Chapitre 5
Cela faisait deux jours que j'avais été exclue du lycée. Deux longues journées seule chez moi à ne rien faire. Je les avais donc passées dans ma chambre avec mon casque sur les oreilles, allongée dans mon lit en boule. J'essayais tant bien que mal de ne penser à rien pourtant cela ne fonctionnait pas. Comme pour couvrir les souffrances subies par mon cœur, je me noyai dans les mélodies. Mais chaque rythme, chaque souffle, chaque mot, chaque sensation me renvoyait en arrière.
Durant ces deux jours, je n'avais cessé de recevoir des messages des filles, mais aussi de Baptiste qui s'inquiétait de savoir comment j'allais, quand allais-je revenir au lycée... Mais durant ce premier jour, un sms retint mon attention.
* Tu me manques, Lou <3 * - Baptiste
Non Baptiste, je ne te manque pas... Laisse-moi s'il te plaît.
Au lieu de ça je préférai ne pas répondre jetant mon téléphone sur les draps froissés. Je ne voulais pas en plus me disputer avec lui, alors que j'avais déjà été claire sur le sujet.
Flashback – Début mars 2014
* Tu me manques, Lou <3 *
En voyant ce message, je ne pouvais que sourire, son absence me pesait. Il n'était parti que depuis quelques jours en vacances avec sa famille pourtant il me manquait déjà, chaque parcelle de lui. Les yeux rivés sur mon téléphone, je m'empressai de lui répondre.
* Tu me manques aussi, tellement *
Assise dans le canapé, entourée de mes cours, j'attendai avec impatience sa réponse qui ne tarda pas à arriver.
* Je sais, Lou, je suis parfait et sans cette perfection tu ne sais pas quoi faire *
À la lecture de son message, je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel. À force de le complimenter, il était devenu presque vantard et prenait bien soin d'accentuer ce trait de caractère là en ma compagnie.
* Tu as tout compris. D'ailleurs comment vont tes chevilles ? *
* Bien, mais elles iraient mieux si tu étais à mes côtés ! *
Je ne pus m'empêcher de pouffer de rire... Il me retournait la tête.
* J'aimerais tellement, mais tu connais mes parents... *
* Peu importe cet été, nous partirons ensemble même si pour cela je dois te kidnapper *
* :) Je t'aime *
Il me faisait fondre. Chaque fois qu'il prononçait ses mots, chaque fois qu'il m'écrivait ces douceurs, mon coeur lâchait...
* Trop cliché, mais moi aussi je t'aime :) *
Fin du flashback
Ce deuxième jour fut aussi plus compliqué que le premier, car je savais que ma mère allait rentrer ce soir. Avec elle, je m'attendais à tout, soit de la compassion, soit du réconfort, mais cela pouvait être aussi une profonde tristesse ou une grande colère.
Mais je compris très rapidement son humeur lorsque j'entendis la porte d'entrée claquer violemment.
– LILOU-ANN CLAIRE MOREL ! DESCENDS IMMÉDIATEMENT !
Comme je m'en doutais, ça ne présageait vraiment rien de bon pour ma petite personne. Mais heureusement pour moi Laurianne et Luce n'étaient pas encore à la maison, ce qui me soulagea, je ne voulais pas qu'elles assistent à cette scène-là.
Je descendis alors les escaliers avec une lenteur extrême pour me retrouver face à ma mère qui était rouge de colère. Ses cheveux bruns ramenés dans un chignon serrés, ses lunettes posées sur son nez aquilin, ses yeux assombris par la colère, elle me paraissait si froide. Et pourtant en cet instant, nous nous ressemblions tellement. Elle avait les poings serrés sur ses hanches et avant même que je ne puisse dire quelque chose, elle prit rapidement la parole.
– Lilou-Ann, ça ne peut plus continuer comme ça ! dit-elle en me pointant du doigt.
Tu as raison Maman, ça ne peut plus continuer, je ne peux plus continuer...
– On t'a laissée du temps, on t'a laissée faire des erreurs, tester des choses, mais maintenant c'est fini !
Oui c'est fini, et tu as encore une fois raison, ça devrait se finir maintenant...
– Regarde-nous Lilou-Ann, regarde-toi, regarde celle que tu es devenue. Tu n'es plus notre petite fille, tu es l'ombre de toi même ! Où est passé ton sourire ? Ta joie de vivre ? Pourquoi gâches-tu ce que tu as mis tant de temps à construire ? cria-t-elle en agitant ses mains dans tous les sens.
Si tu étais présente, tu le saurais, tu le comprendrais. Mais comment peux-tu comprendre ce que je vis alors que tu ne me vois plus ?
Tel un automate, sans un mot, sans un geste, je l'écoutai. Je n'étais pas triste de ces propos, j'avais passé ce stade. J'étais constamment en colère et là, maintenant, j'essayai de la maîtriser. Je regardai ma mère dont la voix commençait à monter dans les aigus, je l'observai silencieusement.
– Tu t'es faite exclure Lilou-Ann ! Pour violence ! Tu t'es battue ! Tu es sans arrêt en train de chercher le conflit, tu es en colère. Tu as besoin d'aide !
Je lui avais déjà dit que je n'avais pas besoin d'aide. C'était trop, j'éclatai.
– Besoin d'aide ? Mais où étiez vous quand j'ai eu besoin d'aide Maman ? Où étiez-vous avec Papa quand je hurlai de douleur ? Dis-moi ? Où étiez-vous ? Ne viens pas me dire ça, je n'ai sincèrement pas besoin d'aide ou même de vous !
En voyant son visage, je savais que je l'avais profondément touchée. Ses yeux commencèrent à se remplir de larmes. J'aurais aimé pleurer avec elle, j'aurai aimé la prendre dans mes bras pourtant je ne pouvais plus verser de larmes et je me rendis compte que la prendre dans mes bras était impossible. Je ne le pouvais pas, car j'étais en colère et que la fille que j'étais, leur fille n'était plus là...
– Lilou, je-je... qui es-tu Lilou-Ann ? Qui es-tu ? souffla-t-elle en reculant d'un pas.
Personne, je ne suis plus personne depuis longtemps...
– Tu le saurais si tu avais été là ces derniers temps, si tu avais été là pour m'aider à me relever. Au lieu de ça tu as fui, tu m'as abandonné seule, je suis seule !
Ma mère craqua soudainement et quitta la pièce se réfugiant dans le jardin. À mon tour, je fuyai, courant vers ma chambre. Je montai les marches deux à deux en tentant de ne pas tomber, longeai le couloir et claquai la porte de mon antre. En arrivant à l'intérieur, je saisis le cadre photo qui se trouvait sur ma commode et le lançai avec violence au travers de la pièce. J'étais dans une rage folle, mon coeur pulsait dans ma tempe, ma respiration était saccadée. Reprenant doucement mes esprits, je balayai la pièce du regard. Soudainement, je me rendis compte de mon geste et remerciai le ciel, que le cadre ait atterri sur mon lit. Je le récupérai et ne pus m'empêcher de lire la phrase gravée au-dessus de la photo : « Parce que sans toi je me sens incomplet ». Mon cœur se serra à la lecture de ces mots.
Flashback — Début mai 2014
– Ferme les yeux Lou et tends tes mains, me dit-il en m'embrassant.
Je m'exécutai, je tendis les mains, paume vers le haut attendant patiemment qu'il me fasse signe de rouvrir les yeux. Je sentis alors quelque chose se poser entre mes doigts.
– Tu peux...
J'ouvris doucement les paupières, dans les mains se trouvait un cadeau emballé. Alors sans perdre de temps, j'arrachai l'emballage qu'il avait certainement mis du temps à faire. Sous mes iris se trouvait un cadre avec une magnifique photo de lui et moi.
Nous étions face à face. Il me tenait contre lui, ses bras sur ma taille, les miens autour de son cou et j'étais sur la pointe des pieds prête à l'embrasser. Je savais que Luce avait sûrement dû nous voler cet instant le mois précédent lors de son anniversaire à elle. Cette image était superbe. Au-dessus, il avait pris le soin de faire graver une phrase : « Parce que sans toi je me sens incomplet ».
– Tu es parfait, je ne pouvais pas rêver mieux, c'est... magique c'est ça, c'est magique.
Il attrapa le cadre et le plaça sur ma commode puis se rapprocha de moi, posa ses mains sur mon cou et colla son front contre le mien.
– Tu me rends parfait, tu es ma perfection. Plus que tout.
Fin du flashback
Je reposai délicatement le cadre à sa place, caressant du bout des doigts son visage. Je compris que ma colère allait trop loin, en voyant son regard sur cette photo, je sus que j'avais été trop loin.
Je devais m'excuser auprès de ma mère, mais avant il fallait que je laisse ma colère redescendre complètement. Je pris mon casque et m'assis sur le rebord de ma fenêtre où j'avais installé quelques coussins. Je fermai les yeux et me laissai porter par les paroles de cette chanson que j'affectionnai tant.
« Be my friend, hold me
Wrap me up, unfold me
I am small and needy
Warm me up and breathe me
Ouch, I have lost myself again
Lost myself and I am nowhere to be found
Yeah, I think that I might break
Lost myself again and I feel unsafe. »
Puis je sentis quelqu'un se glisser près de moi, posant délicatement sa tête contre ma poitrine et son petit corps entre mes jambes. Je n'eus pas besoin d'ouvrir les yeux pour comprendre que Laurianne était désormais à mes côtés. Ma sœur était une petite adolescente frêle et très câline.
Elle me relaxa aussitôt, je profitai de sa présence pour la prendre dans mes bras. Elle était devenue mon ancre dans cette maison, dans ce monde. Mais depuis quelque temps, j'avais l'impression que ce que je vivais, l'affectait. Je ne voulais pas qu'elle perde cette étincelle, cette innocence et cet amour... Je ne voulais pas qu'elle sombre dans ce monde que je m'étais construit. J'avais peur pour elle. Perdue dans mes pensées les plus sombres et les plus torturées, je sentis sa petite main se glisser près de mon cou et enleva un de mes écouteurs.
– Je t'aime Lilou-Ann, murmura-t-elle en levant les yeux vers moi.
– Moi aussi Lau, tu n'imagines pas à quel point je tiens à toi, avouai-je en caressant ses cheveux blonds.
Après une heure de câlins et de musiques, je décidai qu'il était temps pour moi de descendre et de laisser Lau retrouver l'insouciance de son adolescence. Alors qu'elle regagnait sa chambre, j'en profitai pour remettre de l'ordre dans mes pensées. Avançant dans le couloir, je trouvai ma mère assise dans son bureau. Je frappai doucement à la porte et lorsqu'elle se tourna vers moi, elle parut surprise de me voir.
– Entre Lilou-Ann, lança-t-elle sans bouger de son fauteuil en cuir.
– Maman, je suis dés —
– Non Lilou-Ann, laisse-moi parler d'abord s'il te plaît.
Elle se leva, contourna son bureau et s'approcha doucement pour se placer devant moi.
– Je n'aurais pas dû réagir aussi vivement, j'aurais dû te demander ce qui s'était passé plutôt que de te hurler dessus comme je l'ai fait. Tu as raison, je ne suis pas assez présente et j'en suis désolée. Honnêtement, je ne vais pas te mentir en te disant que je comprends, ce n'est pas le cas et surtout je me sens démunie...
Il n'y a rien à comprendre Maman. Je suis brisée et quoi que tu fasses rien ne pourra soulager ce que je ressens, ce que je vis, ce que je suis devenue...
– Ce n'est pas grave Maman, tu avais sûrement raison lorsque tu m'as dit que le temps guérit les blessures, il me faut peut-être plus de temps...
– Je te promets Lilou-Ann, le temps guérit les blessures, dit-elle en me prenant dans ses bras.
Flashback — Mi-juin 2014
Dix jours, dix jours de solitude, dix jours de vide, dix jours de larmes, dix jours de cris, dix jours dans le noir.
Une nouvelle fois, je me réveillai en sursaut, ce cauchemar hantait mes nuits depuis dix jours, ce cauchemar devenu réalité. J'avais certainement dû hurler parce que ma mère accourut dans ma chambre, moins d'une minute après mon cri.
– Lilou-Ann, ça va ? Tu as encore fait ce cauchemar ? demanda-t-elle en me berçant.
Ce n'est plus un cauchemar Maman, c'est ma réalité, c'est ma vie.
– Sûrement, mais ce n'est rien, tentai-je de dire alors que les larmes envahissaient de nouveau mon visage...
– Ne pleure pas, je suis là...
Je n'y peux rien, et ta présence ne me suffit pas Maman, je suis désolée... Si tu savais à quel point j'ai mal...
– Je te promets Lilou-Ann, le temps guérit les blessures... souffla-t-elle en caressant mes cheveux baignés de larmes.
Combien de temps, Maman, combien ?
Fin du flashback
Ma mère repartit le lendemain pour une nouvelle conférence, comme toujours. Après cette explication, le temps que nous avions passé était beaucoup plus apaisé. Nous ne reparlions pas de la conversation, ni même de mon renvoi. Je l'avais aidé à cuisiner, comme nous pouvions le faire à une certaine époque. J'avais aussi eu des nouvelles des filles, surtout de Leïla, j'étais sûre qu'elle ne vivait pas très bien mon exclusion surtout que Chloé passait énormément de temps avec Axel. Elle se sentait certainement mise à l'écart de ce qui se passait dans nos vies respectives, alors je tentai de lui écrire autant que possible, mais malheureusement rester à la maison n'avait rien de palpitant...
Le vendredi marqua le retour de mon père, je ne l'avais pas vu depuis longtemps, il était revenu plusieurs fois entre chaque vol, mais ne restait jamais très longtemps. Lorsqu'il rentra à la maison, j'étais affalée dans le fauteuil, épuisée par ces nuits courtes que je passais. Je l'entendis enlever son manteau et ses chaussures. Je sus qu'il n'allait pas tarder à se diriger vers moi.
– Lilou-Ann, viens s'il te plaît.
Il n'y avait aucune froideur, aucun reproche dans le ton qu'il employait. Je me levai et me dirigeai vers lui. Je fus soulagée lorsqu'il m'ouvrit ses bras. Je me précipitai contre son torse.
– Lilou-Ann, je suis désolé, désolé de ne pas être plus souvent là et de rien pouvoir faire pour soulager tout ce que tu ressens. J'ai beau le vouloir de tout mon être, je sais que je ne peux rien faire, murmura-t-il son menton posé sur le sommet de mon crâne.
– Je sais Papa, merci.
– De ? demanda-t-il en se détachant de moi.
– De ne pas hurler, avouai-je en baissant le regard.
– Hurler pourquoi faire ? Ça t'aiderait ?
– Non, mais Maman a craqué alors j'ai eu peur que toi aussi tu en es eu assez...
– Jamais, je t'aime Lilou-Ann. On vit une période difficile et ta mère ne sait pas comment réagir. Elle n'arrive plus à te parler, d'ailleurs toi non plus. Je sais que tu as besoin de temps, alors je t'en laisse. Ma puce, je vais aller me reposer et si tu veux on pourra parler ou ne pas parler, comme tu veux.
Il m'embrassa le front et se dirigea vers sa chambre. Quant à moi, je retournai devant la télé tentant tant bien que mal de me changer les idées...
Le week-end se passa dans le calme, mon père était resté avec moi tout le samedi dans un silence réconfortant. Il avait compris que je ne voulais pas parler et le respectait. Il repartit toutefois dès le lendemain, non sans un regard rempli d'amour et de compassion. Le dimanche, je dus travailler, les filles m'avaient envoyée les cours que j'avais ratés durant ma semaine d'exclusion. Le peu de temps libre que j'avais, je le passai avec mes sœurs, soit à bavarder, soit à regarder la télé toutes les trois ensemble. À vrai dire, ces quelques jours passés en famille n'avaient eu qu'un court instant, un aspect apaisant. Une fois seule, les vieux démons faisaient leur retour, plus dévastateurs que jamais...
Ce soir-là, je m'asseyais sur le rebord de la fenêtre, casque sur les oreilles. Je savais très bien que trouver le sommeil serait compliqué donc je décidai d'observer la nuit. Je le faisais de plus en plus souvent, j'avais remarqué que cela m'apaisait et me vidait l'esprit... Observer les étoiles et imaginer que chaque particule de mon cœur était désormais là-haut, flottant dans ce ciel sombre. J'aimerais parfois que ces instants ne s'arrêtent jamais, que ma vie se mette sur pause comme si rien de tout ça n'était arrivé...
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Coucou mes petits lecteurs,
Alors ce nouveau chapitre? Vous a-t-il plu?
Qu'avez-vous pensé de la dispute avec sa mère? Et son père?
Un peu de douceur avec Laurianne. Trop chou, non?
Et ces flashbacks? Vous plaisent-ils toujours autant?
Merci pour vos commentaires (parfois complètement barrés ^^) et votre soutien sans faille !
Bisous, bisous🖤,
L.
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