Chapitre 47

Observant une dernière fois mon reflet, je me promettais de prendre du temps pour moi et de me reposer. La fatigue ne faisait qu'accentuer des traits déjà bien trop marqués sur mon visage d'adolescente.

– Lilou, Vincent t'attend ! cria Lau depuis le bas des escaliers.

Ce matin, je n'étais pas en avance. Je ne cessais de ressasser l'attitude de ma meilleure amie. Son absence me rongeait, mais je lui en voulais terriblement. Je n'arrivais pas à gérer tous ces sentiments contradictoires. J'avais l'impression qu'elle s'évertuait à appuyer là où cela faisait mal. La veille, elle s'était dirigée vers Axel et l'avait emmené à l'abri des regards pour discuter. J'avais dû prendre sur moi pour ne pas les suivre, écouter leur conversation et certainement la remettre à sa place. J'avais pris sur moi et étais restée bien sagement aux côtés de Baptiste, sans rien dire. Évidemment, mon brun m'avait appelée le soir même pour me rassurer. Il m'avait expliqué qu'elle l'avait questionné sur la nature de notre relation, interrogation à laquelle il lui avait répondu de venir me voir... Elle avait vraiment dépassé les limites et je comptais bien lui faire comprendre.

Vérifiant une dernière fois ma tenue, je me hâtai de rejoindre Vincent. Il avait fait de nombreux efforts. Il passait le plus clair de son temps à me taquiner et faisait attention à son comportement, ce que j'appréciais profondément. Depuis notre explication, il était revenu me chercher les matins et tolérait la présence d'Axel auprès de Baptiste et moi. Je sais que cela devait lui peser pourtant il n'en faisait rien. Blottie contre lui, il cala son bras sur mon épaule. Afin de rattraper mon retard, nous avancions rapidement, si bien que je ne m'attendais pas à sa question.

– Alors, tu lui donnes quelle note ? lâcha-t-il soudainement.

Je regardais le grand blond en haussant un sourcil. Je mis un certain temps à saisir le sens de son interrogation. Mais j'espérai sincèrement qu'il ne fasse pas référence à son sujet préféré parce que s'il voulait jouer, j'étais prête. Et avant même d'attendre ma réponse, un léger rictus apparut fièrement sur son visage.

– Bah oui au lit, il est comment ? reprit-il.

– Meilleur que toi, enchaînai-je. Je te jure si tu voyais comme la nature l'a gâté, je te promets qu'au vu de ce que me disait Zac, tu fais petit joueur à côté.

J'éclatai de rire tandis qu'il poussa un grognement avant de me donner un faible coup d'épaule. J'aimais beaucoup le taquiner surtout qu'il était particulièrement bon public.

– Je voulais te détendre un peu, pas me faire remballer, ronchonna-t-il avant de me serrer de nouveau contre lui. En vrai, comment tu vas depuis hier ?

– Pas très bien... Je ne comprends pas comment on en est arrivé à ces extrêmes-là...

– Quoi ? Mais Lilou, tu ne comprends pas ? s'exclama-t-il en prenant une voix très aiguë. Tu as trahi le pacte des best friend forever ! Le code des filles, voyons ! Avec Queen L, on va te renier !

Il agitait ses mains dans tous les sens et prenait des mimiques qui se voulaient féminines... Échec total, mais ça avait eu au moins le mérite de me faire rire. Il saisit mon poignet pour me retourner et lui faire face.

– Je blague... plus sérieusement, tu sais si ça a merdé, c'est que vous êtes deux passionnées, entières, têtues et un brin possessives. Vous détestez les mensonges alors elle avait beau t'avoir donné sa bénédiction, ça l'a blessée. Et comme elle est légèrement rancunière, elle te le fait payer... C'est pas bien, mais je la comprends.

Je baissai la tête, honteuse. Je savais le mal que cela lui avait fait. J'aimerais tellement pouvoir revenir en arrière et faire les choses autrement. Malheureusement, je devais assumer les conséquences de mes actes. En arrivant devant le lycée, mon brun solitaire m'attendait sagement. Depuis quelques jours, il patientait jusqu'à mon arrivée avant de se diriger vers la cour. Et ce matin-là n'échappait pas à la règle. Il m'adressa un clin d'œil seulement des éclats de voix m'interpellèrent, le timbre de l'une d'elles était bien trop familier. Cherchant leur provenance, mon regard se posa immédiatement sur mes deux amies d'enfance.

– Mais c'est toi qui fais de la merde Clo ! Donc soit tu es capable d'accepter que ta meilleure amie remonte la pente, soit tu vas perdre bien plus que ton ex...

La surprise me prenait aux tripes, je n'avais jamais vu Leïla dans cet état-là. Elle, qui d'ordinaire était joyeuse, semblait être animée d'une colère que je ne lui connaissais pas.

– Mais tu te rends compte de ce qu'elle a fa —

– Axel ne t'aimait pas, tu me l'as avoué ! Alors, tourne la page ! Maintenant, va voir Lilou et pardonne-lui ! Merde !

Sans attendre de réponse, elle tourna les talons et me rejoignit à coup de grandes enjambées. Je n'eus le temps de dire un mot qu'elle se blottit dans mes bras et se mit à pleurer. Je frottai son dos tentant de l'apaiser comme je le pouvais. Je m'en voulais terriblement. Au bout de quelques minutes, elle se détacha, essuya ses larmes et m'adressa un sourire réconfortant.

– Il fallait bien que quelqu'un la remette en place, elle va vraiment trop loin !

Elle prit ma main et nous guida en classe, laissant sur place un Vincent incrédule. Il venait d'assister au réveil de la tempête Leïla. Depuis que nous étions amies, je l'avais seulement vue deux fois perdre le contrôle, mais pas aussi excessivement. Lorsqu'en sixième, Clémence l'avait insultée, elle avait tenté de s'expliquer. Celle-ci ayant rajouté de l'huile sur le feu, Leïla en était venue au poing. Et ensuite en seconde, son amoureux l'a larguée par SMS. Autant dire que le manque de courage avait donné à la rupture un goût amer. Elle l'avait violemment recadré face à tout le lycée.

J'avais passé la journée entourée de Leïla, Vincent et Baptiste tandis que j'avais dû supporter la solitude de ma blonde. En effet, la vue de son visage penaud m'avait touchée. Malgré mon côté rancunier, je ne pouvais oublier notre lien et tout ce que nous avions traversé. Finalement, j'avais fini par flancher et lui avais envoyé un SMS durant notre dernier cours.

* Notre amitié ne devrait pas céder pour un garçon. Je m'excuse encore d'avoir pu te blesser... *

Je l'avais donc observée durant de la lecture de mon message et avait pu voir ses yeux s'embuer. Je sus alors que notre relation n'était pas finie, elle avait seulement besoin de temps pour le pardon et la réparation.

Il lui avait fallu deux jours pour oser faire un premier pas vers moi. Pourtant en voyant son geste, je fus particulièrement touchée. Elle avait glissé dans mon sac un petit papier. Une liste. Une énumération des instants douloureux que nous avions partagés. Symbole de la force du lien qui nous unissait. J'avais attendu la pause pour aller la voir et la prendre dans mes bras, parce qu'au fond son acte avait bien plus de valeur que les mots.

– Donc c'est bon ? On va pouvoir se faire un moment pyjama/confidences ? lâcha Leïla qui se tenait derrière nous.

Je vis la blonde esquisser un léger sourire, signe de son approbation. Il n'en fallait pas plus pour voir notre Marocaine sautiller partout et prévoir notre prochaine soirée. Évidemment, cela n'échappa pas à Vincent et Baptiste, qui au vu de leur visage paraissaient soulagés.

Ma vie reprenait peu à peu le cours normal. Chaque pièce s'assemblait doucement, mais sûrement m'offrant ainsi une délicate accalmie. Toutes ces émotions m'avaient cruellement fatiguée malheureusement ce n'était pas la bonne période pour manquer de repos. En effet, les examens du bac blanc commençaient la semaine suivante et même si je n'étais pas particulièrement studieuse, je devais absolument réviser pour rassurer mes proches sur mes progrès. Il fallait avouer que ces derniers mois j'avais manqué d'assiduité, de concentration et de motivation, mais au fond, bien avant tout ça, j'étais passionnée par certains de mes enseignements. J'aimais l'histoire, le français, les langues et les cours de sociologie. Je me souvenais parfaitement du nombre d'heures que j'avais pu passer à réviser, à faire des recherches et à m'investir. Mais je n'étais plus cette fille-là alors je devais redoubler d'efforts pour réussir à remonter la pente et atteindre tous les objectifs que je m'étais fixés.

J'avais donc ce mercredi après-midi prévu de travailler, mais je n'avais pas imaginé que ce serait un véritable défilé à la maison, comme un goût de mon ancienne vie. Avant ma rencontre avec Zac, ce jour-là donnait souvent lieu à des visites impromptues chez moi.

Le premier à avoir débarqué à l'improviste fut Baptiste. Il était venu me voir suite à une incompréhension avec Andréa. Étant sa seule confidente féminine, il souhaitait avoir des conseils pour arrondir les angles. J'avais tenté de lui prodiguer tout ce que je savais, mais je ne pouvais nier que cela me mettait plutôt mal à l'aise. Après ce que nous avions partagé, cela était très étrange. Il en avait profité pour me questionner sur Axel. Son engouement était communicatif, il était réellement heureux pour moi. Il m'avait alors proposé qu'on essaie de faire une sortie à quatre, histoire de faire plus ample connaissance. Même si c'était très gentil de sa part, je n'étais absolument pas prête à faire ce genre de choses. C'était vraiment trop frais, trop officiel...

Leïla fut la deuxième à effectuer un passage par ma chambre, chassant ainsi mon camarade. Évidemment ma tempête marocaine voulait que l'on programme une fête ce week-end. Elle espérait croiser Luce pour l'encourager à me forcer la main. Malheureusement pour elle, mon aînée était chez son petit-ami cet après-midi-là. J'avais fini par céder en acceptant une soirée pyjama entre filles à la maison. Rien de plus et même si ce n'est pas ce qu'elle espérait, elle accepta non sans ronchonner.

Malgré mon amour pour cette fille, j'appréciais de pouvoir me retrouver enfin seule pour travailler. J'avais décidé de tout miser sur mon option, avec un coefficient neuf, je devais me donner corps et âme aux sciences économiques et sociales. Vu le sujet, j'avais hâte de pouvoir m'y plonger : caractériser les inégalités de salaire selon le sexe et la catégorie socioprofessionnelle en France en 2013. J'aimais analyser les nombres, les faits et la société. Commençant à réunir les principales données, je me mis à rédiger mon plan ainsi qu'un argumentaire en vue de le détailler. Perdue dans ma rédaction, je sursautais de surprise en entendant la porte claquer.

– Lilou ? cria Laurianne en arrivant à la maison.

– Dans ma chambre !

Je posai mon stylo et m'apprêtai à subir l'assaut de ma petite sœur. Depuis qu'elle savait que j'avais de nouveau laissé entrer la danse dans ma vie, elle ne se lassait pas de me conter ses séances et ses exploits et je ne pouvais nier ce manque. Elle débarqua tout sourire et s'installa sur mon lit. Je l'observai durant quelques secondes attendant qu'elle se lance. Intérieurement, je pressentais qu'elle souhaitait me parler, mais ne savait pas comment s'y prendre. Triturant ses doigts, elle releva le visage dans ma direction.

– J'ai cours dans une heure, est-ce que tu veux bien m'accompagner au studio ? souffla-t-elle.

– Ce n'est pas ce que j'avais prévu mais oui, bien sûr.

Ce n'était clairement pas au programme, mais je voulais lui faire plaisir et surtout j'avais envie d'y aller. J'étais de nouveau prête à m'ouvrir à ce monde. Je ne danserai pas là-bas, mais j'avais besoin de me laisser bercer par les notes, de voir des danseuses effectuer des pliés, des sauts, des kicks, des rolls et des chassés.

Sans me laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit, elle s'éclipsa en sautillant. Je tentais vainement de me remettre au travail avant de l'accompagner à son entraînement. Mais c'était peine perdue, mon esprit vagabondait déjà sur les lames de parquet. Je me remémorai mes plus beaux souvenirs : mes premiers pas sur le plancher, ma première vraie chorégraphie en groupe, la première fois où j'ai réussi à faire le grand écart, les fous rires lors des essayages pour les costumes, l'annonce de mon solo de Noël... Tant de moments savoureux qui avaient rendu mon amour pour cet art encore plus fort.

Me dépêchant de me préparer, je l'avais donc accompagnée et avais partagé avec elle une heure de plaisir. Ma professeure de danse avait été plus que ravie de m'accueillir de nouveau, même en tant que simple spectatrice. Elle avait également noté mon changement d'attitude et m'avait glissé secrètement qu'elle avait hâte de me revoir me mouvoir sur le parquet. Évidemment, je n'avais rien dit sur ma reprise, mais je lui avais adressé un sourire franc et empli de promesses.

C'était sereine que j'arrivais alors à la maison. Seulement, je n'avais encore une fois pas prévu la visite de Vincent. Concentré sur son téléphone, il semblait calme. Il esquissa une moue contrariée en tapotant sur son clavier. M'attendant devant le perron, je ne pus m'empêcher de froncer les sourcils. Sa présence m'interpellait, comme un mauvais pressentiment, quelque chose d'inexplicable.

– Vous vous êtes tous donnés le mot pour venir me voir ? soufflai-je en me plantant devant lui.

Malgré son air pseudo surpris, je compris bien vite que quelque chose se tramait. Son sourire crispé et la petite lueur dans son regard le trahissaient.

– Non pas du tout, rétorqua-t-il rapidement.

Son ton validait mon hypothèse. Pourtant je fis comme si de rien n'était. Malheureusement, une pointe d'angoisse monta lentement en moi. Je le connaissais suffisamment bien pour savoir que s'il avait envoyé ses émissaires, c'était sûrement pour une bonne raison.

Sans un mot de plus, nous rentrions à l'intérieur. Lau se précipita sous la douche tandis que nous nous installions dans ma chambre. Assise sur le rebord de la fenêtre, je lançais les hostilités.

– Je sais que tu n'es pas là pour rien. Dis-moi ce que tu veux.

– Rien.

Efficace, concis et clair. Mais c'était mal me connaître. J'allais donc devoir ruser pour obtenir mes réponses, car il était hors de question que je lâche le morceau comme ça.

– Baptiste, Leïla, Chloé et toi, le même jour. Je suis loin d'être idiote !

Il tiqua lorsque je prononçai le nom de ma blonde. Je venais de marquer un point. Je tentai de ne rien laisser transparaître, seulement au fond de moi, une douce tempête se préparait.

– Cholé est passée ? Enfin peu importe, je vois pas de quoi tu parles.

Je sautai rapidement sur mes pieds. Je n'aimais pas qu'il se joue de moi. J'étais excitée par l'envie de découvrir ce qu'il cachait, mais le stress était bien plus oppressant en voyant tout le stratagème qu'il avait mis en place pour cette conversation.

– J'en étais sûre, j'avais raison ! Maintenant soit tu craches le morceau, soit tu t'en vas.

Il baissa immédiatement le visage et soupira longuement. Mordillant sa lèvre, je le vis passer ses mains sur son jean avant de se lancer.

– Lilou, j'ai eu Juliette au téléphone hier. Elle m'a dit que si nous ne pouvions pas, elle demanderait aux copains de rugby de le faire. Je sais à quel point c'est compliqué, mais s'il te plaît, je ne veux pas que n'importe qui vide sa chambre. Comprends-la c'est dur, elle passe devant chaque jour...

Je baissais, à mon tour, honteusement le regard. Il avait raison, vivre dans cette maison, avec tous ces souvenirs devait être une torture permanente. J'avais tellement espéré y échapper, mais je ne pouvais pas, je me devais de le faire pour elle, pour Vincent et surtout pour mon Zac... Je tentai de faire le vide pour pouvoir répondre à mon ami.

– Dis-lui que c'est d'accord et que nous serons là le dernier week-end de janvier.

J'avais besoin de me faire à l'idée d'être confrontée à cet environnement regorgeant d'instants magiques. Je comprenais mieux pourquoi il m'avait envoyé nos proches. Il avait voulu me détendre, me faire penser à autre chose avant que le couperet ne tombe.

– Merci Lilou...

Dix jours. Voilà le temps qu'il me restait avant de plonger dans une période chère à mes yeux. Un goût amer me gagnait. Ce qui était censé être les plus beaux moments de notre histoire avait viré au cauchemar. Ils étaient une véritable torture. Alors comme pour déconnecter, j'avais profité de chaque souffle pour me libérer. Le lendemain de ma discussion avec Vincent, je m'étais réfugiée auprès d'Axel. Nous avions passé notre pause déjeuner ensemble à l'abri des regards. J'avais besoin de couper et de sortir du lycée. Il était une douce parenthèse loin de mon passé et de mon lien avec Zac. Il ne me rappelait pas constamment le fait que j'avais perdu l'homme de ma vie. Il arrivait à m'offrir des heures hors du temps. Blottie contre lui, je me laissais aller dans ses bras. Nous échangions longuement sur notre enfance. Il me confiait sans honte que j'étais la seule fille avec laquelle il arrivait à parler de sa mère sans se laisser envahir par la colère. Peu à peu, il gagnait toute ma confiance et je m'attachais plus que je ne voulais bien me l'avouer. J'apprenais à savourer nos moments à deux sans culpabiliser, tout du moins, j'essayais.

De retour au lycée, nous nous réfugiions dans mon petit jardin secret. Calée contre son torse, je le questionnais sur ses histoires d'amour. Au vu de son passé avec Chloé, je l'imaginais déjà avec un tableau de chasse long comme le bras. En entendant ma question, il me retourna de façon à pouvoir planter ses yeux dans les miens.

– Je n'ai eu qu'une seule vraie relation. Je suis restée plusieurs mois avec une fille, mais elle se projetait alors que je n'étais pas prêt du tout, encore moins avec elle. Nous nous sommes séparés en bon terme. J'ai aussi couché avec plusieurs partenaires, moins d'une dizaine, c'est un fait. J'ai toujours été vigilant sur mes rapports si c'est ça qui t'inquiète.

Même si le compteur était suffisamment élevé, j'étais quelque peu rassurée. Je n'avais pas envie d'être une fille de plus, une parmi tant d'autres, pas avec lui... Pour le remercier de son honnêteté, je déposai un baiser sur ses lèvres. Malheureusement, la sonnerie marqua le glas de notre rencontre nous obligeant à rejoindre le flot des lycéens pour aller en cours.

Le samedi qui avait précédé mon rendez-vous chez Juliette, j'organisais la fameuse soirée pyjama chez moi. Comme par habitude, Luce nous avait préparé de quoi grignoter facilement. Ma famille avait déserté les lieux pour nous laisser le champ libre. Cependant, je ne pouvais nier que j'angoissais. J'avais peu échangé avec Chloé et Leïla avait été malade les deux jours précédents, mais elle avait refusé de reporter, je cite, nos « retrouvailles ». Assise dans le canapé, j'attendais leur arrivée en échangeant quelques messages avec Axel. Il trouvait que c'était une bonne idée de se voir en dehors du lycée pour apaiser les tensions tandis que moi j'avais envie d'une seule chose fuir chez lui et me couper de tout. Seulement, lorsqu'on frappa à la porte, je ne pouvais plus faire demi-tour. Je les laissai entrer et les invitai dans le salon. Installée, aucune de nous n'osait prendre la parole. Si la soirée se passait ainsi, cela allait être vraiment très long.

– Bon on va se regarder longtemps comme ça ? nous questionna Leïla.

J'aimais son impulsivité, sa folie et sa façon de nous recadrer. Elle était un lien, un tampon entre nous. Elle nous observa quelques instants avant d'enchaîner.

– Ok, Lilou a merdé à ne pas nous avoir dit qu'elle sort — enfin qu'elle voyait Axel. Mais toi Chloé tu t'es mal comportée. Donc balle au centre. On fait avec et on avance.

Elle avait raison, j'aurai dû agir différemment malheureusement c'est fait et je ne pouvais pas revenir en arrière. Relevant vers les yeux vers mes amies, je vis Chloé ouvrir la bouche plusieurs fois avant de la refermer. Alors je pris les devants.

– Pardonnez-moi. Je suis juste perdue et peut-être aussi que j'avais peur de votre regard... Je ne sais p —.

– Lilou, tu as le droit d'être heureuse, si tu l'es, on le sera. Oui c'est l'ex de Chloé, mais y'a pas mort d'homme. Et puis elle ne dit rien, mais je l'ai vu échanger des SMS peu catholiques avec Florent. Donc sujet clos. Bref sinon j'ai des choses à vous dire !

Leïla ou la façon de tout mettre à plat et en finir avec les discussions qui fâchent. Finalement, nous la laissions prendre les devants. Elle nous raconta qu'elle avait perdu sa virginité le week-end dernier et que c'était l'une des raisons pour lesquelles elle voulait qu'on se réunisse aussi vite. Elle voulait partager ça avec nous. Arthur avait sorti le grand jeu, un petit repas, des bougies, de la musique. Il avait voulu fêter leurs quatre mois ensemble. Telles deux enfants, nous buvions ses paroles. Elle nous expliqua avec beaucoup de tendresse qu'il avait été parfait, attentionné et bienveillant. J'étais tellement heureuse pour elle.

La joie de notre Marocaine finit par déteindre sur nous, nous amenant à nous confier chacune notre tour. J'appris ainsi que depuis la soirée du Nouvel An, Chloé était restée en contact avec Florent. Il semblait fortement intéressé par notre blonde, allant jusqu'à l'inviter au cinéma la semaine dernière. Elle nous avoua toutefois que même si ce garçon lui plaisait et se comportait bien, elle restait sur la réserve. Il ne fallait pas être devin pour savoir que mon histoire avec Axel en était la cause. Cette soirée se déroula finalement sans encombre. Je restai tout de même secrète sur mes échanges avec Axel, mais je leur avouai que je me sentais réellement bien avec lui. Enfin je me lançai dans l'ultime révélation. Alors comme pour tout mon entourage, je les remerciai pour leur soutien et leur amour avant de me mettre de me mettre debout et faire quelques pas. Ma Marocaine resta bouche bée tandis que notre acolyte se jeta dans mes bras à la fin de mon mouvement.

– Oh putain, je n'y crois pas ! murmura-t-elle blottie contre moi.

Quelques secondes plus tard, je fus prise en sandwich par mes deux amies, me laissant à peine de quoi respirer. Un câlin à la hauteur de notre amitié, de ce que nous avions partagé et bien plus encore. C'était sur cette note positive que nous décidions d'aller dans ma chambre pour finir notre soirée...

Cette courte évasion fut à l'image des quelques jours qui me restait avant ma rencontre avec la mère de Zac. J'avais tenté de ranger ce rendez-vous dans un coin de ma tête. Tous mes proches s'étaient passé le mot pour s'occuper de moi. J'étais réellement chouchoutée. Chacun veillait à être à mes côtés, à me faire rire, à me trouver des activités, à tout simplement me changer les idées. Voilà comment je m'étais retrouvée à une session shopping avec Leïla, à l'entraînement de rugby de Vincent et à une balade à cheval avec Axel. Évidemment, mon blond m'avait reproché de m'évader de temps en temps avec son adversaire, mais je ne lui en voulais pas. Ils faisaient tous tellement pour moi. De brefs instants me permettant de souffler, pourtant ce vendredi soir, face à mon carnet, j'étais perdue. Je n'arrivais pas à garder la tête hors de l'eau. Je me battais intérieurement avec mes anciens démons. Je savais que replonger dans l'univers de Zac allait être une torture, me rappeler chaque conversation, chaque caresse, chaque fou rire, chaque confidence. J'allais me noyer. Alors comme seul remède, je saisissais le stylo et me mis à griffonner rapidement dans mon cahier.

Vendredi 30 janvier
Mon Zac,

J'ai besoin de m'évader aujourd'hui à tes côtés. Je n'arrive pas à envisager sereinement la journée de demain. Je suis angoissée. Tout me fait peur. Le monde dans lequel on vit m'angoisse. Avancer m'effraie. M'accrocher à un autre garçon me pétrifie. Revivre nos souvenirs me tétanise. Toutes ces choses me terrifient. Je peine à entrevoir la suite. Ce soir bien plus encore, une symphonie désaccordée se joue en moi...

Zac, si tu savais comme tout peut sembler parfait si je faisais abstraction de ton absence... J'aimerais tellement revenir des mois en arrière et me blottir contre toi pour tout oublier, pour respirer de nouveau, pour vivre tout simplement.

Plus que tout...

Je fermai les yeux dans l'espoir de percevoir son odeur, de sentir sa chaleur, de m'entendre lui susurrer mes confidences. Des mots silencieux pour celui qui avait le pouvoir de libérer mon âme torturée...

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Coucou mes petits lecteurs,

Après le chapitre plus que mouvementé de la dernière fois, je vous ai proposé un chapitre plus calme, plus bienveillant. J'espère que vous l'avez savouré !

J'attends vos avis avec impatience sur toute la petite bande !

Bisous, bisous 🖤,
L.

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