Chapitre 53

Perdue dans mes affaires, je n'arrivais pas à me décider. Je n'avais aucune idée du temps, de la météo ou encore de ce que nous allions faire.

- Lilou, on ne va pas tarder à partir ! cria Luce depuis sa chambre.

Depuis mon rendez-vous chez la psychologue, j'avais procrastiné. Mes devoirs m'attendaient sagement au fond de mon cartable de cours, mes vêtements sales peinaient à trouver le chemin vers la machine à laver et ma valise avait désespérément attendu son contenu... C'était à l'image de celle que j'étais avant. Je soufflai lourdement et vérifiai mon sac. Par précaution, j'avais pris bien plus que pour trois jours. Tout y passait pull, jean, robe, débardeur, mais comme disait ma grand-mère, il valait mieux prévenir que guérir. Fermant et traînant mon bagage, je sortis de ma chambre afin de rejoindre le reste de ma famille en bas. J'étais évidemment la dernière, je me précipitais et me postais près de Luce et Lau. Alignées en rang d'oignons, mes sœurs et moi écoutions les ultimes recommandations de mes parents.

- Luce, sois prudente sur la route, tu nous envoies un message si vous faites un arrêt et bien sûr, tu nous appelles en arrivant. Lau, ne rends pas chèvre ton grand-père s'il te plaît et surtout écouteurs sur les oreilles, tu oublies ton enceinte. Et toi Lilou, profite pour donner un coup de main à mamie pour cuisiner, ça lui manque. Amusez-vous les filles, mais soyez sages ! nous expliqua ma mère.

Les poignets dans le dos, nous étions attentives aux paroles de ma génitrice. Je me risquai à lancer un coup d'œil en direction de mon père que j'aperçus lever les yeux au ciel.

Ne pas rire, ne pas rire... Souffle, respire.

J'imaginai aisément ce qu'il pouvait penser. À l'inverse de sa femme, il faisait tout pour ne pas nous infantiliser. Alors à chaque fois qu'elle nous maternait de la sorte, il ne pouvait s'empêcher de se moquer d'elle.

- Profitez tout simplement ! surenchérit-il en soulevant nos bagages.

Moins d'une dizaine de minutes plus tard, nous prenions la route. En effet, mes parents avaient décidé de profiter de leur week-end en amoureux pour partir trois jours à Vienne. Mon oncle et ma tante, quant à eux, avaient décidé de partir en Normandie pour faire les plages du débarquement. Nous allions donc retrouver Lina et Eléna chez nos grands-parents. Heureuse de cette parenthèse, je comptai profiter de ces retrouvailles pour prendre ma ration d'amour et de bienveillance.

Assises dans la voiture, nous reprenions en chœur tous les titres qui passaient à la radio. Par chance, Ellie Goulding n'était pas là pour entendre notre version assez unique de Love me like you do. Le massacre était tel que notre aînée nous menaça de nous abandonner sur le bord de la route. Perdue dans nos rires, je me laissai porter... Rapidement, nous empruntions de petits chemins bien familiers.

- Nous y sommes ! cria Lau en se penchant près de Luce pour klaxonner.

Discrétion oubliée, toutefois ça avait le mérite de prévenir de notre arrivée et de voir mes grands-parents sortir sur le pas de la porte. Sans attendre d'être parfaitement garées, nous sortions toutes les trois.

- Mes puces ! Je suis heureuse de vous voir ! souffla notre grand-mère en nous accueillant une à une. Et toi, je vois que tu t'es remplumée, tu n'imagines pas à quel point ça me comble.

Le clin d'œil qu'elle m'adressa me remplit de bonheur. Chaque instant de joie était une dose à prendre en intraveineuse pour affronter les obstacles à venir.

- Ah voilà mes trois folles, dont ma chieuse en cheffe ! dit-il en levant les bras au ciel. Dépêchez-vous, il pèle.

Mon grand-père et la délicatesse, je savais de qui tenait ma génitrice et ma tante. Alors que nous rentrions nous mettre au chaud, je le vis enfiler son manteau et récupérer les valises qui se trouvaient encore dans le coffre. Râleur, mais gentleman.

Silencieusement, nous suivions ma grand-mère veillant à ôter chaussures et vestes pour ne rien salir. Évidemment la table basse était déjà remplie de mets en tout genre, pour le plus grand bonheur de notre benjamine. Nous installant sur le canapé, nous attendions que nos aïeuls s'installent pour discuter un peu. Mais alors que Lau allait piocher dans un des plats, on entendit le bruit d'une voiture entrer dans l'allée.

- Lina, murmurai-je, heureuse de la voir arriver aussi vite.

Malgré notre promesse de se donner des nouvelles, nous avions été prises par les cours et nos histoires respectives. Nous avions échangé quelques messages, mais bien trop peu. Nous aurions donc tout le week-end pour faire une mise à jour. Retournant dans l'entrée, je fus surprise de voir mon oncle accompagner Lina. Sans attendre, elle se précipita pour se blottir contre notre mamie avant de se tourner vers moi et de me prendre dans ses bras. Très rapidement, Nicolas nous expliqua qu'Eléna était restée chez eux pour réviser ses cours. Je la suspectais de ne pas vouloir venir dû à sa grande timidité. Mais je mettais cette idée de côté pour profiter pleinement de la présence de ma cousine. Chacun prit place dans le salon pour grignoter un peu après ce trajet. Tout le monde échangeait des banalités, mais cela faisait un bien incroyable de se retrouver en famille.

- Lina et Lilou, vous dormirez dans l'ancienne chambre de Florence et Laurianne et Lucilia dans celle d'Anne. Tout est déjà prêt et papi a mis vos affaires dans chaque pièce. Ça vous va ?

Contentes de ce choix, nous acquiescions toutes les quatre. Ainsi, nous aurions nos soirées et nuits pour nous raconter nos semaines passées sous silence.

Au bout d'une heure, Nicolas reprit la route afin de retrouver ma tante pour leur escapade. L'après-midi passa à une vitesse folle, chacune y allant de son petit coup de main auprès de mes grands-parents. J'aimais tellement cette ambiance, il y avait comme un sentiment de bienveillant, un parfum de douceur, un climat de réconfort loin du quotidien parfois dur et fatiguant. Ce soir-là, on avait cuisiné toutes ensemble pour préparer le plat préféré de Lau, la tartiflette. Je ne pouvais nier que ma mamie avait sa façon à elle de la faire et je comprenais que ma sœur craque.

Ce fut le ventre bien plein que nous retrouvions le chemin de nos chambres respectives. Même si leurs filles ne venaient plus dormir ici, mes aînés avaient redécoré avec goût. Dans les tons clairs, les meubles étaient parfaitement accordés. C'était l'attirail idéal d'adolescents, bureau, commode, lit et une armoire gigantesque pour y contenir le dressing d'une jeune femme. Malgré leur âge avancé, j'étais subjuguée par leur choix.

Observant le plafond, allongée sur le matelas, j'attendais Lina avec impatience. Nous avions tellement de choses à nous raconter surtout lorsque j'aperçus le destinataire du SMS qu'elle venait de recevoir.

- Timothé ? déclarai-je alors qu'elle venait seulement de mettre un pied dans la pièce.

Je vis ses yeux s'écarquiller sous la surprise. Ses pommettes rosirent immédiatement. Je sus que je venais de mettre le doigt sur une information croustillante.

- Putain Lilou, t'abuse de lire mes messages, râla-t-elle en mettant ses poings sur ses hanches.

- Mais je n'ai rien fait, c'est lui, il vient juste de t'envoyer un texto, tentai-je de me défendre.

Sans attendre, elle se précipita sur son téléphone. Elle lut avec attention le SMS et afficha un sourire discret qu'elle tenta vainement de dissimuler. Je connaissais bien cet air, celui qui décrivait la naissance d'un petit bonheur, la découverte d'un doux sentiment, le début d'une relation. J'avais effleuré, il y a peu, cette délicate flamme qui se rallumait au fond de moi, réchauffant chaque instant, donnant une saveur particulière à chaque acte.

Relevant le regard, je vis ma cousine répondre à toute vitesse, avec toujours cette même expression. Au bout de quelques minutes, elle reposa son smartphone et s'assit sur le matelas, près de moi.

- Donc, depuis un moment, j'écris à Timothé... murmura-t-elle.

Elle attisait ma curiosité alors même si je savais que je savais qu'elle me raconterait, je ne pus m'empêcher de la questionner.

- Raconte-moi tout ? Il ressemble à quoi ? Tu l'as rencontré où ?

Elle semblait gênée, ce qui ne lui ressemblait pas. Elle tritura ses longs cheveux blonds tandis qu'elle se mordillait les lèvres. Je la vis hésiter durant des secondes interminables.

- Lilou, tu le connais c'est votre Timothé... En fait, après le Nouvel An, il m'a contactée sur les réseaux. On a commencé à discuter de tout et de rien et depuis deux semaines, on passe nos soirées à s'écrire ou à s'appeler...

- Oh... Euh d'accord...

Si je n'avais pas déjà été assise, je pense que je serais tombée à la renverse. Timothé. Il était sans conteste un beau garçon avec du charme, mais si timide, si discret. C'était réellement surprenant. Pourtant elle avait été confrontée à un autre adolescent ce soir-là, lorsque l'alcool faisait tomber les barrières de sa pudeur.

- Il est d'une douceur incroyable, toujours prévenant, très drôle. Et Lilou, t'as vu ses yeux noisette ? On s'envoie des vidéos et quand ses cheveux bruns tombent sur son regard...

Elle s'arrêta soudainement perdue dans ses pensées, le sourire accroché à ses lèvres. Elle secoua la tête et reprit.

- Je crois que je l'aime bien... Je ne suis pas amoureuse, mais c'est léger. Après ma rupture, trouver quelqu'un d'aussi simple, ça fait du bien... il me permet de me changer les idées et il est vraiment attentionné...

Je savais mieux que quiconque à quel point l'arrivée d'un garçon dans une vie sombre pouvait chambouler. Nous passions finalement le reste de la nuit à discuter de cette relation nouvelle, mais des différents événements qu'elle avait vécus. Un moment d'évasion...

Ouvrant les yeux, je perçus de faibles rayons de lumière perçant à travers les volets clos. Touchant la place d'à côté, je fus surprise de n'y trouver personne. Loin de tout, j'avais enfin trouvé un repos sans tourment, sans doute, sans bellâtre au regard émeraude. Me levant doucement, je compris en voyant l'heure sur le réveil qu'il était grand temps que je sorte de sous la couette. Sans attendre, je me hâtai de me préparer pour rejoindre le reste de la famille. Tout le monde était donc attablé lorsque je fis mon apparition.

- Hallelujah, la belle au bois dormant s'est réveillée ! me taquina mon grand-père.

Évidemment, je m'attendais à une telle remarque de sa part ; or j'en avais tout autant que lui sous le pied.

- Et je vois que Grincheux est de bonne humeur ce matin !

Bien entendu, cette joute verbale amusa les autres des convives assis autour de nous.

La matinée déjà bien entamée, nous la passâmes à mijoter de délicieux petits plats. Autant dire que trois adolescentes, une jeune adulte et une dame d'un âge avancé dans une cuisine ne faisaient pas bon ménage. Entre mon incompétence, la folie de Lina et Lau, la rigueur de Luce et la sagesse de ma grand-mère, cela donnait un mélange explosif et inattendu. Par chance, malgré nos tendres désaccords, nous avions réussi à faire un repas succulent entre deux fous rires.

Le reste de l'après-midi, nous fûmes divisées en deux groupes. Luce et moi allions aider notre râleur préféré à finir la bibliothèque qu'il était en train de faire pour ranger les livres de son épouse tandis que ma benjamine et ma cousine acceptèrent de jouer à un jeu de société avec notre aïeule.

Cette journée hors du quotidien me fit le plus grand bien. Je revenais aux racines oubliant tout. Pourtant lorsque Lina débarqua avec mon téléphone à la main, je sus que le répit serait de courte durée. Saisissant mon smartphone, j'appuyai sans hésiter en voyant le nom de mon interlocuteur. Malheureusement, je ne fus pas assez rapide. Au bout de quelques secondes, le petit icône du répondeur apparut en haut de mon écran. Portant le combiné à mon oreille, j'écoutais attentivement chaque mot.

- Bonjour, je suis désolé de te déranger. En fait, je suis devant chez toi, mais il semblerait qu'il n'y ait personne... Lou, je sais que j'ai dit que je ne laisserais du temps, mais j'avais envie de te voir, de croire que tout ce qu'on a partagé n'était pas un mirage... J'ai peur, je n'arrive pas à te laisser partir. J'ai besoin de toi... Pardonne-moi...

Cette voix meurtrie avait le don de réchauffer mon cœur encore un peu égratigné. Ces mots étaient juste touchants. Il venait de me bouleverser. Je tentai de ne pas ressasser nos récents échanges alors afin de satisfaire mon cerveau et mon organe vital, je me contentais de lui envoyer un simple message.

* Cela n'avait rien d'un mirage ou d'un rêve, bien au contraire, et c'est sûrement cela qui rend la chose plus douloureuse...

Je suis chez mes grands-parents pendant quelques jours et rassure-toi, je t'ai fait la promesse de t'écouter quand je serai prête, ça arrivera... Je pense à toi... *

Parce que c'était vrai, quoi qu'il ait fait, quoi qu'il ait dit, il était toujours dans un coin de ma tête. Il avait su m'apprivoiser, m'approcher et me toucher. De plus, ma curiosité avait besoin d'être satisfaite. Je voulais savoir le lien exact qu'il avait entretenu avec Zac. Je voulais des réponses à mes questions.

Levant les yeux, je vis ma cousine m'observer dans un silence de plomb. Elle s'attendait sûrement à un mot de ma part pourtant je ne pouvais nier que quand il s'agissait de lui je n'arrivais pas à me confier. Je reposai alors mon smartphone et lui adressai un faible sourire dont elle se contenta. Chacune retourna à ses occupations, comme si de rien n'était. Malheureusement pour moi, je payai cet échange le soir même.

Assise dans le lit en train de lire un vieux livre appartenant à ma grand-mère, Lina l'abaissa doucement avant de me le prendre des mains et le reposer délicatement sur la couette.

- Lilou, parle-moi s'il te plaît, souffla-t-elle. Tu avais promis de le faire...

- Tu as raison, je ne sais simplement pas par où commencer. Tu veux le condensé ou les détails ?

Elle me regarda surprise. Elle ne pouvait pas s'imaginer qu'en un mois, j'avais cédé à un garçon qui se trouvait être l'ex de ma meilleure amie, mais aussi un homme que mon protecteur déteste. Mais, que j'avais découvert un secret bien trop lourd pour mes frêles épaules.

Finalement, je me lançai dans mon récit, lui épargnant mes vrais moments de doute, d'angoisse et de panique, mais n'omettant rien de mon histoire avec Axel et Vincent. Son visage passa par tous les sentiments, elle buvait mes paroles attendant la chute. Et lorsque celle-ci frappa, je vis Lina se décomposer.

- C'est... En fait c'est juste dingue... mais j'ai une question, est-ce que tu es prête à entendre ses révélations ?

Prête, je ne le serai jamais. Parce que cela ne touchait pas seulement le brun, cela concernait également l'homme de ma vie. Mais pour que chacun de nous puisse avancer, il fallait que l'on se dévoile entièrement, sans compromis ni demi-mesure. C'était humain d'hésiter...

- Que ferais-tu si tu étais moi, Lina ?

Je me sentais perdue. J'aurais aimé que quelqu'un me guide sur la voie à prendre, sur le chemin à emprunter. Malheureusement je devais faire mes propres choix et essayer.

- Je ne suis pas à ta place Lilou. Je n'ai pas ton passé, je n'ai jamais aimé comme tu as aimé Zac, je ne sais pas ce que tu ressens vraiment pour Axel et au fond je ne suis pas sûre que tu arrives à mettre un mot sur votre histoire. Mais chacun fait des erreurs, il a le droit d'avoir ses secrets, tu as les tiens. Même si j'aime beaucoup Vincent et que vous seriez très mignons ensemble, sois avec celui qui te fait le plus vibrer. Et je crois que tu as la réponse. J'ai vu tes yeux briller le soir où tu nous as parlé à Luce et moi...

J'acquiesçai silencieusement. Elle avait touché dans le mille. Elle n'avait pas mon parcours, mais elle me connaissait parfaitement. C'était décidé, j'allais entendre les confidences d'Axel en espérant que ça apaise un tant soit peu la douleur qui s'était installée depuis la révélation ?

- Tu as raison, il a rallumé quelque chose en moi. Et comme tu l'as dit, je me dois de l'écouter pour tout ce qu'il a fait pour moi, confiai-je. Et tu sais Vincent et moi, nous sommes seulement amis, c'est officiel.

- Oh, ma Lilou, raconte-moi tout dans les détails s'il te plaît... Parle-moi d'Axel...

Je ne pus m'empêcher de sourire en repensant à tous les bons moments que j'avais partagés avec le brun. Je me lançai alors dans le récit de nos échanges. Je gardais pour moi ses précieux secrets, mais je lui livrais sans détour chaque instant, chaque geste, chaque regard que nous avions partagé. Je me rappelai de la soirée du Nouvel An, de notre balade à cheval, de nos baisers entre deux cours, de sa présence chez moi... De douces parenthèses que je gardais soigneusement ancrées en moi. Finalement, c'était en lui confiant chaque vibration, chaque émotion que nous nous endormions.

- Lina ? Lilou ? Les filles, il faut se lever...

Cette voix reconnaissable entre toutes résonnait dans ma tête, pourtant je peinais à ouvrir les paupières, bien trop épuisée par cette nuit de confidences. Chacune notre tour, nous nous étions confessées l'une après l'autre, soir après soir... Avec elle tout semblait si naturel, il n'y avait ni jugement ni critique, elle était simplement là, prête à m'écouter.

- Hum, mamie, on se lève... grogna la blonde à mes côtés.

Ouvrant les yeux, nous nous préparâmes rapidement pour rejoindre le reste de notre famille. Vu le froid qui semblait s'abattre, nous nous couvrions chaudement. Et nous avions visé juste lorsque mes grands-parents nous annoncèrent que nous allions au marché. Évidemment, Lau traînait des pieds tandis que Luce se réjouissait. Ma benjamine se plaignait de la température, de cette balade, mais se ravisa quand nous arrivâmes sur place. En effet, il semblait que nous n'étions pas les seuls adolescents à rendre visite à nos aînés. Deux jeunes hommes à peine plus âgés que ma petite sœur se tenaient près d'une vieille dame.

- Lilou, je suis comment ? me demanda-t-elle en replaçant sa mèche de cheveux.

C'était la première fois que je la voyais ainsi, stressée et excitée. Mais, je connaissais parfaitement son ressenti. Elle voulait plaire. Même si j'avais du mal à réaliser qu'elle grandisse, il fallait s'avouer qu'elle était en âge de s'intéresser aux garçons.

- Tu es superbe ! soufflai-je.

Elle passa son temps à capter leur regard, ce qui sembla fonctionner, lorsque l'un d'eux s'approcha. Je les vis s'échanger leur numéro entre deux étalages de courgettes et de potirons. D'un point de vue extérieur, la scène était assez comique. Ma Laurianne, pleine de folie et extravertie, avait laissé place à une jeune adolescente timide et maladroite. Elle se dandinait d'un pied sur l'autre en triturant ses cheveux.

- Les filles, au lieu de l'espionner, aidez-moi à porter les sacs, nous gronda notre mamie.

Prises la main dans le sac, nous nous retournions en ricanant. Chacune prit un cabas tandis que Luce s'éclipsa afin d'acheter une pâtisserie pour nos grands-parents pour les remercier de leur hospitalité. En effet, ils faisaient en sorte de nous occuper, de partager leurs habitudes journalières et de nous permettre de nous évader. Ma grand-mère nous héla afin de s'assurer que nous ayons tout ce qu'il fallait pour les repas à venir. Elle avait prévu de faire le plat préféré de Luce pour ce midi. Nous devions donc nous dépêcher de rentrer pour avoir le temps de cuisiner un peu.

Sur le chemin du retour, ma benjamine nous raconta sa brève discussion avec le dénommé Jules, nous faisant rire en chœur. Elle ne tarissait pas d'éloges sur la beauté de ce garçon. L'innocence à l'état pur.

- Écoute ma chérie, si ça te donne envie de venir plus souvent nous voir, je suis pour, sourit notre mamie.

En rentrant, chacune prit son poste. Je fus chargée de découper les poireaux en compagnie de Laurianne pendant que Luce et Lina se chargèrent du filet mignon.

Après ces instants culinaires, nous nous étions mis à table et avons savouré silencieusement ce bon repas. Cet après-midi là, nous l'avions passé avec la télévision. Passionnées de vieux films, nous nous étions prélassées devant Sissi. Même si nous n'étions pas particulièrement enchantées par ce choix, l'incurable romantique qui sommeillait en chacune de nous y trouva finalement son compte. Subjuguées par la beauté de Romy Schneider, nous étions ébahies par les tenues et par la désinvolture du personnage.

- Encore en train de regarder ces sottises et de rêvasser au prince charmant ? ricana mon grand-père en entrant dans le salon.

- Si mamie s'est contentée du crapaud, on a bien le droit de rêver un peu !

Ma réplique eut le don de faire rire tout le monde tandis que mon aîné se chargea de m'ébouriffer les cheveux, me faisant ressembler à une chiffonnière, comme il aimait m'appeler étant gamine. Râlant un bon coup, nous retrouvions rapidement Franz et Élisabeth pour savourer les prémices de leur histoire.

- C'est fascinant, souffla Lau.

Plongées dans les deux épisodes, nous n'avions pas vu le temps passé. Évidemment en bonnes adolescentes que nous étions, nous nous étions précipitées sur nos téléphones une fois le visionnage terminé. Tandis qu'elles arboraient toutes les trois un sourire béat sur leur visage, je lus les messages envoyés par mes meilleures amies. Suite à la soirée de la Saint-Valentin, j'étais restée très évasive sur ce qui occupait mon esprit. Elles savaient que nous avions échangé, mais je n'arrivais toujours pas à poser des mots avec ceux qui connaissaient Zac et Axel. Chloé me demandait des nouvelles alors que Leïla me parlait d'Arthur. Mes deux tourtereaux filaient le parfait amour et cela me touchait particulièrement. Ma tornade brune était une fille pleine et entière qui ne savait pas faire dans la demi-mesure. Elle n'avait pas forcément eu beaucoup de chance dans ses relations précédentes donc cela me réjouissait qu'elle ait pu trouver quelqu'un qui la comprenne et s'occupe d'elle comme il se devait.

- La chieuse, tu viens m'aider ?

Assise dans le canapé, je relevai le regard et tombai nez à nez avec cet homme grincheux au visage bien trop chaleureux. Il n'était pas d'un naturel bavard pourtant je sus à cet instant que je n'échapperais pas à une conversation en bonne et due forme. Se réfugiant dans son atelier de bricolage, il me fit signe de le suivre. Cette odeur de bois et de métal mélangée me rappelait de vieux souvenirs d'enfance. Rapidement, il se tourna vers moi et m'indiqua le tabouret près de l'établi.

- Assis-toi Lilou-Ann, murmura-t-il.

Surprise par son ton à la fois doux et lourd, je m'asseyais sans un mot, attendant le verdict. L'observant silencieusement, il ouvrit la grande armoire où il rangeait ses outils en sortit un coffre usé par les années. Son air grave me maintenait en haleine. Je le vis souffler difficilement avant de sortir une liasse de papiers. Il s'installa à mes côtés et me tendit les documents. Minutieusement, je fis défiler tout ce qui se trouvait entre mes mains : des lettres anciennes, des photos jaunies par le temps...

- Tout ce que tu vois, je l'ai récupéré de ma mère. Tu ne le sais peut-être pas, mais mon géniteur est décédé lorsque j'avais cinq ans. L'homme qui m'a élevé par la suite était mon beau-père. Ça n'a pas été facile. J'ai vu ma mère sombrer dans la dépression, mes frères pleurer un papa et moi j'étais démuni. Je l'avais peu connu et je n'arrivais pas être aussi affligé qu'eux. J'étais trop jeune pour comprendre. Puis finalement, la femme que je voyais dépérir de jour en jour a fini par rencontrer Henri. Il était tout ce que mes frères méprisaient pourtant il s'est avéré être le modèle masculin qui me manquait. Ma maman s'est reconstruite et ma famille a fini par s'épanouir. Ce que j'essaie de te dire, c'est que parfois il suffit de se laisser du temps, de ne pas rechercher et d'accepter tout simplement l'arrivée de personnes différentes dans ta vie. Zacharie n'est plus là, mais toi et ton cœur oui, et vous êtes désormais libres de vivre pleinement, entièrement et sans compromis... .

J'étais soufflée par les confidences d'un ours si secret. Je découvrais une nouvelle facette de lui et surtout une part de mes origines. Je n'avais jamais su et je n'étais même pas certaine que ma mère était vraiment au courant. Quoi qu'il en soit, son geste était bien plus qu'une petite histoire. Il voulait me faire passer un message, me faire comprendre que mon existence ne s'arrêtait pas maintenant...

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Coucou mes petits lecteurs,

J'espère que vous allez bien et que pour ceux qui en ont vos vacances se passent bien :)

Voici un peu chapitre un peu déconnecté de la routine de Lilou mais qui fait lien avec son évolution. J'ai adoré mamie douceur et papi grognon ^^ et j'espère que vous aussi !

Bisous, bisous 🖤,
L.

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