Chapitre 52
Au bout de six petites heures, mon esprit décida de ne pas me laisser en paix. Mon encéphale, et plus particulièrement mon hippocampe, n'avait rien trouvé de mieux que de me rejouer la soirée. Profondément ancré en moi, le regard d'Axel m'avait tourmentée. J'aurais espéré que ses mots n'aient aucun impact sur moi ; or c'était peine perdue. Je m'étais alors levée et avais retrouvé mes anciennes habitudes. Emmitouflée dans mon pull polaire noir, je m'étais plongée dans la lecture d'un vieux roman de Nicholas Sparks. L'adaptation cinématographique avait beau être superbe, elle n'égalait pas la puissance des sentiments provoquée par l'auteur. Malheureusement, l'amour des protagonistes me projetait à celui que j'avais perdu. Comme pour me vider l'esprit, je déposai le livre et pris mon téléphone pour enclencher ma playlist. Cependant, je tombai nez à nez avec ce que je redoutais le plus. Ses excuses, sa douceur, ma douleur, nos souvenirs.
* Lou, pardonne-moi encore pour ce soir. Je ne savais pas que tu serais là. J'ai tellement de choses à te dire, j'aimerais avoir le pouvoir de revenir en arrière et que tu puisses m'apercevoir non loin de sa tombe, que tu comprennes... Merci pour tout ce que tu m'as apporté, tu m'as offert un second souffle... * — Axel
J'aurais aimé l'envoyer balader, tout balayer d'un revers de la main, mais je n'étais plus cette fille. Je ne voulais plus être cette adolescente emplie de colère, de rage, de tristesse. J'en avais fait la promesse à mes proches, à Zac, à moi-même. Mon cœur me criait de lui répondre que je lui pardonnais, que je n'avais envie que d'une chose, me blottir contre lui et tout oublier. Ma tête, quant à elle, me supplia de le faire souffrir pour sa trahison, et lui hurler que je ne pourrais jamais l'excuser. Noyée dans cet océan de contradictions, je soufflai un coup et tentai de faire abstraction de tout cela.
Mes doigts trouvèrent sans difficulté ma musique enfouie au fond de mon smartphone. Cette liste de chansons que je n'écoutais plus au risque de replonger dans la danse, de vieux titres ayant bercé ma jeunesse. De Tracy Chapman en passant par Georges Michael avant de s'arrêter sur Cock Robin, tant de mélodies qui me renvoyaient dans cet univers que j'avais tant chéri. Il me suffisait d'entendre les premières notes de The Promise you made pour que mon être commence à vibrer. Écouteurs dans les oreilles, téléphone coincé dans ma ceinture de pantalon, mes pieds se mirent à effectuer de délicats tracés circulaires. Tous mes sens étaient en émoi et j'avais envie de raconter mon parcours...
Mon corps se courba et se releva doucement. Perdue dans le déni, j'avais essayé de me remettre debout.
Ma tête pivota de droite à gauche lentement à plusieurs reprises. Je l'avais cherché encore et encore.
Un accent musical, un retour à l'hôpital.
Je retombai subitement en grand écart avant de basculer en arrière et de m'allonger. La chute avait été si violente que j'avais abandonné.
Comme tiré par une corde invisible, mon torse se soulevait au rythme de la mélodie. Comme accrochée à un fil ténu, j'étais restée en vie.
Me relevant en tournant, je finissais par me remettre en place...
Réalisant le chemin parcouru, je soufflai un bon coup et laissai mon âme prendre le contrôle. Je devais me vider la tête. Je ne voulais plus songer à quoi que ce soit. Mes bras se perdaient dans les enchaînements, mes pieds prenaient le relais, mon corps se mouvait sur les lignes de basse. Rien ne pouvait m'arrêter. Mon regard se fixait sur le miroir face à moi, l'atmosphère s'allégeait et mon univers semblait tourner de nouveau.
Après des mois d'arrêts, je sentis mes muscles tirer et me rappeler que parcimonie devait s'appliquer. Légèrement essoufflée, je stabilisai mon corps et observai mon reflet. Un sourire prit place sur mes lèvres, je revis enfin l'étincelle, celle qui s'épanouissait dans cet art. Soulagée par cette observation, je m'affalai sur le lit, oubliant toute grâce.
La danse était libératrice d'un poids, un moyen de transmettre un message, une façon de livrer son histoire. Les gestes, tels des mots sur le papier, s'enchaînaient pour transcrire un moment de nos vies. Seulement elle ne laissait rien sur son passage, sinon la trace d'un mouvement, d'une sensation chorégraphique qui s'inscrit dans notre mémoire et sur notre épiderme. Musique après musique, mon corps avait marqué les tempos, les rythmes, évacuant la douleur, la joie, les défaites, les victoires.
Le classique m'avait permis d'acquérir les bases d'un mouvement, d'une suite, pour produire une silhouette idéale. Une technique qui avait nécessité des heures de travail pour accéder ultérieurement à une recherche émotionnelle. Mais lorsque j'avais enfin pu toucher du doigt le moderne jazz et le contemporain, j'avais trouvé mon salut. Elle m'avait permis une ouverture, une découverte instinctive de mes sentiments. Je prenais conscience de mon outil, de ma capacité à être en éveil, de l'écoute de nouvelles sensations. Je perfectionnais tous mes bouleversements pour créer l'unique transcription, celle qui me faisait vibrer, qui pouvait toucher celui qui portait son regard sur moi... Je touchais le paradis.
Observant le plafond blanc, je retrouvai une sérénité longtemps disparue. Mon esprit se vidait et laissait enfin place au calme, à la douceur, à la paix intérieure. Je rassemblai alors mes idées et profitai de ce bien-être pour répondre à Axel.
* Tu m'as dit que le temps guérissait les blessures donc laisse-moi le temps de digérer la nouvelle et de pouvoir écouter toutes tes confessions. Ce jour viendra, je te le promets... *
Je reposai mon téléphone et m'allongeai de nouveau sur le matelas. Pourtant moins d'une minute plus tard, une vibration me fit me relever.
* Merci Lou. Et moi je te promets d'être complètement transparent... Par contre tu t'es levée tôt, est-ce que ça va ? *
Comme toujours, il avait en toutes circonstances la phrase ou le geste, pour me prouver à quel point, il était attentif au moindre détail. Et malheureusement, je ne pouvais nier que cela me touchait.
* Je vais bien, mais tu sais comment je suis, mon cerveau a décidé de me repasser la soirée en boucle... Mais ne t'inquiète vraiment pas... *
* Je vais essayer. Mais n'oublie pas que si tu as besoin, je suis toujours là... *
Une réponse à son image. Cependant je décidai de ne pas donner suite, j'avais besoin de temps, c'était indéniable. Alors comme pour éviter de ressasser mes souvenirs, je sortis de ma chambre sur la pointe des pieds et me faufilai dans celle de mon aînée. Je jetai un coup d'œil à son réveil : 8 h 14. Je me devais de faire le moins de bruits possible pour éviter de me faire taper sur les doigts. Pourtant à peine avais-je soulevé la couette qu'elle me grogna dessus. Elle m'attrapa par le poignet et me tira vers elle.
– Laisse-moi cinq minutes et après je suis toute à toi pour que tu me racontes ce qu'il s'est passé... souffla-t-elle.
Je la vis ouvrir les yeux doucement et se couvrir avec la couverture avant de se tourner vers moi. Elle bâilla, frotta ses paupières et m'adressa un signe de menton pour m'encourager à me lancer.
Alors soufflant un coup, je commençai à lui raconter tout ce qui s'était passé à la fête, du début jusqu'à mon entretien avec Vincent sur mon lit, en passant par mon tête à tête avec Axel. Son visage passa par toutes les émotions. Seulement, au moment de lui conter ce qu'il s'était passé dans la salle de bain, je la vis froncer les sourcils. Évidemment, elle ne pouvait pas saisir tout ce qui se cachait sous les mots de l'homme qui m'avait blessée. Donc comme une sentence, je lâchai la phrase, celle qui dévoilait notre secret.
– Il connaissait Zac, ils ont grandi ensemble.
Elle se redressa aussitôt, surprise par ma confession. Elle cligna des yeux plusieurs fois et ouvrit la bouche à maintes reprises avant de la refermer. Les pièces devaient s'assembler et le puzzle se formait petit à petit.
– Oh bordel de merde, oh putain, mais Lilou c'est...
Je ne pus m'empêcher de rire. Lorsque Luce sortait l'attirail vulgaire, c'était que l'on venait de passer le cap de l'effarement. Elle saisissait enfin ce que j'avais ressenti face à ma découverte.
– Je suis désolée Lilou, je comprends que tu aies eu besoin de t'isoler... Je suis désolée, vraiment... C'est pour ça que Vincent t'a ramenée ?
Comme lui dire ? Je craignais que je ne finisse de l'achever en lui parlant de ma relation étrange avec Vincent.
– Entre autres. En fait, c'est compliqué avec lui. Au Nouvel An, il m'a embrassée et m'a expliqué qu'il aurait aimé qu'il se passe quelque chose avant que je ne sois avec Zac. Tu sais, début janvier, il a débarqué à la maison, il était mal en point et je ne sais pas comment c'est arrivé, mais il m'a embrassée. Pas un petit smack, un vrai baiser seulement je n'ai rien ressenti. Je sais que beaucoup pensent que lui et moi, il y a quelque chose, mais ce n'est pas lui tout simplement. Bref depuis ma...
Je cherchais soudainement mes mots, comme si celui qui se présentait à moi n'avait pas lieu d'être. Pourtant naturellement c'était l'unique nom qui m'était venu à l'esprit. Une qualification qui donnait un sens à ce que je refusais d'admettre. Je secouai la tête et repris mon explication.
– Depuis ma... ma rupture avec Axel, Vincent m'a embrassée deux fois. À chaque fois, il se trouvait une raison valable de le faire. Dis comme ça j'ai l'impression d'être la plus grande des trainées, soupirai-je.
– Lilou, lui as-tu demandé de t'embrasser ?
– Non, mais je l'ai laissé faire peut-être qu'au fond, j'espérais ressentir quelque chose. Mais rien, nada, que dalle. Seulement j'avais tellement peur que lui ait envie de plus, alors hier on a mis les choses au clair. Et je crois que nous sommes d'accord, lui et moi, ce n'est pas possible...
En expliquant à voix haute, tout cela, je prenais conscience de tout ce qui s'était passé. Je réalisais que j'étais enfin au clair avec tout mon entourage, moi y compris.
– Punaise Lilou, tu ne fais pas dans la demi-mesure quand même... Laisse-moi, juste quelques secondes pour assimiler tout ça...
Assise en tailleur, je l'observai et autant dire que voir son air concentré de bon matin valait tout l'or du monde. Subitement, elle se figea, me fixa et me questionna sans retenue.
– Que ressens-tu pour Axel ?
Touché, coulé. Il s'agissait là de mon éternelle interrogation. Même si je venais de définir ma relation passée avec lui, je n'arrivais toujours pas à le faire concernant les sentiments. Il avait fait renaître en moi, des sensations disparues, il y a quelques mois pourtant de là à dire avec précision l'exactitude de l'affection que je lui portais, j'en étais incapable. Alors dans une tentative plutôt médiocre, mais réussie, je détournai l'attention de ma sœur.
– Tu as pris ta décision pour Pierre ? On le rencontrera bientôt ?
Elle esquissa un sourire comprenant immédiatement mon petit manège. Seulement elle en fit abstraction et décida de me parler de son compagnon. Comme une adolescente insouciante, je l'écoutais me narrer leur rencontre au restaurant universitaire. Pressé, il lui était rentré dedans avec son plateau. Gêné, il l'avait invité à boire un verre pour se faire pardonner. Ils avaient donc enchaîné les rendez-vous, d'abord en amis et finalement, elle avait craqué pour sa timidité, son grain de folie, sa douceur, son écoute. Elle me montra celui qui faisait battre son cœur. Je buvais ses paroles, des étoiles plein les yeux. Elle semblait transportée par son amour. Une passion aussi belle que celle de Zac et moi. Et pour la première fois, je ne ressentais plus cette pointe de douleur. J'étais heureuse pour elle, tout simplement, sans nostalgie, sans jalousie...
– Va vivre avec lui Luce. Si c'est sincèrement ce que tu veux, fonce, n'attends pas !
– Tu as raison et je pense qu'à terme, c'est ce que je vais sûrement faire, mais sache que je ne serai pas loin, toujours là si tu as besoin...
Je le savais, elle n'était pas obligée de me le confier. J'étais persuadée que quoi qu'il se passe, quoi qu'il arrive, rien ne pourrait nous séparer. Nous avions vécu bien trop d'événements pour pouvoir franchir n'importe quel obstacle...
Ce doux moment fraternel fut à l'image dès mes premiers jours de vacances. Mon père ne rentrant seulement que mardi pour m'accompagner chez la psychologue, j'avais passé le week-end avec mes sœurs. Ma mère s'était occupée de nous, comme si nous étions de véritables petites filles. Elle nous avait concocté de délicieux plats, nous avait acheté de nouvelles tenues et nous avait aidées à ranger nos chambres. J'avais la vague sensation de retrouver mes dix ans. Me retrouver près des miens me faisait un bien fou. Malgré des échanges de textos avec mes meilleures amies, j'avais mis entre parenthèses, tout ce qui s'était passé durant les deux dernières semaines. J'avais rangé Axel et Vincent dans un coin de ma tête et en avais profité pour me détendre. J'en avais profiter pour valider mes choix universitaires pour l'an prochain. Et contrairement à ce que je pensais, cela m'apparaissait évident. Il n'aurait jamais voulu que j'abandonne mes rêves. Je décidais donc de m'inscrire dans les facs de droit les plus proches de la maison. J'avais envie de prendre mon envol mais en étais-je réellement prête ? Au fond, j'avais encore ce besoin vital de mes proches. Après ce bref instant à replonger dans certaines promesses, je décidais de rejoindre ma famille.
Avec mes sœurs, nous nous étions refait la saga Harry Potter pour notre plus grand bonheur. Mais la cerise sur le gâteau fut l'arrivée surprise de mon père. Selon les dires de ma mère, il ne devait débarquer que le lendemain ; or il se tenait là, devant moi.
– Papa ! criai-je en lui sautant dans les bras.
Je savourai son étreinte. Je ne l'avais pas vu depuis plusieurs jours et avec les récents événements, le manque s'était fait ressentir. J'avais besoin de sa présence, de son amour et de son réconfort. Il était le seul homme de ma vie, le seul qui ne m'avait jamais trahie, qui ne m'avait jamais fuie, qui ne m'avait jamais abandonnée.
– Ma puce, souffla-t-il en embrassant le sommet de mon crâne. J'en déduis que ça ne s'est pas arrangé avec le brun qui a campé devant notre porte une partie de la nuit, il y a deux semaines...
Je me détachai lentement. Je n'étais pas sûre de bien comprendre, tout du moins je ne le voulais pas. Je haussai un sourcil pour l'inciter à m'en dévoiler davantage. Il me saisit par les épaules et m'emmena dans la cuisine, profitant du fait que le reste de la famille soit devant la télévision.
– Axel, le garçon que Luce a renvoyé chez lui, est revenu plus tard dans la soirée. Il t'a vue rentrer à la maison après avoir été chez Vincent. Il s'est assis sur le perron pendant plus de deux heures. Alors je suis sorti et j'ai discuté un peu avec lui...
– Oh.
Je me sentais terriblement mal à l'aise. Savoir que mon père avait subi encore une de mes frasques me gênait. Je ne voulais pas les mêler à mes problèmes. Même si cela me perturbait, je voulais savoir ce qu'Axel avait bien pu lui confier.
– Il s'est excusé de nous causer des ennuis, qu'il s'en voulait profondément de t'avoir menti. Lilou, je ne sais pas ce qu'il a fait exactement, je ne sais pas si c'est réparable. Mais je suis persuadé d'une chose, c'est qu'il n'est pas totalement indifférent à ton évolution. Et surtout il semble sincèrement attaché à toi. Il m'a avoué que tu étais la plus belle chose qu'il lui soit arrivé depuis bien des années. Il semblait vraiment abattu...
Malheureusement, même si je saisissais en partie les raisons de son silence, ça n'était pas suffisant. Il avait lui-même tué l'espoir qu'il avait fait naître en moi. Même si j'étais profondément touchée par tous ses actes, par tous ses efforts, il me faudrait du temps pour entendre son secret et accepter son passé. Si nous voulions devenir amis, il me faudrait encaisser bien trop de souvenirs et pour le moment, je n'en étais pas capable.
– Lilou, je ne sais pas comment t'aider, mais quand tu seras prête accepte ses excuses. Il me semble être un garçon vraiment gentil.
– Je vais essayer, murmurai-je.
Je me blottis de nouveau contre lui, comme une petite fille cherchant un réconfort paternel. Après cet échange, nous avions profité de la soirée, pour nous retrouver en famille. La fraîcheur de Lau accapara une partie de la conversation. Elle me fit beaucoup rire, quand elle se mit à nous raconter ses frasques. Alors que des mois auparavant ma mère aurait rouspété que ma sœur se fasse remarquer, à présent elle en souriait. Elle s'était détendue et avait compris qu'il fallait savoir savourer les doux instants que nous offrait la vie. Malheureusement, la veille de mes rendez-vous, je ressentais une certaine tension, comme un sujet encore tabou que ma famille n'osait aborder. Et comme par habitude, mon père veillait au grain pour me changer les idées...
Assise dans la salle d'attente, mon pied battait la mesure. Ce matin, je m'étais préparée en tentant tant bien que mal de ne pas y penser, pourtant plus nous approchions de l'heure, plus une appréhension me nouait l'estomac. Lorsque mon père m'appela, j'avais la sensation d'être mise au pilori. Notre dernière rencontre ayant été annulée, je n'avais pas revu madame Ross depuis que j'avais vidé la chambre de Zac. De plus, je savais que j'avais quelque peu délaissé mon carnet, n'arrivant pas toujours à transcrire mes émotions. Je craignais que ce rendez-vous me mette à mal.
– Calme-toi Lilou, me souffla le premier homme de ma vie en posant sa main sur mon genou.
Même si ma relation avec ma psychologue s'était nettement améliorée, j'espérai qu'elle ne me demande pas de lui parler d'Axel, car je connaissais son avis. Elle avait dès nos premières séances trouvé un intérêt à me faire extérioriser sur notre lien, sur mon ressenti sur lui, sur nos échanges. Sans complexe, je m'étais confiée sur nos moments à deux, sur tout ce que nous avions pu nous dire. Évidemment, j'avais gardé précieusement certains de nos secrets, mais j'avais pu également libérer une partie de mes angoisses, de mon questionnement sur ce que nous entretenions.
– Lilou-Ann, es-tu prête ? me demanda-t-elle en arrivant dans la salle.
Non, absolument pas. Je peux faire demi-tour ?
Pleine d'appréhension, je relevai les yeux et acquiesçai. Adressant un dernier regard à mon père, je la suivis silencieusement. Dans son ensemble bleu nuit, elle semblait resplendissante aujourd'hui, tandis que je me sentais vidée avant même d'avoir commencé. Nos entretiens se déroulaient toujours de la même façon. Je lui confiais mon carnet, elle le feuilletait et à partir de là, elle me lançait sur certains points.
Alors qu'elle le survolait, je vis ses sourcils se froncer. Elle se racla la gorge et me fixa intensément.
– Lilou-Ann ? Pourquoi avoir ralenti votre rythme d'écriture ?
Elle savait mais comme d'habitude, elle n'entrait pas directement dans le vif du sujet et me poussait à me livrer moi-même. J'avais beau avoir répété toute la matinée, ma confession, elle ne voulait pas sortir. Comment lui parler de cette journée qui m'avait mise à mal ? Comment lui expliquer que replonger dans l'univers de Zac m'avait bouleversée ? Comment lui avouer que ceci avait chamboulé le nouveau chemin que je commençais à emprunter ?
– Pour pouvoir écrire, il faudrait que je sois capable de comprendre tout ce que je ressens et ce n'est pas le cas...
Elle rouvrit mon carnet et relut ce que je supposais être le passage sur la véritable raison. Je savais qu'il fallait que je fasse un effort, que je me livre comme elle l'espère... Je soufflai lourdement et me lançai.
– Pour aider la mère de Zac, j'ai dû vider sa chambre. Ça a été très dur, mais durant le rangement, je suis tombée sur une boîte...
Replongeant dans mes souvenirs, une boule se forma au creux de ma gorge. Les images défilèrent dans ma tête, me ramenant dans l'antre de mon amour perdu. Mes mains se mirent à trembler et mes yeux s'embuèrent. Je devais me faire violence pour ne pas craquer et pouvoir continuer.
– Dedans, j'ai trouvé des lettres et des photos. Il échangeait avec quelqu'un d'autre... C'était Axel... Il connaissait Zac...
Celui à qui j'avais ouvert mon cœur était l'ami d'enfance de l'homme que j'avais aimé par dessus-tout. Cette phrase était clairement invraisemblable. Le destin s'était joué de moi. Il m'avait manipulée, tel un vulgaire pantin. Sournoisement, il avait mis sur ma route un garçon capable d'apaiser ma douleur, mais aussi celui qui avait bien trop de traits communs avec cette dite souffrance.
– Je suis désolée Lilou-Ann. Je sais que vous aviez commencé à nouer une relation... Est-ce que vous voulez bien me parler de ce qui a suivi ?
J'acceptai et me mis à déballer tout. Absolument tout. De nos baisers à notre conversation dans la salle de bain en passant par la phase que j'avais traversée après la découverte. Elle m'écoutait parler avec beaucoup de concentration. Comme à sa grande habitude, elle me livra des conseils et s'assura de mon état. À mon tour, je la rassurai, je me battais quoi qu'il m'en coûte. Je ne veux plus rompre une promesse.
– Lilou-Ann, je n'ai pas connu celle que vous étiez avant lui, mais je me souviens parfaitement de notre première rencontre. Vous étiez emplie de colère, de cynisme, de sarcasme, renfermée sur vous-même. Alors quand je vous entends, là, aujourd'hui, je me dis que le chemin tortueux que vous avez parcouru est une belle victoire. Malgré les hauts et les bas, les joies et les angoisses, je suis persuadée que vous avez enfin trouvé la force pour vous battre. Je suis vraiment fière...
Ce discours m'acheva. Elle venait de toucher une corde sensible. Elle avait raison, nos premiers échanges avaient été un véritable calvaire et pourtant nous avions réussi à tisser un lien. Elle serra ma main tandis qu'une larme coula silencieusement le long de ma joue.
– Merci, soufflai-je.
Le terme de la séance me sembla après tout bien doux. Elle avait su en une phrase apaiser mes craintes, elle avait su, en seulement quelques mots, me faire comprendre que j'avais réussi à me sortir du noir. Bien sûr, je savais que la pénombre reviendrait hanter ma vie, mais je ne serais plus enfermée dans une obscure prison créée simplement dans mon esprit.
Lorsque la fin de l'heure sonna, elle m'expliqua que la fréquence de nos rencontres allait s'espacer, mais que son cabinet resterait toujours ouvert dès que j'en ressentirai le besoin. À peine avais-je remis un pied dans la salle d'attente que mon père m'entoura de ses bras pour me blottir contre lui. Humant son odeur, je me sentais prête à reprendre le cours « normal » de mon existence...
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Coucou mes petits lecteurs,
Premièrement un grand merci pour tous vos messages sur le chapitre précédent, ça me touche énormément!
Ensuite je vous annonce que la fin approche à grand pas et j'espère vous livrer le prologue avant fin septembre :)
Et enfin pour revenir à ce chapitre. Lilou renoue enfin franchement avec la danse et mon dieu que j'ai adoré écrire tout ce passage. Que feriez-vous à sa place avec Axel?
Bref, j'espère sincèrement que ce chapitre vous a plu. J'ai hâte d'avoir vos avis!
Bisous, bisous 🖤,
L.
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