Chapitre 44
De légères vibrations me sortirent de mon délicieux sommeil. Un rêve bien trop doux pour avoir envie d'en sortir. Tentant désespérément d'attraper mon téléphone, je me retrouvai les fesses au sol dans un fracas assourdissant. Je me frottai le bas du dos, victime de ma chute, pourtant cela ne m'arrêtait pas. Saisissant mon smartphone, un sourire prit immédiatement place sur mon visage à la lecture du message.
* Merci pour hier soir, grâce à toi j'ai dormi comme un bébé... Merci pour ta confiance. Bisous * — Axel
Cet homme réussissait toujours à avoir le geste pour me toucher et tout comme lui, il y avait bien longtemps que ma nuit n'avait pas été aussi reposante.
– Mais tu fous quoi Lilou ? me cria Luce en entrant dans ma chambre.
Absorbée par ce petit texto, je ne l'avais pas vue arriver. Je n'osais imaginer la vision qu'elle devait avoir de moi. Cheveux en l'air, pyjama dans tous les sens, à moitié assise par terre, un sourire béat collé sur mes lèvres. On pouvait avoir l'impression qu'une tornade était passée par là. En guise de réponse, je haussai les épaules. Parce que peu importe comment je m'étais retrouvée dans cette position, l'unique chose qui comptait était cette douce sensation nichée au creux de mon ventre qui me tirait vers le haut. Je relevai les yeux et observai mon aînée quand j'aperçus un léger rictus.
– Si seulement tu pouvais te voir... C'est magique ! souffla-t-elle.
S'installant en tailleur à mes côtés, elle saisit mon plaid polaire pour nous recouvrir. Elle me recoiffa et posa sa tête sur ma clavicule. Je profitai de cette tendresse, de cet amour pour faire le plein, comme une batterie qu'on voudrait recharger.
– Je n'étais pas là hier soir, tu me fais un débrief ou je vais devoir me contenter de la simple hypothèse que tu as rejoint Axel ?
De bonne humeur, je tentai de me jouer de ma sœur en lui faisant un petit tour dont elle seule avait le secret. Je me redressai, me plaçai face à elle et essayai de rester impassible.
– En fait, ce n'était pas avec lui... J'ai repris rendez-vous avec le tatoueur et je me suis faite un nouveau tatouage sur le haut de la cuisse... avouai-je en faisant semblant de cacher un potentiel croquis sur mon corps.
– OK, donc t'as vu Axel, c'était comment dis-moi tout ?
Échec... Elle me connaissait mieux que personne... Au fond je n'avais envie que d'une chose, lui raconter ce super moment avec mon beau brun. Mais je voulais la faire languir un peu, comme elle aimait le faire. Je m'engageais ainsi dans un monologue avant d'aborder le vrai sujet.
– Hier on a ramené Lina à la gare et je t'avoue que ça m'a sincèrement attristée. Donc en rentrant, j'ai pris un petit goûter, une tartine de nutella avec un grand verre de jus de fruits. Puis en discutant avec les parents, j'ai réussi à négocier une sortie tranquille. Ils ont fini par accepter et j'ai été me changer. Comme il faisait froid, j'ai opté pour un pull hyper chaud et un jean. Je me suis maquillée avec parcimonie pour avoir bonne mine. Puis j'ai attendu légèrement stressée que mon conducteur arrive. Alors en attend —.
– Abrège Lilou !
Je pouffai de rire. Même si Luce était d'une patience sans faille, je me rendis compte qu'elle n'aimait pas que je joue avec ses nerfs de la sorte. Je secouai la tête et recommençai en bref et en clair.
– Axel est venu me chercher hier... Il m'a emmenée faire une balade à cheval, c'est un très bon cavalier. En fait, il m'a parlé de lui, il s'est livré un peu plus. C'était... je ne sais pas, perturbant. Tu sais, il semblait si secret avant et là, j'ai l'impression d'avoir un Axel plus doux, plus apaisé, prêt à me parler de lui. Il est tellement attachant...
Je ne pus m'empêcher de me mordre la lèvre inférieure en repensant à nos baisers. Je n'avais aucune certitude sur le chemin que nous empruntions, mais je me sentais bien avec lui. J'aimais sa façon de s'ouvrir, de me faire une place dans son monde, une place dans cet univers.
– Je suis heureuse pour toi, vraiment, mais... Je peux juste te poser une question ?
J'acquiesçai à vrai dire, ce matin, je me sentais prête à tout affronter. Elle pouvait me faire passer un interrogatoire, même me torturer que je dirais oui à tout. Fixant mon aînée, je sentis son hésitation poindre.
– Tu en as parlé avec Vincent ? Ou à quelqu'un du lycée ?
Fronçant les sourcils, je ne voyais pas où elle voulait en venir. Je ne faisais de mal à personne à partager de doux instants avec Axel, cela n'appartenait qu'à nous. Je ne voyais pas l'intérêt de l'exposer.
– Je pense que tu devrais dire à Vincent et Chloé que toi et Axel passez du temps ensemble. Ce sont tes meilleurs amis.
Elle avait certainement raison, mais raconter nos rendez-vous ou notre relation reviendrait à devoir poser un mot dessus, nous coller une étiquette. Or je ne le voulais pas. Je ne voulais pas définir ce que nous avions. Je n'étais pas prête. Nous n'étions pas de simples camarades, c'était un fait, mais je ne pouvais pas envisager plus pour l'instant. Je ne pouvais pas lui offrir plus que ce que nous étions à ce moment-là.
M'affaissant pour poser ma tête sur ses cuisses, je la laissai me caresser les cheveux tandis que je lui livrais mes heures de petits bonheurs partagés avec mon brun.
– Hier c'était léger, naturel, Luce. Il n'y avait que nous. J'ai envie de nous garder dans cette bulle. J'ai envie de pouvoir l'embrasser sans ressentir une quelconque pression ou jugement. J'ai envie de me sentir libre à ses côtés. J'aime son regard se poser sur moi, j'aime la douceur qu'il a à mon égard et je n'ai pas besoin que quelqu'un vienne semer le trouble pour le moment...
Je vis dans ses yeux que même si ce n'était pas la solution, elle comprenait mon point de vue. Elle sembla chercher ses propos durant quelques secondes avant de prendre la parole.
– Tu n'imagines pas à quel point je suis heureuse de te voir dans cet état. Entendre ses mots sortir de ta bouche, c'est tellement inespéré. Je suis fière de toi, petite sœur, du chemin que tu as parcouru. Je suis —
sa voix se brisa soudainement. Levant le menton vers elle, je vis au coin de ses yeux des larmes que j'aurais aimé lui éviter. Je savais qu'elle ne pourrait jamais oublier l'enfer que j'avais fait vivre à ma famille ni la vision de mon corps inanimé à la cabane. Mais comme je l'avais promis à Zac, je me battrai quoiqu'il m'en coûte.
– C'est grâce à toi, murmurai-je en ancrant mes iris aux siens. Tu m'as sauvée et tu me portes à bout de bras pour que je ne sombre plus. Merci...
Nous restions ainsi de longues minutes dans un silence qui nous appartenait. Elle reprenait doucement consistance et moi j'étais soulagée d'avoir pu me livrer. Je savais qu'elle n'aimait pas craquer devant moi. Elle se sentait investie d'une mission de grande sœur qui la poussait à nous faire passer avant. Avec Laurianne, nous ne voulions pas qu'elle s'oublie, mais c'était plus fort qu'elle. Elle respira un coup, afficha un sourire et me regarda avec amusement.
– Tu vas faire comment demain ? Tu vas l'embrasser comme dans les films en plein milieu du lycée ? Parce que je suis sûre au fond de moi que tu en meurs d'envie ! pouffa-t-elle.
Je me redressai subitement, ça y est, elle perdait la tête... Je n'avais absolument pas envisagé la suite, je voulais seulement profiter.
– J'imagine tellement la scène. Tu arrives et il est là devant toi en plein milieu de la cour. Tu avances et il t'embrasse sauvagement en te basculant en arrière avant de recevoir un bon coup de poing de la part de Vincent tandis que Chloé te fera une crise d'hystérie de haute trahison. Du grand spectacle !
– Mais ça ne va pas bien non ! Il n'y aura rien demain ! On se saluera poliment et puis on verra, on avisera. Je ne veux blesser personne, tu sais c'est pas fac —.
– Lilou, je rigole. J'avais juste envie de t'embêter un peu. Je te connais je sais que tu feras attention à ne froisser personne. Mais pense aussi à toi et tu sais ce n'est pas — .
Elle n'eut le temps de finir sa phrase qu'une tornade blonde fit son entrée dans la chambre.
– Lilou ! Tu ne me croiras jamais ! cria-t-elle avant de s'arrêter brusquement en voyant que Luce était déjà là. Euh ok, bref, Lilou, j'y arrive enfin. Je sais faire cette fichue souplesse arrière !
J'écarquillai les yeux sous la surprise. Je l'avais réalisée l'année dernière lors du gala et elle s'était mise en tête de réussir à la faire. Elle avait passé des heures à s'entraîner malheureusement, cela avait été un échec jusque là. J'étais ravie pour elle. Je me levai rapidement et la pris dans mes bras. Après une courte étreinte, elle attrapa mon poignet pour me guider dans le couloir. Je compris immédiatement qu'elle souhaitait me montrer sa réussite. Elle exécuta sans difficulté la souplesse arrière, mais elle peinait à être stable sur ses appuis. Je savais à quel point cela pouvait être complexe, je tentai donc en vain de lui expliquer la position de ses chevilles. Au bout de quelques explications et voyant son incompréhension, je lui montrais directement. Je m'installai, levai mes mains et me penchai en arrière en prenant mon élan. Instinctivement, mon corps effectua la pirouette sans aucun blocage, comme si les mois d'arrêt n'avaient jamais eu lieu. Au moment de ma réception, j'entendis un hoquet de surprise derrière moi.
– J'en étais sûre ! cria ma benjamine. Depuis plus d'une semaine, ta posture a changé. Le placement de tes pieds quand tu te tiens debout ! Tu as redansé, j'en suis certaine !
Nier ne servait à rien, elle me connaissait parfaitement bien et côtoyait beaucoup de danseuses. Triturant mes ongles, j'avais peur que mes aveux ne puissent la blesser. J'aurais dû lui dire que j'avais franchi ce nouveau cap, que j'ai fait une première tentative.
– Oui, depuis moins de dix jours... murmurai-je honteuse.
Elle se jeta dans les bras faisant valser sa chevelure blonde. Blottie l'une contre l'autre, elle en profita pour me faire tourner sur moi-même. J'aperçus Luce appuyée contre le chambranle de la porte, un beau sourire plaqué sur les lèvres.
Pour leur faire plaisir, j'enchainai quelques pas. Cela me semblait naturel, simple. Au fond de moi, la flamme se rallumait petit à petit faisant naître une pointe de fierté. J'étais heureuse des progrès que je faisais au quotidien. À peine avais-je fini que mes sœurs me prirent dans leurs bras.
– Je suis si fière de toi ! murmura Lucilia en embrassant ma tempe.
– Il faut que les parents voient ça, lança ma benjamine en me tirant vers le bas.
Nous descendîmes les marches quatre à quatre. J'étais une vulgaire poupée de chiffon qu'on trimballait. Ne pas se casser une cheville relevait du miracle. Évidemment la joie peu dissimulée de Lau interpella nos géniteurs réunis dans la cuisine. Sans un mot, elle me poussa en avant. Au vu de leur visage interloqué, je me sentis soudainement très gênée. Mon père avait précieusement gardé mon petit secret, mais pour ma mère il s'agissait d'une véritable révélation. Je soufflai lourdement et effectuai deux pas de danse. Un simple enchaînement. Court, mais suffisant pour voir naître une larme au creux des yeux de ma maman. Portant les mains à ses lèvres, elle tenta de cacher son émotion.
– Tu es sublime, lâcha mon confident. Je suis vraiment fier de toi.
Ma mère se posa sur la chaise avant de fondre en pleurs. J'accourus pour la prendre dans mes bras. Son émoi était communicatif. Je ne pouvais pas rester insensible. Ma gorge se noua lorsqu'elle se détacha et que son regard croisa le mien. Agenouillée face à elle, elle prit mon visage en coupe et souffla :
– La petite chenille s'est enfin transformée en un beau papillon. Merci Lilou. Merci d'avancer. Merci de te battre pour toi et pour nous.
À mon tour, je craquai. J'avais mis tellement de temps à réagir, à me relever que de voir cette émotion me touchait intensément. Essuyant les perles d'eau salée, je nous relevais sous les yeux émus de ma famille. Ce fut un renouveau pour eux et pour moi. Mes progrès étaient finalement perceptibles et clairement visibles. Une renaissance.
La suite de la journée se déroula dans une sorte d'euphorie générale. Tel un rayon de soleil, mon avancée avait plongé mes proches dans une bulle de bonheur. J'étais sur un petit nuage. J'apprenais à me reconstruire. Au fur et à mesure, chaque pièce de ma vie reprenait sa place. Les liens avec mes parents se tissaient de nouveau. Ils se fortifiaient. Je crois que ce malheureux épisode aura eu le mérite de leur faire comprendre que leur présence, leur soutien et leur amour étaient indispensables aux jeunes filles que nous étions. La relation que j'entretenais avec mes sœurs s'était tout simplement consolidée. Nous étions fusionnelles partageant désormais nos peines, nos joies, nos victoires. Nous avions passé un cap. J'avais recommencé à danser. Doucement, avec parcimonie, mais j'étais sur la bonne voie. Je voulais prendre le temps, ne pas me précipiter. Finalement, mon cœur s'ouvrait peu à peu à des sentiments nouveaux. L'apaisement, je luttais constamment contre la culpabilité qui continuait à me ronger et cela finissait par payer. Je me sentais plus tranquille, davantage en paix avec mes émotions. L'attachement, je m'autorisais enfin à m'attacher à d'autres personnes. J'avais appris à laisser une place aux gens qui m'entouraient. Je ne détestais plus Vincent, bien au contraire. Il avait à sa façon percé ma bulle, m'offrant ainsi de délicats moments de répit. J'appréciais aussi sincèrement la relation que j'entretenais avec Axel. Je ne voulais pas la définir, je voulais simplement la savourer, la vivre entièrement et pleinement, car je ne savais pas de quoi l'avenir pouvait être fait.
Alors que nous étions tous réunis dans le salon, la sonnette retentit. Ma mère se leva avant de crier mon prénom. Surprise, je me levai sous les regards perplexes du reste de ma famille. Je n'avais reçu aucun message d'une potentielle visite et n'avais rien prévu cet après-midi. Je tentai de rassembler ma crinière et de lisser la robe pull que je portais aujourd'hui. Pourtant en arrivant devant le battant en bois, l'étonnement laissa place à une certaine inquiétude. Mon meilleur ami se tenait sur le pas de la porte, mains dans les poches, la capuche baissée sur son visage. Comme une tornade, son triste état s'abattit sur le sentiment de joie qui m'avait enveloppée toute la journée.
Je me tournai vers ma mère attendant son aval pour le faire entrer. Je savais que s'il était venu jusque là, ce n'était pas sans raison. Elle m'adressa un léger signe avant de s'éclipser. J'avançai doucement et plaçai mes bras de part et d'autre de son corps. Nous restâmes ainsi de longues minutes avant que mes doigts ne s'enroulent autour de son poignet pour le conduire dans ma chambre. Laissant le silence comme seul compagnon, nous montions les marches. Le poids de son regard dans mon dos me torturait. Je détestais le voir comme cela. Je me sentais démunie. Arrivés dans mon antre, je fermai la porte et l'invita à s'asseoir sur mon lit. Les épaules voûtées, ses yeux rivés au sol, aucun mot ne sortit de sa bouche. Ses traits tirés suffisaient à me faire comprendre qu'il allait mal. Bien plus dévasté qu'il ne pouvait le dire, les barrières tombaient et sa souffrance perçait au grand jour.
– Vincent parle moi, je t'en supplie, soufflai-je en m'abaissant face à lui et en posant ma paume sur son genou.
Malheureusement, il s'était muré dans un mutisme étouffant. Je le fis se relever et entrepris d'enlever son manteau dans lequel il semblait vouloir se cacher. Baissant la fermeture éclair, je vis une larme rouler sur le tissu. Mes yeux s'ancrèrent aux siens tandis que je fis glisser son vêtement le long de ses bras. Je n'eus le temps de le rattraper qu'il se baissa pour me soulever. Accrochée à lui, il nous fit avancer pour nous asseoir sur le lit. Son torse contre le mien, il me fixa soudainement.
– Aide-moi, souffla-t-il.
Alors comme par habitude, je me blottis contre lui, le serrant aussi fort que possible. Posant ma joue sur son épaule, je fermai les paupières et me laissais bercer. Sa douleur me transperçait le cœur. Sa respiration lourde s'échoua sur ma peau provoquant une vague de frissons. J'aurais tellement aimé faire plus, le soulager comme il avait su le faire pour moi. Lui qui avait su se montrer d'une patience et d'une bienveillance sans faille. Malheureusement, je n'étais pas à l'aise avec les mots. Je ne savais pas comment m'y prendre et encore moins m'exprimer. Donc soudainement, je me levai. Je devais lui montrer que grâce à lui et à ses efforts, j'avais de nouveau dansé. Je voulais qu'il soit le premier de mes amis à le voir, je voulais qu'il comprenne que tout était encore possible. Une fois sur mes deux pieds, je le relevai à son tour. Tout en gardant sa main dans la mienne, j'activai une playlist. Je laissai la musique envahir la pièce avant de commencer à effectuer une pirouette devant lui. Je bougeai doucement me laissant entraîner par Thinking Out Loud de Ed Sheeran. Sans réfléchir, les gestes s'enchaînaient sans hésitation. Lorsque mon regard croisa le sien, je perçus une petite étincelle. Celle d'une légère victoire. Me ramenant à lui, il me fit tourner sur moi-même avant de coller son corps contre le mien.
– Tu danses, Lilou, si tu savais comme je suis content, souffla-t-il tout en continuant de nous balancer de gauche à droite.
– Et c'est grâce à toi, à tes plans foireux et ton soutien inconditionnel.
Un faible sourire se dessina sur son visage. Ce n'était pas grand-chose, mais j'étais heureuse de cette minuscule victoire. Nous arrêtant, il posa ses doigts sur mes pommettes avant de caler son front contre le mien. Sa respiration s'accéléra légèrement tandis que je le vis se mordre la lèvre.
– Pardonne-moi Lilou... murmura-t-il.
Soudainement sa bouche se pressa contre la mienne. Estomaquée, je n'osais bouger. Quand ses mains se firent plus pressantes sur mes joues, je compris qu'il assouvissait un besoin. Il évacuait sa douleur. Je répondis alors timidement à son baiser, espérant l'aider à apaiser sa souffrance. Rapidement la douceur laissa place à une certaine bestialité. Perdu dans cette tempête qui se jouait en moi, je ne savais plus comment réagir. Vincent était mon meilleur ami, il était mon pilier, mon phare dans la nuit et j'étais prête à tout pour l'aider, seulement je n'oubliais pas Axel. Aussi délicatement que possible, je rompis notre étreinte. Essoufflé, il s'arrêta avant de me tirer vers lui pour nous réinstaller sur le lit.
– Désolé Lilou, je sais que je n'aurais pas dû, mais j'en avais tellement envie...
Il venait sans le savoir de me briser le cœur. J'aimerais pouvoir lui offrir plus. Or je me battais avec mes propres démons et malheureusement j'avais déjà entraîné quelqu'un avec moi. Je n'avais rien promis à Axel. Mais je ne voulais pas jouer sur ces deux tableaux. Je ne voulais blesser personne...
– Je sais que tu es perdue Lilou. Mais j'ai besoin de toi. Je ne sais pas ce que je ressens, mais une chose est sûre c'est que j'ai besoin que tu sois à mes côtés...
En guise de réponse, je nous allongeai face à face dans mon lit. J'avais besoin qu'il me parle alors je nous enfermai tous les deux dans notre monde. Ses iris noisettes ne me quittaient pas, ils me sondaient cherchant certainement le moindre indice de la bataille intérieure que je me livrais.
– Ça ne va pas, Lilou. Je ne me sens pas bien. Depuis le Nouvel An, je culpabilise de t'avoir tout raconté. J'étais bête à l'époque et je faisais des trucs stupides. T'as été un pari absolument nul et je m'en veux. Je m'en veux de t'avoir tant poussée à bout. Je m'en veux d'avoir dit du mal de toi. Je m'en veux de m'être disputé avec toi ce soir-là. Je m'en veux des mois qui ont découlés. Je m'en veux de mon attitude envers toi. Je me sens paumé. Avant quand il était là, il me bottait le cul dès que je merdais, mais maintenant... C'était mon grand frère.
Une première larme perla sur sa joue, s'échouant lamentablement sur mon oreiller. Ma main se posa sur son visage et récolta délicatement ses pleurs. J'avais perdu l'homme que j'aimais, mais lui avait perdu un repère, un proche, le garçon avec qui il avait grandi, évolué et mûri. J'imaginais l'espace de quelques secondes perdre une de mes sœurs aussi violemment que nous avions subi le départ de Zac. C'était impensable. Je ne pouvais le concevoir.
– Parfois, j'espère me réveiller et me rendre compte que ce n'est qu'un putain de cauchemar. Aujourd'hui, j'ai l'impression que je ne vais jamais m'en remettre...
Sans attendre, je calai mon corps contre le sien et le serrai aussi fort qu'il m'était possible de le faire. J'espère chasser sa douleur avec ce simple geste.
– Tu vas te battre et je vais t'aider. Je te promets d'être à tes côtés, pour toujours... murmurai-je.
Son souffle dans mon cou me berça délicieusement. Mon palpitant se calma au fur et à mesure que ses larmes se tarissaient. Ses mains dans mon dos me maintenaient contre lui, comme un doudou qu'il ne voulait pas perdre. Enveloppée dans un réconfort retrouvé, mes paupières se fermèrent.
Réveillée par le grincement d'une porte, je me redressai subitement dans mon lit. Je mis quelques minutes à reprendre conscience et à analyser la situation. J'étais seule et le soleil avait depuis longtemps laissé place à la lune. Prenant mon téléphone, je reçus immédiatement un message.
* Pardonne-moi pour mon geste... Merci pour ta présence ma Lilou * - Vincent
Instantanément, je portai mes doigts à ma bouche. Son baiser me revint en mémoire, me bouleversant plus que de raison. À vouloir m'ouvrir aux autres, j'allais finir par m'y perdre. Je laissai les gens entrer dans mon monde malheureusement je n'avais rien de bon à leur donner. Il fallait que j'apprenne à me reconstruire avant de pouvoir leur offrir celle que j'étais.
– Lilou ? demanda Laurianne depuis le couloir.
Je me levai et ouvris en grand la porte. Face à moi, ma petite sœur semblait inquiète. Donc comme pour la rassurer, je lui offris mon plus beau sourire. La journée avait été bien trop joyeuse pour que ma parenthèse avec Vincent ne tourmente ma famille.
– Je vais bien Lau. Vincent avait besoin de soutien, alors j'ai essayé d'être là comme je le pouvais.
Mais était-ce suffisant ?
Le reste de la soirée fut à l'image du bonheur qui avait plané sur les miens. Nous avions mangé en famille avant que chacun se sépare pour préparer sa rentrée. Mon père repartait demain matin pour un long trajet. Par chance, il serait de retour dimanche prochain. Ma mère, quant à elle, avait le choix de ne plus faire de réunions loin de chez nous. Elle nous avait expliqué que la vie était bien trop courte pour ne pas profiter de chaque occasion pour passer du temps avec ses proches. Mon acte avait laissé des séquelles sur mon entourage, mais cette fois-ci de façon positive.
Vêtements, devoirs, tenue de sport, petit déjeuner, tout était prêt pour reprendre l'école. Tout était au point sauf moi. Une pointe de stress commença à naître au fond de moi. J'allais devoir gérer deux semaines d'événements, d'avancée et de rapprochements. Alors pour faire face à cette angoisse, je me réfugiai auprès du seul être capable d'apaiser mes craintes. Parée de ma plus belle arme, je laissai l'encre transmettre et retranscrire l'émotion qui me gagnait...
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Coucou mes petits lecteurs,
Chapitre un peu tardif mais il est enfin là :)
Qu'en avez-vous pensé? Des idées pour aider notre petite Lilou à avancer? Elle progresse et pourtant la bataille intérieure ne fait que commencer...
J'espère que la suite vous plaira.
Bisous, bisous 🖤,
L.
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