Chapitre 46
Pour mon petit quotidien de lycéenne, les journées se suivaient et se ressemblaient. Malheureusement, pour la jeune femme sensible que j'étais devenue, les événements survenus chez nous en ce mois de janvier m'avaient sincèrement touchée. Des attentats. Trois jours d'informations en continue, de douleurs, d'inquiétude, de larmes. Comment pouvait-on en arriver là ? Comment peut-on croire que la vie a si peu d'importance ? Tuer pour quoi ? Pour qui ? Tant de questions sur la nature profonde de l'être humain. Ce genre de drame avait le don de me renfermer sur moi-même, mais par chance, le soutien de mon entourage me permit de garder la tête hors de l'eau.
La semaine qui suivit fut plutôt banale si je faisais abstraction de mes moments avec Axel. Une routine bien ficelée : cours, discussion entre amis et instants en famille. Avec mon brun, nous avions passé beaucoup de temps ensemble. Comme pour Vincent, je lui avais gentiment demandé d'éviter tout comportement désagréable à l'égard de mon blond. Évidemment, il avait eu le même type de réaction, le jugeant bien trop proche de moi pour un simple copain, toutefois je n'avais pas eu besoin d'argumenter sur l'importance de sa présence à mes côtés. Nous n'avions plus échangé de baisers, je crois que nous apprenions juste à nous connaître véritablement. J'aimais la douceur de nos rendez-vous, il veillait à ne pas aborder certains sujets délicats pourtant ils planaient au-dessus de ma tête telle une épée de Damoclès.
J'avais essayé de parler avec Chloé de ma proximité nouvelle vis-à-vis de son ex-petit ami malheureusement à chaque fois quelqu'un venait nous interrompre. Je m'étais laissée le week-end pour essayer de réfléchir à la situation. Après avoir pris des conseils auprès de ma grande sœur, j'avais donc choisi d'en discuter avec Axel, car finalement lui aussi était concerné par le problème. Nous étions allés dans un parc à côté de chez moi pour ne se retrouver qu'à deux. Son côté posé, mature m'apaisa et me permit d'envisager une conversation calme et honnête avec ma meilleure amie. Je ne pouvais nier que l'angoisse allait certainement de nouveau pointer le bout de son nez, mais il avait su me faire relativiser et me rappeler la longévité et la force de ma relation avec ma blonde. Malheureusement, je ne savais pas que le destin allait me forcer la main.
Apaisée, j'avais pris la décision en me levant ce lundi-là de crever l'abcès avec elle. J'espérais pouvoir lui parler seule à seule après notre pause déjeuner. Accompagnée de Vincent, j'arrivai sereine au lycée. Pourtant lorsque j'entrai dans la cour et croisai le regard de Leïla, je sus que quelque chose clochait, mais je ne compris pas immédiatement le problème.
– Bonjour les plus belles ! lâcha Vincent à l'attention de mes amies.
– Salut Vincent et la traite ! claqua Chloé en me fixant.
Surprise, je reculai d'un pas. Je connaissais bien trop cet air. Et même si je priais intérieurement que personne n'ait osé lui en parler avant moi et qu'elle fasse référence à autre chose, je sus rapidement que je faisais erreur. Je n'avais pas besoin qu'elle me fasse un dessin. Je ne voyais plus rien autour de moi. Il n'y avait plus qu'elle et moi.
– Ça fait combien de temps que tu le vois ? Non parce qu'après Matthieu, Zac, Baptiste et Vincent, il fallait que tu te tapes Axel ? Sérieusement Lilou ? T'as pas trouvé mieux que de te taper mon ex ?
Si je n'avais pas déjà touché le fond à une certaine période, j'avais la sensation que mon univers s'écroulait. Ses éternels yeux bleus s'étaient assombris et ses traits étaient particulièrement tirés. Elle énumérait ces garçons comme si je les avais collectionnés, comme si j'étais une traînée qui avait accumulé les coups d'un soir. Matthieu avait été mon premier amoureux. J'avais attendu six mois avant de perdre ma virginité. Et il avait fini par déménager quelques semaines plus tard. Zac, l'homme de ma vie et Baptiste, un soutien inconditionnel, un exutoire dans ma douleur. Elle se trompait si elle croyait que je couchais avec tout le monde...
– Que tu te rapproches de lui pourquoi pas même si ça me fait du mal, mais vous voir dans notre dos ? Nous prendre pour des cons ça vous amuse ? Hein ça fait combien de temps que tu te paies notre tête ? Que tu passes ton temps à nous mentir sur tout et n'importe quoi ?
Ces mots sifflaient comme des balles, m'atteignant violemment. Même si je comprenais sa colère et sa souffrance, j'étais terriblement déçue et blessée de ses remarques acerbes. Les larmes commencèrent à monter pourtant elle était loin d'en avoir fini.
– Quoi Vincent t'es pas au courant ? T'es pas au courant qu'elle se fout ouvertement de notre gueule ? Qu'elle a fini par trouver du réconfort ailleurs ? Elle se tape Axel dans notre dos, petit rendez-vous, câlin ! Je te laisse imaginer la suite...
Obnubilée par ses propos, je n'avais pas perçu l'éloignement de mon blond. Il avait reculé, se positionnant derrière moi. J'imaginais à quel point les paroles de Chloé pouvaient le blesser profondément, mais je n'osais bouger, je ne voulais pas croiser son regard meurtri. Leïla, quant à elle, avait fini par poser sa main sur la bouche de notre amie. Je me sentais perdue au milieu des gens auxquels je tenais. Mon attitude égoïste, pudique et silencieuse avait eu raison de nos liens.
– Je... Non, enfin... Je... C'est pas... Je sui –
– Est-ce que c'est vrai Lilou ? me coupa brusquement Vincent.
Lentement, je me retournai prête à affronter ses iris noisette. Lorsque je rencontrai son visage, je pris conscience que j'étais en train de perdre mon pilier. J'allais perdre mon repère, celui qui m'avait maintenue debout depuis plus de trois mois. La culpabilité s'insinuait sournoisement en moi, me broyant les entrailles.
– Je ne couche pas avec lui, mais oui, on se voit... murmurai-je honteuse.
Soudainement, la sonnerie retentit, amenant avec elle son flot de lycéens. Des centaines d'adolescents se dirigeant ensemble vers une seule et même direction. Figée, je vis mes amis les suivre. Plantée en plein milieu de la cour, je n'arrivais plus à bouger. J'étais parcouru d'un frisson glacial. Mon cœur venait de tomber dans les tréfonds de mon être. Les yeux baignés de larmes, je m'apprêtais à m'effondrer lorsque je sentis un bras me maintenir.
– Lilou, ne pleure pas... Ils ont besoin de temps pour avaler la pilule, mais ne t'inquiète pas. Je suis avec toi... Respire, je t'en supplie Lilou.
J'avais beau savoir que Leïla se tenait à mes côtés, la solitude me gagna violemment. Perdue dans cette tempête de sentiments, je vis Baptiste arriver en courant. Pourtant telle une spectatrice, j'assistais à l'échange entre mes deux amis. Je n'arrivai pas à aligner deux mots, j'étais paralysée. J'aurais aimé réagir, me défendre, m'expliquer, leur demander pardon, mais rien, le néant. Je ne sus combien de temps s'était écoulé. Je me souviens simplement de l'enchaînement des événements, sans comprendre comment nous en étions arrivés là. Le coup de téléphone de Baptiste, l'arrivée de Luce, le trajet en voiture, le retour à la maison, la tendresse de ses paroles, son appel, le visage d'Axel chez moi.
J'étais à présent dans ma chambre, allongée dans mon lit depuis bien trop longtemps déjà. Les larmes désormais taries, le brun me berçait doucement, comme s'il avait peur de me casser. Malheureusement il ne comprenait pas que j'étais brisée de l'intérieur. De par mes actes, mes secrets, mon égoïsme, je venais de couper le fil ténu qui me maintenait debout. Il ne cessait de répéter qu'il était désolé, mais il n'y était pour rien. J'étais encore une fois l'unique fautive... J'étais qu'une putain de gamine capricieuse et égocentrique. Je méritais tout ce qui m'arrivait. Rongée par mon ancienne compagne, la colère, je tentai de ne pas hurler cette douleur qui me broyait les entrailles. Je soufflai lourdement et me concentrai sur les balancements produits par le brun. Perdue dans mes songes, c'est seulement lorsqu'il prononça le nom de mon blond, que je sortis de ma léthargie.
– Parle lui Lou, écris-lui... Il te pardonnera, j'en suis sûr. Il tient beaucoup trop à toi pour t'abandonner, c'est ton meilleur ami. Tu sais, je suis prêt à prendre mes distances, s'il le faut, parce que je ne veux plus voir de larmes couler sur ton visage. Il y en a déjà eu bien trop. Et ne t'inquiète pas je me charge de Chloé, promis...
Il était hors de question qu'il s'éloigne, je ne voulais pas le perdre lui aussi. Cependant ma version dépressive me soufflait que je ne le méritais pas et que je n'étais bonne qu'à faire souffrir les gens autour de moi... Il prit mon téléphone, afficha le numéro de Vincent et me le tendit.
– Fais-le, chuchota-t-il en déposant un baiser sur mon front.
S'éclipsant discrètement, je fixai de nouveau l'écran de mon portable. Terrifiée, je n'osais appeler. J'imaginais le pire scénario, j'entendais déjà sa voix me dire qu'il ne voulait plus me voir, que j'allais devoir avancer sans lui, que j'étais désormais rayée de sa vie... Je soufflai lourdement et appuyai sur le petit icône. Tremblante, je portai le combiné à mon oreille. Mon palpitant avait décidé de reprendre sa course effrénée, mes mains s'agitaient dans tous les sens et ma respiration se fit haletante.
– Allô ?
Son timbre dur et cassé résonnait en moi, comme les coups de marteau au cœur de ma cage thoracique. Soulagée de constater qu'il avait quand même décroché, je décidai de prendre les rênes et de me lancer.
– Vincent, c'est Lil —
– Je sais que c'est toi, lâcha-t-il sèchement.
La conversation commençait mal. Je pris sur moi et tentai de rassembler mes pensées. Je devais le pousser à m'écouter et à comprendre.
– Pardonne-moi. Je sais que je t'ai bl — .
– Je n'ai pas env —
– Laisse-moi parler Vincent. Je tiens à toi sincèrement et profondément. Tu es celui qui m'a aidée à me relever, à avancer, à reprendre confiance. Je sais que je t'ai blessé, mais ce n'était pas volontaire. Je suis juste perdue. D'une certaine manière, je t'aime, mais Vincent, tu étais le meilleur ami de Zac... Je ne peux pas, c'est trop difficile. Notre situation, c'est trop compliqué pour moi. Avec lui c'est plus simple, plus léger. Il ne me rappelle pas sans cesse son départ. Alors oui, je suis désolée de t'avoir caché que je le voyais, mais ce n'était pas pour te faire du mal... J'ai besoin de toi, et j'espère au fond que toi aussi. On est plus forts ensemble. J'ai peur sans toi. Je ne veux pas te perdre, je t'en supplie...
Un long silence s'installa entre nous, mais il était hors de question que je lâche le morceau. Je lui avais ouvert mon cœur et j'espérai avoir pu toucher le sien... Les secondes défilèrent, puis les minutes me plongeant dans une incertitude grandissante.
– Tu ne me perdras pas, mais c'est dur Lilou. Je n'arrive pas à t'imaginer avec un autre homme. Et pourquoi tu me l'as caché ? Je pensais qu'on pouvait tout se dire et j'ai l'impression d'avoir raté quelque chose...
– Si je n'ai rien dit, c'est parce que je ne savais pas quoi dire. Je n'arrive pas à poser des mots sur toute cette situation, sur ce que je ressens, sur mon évolution.
Pour la première fois depuis le début de notre échange, je soufflai enfin. Mes confessions m'avaient libérée d'un poids et avaient amené mon meilleur ami à m'écouter. Nous étions restés une vingtaine de minutes au téléphone, nous excusant mutuellement pour notre comportement, nous rassurant sur notre lien et nous promettant d'être là l'un pour l'autre. Évidemment, il m'avait demandé de ne pas m'afficher devant lui avec Axel, mais souhaitait tout de même être prévenu de l'avancée de notre relation. Au moment de raccrocher, je m'excusai une dernière fois...
J'étais restée assise un long moment avant de pouvoir tout assimiler. Je savais qu'il mettrait du temps à me pardonner, mais je croyais en notre amitié, à notre lien indéfectible. Je décidai de sortir de ma bulle et de descendre dans le salon afin de remercier Axel pour son aide. Seulement en arrivant en bas, je fus surprise de me retrouver nez à nez avec celle qui avait fait exploser mon secret le matin même. J'avais fini par accepter la réaction de Vincent mais malheureusement l'attitude de Chloé m'avait profondément choquée et je n'arrivais pas à la digérer. La voir chez moi, debout dans ma cuisine ne faisait pas partie du programme. Alors comme pour montrer mon mécontentement, je croisai fermement les bras sur ma poitrine.
– Tu es venu me chercher, tu m'as traînée ici, tu veux quoi de plus ? lança-t-elle en regardant notre ami commun.
Elle avait donc décidé de me snober ouvertement. Même si cela me brisait le cœur, je décidai de ne rien lâcher. Oui j'avais peut-être mal agi, mais ses accusations m'avaient blessée, surtout venant d'elle. Elle, que j'avais accompagnée chez la psy, elle que j'avais consolée à chacune de ses ruptures, elle que j'avais soutenue lorsque son frère était parti à l'étranger, c'était bien plus qu'une amie.
– Chloé, j'ai merdé avec toi. Je le sais et je m'en excuse. Mais Lou n'y est pour rien. Ça s'est fait naturellement... Elle était prête à t'en parler en tête à tête, mais tu — .
– Laisse Axel, ça ne sert à rien... soufflai-je, défaitiste.
Lasse, je me dirigeai vers le salon. J'étais tout simplement épuisée de devoir me battre constamment contre elle. Ce soir, j'avais envie de baisser les bras et de me réfugier dans mon lit pour pleurer.
– Tu aurais dû m'en parler dès le début Lilou, cria-t-elle, m'obligeant à lui faire face. Tu aurais dû me dire que tu le voyais, que vous étiez ensemble, que tu sortais avec mon ex...
– Je ne sors pas avec Chloé. Il est là, le problème. En parler m'obligeait à mettre un mot sur une relation que je n'arrive pas à définir. Alors oui je l'ai embrassé, plusieurs fois, oui j'aime être avec lui, oui je me sens bien près de lui, mais je ne veux pas d'étiquette. Je ne suis pas prête !
– Mais je suis ta meill —
– Je sais Chloé, tu es ma meilleure amie, une des personnes qui me connaît le mieux, mais comment parler de ce que je ressens pour lui alors que je suis perdue. Putain Chloé, merde ! Si tu savais à quel point ça fait mal. Ça fait mal d'avancer, ça me brûle de l'intérieur. Ça me broie les tripes ! Je culpabilise d'aimer la présence d'Axel à mes côtés. Donc oui tu es ma sœur de cœur, oui c'est ton ex et j'en suis terriblement désolée, mais c'est trop difficile...
Le souffle court, j'avais la sensation que mon organe vital allait sortir de ma poitrine et que mon être allait s'embraser sous la fureur. Alors que je m'apprêtais à faire demi-tour, elle me coupa dans mon élan.
– Tu vois tu fuis comme toujours...
– Je ne fuis pas Chloé ! Je gère comme je peux. Je canalise ma colère, je fais en sorte de ne pas dire de choses que je pourrais regretter. Alors je sais que je dois fatiguer la plupart de mes proches avec mes phases dépressives, mais je tente autant que je peux de garder la tête hors de l'eau, débitai-je tentant de me calmer. Sur ce, je te souhaite une bonne soirée Clo.
Courant jusque dans la chambre de Luce, je me réfugiai dans ses bras. Elle me berça de longues minutes dans un mutisme réconfortant. Je luttais de tout mon être contre les larmes qui menaçaient de couler de nouveau.
– Elle est ici ! cria mon aînée en me maintenant contre elle.
Un bruit de porte me tira de son étreinte. Relevant les yeux, je tombai nez à nez avec la mine attristée d'Axel. Le connaissant, il devait culpabiliser de notre entretien. Abandonnant ma sœur, je me précipitai contre son torse. Blottie contre lui, j'entendis Luce approcher et murmurer quelques mots à l'oreille du brun.
– Prends soin d'elle s'il te plaît et merci pour tout ce que tu fais...
Nous avions fini par retourner dans ma chambre et nous poser dans un silence réconfortant jusqu'à ce que ma mère revienne. Au moment de son départ, je vis l'hésitation poindre dans son regard, mais après tout le soutien qu'il m'avait apporté, je ne pouvais pas me tenir éloignée de ce garçon. Comme pour effacer toute crainte de sa part, je déposai un doux baiser sur ses lèvres. À peine avait-il franchi le seuil de la porte que ma génitrice faisait son entrée. Je m'attendais à me faire passer un savon en apprenant que je n'avais pas été en cours pourtant elle n'en fit rien. Je soupçonnais Luce d'être derrière tout cela. Nous avions passé une soirée entre filles, simple, tendre. Un instant parfait pour cette journée atroce...
Malheureusement au moment d'aller se coucher, tous les événements me revenaient de plein fouet. Alors comme par habitude, je couchais sur papier toute cette tempête, toute mon angoisse. Trente minutes en tête à tête avec mon Zac. Seulement cette fois-ci, cela ne suffit pas. Comment ne pas culpabiliser, comment ne pas m'en vouloir, comment gérer tous ces sentiments ? Je ne veux pas avoir à choisir. Je ne veux pas avoir à tirer un trait sur Axel. Je ne veux pas de cette fichue bataille. Je ne voulais pas perdre Chloé. Dire que je me sentais noyée était un euphémisme...
Malgré les somnifères, ma nuit avait été un véritable cauchemar et les cernes qui ornaient mon visage en étaient la preuve. Ce matin-là, j'agissais tel un robot, tout se faisait de façon automatique. Se lever, se préparer, déjeuner, partir. En sortant, Baptiste se tenait sur le perron de ma porte. Déposant un bisou sur ma joue, il inspecta mon minois sous toutes les coutures. Au vu de sa grimace, ça ne devait pas être beau à voir. Pourtant il ne fit aucune remarque. Collée à lui, comme un naufragé à sa bouée de sauvetage, le début du trajet se passa sans un bruit jusqu'à notre arrivée au lycée. Alors que nous nous apprêtions à nous diriger vers nos classes, je sentis Baptiste me lâcher et le vis courir précipitamment. Suivant ses traces aussi vite que possible, je ne m'attendais pas à trouver Axel et Vincent au sol.
– Je t'avais dit de ne pas la toucher connard ! hurla le grand blond en assénant un coup de poing dans le ventre de son adversaire.
Je n'eus le temps de réagir que Baptiste tentait de soulever son meilleur ami. Deux autres garçons s'interposèrent arrêtant ainsi la bagarre. Il me fallut quelques secondes pour réaliser ce qui venait de se dérouler. Tentant de ranger ma colère, je me frayai un chemin et passai devant les deux guignols sans leur accorder le moindre regard. Je ne savais pas lequel des deux avait pu commencer, mais je n'approuvais pas cette brutalité. Lorsque j'entrai en classe, mes deux anciennes copines étaient déjà en place. Hésitante, je les saluai avant de m'asseoir derrière elles. Leïla m'adressa un sourire chaleureux, malheureusement ce ne fut pas le cas de Chloé. Je les observais et cela me brisait le cœur. J'avais passé l'heure à admirer mes deux meilleures amies, songeant par la même occasion à la violente dispute entre Axel et Vincent. Mon monde s'écroulait. Je n'avais plus de repère, mes piliers n'étaient plus à mes côtés. Je ne pouvais pas fuir, je devais me battre. C'était ma promesse, pourtant en cet instant cela s'apparentait plus à une véritable guerre, qu'une simple bataille.
La matinée passa à une lenteur extrême. Rien ne m'était épargné. J'avais croisé Chloé en compagnie de Vincent, Axel déambulant seul dans les couloirs... Lorsque sonna la fin de l'heure, je me dépêchai de sortir du bâtiment et de me rendre à la cafèt.
– Bon ma Lilou, c'est vrai toi et Axel ? souffla Baptiste en posant son bras sur mes épaules.
Perdue dans mes pensées, je ne l'avais pas vu arriver. Relevant le regard, je vis un sourire se dessiner sur ses lèvres gercées par le froid.
– Je n'aurai pas misé sur lui, poursuivit-il. Mais j'ai l'impression que vous partagez plus de choses qu'on ne le croit. Si tu te sens bien avec lui, Lou, je suis heureux pour toi. Tu le mérites plus que n'importe qui, vraiment et quand les autres abrutis l'auront compris, ils seront d'accord avec moi...
Ses mots me touchèrent en plein cœur. J'étais soulagée de voir que l'un de mes proches validait mon lien avec mon brun. Il s'arrêta soudainement et se pencha à mon oreille.
– D'ailleurs je crois qu'il t'attend et sois sympa, il n'est pas responsable de la bagarre de ce matin...
Son regard se reporta immédiatement vers un coin de la cour. Il était là, posé contre un mur, les yeux dans ma direction. Son bonnet noir vissé sur sa tête faisait ressortir les verts de ses iris. En m'approchant, je vis ses fossettes se creuser. Alors même si je n'avais pas apprécié de le voir se battre, il venait de faire tomber mes barrières. Vérifiant que personne ne nous regarde, je me blottis contre lui.
– Lou, je m'excuse, chuchota-t-il.
Me détachant de lui, je vis un bleu orner son visage. Vincent ne l'avait vraiment pas raté : pommette, lippe inférieure et certainement bien d'autres sous son t-shirt. Posant délicatement mes doigts sur sa joue, je le caressai tendrement.
– Je suis désolée... Je ne t'apporte que des ennuis... soufflai-je.
– Ne dis plus jamais ça, s'il te plaît, dit-il en me relevant le menton. Tu ne sais même pas ce que ça fait de juste pouvoir être moi, de ne pas avoir à cacher mon passé, d'être avec quelqu'un qui peut comprendre ce que je ressens. Alors oui, ce n'est pas simple, il y a encore beaucoup de choses dont on doit parler, mais je me sens bien avec toi...
Il n'en fallut pas plus pour me faire craquer, je me hissai sur la pointe des pieds et déposai furtivement un baiser sur ses lèvres. Telle une enfant prise la main dans le sac, je ne pus m'empêcher de glousser.
– Tu es vraiment très belle quand tu souris.
Je baissai le visage, rouge de gêne. Mordillant ma lippe inférieure, je tentai de contrôler mon envie de rester contre lui pour le reste de la journée. Par sa présence, sa douceur, ses mots, il apaisait la souffrance infligée par mes amis. Évidemment, il ne les remplaçait pas, mais je savais qu'il souhaitait faire du mieux qu'il pouvait. Avec toute la délicatesse qu'il le caractérisait, il m'expliqua qu'il serait préférable que nous nous voyions à l'extérieur du lycée afin de ne pas me mettre en porte-à-faux vis-à-vis de mes camarades. Lui adressant un dernier regard, je le laissai et rentrai à l'intérieur pour aller manger.
Obnubilée par la nourriture posée sur mon plateau, je ne vis pas immédiatement mon blond déposer le sien face à moi.
– Je suis désolée Lilou. Je suis un con. Un con qui tient vraiment à toi. Je t'en ai voulu de m'avoir menti et lui... Putain Lilou, je l'aime pas. J'aime pas sa façon de te regarder... C'est comme si le mec avait un secret de la taille d'un poids lourd. Mais pardon, ça n'excuse pas mon comportement...
Du grand Vincent. Il parvenait toujours à me toucher. Il campait sur ses positions, mais était capable de reconnaître ses torts. Et malheureusement pour moi, je n'arrivais pas à lui en vouloir longtemps...
– Pose tes fesses imbécile ! répondis-je en esquissant un sourire.
Croquant dans mon burger, je le fixai. Je rêvais de pouvoir lire dans ses pensées, savoir ce qui pouvait bien se tramer dans son esprit, le comprendre et le rassurer.
– Lilou, j'ai merdé, toi aussi, les compteurs sont à zéro...
Il attendait une réaction de ma part, mais je ne voulais pas lui donner satisfaction. Je détestais qu'il utilise la violence comme réponse et je comptais bien le lui rappeler. Donc sans un mot, je continuais à manger.
– Lilou, bordel, il faut que je fasse quoi pour que tu me parles ? dit-il en me retirant la nourriture des mains.
Je haussai un sourcil. Il venait vraiment de m'enlever ce que je m'apprêtai à manger. Cet homme courrait à sa perte.
– T'es fou ! Alors, premièrement ne refais plus ça, ne m'ôte plus jamais un burger de la bouche et deuxièmement, que tu arrêtes d'utiliser tes poings pour t'exprimer. Je ne te demande pas de m'encourager avec Axel, mais arrête de te jeter sur lui comme un sauvage.
Il se renfrogna comme un enfant à qui je venais de refuser un caprice. Mais quoi qu'il en soit, je ne voulais pas céder.
– T'es chiante, concéda-t-il. Mais par contre, je te préviens que s'il se comporte mal, je lui refais le portrait.
J'opinai de la tête, car quoi qu'il arrive, même si je ne savais pas quel chemin nous empruntions, je ne laisserai personne entrer dans notre bulle.
J'espérai du fond de mon cœur que Chloé finisse elle aussi par l'accepter, parce que j'avais besoin d'eux tous autant qu'ils étaient. Ils étaient ma force, mes piliers...
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Coucou mes petits lecteurs,
Comme je vous l'avais dit, ça remue un peu et on retrouve une Lilou un peu en vrac.
Que pensez-vous de la réaction de Chloé ? Celle de Vincent ?
Et Axel... Je fonds ^^ Je le trouve juste adorable et vous ?
Bref j'espère que ça vous a plu !
Bisous, bisous 🖤,
L.
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