Chapitre 49
Attrapant encore mon téléphone, je regardai l'heure. 4h36. C'était toujours vingt-quatre minutes de plus que la fois précédente. Je me retournai et me retrouvai nez à nez avec mon aînée, profondément endormie. Comme elle, j'aurais aimé que mon âme trouve le repos. Or après avoir dormi seulement deux heures, mon encéphale avait décidé de faire fi des souffrances subies par mon cœur. Il tournait et retournait cette révélation dans tous les sens. Comment avais-je pu ne pas faire le lien ? Les confidences de mon amour perdu me revenaient de plein fouet.
« La vie te permet de rencontrer des gens formidables, mais parfois il suffit d'un coup du sort pour perdre tous tes repères. »
« Je n'ai peut-être pas de frères de sang, mais je comprends bien plus que tu ne le penses la relation avec tes sœurs. »
« Les kilomètres ne signifient pas la distance, c'est que tu décides d'en faire qui les définissent. »
Tant de légers détails qui auraient pu changer la donne. J'aurais enfilé ma carapace, j'aurais tu mes secrets et j'aurais fermé mon cœur à double tour. Je l'aurais verrouillé fermement sans laisser ce garçon y entrer. Rien que songer à son prénom me bouleversait, me tordait les entrailles, me broyait les tripes.
Je soufflai lourdement et reportai mon attention sur mon téléphone. 4h52. Le temps s'égrainait bien trop lentement, marquant ma difficile et silencieuse agonie. Les yeux braqués sur la seule source de lumière, je n'arrivais pas à m'en détacher. Évidemment, de nombreuses notifications remplissaient l'écran, mais je ne voulais pas les regarder. Je n'avais pas envie de lire l'inquiétude des miens. Je ne voulais pas de leur douce pitié. Je ne pourrais lire leur questionnement. Je refusais de découvrir ses mots, ceux qui justifieraient sa douloureuse trahison. Trahison, un terme si faible comparé à ce sentiment qui me rongeait.
Je n'osais songer à mon retour à la vie normale. J'avais mis tant de temps à avancer, à me relever, à m'ouvrir que je ne pouvais pas le laisser gagner. Je ne me l'autorisais pas. Je m'étais bien trop battue pour baisser les bras.
Soudainement, les doigts de Luce m'agrippèrent pour me coller à elle. Blottie contre son corps, son souffle dans ma nuque, elle venait encore une fois de m'apaiser, inconsciemment. Je décidai de profiter de cette courte accalmie, de cette parenthèse pour faire le vide et fermer les yeux.
Me redressant sur le clic-clac, je peinai à émerger. Luce avait été chercher des viennoiseries lorsque je somnolais. Plongée dans mes pensées, elle s'activait à se préparer un café. Seulement quand elle s'installa à mes côtés, je compris que nous allions entrer dans le vif du sujet. Une petite boule se forma au creux de mon ventre, m'empêchant d'avaler quoi que ce soit.
– Est-ce que tu es sûre de vouloir rentrer à la maison aujourd'hui ? me questionna-t-elle, soucieuse.
Comment lui avouer que je ne savais plus rien, que je n'étais que doutes et peurs ? Que le nouveau monde que je m'étais construit n'avait plus de sens ? Que j'avais failli perdre mes amis pour un homme qui s'était ouvertement moqué de moi ? Tout m'échappait.
– Il le faut, Luce. Je n'ai plus le droit de baisser les bras.
Je ne savais pas laquelle de nous deux j'essayai de convaincre, mais il fallait que je me relève. La Lilou-Ann dépressive, triste, en colère ne devait pas revenir sur le devant de la scène. Elle ne devait plus exister. Ma sœur m'adressa un sourire réconfortant, même si son regard trahissait son inquiétude. Nous rassemblions tout ce qu'elle avait ramené la veille afin de pouvoir retourner chez mes parents. J'appréhendais leur réaction, leur remarque, leur pitié. Que savaient-ils exactement ? Qu'est-ce que Juliette avait-elle dit précisément ? Comment allais-je gérer leurs questions ? Que pouvais-je leur dire ?
– Lilou ? demanda mon aînée, me coupant dans mon rangement.
Je relevai le menton et croisai les iris de Luce. Elle semblait particulièrement soucieuse. Elle sortit et me fit signe de la suivre. Plaçant son bras sur mes épaules, elle nous guida près de l'arbre de mes envies. Sous mes yeux défilaient tant de mots entraînant avec eux des souvenirs indélébiles. « Solo », l'année de mes quatorze ans, j'avais espéré obtenir ce moment parfait de danse. J'avais réussi. « Vienne », passionnée depuis toute petite par l'impératrice, je rêvais d'aller en Autriche, sur les pas de cette femme qui avait bercé mon enfance. Je comptais bien y aller un jour. « Amour », au moment du déménagement de Matthieu, j'avais espéré connaître de nouveau ce sentiment. Je n'avais pas envisagé à l'époque que je rencontrerais le vrai. Le seul et l'unique. Celui avec un grand A. Celui qui te bouleverse, qui te transporte, qui te transcende. « Avocate », après avoir vu Drop Dead Diva, je m'étais alors persuadée que j'allais sauver le monde avec ce travail si prestigieux. Je m'étais donc renseignée pour connaître l'étendue de ce métier. J'avais été subjuguée. Je voulais défendre la veuve et l'orphelin et même si j'avais délaissé cet objectif durant quelques mois, je ne voulais plus le laisser en arrière-plan. « Avancer », un tout petit mot qui définissait ce que je m'étais promis d'accomplir depuis que j'avais sorti la tête de l'eau...
– Je ne sais pas exactement ce qu'a fait Axel, mais je suis certaine que ce jeune homme est profondément attaché à toi autant que tu l'es à lui, murmura-t-elle avant de pointer l'écorce. Derrière chacun de ces mots, tu as placé un espoir, une envie, un rêve. Sauf celui de te relever et d'aimer de nouveau parce que ce garçon est arrivé dans ta vie, balayant tout. Tu vas avoir besoin de temps, mais ne baisse pas le regard, car je suis fière de toi et du chemin que tu as parcouru.
Ses propos me touchaient en plein cœur. Elle avait raison, j'étais attachée à lui bien plus que je n'avais voulu l'avouer, mais son silence et son mensonge me pétrifiaient. Mais je ne laisserai rien se mettre entre moi et la promesse que j'avais faite à Zac. Quoi qu'il m'en coûte, j'avancerai, même si je devais le faire seule.
Depuis notre conversation, tout s'était enchaîné bien trop vite. Enfoncée sur le siège passager, je fixai la porte d'entrée, comme si cela allait me téléporter directement dans ma chambre.
– Ils ne diront rien, je leur ai dit que tu tenais le coup, mais que tu ne voulais pas en parler.
J'inspirai lourdement avant de sortir de l'habitacle. J'appréhendais déjà de croiser leur regard. Comment leur parler de cette bataille que je me livrais ? Je n'arrivais même pas à poser des mors sur la situation... Luce sortit de la voiture et se posta près de moi. Malheureusement, mes pas me guidèrent bien trop rapidement à l'intérieur. Installés dans le canapé, je vis leur visage inquiet se tourner vers moi. Nous y étions. Un léger moment de flottement me figea sur place.
– Lilou, tu viens ? J'ai réussi à les convaincre de regarder Inception. Ça a, à peine commencé, me questionna Laurianne.
Je ne sais quelle puissance divine m'offrait la chance d'avoir deux sœurs exceptionnelles, mais j'en étais profondément reconnaissante. Elles avaient le don de détourner toute attention et d'alléger mes souffrances. Alors sans rien dire, je déposais mes affaires et m'installai dans le fauteuil. Je leur adressai un faible sourire et me concentrai sur l'écran. Plus de deux heures trente de déconnexion totale. Un voyage au pays des songes aux côtés de Léo. Malheureusement, la fin du film était aussi brutale qu'un réveil. Je tentai de faire bonne figure seulement je ne savais pas comment agir. Je ne savais pas quoi dire, quoi faire.
– On grignote et si ça vous dit on enchaîne avec Shutter Island ? proposa mon père en me fixant.
Ils s'étaient donné le mot, c'était évident. Contrairement à ma première chute, ils avaient décidé d'écouter ma demande et de ne pas se concentrer sur moi. Je leur en étais profondément reconnaissante. Alors que comme si de rien n'était, chacun vaquait à ses occupations avant de se remettre devant la télévision. Tandis que je m'apprêtai à m'asseoir, Luce m'apporta mon téléphone.
– Envoie un message à Vincent, il n'arrête pas d'appeler.
Tremblante, je saisis mon portable et le déverrouillai. Devant mes yeux défilaient de nombreux SMS. J'allais directement dans notre conversation. Machinalement, sans prendre le temps de lire, je tapai un texto rassurant à l'intention de mon meilleur ami. Seulement, je ne pus m'empêcher de jeter un œil à l'objet de mes tourments.
* Bon courage pour aujourd'hui Lou. Je pense à toi *
* Lou, pardonne-moi, laisse-moi t'expliquer *
* Réponds-moi je t'en supplie *
* Dis-moi que tu vas bien, j'ai peur... *
* Je tiens à toi, s'il te plaît, laisse-moi te parler... *
Je ne pouvais en lire davantage, ça me brisait le cœur. Je respirai lourdement et tentai de me battre contre les larmes qui menaçaient de couler. C'était peine perdue, les vannes étaient ouvertes. Je relâchai tout ce que j'avais gardé profondément en moi. Axel avait réussi à atteindre mon âme, mon cœur et tout mon être. Je m'étais livrée sans détour, il avait apaisé mes maux. Il avait réussi à me faire avancer. À ses côtés, j'avais envie d'écrire une nouvelle page. Mais il avait trahi la confiance que je lui avais accordée. Il avait gardé un secret qui me touchait de bien trop près. Il avait grandi auprès de Zac. Il avait été ami avec l'amour de ma vie.
Perdue dans mes songes, je ne sus dans quels bras je me retrouvai. Je percevais juste ce balancement, cette douceur et cette envie de me réconforter. J'aurais aimé leur parler de ma découverte, j'aurais aimé leur parler de ce garçon aux yeux émeraude qui avait su percer ma carapace, j'aurais aimé leur dire que j'aimais la délicatesse de ses baisers, l'intensité de son regard, la chaleur de ses câlins. Mais qu'au fond tout cela n'était qu'illusion. Je n'étais qu'un pion qu'on manipulait dans un jeu d'échecs. Le roi était tombé et le fou se jouait de la reine.
Après avoir essuyé mes pleurs, nous avions repris notre programme. Même si j'adorais le film, voir l'attitude de Lau face à Di Caprio valait tout l'or du monde. Elle était en extase et bavait devant l'écran. Elle avait le don de me changer les idées. Seulement à quelques minutes de la fin, quelqu'un sonna à la porte. Luce se leva rapidement pour aller ouvrir.
Étonnamment, je n'entendis rien du début de la conversation. Je me décalai afin de voir ma sœur. Mais lorsque j'aperçus les traits de son visage, je compris que ce n'était pas bon signe.
– Lou, je t'en supplie ! Laisse-moi tout t'expliquer ! S'il te plaît !
Mon cœur s'arrêta brusquement. Je n'avais pas besoin de voir l'homme qui se tenait sur le perron. Juliette avait dû l'informer de ma découverte et il craignait que son plan ne tombe à l'eau. Je n'osais l'imaginer. Je fermai les paupières et chassai l'image que j'avais de lui. Je ne pouvais pas bouger et encore moins rejoindre Luce. Je savais que si mon regard croisait le sien, je serais dévastée.
– Elle n'est pas là, Axel ! Elle va bien, mais un conseil laisse-la pour le moment.
Clair et concis. Un ton sec et suffisamment efficace pour être sûr qu'il s'arrête. Au bout de quelques minutes, elle referma la porte, se retourna et s'appuya dessus. Je la vis souffler lourdement et s'essuyer les yeux. Je ne savais pas ce qu'il avait bien pu lui dire, malheureusement il semblerait que ça ait touché mon aînée plus que de raison.
Elle nous rejoignit faisant mine que tout allait bien. Pourtant pour une fois, elle était la seule qu'elle arrivait à convaincre. Je culpabilisais de l'entraîner avec moi. Elle avait tout pour être heureuse et méritait plus que quiconque de trouver le bonheur. Je peinais à la regarder en face, par chance le visionnage se terminait et devant moi m'attendaient au moins deux heures de devoirs.
La boule au ventre, je m'enfermai dans ma chambre et me mis à faire défiler les pages de cours que j'avais écrites durant la semaine. Comme pour effacer toute trace de ces dernières vingt-quatre heures de mon esprit, je lançai ma playlist, casque vissé sur la tête. Malgré tous mes efforts et ma passion pour l'histoire, le krach de vingt-neuf n'arrivait pas à me changer les idées. Au lieu d'analyser les répercussions sur la société, je ne voyais que les conséquences de ma découverte. Alors oui, cela n'allait pas entraîner de changements mondiaux, de désastres humains pourtant cela allait affecter mon petit univers... Et ce n'était pas les vibrations incessantes qui pouvaient m'aider. Un énième appel de Vincent. Je tendis la main et attrapai mon téléphone. Un, deux, trois, je soufflai...
– Allô, murmurai-je.
– Oh putain Lilou... Tu n'imagines pas comme je suis soulagé.
J'aurais aimé lui répondre la même chose, mais au fond, je me sentais complètement déboussolée, perdue et torturée. J'aurais aimé ne jamais fouiller dans ses affaires, ne jamais trouver cette fichue boîte. Avec des si, on mettrait Paris en bouteille.
– Je suis désolée d'être partie hier... Je ne pouv —
– Ne t'excuse pas, j'ai flippé sur l'instant, mais je comprends. Lilou, on peut se voir ?
Se voir... Non, je ne pouvais pas, c'était trop dur. Je ne voulais pas croiser son regard. Je ne voulais pas de sa pitié, de sa colère. Il avait eu raison et je ne l'avais pas écouté. Je ne voulais pas l'impliquer dans mes malheurs, je ne voulais pas le voir utiliser la violence contre Axel, je ne voulais pas le blesser.
– Je ne peux p —
– Ne refuse pas, viens chez moi, s'il te plaît. On a besoin l'un de l'autre... Et si tu me dis non, je me pointe chez toi...
Et il en était capable. Seulement, je ne voulais pas que ma maison devienne un lieu de défilé. Mes parents avaient déjà assisté à la venue d'Axel, je ne voulais pas qu'ils soient spectateurs de la souffrance, de nos échanges et de la rage de Vincent. Alors pour éviter tout conflit, je cédai à sa demande et me préparai à passer ma fin de journée à ses côtés.
Sans avoir à batailler, ma famille accepta. Quant à Luce, elle s'était elle-même proposée pour m'accompagner. Bizarrement, je regrettai amèrement d'avoir dit oui, j'avais besoin de contrôler la situation, or ce n'était pas le cas. Tandis que je traînais des pieds, mon aînée se pressa afin de m'emmener. Malheureusement pour moi en moins de trente minutes, j'étais passée de ma petite chambre remplie de douleurs au pas de la porte des Leroy. Frappant quelques coups, la mère de Vincent m'ouvrit rapidement.
– Lilou-Ann, je t'en prie, entre.
À pas de loup, je passai le seuil et attendis sagement la suite. Mais à peine avais-je enlevé mon manteau, que des bras m'encerclèrent, me soulevant dans les airs.
– Putain Lilou, lâcha-t-il en me humant.
J'étais terriblement gênée par cette manifestation publique. Madame Leroy était toujours à nos côtés alors que j'étais blottie contre sa progéniture. J'étais tellement mal à l'aise que j'espérai qu'elle ait fini par faire demi-tour. Mais elle se racla la gorge nous coupant ainsi de notre bulle. Il me déposa doucement avant de saisir ma main.
– On va dans ma chambre, souffla-t-il.
Placée derrière lui, je l'observai. Son pull bleu marine, son jean brut et ses cheveux blonds encore humides lui donnaient une assurance incroyable. Face à lui, j'avais l'impression d'être une petite fille fragile. Avançant ensemble, nous passions donc devant le bureau de son père. Faisant une halte pour le saluer, il me proposa de rester dîner. Je n'eus le temps de refuser que mon blondinet ne me consulta pas et accepta. Lui lançant mon regard le plus noir, j'offris un sourire à son géniteur. En arrivant dans sa chambre, quelque chose semblait avoir changé en un mois, mais je n'arrivais pas à saisir ce subtil détail. Fronçant les sourcils, j'interrogeai silencieusement mon meilleur ami.
– J'ai enlevé quelques photos et je n'ai gardé que les plus importantes au-dessus de ma commode...
Le rangement chez Juliette avait dû certainement faire son œuvre. Faire le tri pour éviter la torture permanente d'être face à son visage. Il avançait enfin. Malheureusement en apercevant les derniers portraits qu'il avait laissés, les événements de la veille me revenaient de plein fouet. L'image du brun refit surface, rouvrant la plaie. Perdue dans mes songes, je ne sentis pas, tout de suite, Vincent se rapprocher. Pourtant lorsque ses doigts se placèrent sur mon ventre, me verrouillant contre lui, je sus que la soirée n'allait pas être de tout repos.
– Parle-moi Lilou, j'ai vu la photo...
Ce fichu cliché qui d'un revers de la main a tout envoyé valser. Je craignis sa réaction, j'avais peur de revoir un aspect de mon meilleur ami que je n'aimais pas. Je ne pouvais pas lui confier ma souffrance. Parler de ce que je ressentais serait comme ouvrir une porte pour qu'il me venge et je refusais.
– Je t'en supplie, dis-moi, parce que je te promets que je ne suis pas sûr de pouvoir me contrôler. J'ai vraiment envie de le défonc —
– Ne fais rien s'il te plaît, murmurai-je en baissant la tête.
D'un geste habile, il me retourna, m'obligeant à lui faire face. Je n'osai croiser ses iris noirs, je ne voulais pas craquer, je ne voulais pas attiser sa colère. Je me sentais réellement perdue. Je me noyais dans une tempête de sentiments que je ne maîtrisais pas. J'aimerais pouvoir effacer ses bisous, j'aimerais pouvoir recommencer à zéro, avancer et ne pas ouvrir mon cœur. J'aimerais tellement m'attacher à celui qui depuis des mois me relève...
– Si je te promets de ne pas lui casser la gueule, tu me racontes ? chuchota-t-il en m'attirait vers son lit.
J'acquiesçai en m'installant sur le matelas. Par où commencer, par nos échanges, nos baisers, nos confidences ou sa trahison pure et simple. Je soufflai un grand coup et lui expliquai tout sans détour. Je vis son visage passer par toutes les émotions. Quant à moi, je me sentais perdue. J'avais l'impression de m'enfoncer dans tout cet océan de douleurs...
– Putain, je vais le défoncer ce fils d-
Je plaquai ma main sur sa bouche. Je ne voulais pas qu'il se mette dans cet état. J'avais besoin qu'il me réconforte, j'avais besoin d'oublier tout ça. Alors sans son consentement, je me jetai contre son torse, je me blottis contre lui, plaçant mes jambes autour de son bassin.
– Je te jure Lilou, il paiera. Je le ferai souffrir...
M'écartant de lui, je vis son regard se durcir. Ce regard que j'avais connu il y a quelques mois me rappelait de mauvais souvenirs. Axel venait de se mettre mon meilleur ami à dos et cela ne présageait rien de bon. Je ne voulais pas lui causer des ennuis, j'avais juste envie de passer du temps à ses côtés et tout oublier.
– Serre-moi fort, s'il te plaît...
Sans attendre, ses bras se refermèrent sur moi, m'emprisonnant ainsi contre lui. Tirant sur mon élastique, il défit mon chignon faisant tomber mes cheveux en cascade. Ses doigts passèrent dans ma crinière m'apportant un sentiment de réconfort. Je fermai les yeux et savourai précieusement ce moment. Je humai son odeur, tentant d'oublier les dernières heures qui venaient de s'écouler. Je mettais mon cerveau en veille, mon cœur sur pause et me perdais contre lui. Seulement, un raclement de gorge me sortit de cette douce bulle.
– Lilou, pas que ça me dérange, mais je ne suis pas sûr que cette position puisse arranger la situation.
Je fronçai les sourcils, certes notre proximité pouvait être mal interprétée, mais je ne comprenais pas, ce n'était pas la première fois. Nous étions des amis, uniquement des amis. Cependant lorsque je vis son regard descendre au niveau de son entrejambe, je compris rapidement que la manière dont j'étais assise pouvait le gêner.
– Excuse-moi, je — je — voulais enfin je ne pensais pa —
Brusquement, je me relevai et m'écartai. Je me sentais tellement gênée et honteuse.
– Destresse, c'est juste que je suis sur les nerfs, ça fait longtemps que j'ai pas eu quelqu'un auprès de moi et avoir une jolie fille à califourchon sur mes genoux, ça n'aide pas à me contrôler.
Je fus touchée de son compliment camouflé, mais je nous connaissais trop bien pour savoir que cette situation pouvait déraper. Durant des mois, j'avais utilisé le sexe comme moyen de m'évader, d'apaiser ma rage et d'oublier. Quant à Vincent, je savais que je l'attirais physiquement. Alors attirance, colère et manque faisaient un cocktail bien assez dangereux pour ne pas rajouter de l'huile sur le feu. Remarquant mon embarras, il se leva, attrapa mon poignet et nous ramena dans le salon.
– Il est dix-neuf heures et tu ne connais pas ma mère...
Nous venions à peine de rentrer dans la salle à manger, que je vis sa génitrice, les bras chargés de vaisselle pour mettre la table. Elle se tourna vers moi, heureuse de me voir.
– Depuis le temps que j'entends parler de toi, je suis contente de te voir passer un moment avec nous. Et j'espère que mon fils me laissera discuter un peu avec toi ce soir, me chuchota-t-elle avant de disparaître dans la cuisine.
Lui adressant un petit sourire, je la suivis afin de l'aider. Une délicieuse odeur de poulet me remplit immédiatement les narines, faisant grogner mon ventre. En effet, j'avais peu mangé depuis vingt-quatre heures et cela commençait à se faire ressentir. Elle me dispensa de l'aider seulement cela me semblait plus que normal de lui donner un coup de main. Préparant la salade, je vis du coin de l'œil, Vincent m'observer. Tentant de faire bonne figure, je ne pouvais nier que son regard me gênait surtout après notre échange dans sa chambre. Toutefois, sa mère coupa ce lien en m'interroger sur nos études, mes passions. Sa douceur, sa façon de me parler et ses interrogations pleines de bienveillance me mirent très à l'aise. Elle me remercia pour ma présence auprès de son fils. Elle m'expliqua que suite à mon geste malheureux en novembre, il avait changé. Il avait pris en maturité et paraissait plus enclin à lâcher prise et à se confier. Une petite parenthèse dans notre préparation. Une fois le dîner prêt, nous passions à table. C'était à la fois reposant et convivial, même si cela manquait de grain de folie. Je ne savais pas comment mon meilleur ami faisait sans frère et sœur.
– Merci beaucoup pour le repas, c'était délicieux, déclarai-je après le dessert.
– Merci à toi pour ta présence, ça nous change un peu, souffla sa mère.
Les traits détendus de son visage parlaient pour elle. Mon blond, quant à lui, posa sa main sur ma jambe, exerçant une légère pression. C'était sûrement sa façon à lui de me remercier... Au moment de débarrasser, je me retrouvai seule avec monsieur Leroy. Lorsque j'aperçus qu'il me regardait de manière insistante, je me retournai totalement vers lui.
– Lilou-Ann, je ne sais pas ce qui t'es arrivée hier, mais Vincent était vraiment très inquiet. Tu vas bien ?
Touchée par son attention, je lui adressai un faible sourire avant d'acquiescer. Il était hors de question que mes soucis rejaillissent davantage sur cette famille, parce que tout comme la mienne, son entourage avait subi la perte de Zac.
– Je vais mieux, merci beaucoup...
Saisissant les derniers plats sur la table, je déposai le tout dans la cuisine, apaisée par cette soirée. L'heure avançant, je devais rentrer chez moi. Je les remerciai sincèrement et leur annonçai mon départ, Vincent demanda alors à son père de me ramener. Le trajet se déroula dans le plus grand silence, amenant avec lui le retour de mon angoisse. Mon meilleur ami, inquiet et mutique, m'accompagna jusqu'à la porte. Sur le perron, il m'entoura de ses bras pour me blottir contre lui.
– Lilou, appelle-moi dès que tu en as besoin... Putain je te jure que j'aimerais effacer le souvenir de ce type à tes côtés... chuchota-t-il au creux de mon oreille.
Je savais sa sincérité pourtant il ne pouvait rien faire de plus. Sa présence suffisait à apaiser mes craintes et c'était l'unique chose qu'il pouvait m'offrir. Il s'écarta délicatement et déposa ses doigts fins sur mes pommettes rafraîchies. Ses prunelles s'ancrèrent aux miennes, comme s'il souhaitait sonder mon âme. Mais, ce soir avec lui, je compris qu'il fallait que je laisse la rancœur, la colère et la déception de côté. Je devais avancer, sourire, vivre. Alors en guise de promesse, je lui adressai un sourire franc sans doute, sans inquiétude.
– Ne t'inquiète pas, je vais tourner la page et puis je ne suis pas seule. On va continuer tous ensemble, murmurai-je en déposant un baiser sur sa joue. Bonne nuit, Vincent, à demain.
Le reste de la soirée se déroula sans encombre. Ma famille ne fit aucune remarque sur mon absence, veillant juste sur moi du coin de l'œil. Tout s'enchaînait naturellement, me menant sur mon fauteuil, dans ma chambre. Face à mon carnet, je me sentais très partagée. Un brin de colère contre les deux hommes responsables de mon état actuel, mais aussi un profond manque et un réel attachement pour ces deux êtres. Alors comme une vieille habitude, je saisis mon stylo et déposai mon âme simplement.
Dimanche 1er février
Mon Zac,
Je ne t'ai pas écrit hier, je ne pouvais pas. Alors aujourd'hui, c'est le cœur lourd que je me confie à toi. En rangeant ta chambre, j'ai été bouleversée. Replonger dans nos souvenirs, comme si rien ne s'était passé, c'était déchirant. Nos photos, tes mots, ta vie... Notre histoire d'amour était trop belle pour s'arrêter en plein vol. Tout me manque de toi pourtant hier j'ai vu trop de choses avec lesquelles je n'étais pas prête. Malheureusement mon Zac ce que je n'avais pas prévu, c'était d'être confrontée à tes secrets. Je n'avais jamais envisagé que tu puisses me cacher quelque chose et que cette histoire ait autant d'impacts. Qui aurait cru que le garçon à qui j'arrivais enfin à ouvrir mon âme s'avérerait être ton ami d'enfance? Pourquoi ne pas m'avoir parlé de lui ? Pourquoi le garder précieusement comme quelque chose d'inavouable ?
Je t'en veux Zac. Je vous en veux à tous les deux. Toutes les fois où je lui ai parlé de toi n'avaient pas de sens, car finalement il te connaissait mieux que moi... Je bataille avec cette rage que je ne veux pas laisser gagner. Je ne veux pas perdre le contrôle, mais c'est si dur...
Mais peu importe, je dois tourner la page et accepter. Je n'ai plus envie de me morfondre, je ne veux plus être en colère. Je suis vivante. C'est un fait et la vie est trop courte. Alors je veux retrouver le sourire, vivre et aimer encore, je m'en fais la promesse.
Plus que tout mon Zac...
Fermant mon cahier, je fixai les somnifères. Non, je me refusais de céder. Je me sentais plus forte face à cette nouvelle épreuve. En me cachant la vérité, il venait de mettre un terme à notre relation naissante. Il avait au moins eu le mérite de m'aider à avancer. Et cette fois-ci, en me relevant à nouveau, je me promis de ne plus sombrer.
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Bonjour mes petits lecteurs,
Tout d'abord, je tiens à m'excuser pour ce mois d'absence, j'ai eu des petits soucis de santé. Grâce aux vacances, je me remets doucement et j'ai donc repris la correction des derniers chapitres.
Ensuite, pour en revenir à ce chapitre, j'espère qu'il vous a plu. Comme vous vous en doutiez la découverte concerne Axel... Une découverte qui bouleverse notre Lilou plus que de raison, mais comme toujours son entourage est là :)
J'ai hâte d'avoir vos retours.
Bisous, bisous
L.
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