. Vous avez tous déposé des fleurs. Je t'ai vue blottie contre ton père, j'ai vu la douleur de Juliette et je n'ai pas pu faire un pas de plus dans cet endroit qui détenait déjà ma mère. C'était si déchirant. Le soir, je suis resté avec ses Juliette et Sylvain dans un silence destructeur. Alors j'ai pris la décision de venir habiter dans cette ville où j'avais grandi. Si je pouvais apaiser un tant soit peu leur souffrance, je me devais d'être à leurs côtés. J'ai réussi à convaincre mes grands-parents de me laisser emménager avec ma tante, à changer mon affectation de lycée et je suis venu ici. Je passai mes journées avec eux et mes nuits dans mon nouveau chez moi.

Il s'arrêta quelques instants et secoua la tête. J'imaginais aisément qu'il devait lutter contre la tempête de sentiments qui se bousculait en lui. Une part de moi souffrait avec lui. Je savais à quel point se battre contre les souvenirs pouvait s'avérer difficile. Je le vis inspirer et expirer à plusieurs reprises avant de reprendre.

– Et à partir de là, j'ai merdé. Je n'avais plus déconné depuis deux ans pourtant j'ai replongé. Je passais mon temps libre à boire pour oublier parce que je n'arrivais pas à gérer et que je voulais absolument soutenir les parents de Zac. Un soir de juin, j'ai rencontré Chloé malheureusement je n'ai pas fait le rapprochement tout de suite et je ne me souvenais pas d'elle à l'église. On a passé des heures ensemble. Chacun permettait à l'autre de ne plus penser à nos blessures. Mais au lieu de cicatriser, nous mettions un simple bandage sur des plaies à vif. Chloé restait très évasive sur ce qui la hantait puis un jour en parlant avec Juliette de ma relation, elle me permit de faire le lien avec toi. Plus le temps avançait plus on t'a vu te replier sur toi-même, t'autodétruire. Juliette commençait à s'inquiéter sincèrement, donc je lui ai promis que je ferais mon maximum pour t'aider. J'ai essayé de t'observer pour te comprendre, de t'approcher en vain, de te bousculer, de te mettre en rage pour te secouer. J'ai eu envie de te montrer que tu n'étais pas seule, mais tu étais perdue dans ta détresse. Alors tout en continuant à te provoquer, j'essayais tant bien que mal de te montrer que j'étais là. Et puis, il y a eu le cimetière, le soir où je t'ai ramené, celui où je t'ai parlé de ma mère, le Nouvel An, notre balade à cheval, nos baisers, mais aussi tes disputes avec Chloé et Vincent... Je ne voulais pas te blesser davantage. Je sais que j'aurais dû prendre mes distances et tout te dire, mais je n'y arrivais pas...

Sa voix s'éteignit dans un murmure. J'assimilai doucement sa confession. Enfermée dans ma bulle, je n'avais pas vu l'ampleur de ce drame. Aveuglée, je n'avais pas perçu les encyclies provoquées par sa perte. J'avais beau savoir que je n'étais pas là seule à souffrir, je n'avais pas imaginé le chagrin des autres. J'avais été profondément égoïste. Je m'en voulais de m'être autant renfermée, mais maintenant je comprenais mieux son mutisme, je saisissais son secret. S'ouvrir sur un épisode aussi douloureux pouvait remuer un couteau dans une plaie bien trop béante. Je relevai le regard et perçus le sillon de ses larmes sur ses joues rosies par la fraîcheur. Dans un élan inconnu, je me levai, me tournai vers lui et le tirai vers moi. Sans attendre, je le pris dans mes bras et nous berçai. Son corps, secoué par les spasmes, lâchait petit à petit. Tous ces mois à garder cela pour lui avaient dû lui coûter et ressasser la perte de son meilleur ami le torturait silencieusement. Alors aujourd'hui, je prenais sur moi et tentais tant bien que mal de soulager son mal-être. J'aurais aimé faire plus, mais j'en étais incapable. Je réalisais que je ne connaissais pas aussi bien Zac que je le croyais. Il ne m'avait jamais parlé ouvertement d'Axel. Il avait fait allusion à des liens amicaux qui pouvaient s'avérer être bien plus forts, mais je pensais que cela était une conclusion de ses lectures et non de son vécu.

– Je ne voulais pas te blesser, vraiment, murmura-t-il.

Certes son secret m'avait profondément blessée me renvoyant dans une période bien trop sombre toutefois je n'arrivais pas à lui en vouloir sincèrement. Je prenais conscience que finalement mon Zac était intrinsèquement lié à toute ma vie, à chaque personne, à chaque action. Il fallait seulement que je l'accepte. Il se détacha lentement de moi et planta ses prunelles dans les miennes.

– Je sais que tu ne pourras pas me pardonner maintenant, qu'il te faudra du temps, mais je veux juste t'avoir à mes côtés, j'ai besoin de toi et de tout ce que tu accepteras de m'offrir...

Je savais qu'il me faudrait du temps pour tout assimiler, mais je me sentais prête à renouer doucement avec lui. Malgré tout, je ne pouvais pas lui offrir plus que ce simple lien. Depuis ma découverte, j'avais enfilé ma carapace et reconstruit la prison enfermant mon cœur. Je me protégeais...

– Même si tout ça, c'est difficile à assimiler, je comprends, je n'arrive pas vraiment à t'en vouloir... Je ne sais clairement pas ce que j'aurais fait à ta place, soufflai-je. Tu peux compter sur moi.

Dans un long silence, il nous guida vers la dernière demeure de son meilleur ami. Sa compagnie, dans ce lieu, avec ce voile levé, c'était tellement nouveau et déstabilisant pour moi, que je me sentais terriblement gênée. J'avais parlé à mon ancien amoureux de ma relation naissante avec Axel. Je décidai de déconnecter de toutes ces sensations, j'oubliais le vent frais dans mes cheveux, je ne ressentais plus le tremblement de mes jambes, je délaissais le tambour qui me servait d'organe vital. Je me concentrai sur la photo qui se présentait face à moi, sur la pierre froide et macabre qui se dressait devant moi. Arrêtés devant sa tombe, je tentais de garder mon calme.

– La seule fois où j'ai pu revenir ici, c'est le jour où je t'ai trouvé devant. J'ai essayé de me faire remarquer, mais tu étais tellement loin...

Je me souvenais parfaitement de ce jour, j'avais perdu la tête. J'avais pris un billet direction l'asile de fous. À cette époque, j'étais dans la pire phase du deuil, un mélange explosif de colère et de dépression. J'étais une bombe humaine dont on avait violemment allumé la mèche. Par chance, Axel avait croisé ma route et s'était chargé de moi. Il avait tenté de me ramener dans la réalité, un sauvetage de plus de sa part. Encore une fois, je chassais ces pensées et me focalisais sur l'instant présent.

– Zac... Putain, voilà que je parle à un truc en marbre. Tu te foutrais ouvertement de ma tronche si tu me voyais là. Mais putain, tu me manques mon chieur. Nos lettres, nos échanges, ton soutien, ton absence me tuent. Quand on était môme, tu m'as dit de regarder les étoiles pour y voir ma mère, mais j'ai beau mater le ciel chaque soir, il n'y a rien. Il y a juste un trou béant dans ma poitrine.

Il s'arrêta, essuya l'unique larme qui coulait le long de sa pommette. Il m'adressa un faible sourire avant de saisir ma main. Resserrant mes doigts autour des siens, je tentais de l'encourager autant que possible.

– Je m'excuse auprès de toi, je l'ai blessée. Je voulais pas, j'en avais fait la promesse à Juliette, mais j'ai échoué...

Son murmure le brisa le cœur. Je ne voulais plus qu'il se torture ainsi. Chacun avait le droit de se tromper, de faire un faux pas, d'être maladroit. Mais le principal c'était de pardonner, d'accepter pour trouver le repos. Je tentais de l'apaiser comme je le pouvais.

– Non, tu as fait une erreur, mais s'il te plaît, arrête de t'en vouloir...

C'était sincère, il ne pouvait pas continuer comme cela. Je ne voulais plus qu'il s'autoflagelle. Silencieusement, je confiai mon pardon à Zac. J'espérai qu'il puisse tourner la page sur cette histoire enfin qu'il arrive à avancer. Se perdre dans le passé n'avait rien de bénéfique et malheureusement il m'avait fallu des mois pour le comprendre. Soudainement, une bourrasque de vent s'infiltra dans mes cheveux me faisant frissonner, ce qui n'échappa pas à mon compagnon.

– Viens, je te ramène chez toi, souffla-t-il en passant son bras par dessus mon épaule.

Calée contre lui, je tentai de me réchauffer tant bien que mal. Mais c'était peine perdue. Entre la fatigue, le froid et la tristesse qui m'habitaient, je n'y arrivais pas. Sans demander quoi que ce soit, je m'installai dans l'habitacle afin qu'il me reconduise à la maison. Dans un mutisme complet, il démarra la voiture. L'ambiance pesante m'obligea à allumer la musique. Je laissai les notes de Daniel Balavoine remplir la carcasse métallique. Une mélodie simple capable d'apaiser les tourments ressentis par mon être. Rapidement, il fredonna la chanson et m'emporta avec lui. Mon corps se détendit durant le court trajet. En arrivant à proximité de chez moi, je le vis se tendre.

– Tout va bien ? me risquai-je à l'interroger.

Je le vis se mordiller la lèvre, hésitant à répondre à ma question. J'avais raison quelque chose le tracassait. J'aurais aimé qu'il m'en parle, mais je ne pouvais pas le pousser outre mesure. Il souffla lourdement en se garant et prit la parole.

– Est-ce que tu peux appeler Juliette ? Elle s'en veut beaucoup, tu sais... Elle tient à toi, comme si tu étais sa propre fille...

J'acquiesçai. Évidemment que j'allais le faire, je ne voulais pas qu'elle souffre par ma faute. Même si j'avais eu du mal à avaler la pilule lors de ma découverte, je ne lui en voulais plus. Je savais qu'elle voulait bien faire et j'avais comme à ma grande habitude surréagi. Je planifiais de lui passer un coup de fil dans la soirée...

– Et promets-moi que si ça ne va pas tu m'écriras. Je sais que le téléphone c'est pas ton truc, mais je m'inquiète pour toi.

– Promis...

C'était sur ce dernier mot que je quittai sa berline pour rentrer. J'étais épuisée par toute cette journée. Comme je m'y attendais, ma mère attendait mon retour avec impatience. Je l'avais trouvée travaillant sur son ordinateur, sur l'îlot de la cuisine face à la porte d'entrée. Son regard trahissait son inquiétude. J'avais passé presque deux heures là-bas, je m'attendais forcément à cette attitude-là. Sans attendre, je me blottis contre elle et craquai. J'évacuais toute ma douleur, toutes ces révélations, tout ce qui torturait. Les larmes roulaient sur mes joues, symbole de ma détresse et du manque.

– Je suis tellement désolée ma puce, j'aimerais vraiment faire plus. J'aimerais pouvoir effacer ta peine, recoller ton petit cœur...

Ses simples paroles avaient le don de me faire du bien, suffisamment pour me calmer et survivre à cette terrible journée.

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Coucou mes petits lecteurs,

J'ai hâte d'avoir vos retours sur ce chapitre crucial. Vous avez attendu si longtemps les révélations sur Axel que j'espère que cela est à la hauteur de vos attentes.
Lâchez-vous :)

Bisous, Bisous 🖤,
L.

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