Chapitre 48
Bien que j'eusse réussi à repousser ce moment, il était temps pour moi d'affronter mes souvenirs, aussi douloureux fussent-ils. Attendant Vincent dans le froid de cette fin du mois de janvier, je tentai de me contenir. J'oscillai entre la colère et la souffrance, entre le combat et l'abandon...
Nos souvenirs sont ma force ! Nos souvenirs sont ma force !
Je me répétais inlassablement cette phrase depuis hier soir. Je devais faire ça pour Juliette, il le fallait. Si rassembler les affaires de Zac pouvait soulager sa peine, je le ferais. Je me battrai pour elle, pour lui épargner un chagrin supplémentaire. Soufflant dans mes paumes, j'allais finir par me transformer en glaçon si mon grand blond ne se dépêchait pas. Tandis que je pestai et commençai à faire demi-tour, j'entendis mon prénom au loin. Pour le punir de son retard, je décidai de faire comme si je ne l'avais pas entendu. Je perçus ses pas vifs martelés le sol lorsque je posai ma main sur la clenche. Malheureusement pour moi, je ne fus pas assez rapide et son pied bloqua la porte.
– Lou... Pardon... J'ai...
Il était tellement essoufflé qu'il peinait à aligner deux mots. Fière de ma petite vengeance, je me moquai ouvertement de lui. Déposant un bisou sur sa joue, je passai mes doigts dans ses cheveux pour le décoiffer.
– Allez pousse toi Papi, Juliette nous attend.
Après avoir râlé, il déposa son bras sur mes épaules et nous guida jusque chez Zac. Comptant les pavés sur lesquels je marchai, je tentai de me vider l'esprit. Aujourd'hui, il n'y avait pas de place pour les tourments et les questions. Je voulais soutenir Juliette autant que je le pouvais. Pourtant arrivés devant la maison de Zac, je déglutis difficilement. Sept mois que je n'avais pas vu cette maison, alors autant dire que la revoir provoquait en moi une véritable tempête. La symphonie que jouait mon cœur sonnait de plus en plus faux. Il s'emballait, ratant quelques battements. Déglutissant, je tentai de faire bonne figure auprès de mon meilleur ami. Mais il ne semblait pas dupe. Il se plaça face à moi et prit mon visage en coupe.
– Lilou, pardonne-moi pour hier, c'était complètement stupide. J'ai juste envie d'être avec toi et être présent autant que possible. Et là, le plus important c'est toi et Juliette. Donc si tu ne m'en veux plus, laisse-moi vous soutenir.
– Je ne t'en veux pas, sur l'instant ça m'a blessée, mais je sais que c'est ton côté protecteur qui prend le dessus.
En effet, il m'avait reproché de vouloir passer trop de temps avec Axel. Alors même si son attitude de la veille m'avait touchée, je savais qu'il n'y avait rien de méchant avec lui, d'autant plus que je lui devais plus que je ne pourrai jamais lui apporter. Je reportai mon attention sur le chemin que nous empruntions. J'avais beau connaître le quartier par cœur, sans l'homme que j'aimais, j'avais l'impression de le redécouvrir. C'était comme si je venais d'entrer dans un monde interdit, je ne devais pas être là. Quand mon regard se posa sur le jardin bien entretenu, sur les volets blancs, sur la porte gris anthracite, j'eus la sensation que mon organe vital allait lâcher. Quasiment huit mois que mes pieds n'avaient pas foulé cette petite allée. Telle une automate, je me laissai guider par Vincent. Mon cerveau sur pause, tout était mécanique. Je ne voulais clairement pas affronter la réalité, mais tout s'enchaînait avec une grande rapidité. Sonnette, porte, Juliette, embrassade, formules de politesse. Mais lorsque mes yeux rencontrèrent cette teinte si particulière, ces iris que je ne pourrai jamais oublier, je retombai violemment sur terre. Instinctivement, je m'accrochai au bras de Vincent, comme une bouée de sauvetage. Je peinai à assimiler les paroles de cette femme que j'admirai tant. Je vis ses lèvres bouger, pourtant rien ne semblait m'atteindre, comme si brusquement j'étais enfermée dans une bulle. Sans attendre, mon blond plaça sa main dans la mienne et nous guida vers la pièce qui renfermait toutes les preuves d'amour que nous nous étions livrées avec Zac.
– Tu es prête ? murmura-t-il en posant ses doigts sur la poignée.
Étais-je prête ?
Personne ne pouvait l'être. Aucun individu n'était réellement préparé à affronter ses douleurs, ses souvenirs. Mais je le devais pour elle, pour lui. Alors en guise de réponse, j'acquiesçai et lâchai soudainement sa paume.
Flashback — Novembre 2013
Face à la porte, je ressemblai à une petite fille dans une boutique de confiseries. J'allais entrer dans son univers, le lieu de tous ses secrets. J'avais tellement hâte de voir ce qu'il gardait à l'intérieur.
– Tu es prête ? murmura-t-il en posant ses doigts sur la poignée.
– Plus que tu ne l'imagines.
Lorsqu'il ouvrit le battant en bois, un monde s'offrait à moi, son monde. Une chambre simple, à son image. Un lit, une bibliothèque, une commode sur laquelle était posée une télévision, une armoire. Sur son grand matelas, trois objets étaient disposés. Un livre, un ballon de rugby et un médaillon en argent. Je fronçai les sourcils à la vue de ces articles posés devant moi. Et comme à chaque fois, il lisait instinctivement en moi.
– Tu voulais voir mon univers, alors sache qu'en dehors de toi, je voulais te montrer des choses qui me tenaient à cœur.
Tout en gardant sa main dans la mienne, il me guida plus près. Il me tendit un ouvrage. Notre Dame de Paris de Victor Hugo. Surprise, je découvrais une facette de lui que je ne connaissais pas.
– Je suis passionné de littérature. J'aime les vieux bouquins, j'aime arpenter des endroits, des moments et des coutumes différentes de nous... Et Notre-Dame parce que c'est le lieu que je préfère à Paris, ça me fascine.
Je venais d'apprendre que nous partagions une passion commune. Cet homme me surprenait de jour en jour. En ce qui concernait le ballon de rugby, je savais qu'il pratiquait cette activité depuis l'âge de six ans. Son papa étant entraîneur à l'époque, il s'était naturellement inscrit. Il m'avait expliqué qu'il aimait l'esprit de ce sport, le fait d'appartenir à un groupe. Même s'il était loin d'avoir la carrure typique du rugbyman, il avait sans problème trouvé sa place en tant que demi d'ouverture. Je pouvais l'écouter me parler pendant des heures de son hobby que je regardais occasionnellement avec mon père. Enfin mes doigts se posèrent sur le bijou posé sur sa couette.
– Ce médaillon appartenait à mon grand-père maternel. Il est décédé, il y a six ans. Je ne suis pas matérialiste, mais c'est la seule chose que j'ai gardée de lui. C'était une personne très importante dans ma vie, mon modèle. J'espère pouvoir un jour t'en parler plus...
À cet instant-là, je vis ses yeux s'embuer. Alors je n'insistai pas et le serrai dans mes bras, espérant apaiser un tant soit peu sa peine...
Fin du flashback
Rapidement, nous nous mîmes au travail. Concentrés, aucun de nous n'osait parler. Je m'occupais avec minutie de sa bibliothèque. Évidemment je ne pouvais m'empêcher de caresser chacune des couvertures de livres qui se trouvaient devant mes yeux. Je me souvenais parfaitement de notre amour commun pour la lecture. Il était adepte des grands auteurs tandis que moi je me laissais bercer par les mots des jeunes talents. Je ne fus pas surprise de trouver une photo de nous en guise de marque-page dans le recueil de poèmes Les feuilles d'Automne de Victor Hugo. Il affectionnait particulièrement Soleils couchants qu'il connaissait par cœur. Je soupirai lourdement et chassai ces instants de mon esprit. Les déposant délicatement dans le carton, je continuai mon inspection. Je ramassai les médailles accrochées avant de les placer dans un petit écrin à part. Le tintement du métal attira le regard brillant de son meilleur ami. Évidemment je savais que toutes ces récompenses de rugby lui rappelaient de douloureux souvenirs. Je m'activai à les ranger pour ne pas remuer davantage le couteau dans la plaie. Entasser ces parties de sa vie dans une simple boîte était si dur, ce n'était pas à l'image de l'homme qu'il était. Je fermai les yeux et tentai de garder mon self contrôle.
– Les enfants, vous voulez quelque chose à boire ? demanda Juliette en nous sortant de notre torpeur.
Absorbée par mes pensées, je ne l'avais pas entendue arriver. Je relevai la tête et la secouai de droite à gauche, parler devenait trop compliqué. Je ne voulais pas m'aventurer dans d'autres endroits de la maison, c'était déjà bien assez complexe. Je l'entendis se rapprocher et déposer un baiser sur le haut de mon crâne avant de quitter la pièce. Je déglutis difficilement et repris mon rangement. Arrivée à la dernière étagère, en bas, je m'installai en tailleur et mon regard se posa immédiatement sur cet album. Celui que je lui avais préparé pour notre premier Noël ensemble. J'avais tout tenté pour ne pas replonger, mais en cet instant, je cédais enfin à l'appel que me lançait mon cœur dévasté. J'ouvris l'ouvrage et tombai directement sur la toute première photo de nous deux, accompagnée d'une citation que j'avais moi-même rédigée : « Toutes nos passions reflètent les étoiles » de Victor Hugo. Nous étions si beaux sur ce selfie de nous deux. J'aimais par-dessus tout cet homme, et j'étais amoureuse de notre couple, de l'image que nous formions. Il était bien plus que mon petit-ami, c'était mon meilleur ami, mon confident, mon amant, mon partenaire de danse, mon modèle, mon futur. Oh bien sûr, il avait des défauts. Son silence pour me préserver, sa procrastination pour profiter de nos moments à deux, sa perte de contrôle pour protéger les gens qu'il aimait, sa nonchalance pour ne pas attirer le regard. Tant de petites choses que je n'arrivais pas à apprécier au début de notre relation et qui faisaient finalement partie intégrante de son charme. Tournant une à une les pages que j'avais minutieusement décorées, je ne pus empêcher la vague de souvenirs de me submerger. Devant mes yeux se déroulaient huit mois d'une histoire passionnée. Plus de deux cent cinquante jours d'amour, de tendresse, de rires, de larmes. Il avait pris soin de continuer cet album en y ajoutant des photographies, mais aussi des légendes. Des citations, des poèmes et ses propres mots ornaient les preuves de notre vie ensemble. Chaque moment était gravé en moi. Ce jour d'hiver où je lui avais volé son bonnet pour nous prendre en photo, un cliché pris par Leïla à une soirée chez elle, une image de nous dans un parc au printemps, un diaporama de ses dix-huit ans. Tant de souvenirs refoulés pour ne pas sombrer... Et enfin un portrait de moi, endormie sur son lit, accompagné d'un texte. Voir son écriture défiler devant moi me perturbait profondément, mais la curiosité prit le dessus. Je soufflai un grand coup et me lançai.
Il suffit d'un geste, d'un regard, d'une minute pour que votre vie bascule. Tu m'as ouvert les portes d'un monde où seule ta présence compte. Tu as ce pouvoir de transcender tout ce qui t'entoure, de voir le meilleur en chacun de nous, de croire en l'humanité. Enfermé dans des histoires parfois dépassées, tu m'as ramené sur terre et m'as prouvé qu'il était temps de vivre sa vie plutôt que de la rêver. Mes mots n'auront jamais la force de notre amour, mais quand je te vois allongée dans mes bras, je ne peux souhaiter plus, que de passer ma vie auprès de toi. À notre époque, les gens me traiteraient de fou d'oser crier haut et fort que tu es la seule et unique personne à faire tourner mon univers. Mais qu'importe les autres, tant que tu sais à quel point je t'aime plus que tout.
Abasourdie, je ne pouvais plus bouger. Je l'entendais me clamer ce texte, je pouvais encore ressentir la chaleur de son corps contre le mien, sentir la douceur de sa peau sur la mienne et nos lèvres se promettre en silence de ne jamais se quitter. Dans un mutisme effrayant, les larmes se frayèrent un chemin sur mes joues rougies par ses paroles. Portant ma main à ma bouche, j'étouffai un sanglot. Contre toute attente, je vis Vincent se lever pour me rejoindre. Alors qu'il s'apprêtait à me prendre dans ses bras, je me levai brusquement.
– Non je t'en supplie, ne me touche pas ici, criai-je en reculant.
Je refusai de sentir un autre homme à mes côtés dans cette pièce. Je sortis subitement dans la salle de bain attenante à la chambre. Posant les doigts sur le lavabo, je n'osais faire face à mon reflet. Qu'y verrais-je ? Le visage dévasté d'une femme ayant perdu l'amour ? Le regard qui laisse transparaître la maltraitance que vit mon cœur ? Je me mordis violemment la lèvre pour faire taire la douleur qui sommeillait en moi. Mais en cet instant, rien ne pouvait apaiser ma souffrance, rien ne pouvait le faire revenir, rien ne peut réparer mon âme. Il me suffisait de fermer les yeux pour sentir son odeur, pour sentir sa présence derrière moi. Cet après-midi se révélait être une véritable torture. Soudain, j'entendis frapper quelques coups.
– Lilou-Ann ? Je peux entrer ?
Face à cette douceur, j'appuyai immédiatement sur la poignée. Sans attendre, elle me prit dans ses bras, me berçant avec une grande délicatesse. Je me laissais porter par la tendresse et le réconfort qu'elle m'offrait.
– Je suis tellement désolée, ma puce. Si tu savais comme j'aimerais te voir de nouveau heureuse, souriante et insouciante. Je m'en veux de t'infliger ça, de vous infliger ça. Je ne pouvais pas le faire seule donc quand Vincent m'a proposé son aide, je n'ai pas pu refuser. Mais je vois le mal que ça te fait alors est-ce que tu veux que je te ramène ?
Je secouai la tête de gauche à droite. Je ne pouvais pas l'abandonner, si elle en était là c'était de ma faute... Je n'avais pas le droit de la laisser sans personne dans le noir.
– Ne t'inquiète pas, je dois finir, j'en ai besoin, murmurai-je en me détachant lentement d'elle.
Passant ses doigts dans ma longue chevelure brune, je vis ses yeux me fixer intensément. Je ne savais pas laquelle de nous deux je tentais de convaincre, pourtant elle ne batailla pas. Elle déposa un baiser sur mon front avant de me prendre la main. Alors que nous revenions dans la chambre, je vis Vincent assis sur le lit. Les épaules voûtées, le regard baissé, je sus que mon attitude l'avait blessé. M'approchant doucement, je déposai ma paume sur sa joue et m'excusai.
– Non c'est moi Lilou, je n'ai pas fait —
– Non ne t'excuse pas, c'est juste que ce n'est pas évident c'est tout... Allez, reprenons.
Alors que Juliette s'éclipsa, chacun de nous retournait à sa tâche. J'avais fini de ranger la bibliothèque et je m'attaquais désormais à son bureau. Chaque geste devenait presque automatique. Ne pas réfléchir, ne pas s'attarder sur les différents objets qui passaient dans mes mains, ne pas penser. Je faisais abstraction de l'univers dans lequel je baignais, cependant j'entendis Vincent souffler quand il s'attaqua à la penderie. Je n'avais pas besoin de me retourner pour savoir qu'il venait de trouver le sac de rugby de Zac. Respirant difficilement, je fis le vide dans ma tête. Je devais absolument ne pas craquer. Je devais mener ma mission à bien. Plus le temps avançait, plus la pièce perdait de son âme. Vidant tiroir après tiroir, je fis tomber une balle de ping-pong. Évidemment, elle décida de s'aventurer dans la chambre.
Je me déplaçais lentement afin de voir son point d'arrivée. Tentant d'atteindre l'objet qui s'était glissé sous le lit, j'aperçus un minuscule coffre en bois. D'un geste rapide et discret, j'attrapai cette petite boîte. Ayant la sensation d'avoir trouvé un trésor caché, je tentai de faire le moins de bruit possible. Assise en tailleur, je la posai face à moi. Par chance, aucun code ou cadenas ne la fermait. L'ouvrant avec la plus grande délicatesse, je fus surprise de son contenu. Des dizaines de lettres. Je pris la première et dépliai le bout de papier.
Le chieur,
Je t'imagine déjà en train de râler ! Six mois que je ne t'ai pas donné de nouvelles. Je suis désolé, mais j'ai eu pas mal de boulot, je te rappelle que je passe le bac moi... J'essaie de travailler au maximum, tu connais mes vieux, si je bosse pas assez, il serait bien capable de me garder enfermé jusqu'à mes trente ans !
Bon plus sérieusement, tu te doutes que la fin d'année a été un peu compliquée. À ça t'ajoutes, Manon qui n'en fait qu'à sa tête et autant te dire que j'ai le temps de rien. Elle fait des plans sur la comète. Elle veut qu'on s'installe ensemble l'année prochaine, mais elle ne veut pas comprendre que je ne suis pas prêt... Comme quoi, une fille jolie et intelligente ne suffit pas pour me rendre heureux...
Alors et toi, parle-moi plus de cette fille dont tu ne m'as pas dit le prénom. T'as l'air accro, ça fait plaisir !
Je viendrais sûrement te voir cet été histoire de souffler un peu et de fêter tes 18 ans qui ne devraient plus tarder.
Tu me manques mon pote !
Cette boîte regorgeait d'échanges de courriers entre Zac et un autre garçon. Ils se parlaient d'école, d'amis, de vacances et de sport... En feuilletant tout ce que j'avais en main et au vu de l'évolution de l'écriture, il semblait apparaître que ces deux-là se connaissaient depuis des années. Pour la première fois, je prenais conscience que je ne connaissais pas l'homme que j'aimais aussi bien que je le pensais.
Tournant la situation dans tous les sens, je ne comprenais pas pourquoi il ne m'avait pas parlé de ces échanges. Pourquoi ces lettres étaient-elles enfermées dans ce coffre, comme un secret inavouable ? Je fouillai activement, espérant y trouver une réponse. Tout au fond de la pile se trouvait une enveloppe kraft. En l'ouvrant, je me trouvais face à des dizaines de clichés. Sur la première, je vis deux enfants âgés d'à peine six ans jouant dans un jardin. Je reconnus aisément Zac et son regard perçant, surtout que j'avais déjà eu la chance d'admirer le beau garçon qu'il était. Sur l'image suivante, les deux portaient une tenue de rugby. En y regardant de plus près, le visage du second ne m'était pas inconnu. De façon frénétique je me mis à faire défiler les photos. Mon palpitant s'emballait. Mes mains se mirent de nouveau à trembler. Le souffle court, je prenais sur moi pour ne pas tout envoyer valser. Le dernier portrait montrait deux jeunes adolescents d'une douzaine d'années. Cela ne faisait plus de doute, je connaissais ce garçon. Subitement, je relâchai le paquet de photographies et me précipitai dans le salon à la recherche de Juliette. M'apercevant, elle se leva soudainement très inquiète. Brandissant l'ultime cliché que j'avais trouvé, je peinai à rester calme.
– Dis-moi... Dis-moi que ce n'est pas lui s'il te plaît ?
– Lilou-Ann ne lui en veut pas, je t'en supplie. C'est de ma faute... murmura-t-elle.
Sans attendre de plus amples informations, je fis demi-tour, saisis mon manteau et sortis en courant. J'avais beau m'être préparée mentalement aux montagnes russes que j'allais devoir affronter, je n'avais pas envisagé une quelconque seconde être face à cette révélation. Libérant la colère qui commençait à grandir, mes pieds foulèrent le sol avec une rapidité nouvelle. Je voulais fuir, loin, très loin. J'espérai chasser profondément cette tornade qui se déchaînait en moi. Instinctivement, mes pas me guidèrent vers le seul lieu capable d'engranger toute la douleur qui m'enveloppait à cet instant, l'unique endroit qui pouvait m'éviter d'éclater.
Levant les yeux, je perçus les arbres dénudés qui avaient marqué mon enfance. Inlassablement, je revenais toujours vers ce lieu. Il était mon point d'ancrage lorsque mon monde s'écroulait. Promptement, j'ouvris la porte de mon cocon et m'assis sur le canapé. Je tentai désespérément de faire le vide et d'essayer d'assimiler ma découverte pourtant rien ne sembla fonctionner. Je tournai en rond, tel un lion en cage. Je résistai pour ne pas exploser. Je saisis mon téléphone et appelai mon éternelle confidente. Malheureusement, je tombai sur son répondeur.
– Luce, je suis à la cabane. Je ne vais pas bien. Je ne vais pas faire de bêtises, mais si tu veux en être sûre, tu peux venir. Mais je t'en supplie, s'il te plaît, je ne veux juste pas en parler...
Reposant mon portable, je relâchai petit à petit chaque muscle. Une première larme perla le long de ma joue. Une seule et unique perle d'eau salée. Symbole de la lame froide et solitaire qui s'était infiltrée en plein cœur aujourd'hui. Je n'avais rien vu venir, tout me semblait irréaliste. Pourtant lorsque j'assemblais chaque pièce du puzzle, cela faisait sens. Je n'étais pas folle. Cette bombe venait vraiment de m'exploser au visage. M'asseyant sur le canapé, je savourai le silence qui m'enveloppait, présent dans mes tourments, il était un ancien compagnon que j'aurais aimé ne jamais revoir. Toutefois en cet instant, il était le meilleur des remèdes à la bataille qui se jouait en mon sein.
Il fallut moins de cinq minutes de répit avant de voir différents prénoms défiler sur mon écran. Vincent, Juliette, Baptiste, Chloé, Leïla. Je ne pouvais répondre. Les mots me manquaient cruellement. Je soufflai lourdement et basculai ma tête en arrière.
– Lilou... Lilou...
Je tentai d'ouvrir les yeux, mais une violente douleur au crâne me fit grimacer.
– Doucement, souffla une voix qui avait le don d'apaiser mes maux. Relève-toi tranquillement.
Cette odeur de jasmin confirma l'hypothèse de sa présence. Alors avant même de lever le regard, je me blottis contre elle et humai son parfum. Elle nous berça durant de longues minutes et fredonna une mélodie de notre enfance. Elle s'arrêta et se mit à chuchoter.
– Tu sais que tu as de la chance que les voisins t'aient reconnue, car ils ont failli appeler les flics. À la place, ils ont appelé maman... Et Juliette aussi d'ailleurs...
– Pardon, je ne voulais pas vous faire peur, soufflai-je.
Elle resserra sa prise et caressa mes cheveux. Je profitai de ce court répit avant de me préparer à un interrogatoire en bonne et due forme. Me détachant lentement d'elle, j'aperçus un sac noir posé sur le sol. Percevant mon trouble, elle prit rapidement la parole.
– J'ai eu ton message alors j'ai fait en conséquence, dit-elle en le saisissant. On a donc des bonbons, des gâteaux, des livres, mon ordinateur portable, en bref de quoi passer une bonne soirée entre filles.
Elle venait littéralement de vider tout le contenu. Comme toujours, elle était parfaite. Alors que nous apprêtions à nous installer confortablement sur le canapé, mon téléphone vibra de nouveau. Vincent. Je n'eus le temps de réagir, qu'elle le prit en main et décrocha.
– Oui/... /Calme-toi, elle va bien. Je suis avec elle. /... /Non, je ne sais pas, mais rassure-toi je ne la lâche pas.
Elle échangea encore quelques secondes, lui demandant de prévenir notre groupe avant de raccrocher. Elle ricana doucement et reposa le combiné près de moi.
– Tu sais qu'à ce rythme-là, il va finir par te pucer pour être sûr de te retrouver où que tu sois, sourie-t-elle.
M'arrachant un léger rictus, je ne pouvais qu'approuver ses propos. Elle avait raison. Vincent passait son temps à veiller sur moi pourtant j'avais malheureusement confié mes pensées à un autre. Ressasser ce choix me brûlait de l'intérieur. Je tentai de combattre les larmes qui menaçaient de couler. Je soufflai lourdement et me blottis contre mon aînée.
– Allez, pousse toi, qu'on s'installe, dicta-t-elle en me donnant un petit coup de hanche. On se refait la saga Harry Potter ?
Elle tapait encore dans le mille. Si la perfection portait un nom, ce serait le sien. Observant ma sœur, elle semblait absorbée dans son installation. Une dizaine de minutes plus tard, tout était prêt. Il fallait que je profite de cette parenthèse qu'elle m'offrait. Respirer une dernière fois avant de devoir de nouveau nager à contre-courant...
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Coucou mes petits lecteurs,
Comment allez-vous ?
Je suis particulièrement ravie de vous partager ce chapitre qui marque un dernier tournant dans l'histoire. J'ai aimé vous livrer chaque ressenti de Lilou, vous plonger dans l'univers de Zac et dans cette découverte qui va changer la suite des événements. C'était particulièrement éprouvant mais j'espère qu'il vous aura plu.
Bref, j'ai vraiment hâte d'avoir votre avis sur le chapitre.
Bisous, bisous 🖤,
L.
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