Chapitre 43

Une fois de retour et après un bref échange avec mes parents, j'envoyai un texto à Axel pour que l'on se retrouve tous les deux. Afin de ne pas éveiller les soupçons, je lui avais donné rendez-vous au coin de la rue. Je m'étais donc rapidement changée et m'étais mise en route. Malheureusement parvenue près du point de rencontre, je commençais à regretter ma décision. J'avais terriblement envie de le voir, de le découvrir, de connaître ce garçon, seulement il y avait bien trop d'inconnus entre nous... Dansant d'un pied sur l'autre, mon corps trahissait mon stress. Je me mis à triturer mes ongles dans une frénésie nouvelle. Les questions affluaient sans que je ne puisse les contrôler. Mais lorsque j'aperçus son regard au travers le pare-brise, un sourire prit place sur mon visage, faisant s'envoler mon inquiétude. Arrivée à sa hauteur, je m'engouffrai immédiatement dans l'habitacle. La chaleur m'enveloppait et me détendit.

– Bonjour Lou, souffla-t-il ravi de ma présence.

– Bonjour, merci d'être venu, répondis-je.

Ses yeux me fixaient intensément, alors comme pour éviter toute situation de gêne, je déposais un doux baiser sur sa joue. Un silence réconfortant s'installa entre nous, comme si notre rendez-vous était naturel, simple, presque courant. Je me laissais porter par sa conduite. Je ne savais pas où nous allions pourtant je lui faisais confiance. Le soleil se couchait lentement sur l'horizon, déposant ses derniers rayons sur les traits marqués de mon chauffeur. Pour la première fois depuis notre rencontre quelques mois auparavant, il arborait une barbe naissante. Cette pilosité lui donnait aisément quelques années de plus et lui apportait un charme supplémentaire. Me reconcentrant sur le trajet, je vis que nous nous enfoncions sur des routes que je ne connaissais pas. Voyant mon interrogation, il finit par prendre la parole.

– J'ai envie de te montrer un lieu que j'aimais beaucoup quand j'étais plus jeune...

J'étais touchée de le voir s'ouvrir à moi, lui qui pouvait être si secret. Telle une petite fille face à une boutique de confiseries, je trépignai désormais d'impatience. Au bout d'une vingtaine de minutes, nous arrivions enfin à destination. Devant moi se dressaient deux grands hangars. Hésitante, je le vis descendre avant de m'ouvrir la portière. Saisissant sa main, je me hissai hors de l'habitacle. Naturellement, ses doigts se lièrent aux miens. Je le laissai me guider à travers la plaine. Pourtant plus nous approchions, plus de légers grognements animaliers me parvenaient. Même si je n'étais pas méfiante ou farouche, un bruit sourd et violent m'arrêta en plein milieu du chemin.

– Axel, dis-moi où on va s'il te plaît...

Il se retourna et planta son regard dans le mien. S'approchant, il posa sa paume sur ma nuque avant de sceller nos lèvres ensemble. Instinctivement, mon corps se colla au sien. C'était incroyable, j'étais transportée dans un autre monde. Ma peau était en émoi, mon cœur réalisait une véritable tempête dans ma cage thoracique, mon souffle se tarissait. Il venait de me retourner en l'espace d'une seconde, de me calmer et de m'accorder une réponse claire.

– Pardon, je dois te faire confiance, avouai-je en me détachant de lui.

– Promis tu ne risques rien, je veux juste te faire découvrir une partie de mon passé.

Il caressa ma joue de son pouce avant de me prendre dans ses bras. Emmitouflée contre lui, nous avançâmes en direction d'un des deux immenses baraquements. Nous passâmes un grand portail en bois. Je compris aisément que nous étions sur une propriété privée. J'espérais simplement que notre venue était programmée. Une vaste étendue de sable se profilait sous mon regard. Arrivés devant l'une des deux bâtisses, je compris beaucoup mieux la provenance de ce vacarme. Face à moi se tenaient huit box occupés par des chevaux. Surprise, je me retournai vers Axel, les yeux écarquillés.

– Je venais dans ce haras avec ma mère plus jeune. Ici c'est la partie écurie avec sur le côté, tout le matériel pour les équiper. Là-bas, tu as le manège et derrière tu ne la vois pas, mais tu as la maison de la propriétaire. C'est une vieille amie de ma maman, dit-il en pointant dans les différentes directions indiquées.

Je n'étais jamais montée à cheval pourtant ce n'était pas l'envie qui manquait. M'approchant doucement, je vis que les battants supérieurs étaient ouverts. Silencieusement, j'avançai vers le premier box. Un magnifique équidé à la robe bai foncé sortit la tête, me faisant face de toute sa hauteur. Levant ma main à hauteur de son nez, je la tendis afin de le caresser. Mes doigts effleuraient désormais le poil de ce bel étalon appelé Ébène, si j'en crois la plaque attachée à la porte. Ce nom devait sûrement venir de la couleur de son pelage. Perdue dans l'éclat de son regard, le temps semblait suspendu. Son souffle sur ma paume, il semblait apprécier les gestes délicats que je lui procurais.

– Lou, souffla Axel en collant son torse contre mon dos. J'aimerais te présenter à Virginie et si possible qu'on fasse une balade, si tu veux bien.

Sans un mot, j'acceptai avec grand plaisir sa proposition. Glissant alors sa main dans la mienne, je le laissais me guider vers la seule habitation sur le terrain. Enveloppés par l'odeur équestre, nous arrivâmes devant une belle demeure en meulière.

Elle avait tout de la parfaite petite maison chaleureuse. De jolis volets vernis encadraient à merveille les fenêtres, un fer à cheval était suspendu au-dessus de la porte, les pierres donnaient un charme rustique. Même si je n'étais pas une fervente admiratrice de ce type d'habitat, je ne pouvais nier qu'elle se mariait subtilement avec le décor. Alors qu'Axel s'apprêtait à frapper, le battant en bois s'ouvrit à la volée.

Laissant apparaître une jeune femme brune, cette dernière porta les mains à sa bouche. Son regard noir s'embua instantanément. La réaction, de celle que je supposais être Virginie, me toucha en plein cœur. Sans un mot, elle s'avança et attira mon partenaire contre elle. Les secondes blottis l'un contre l'autre semblaient s'éterniser pourtant je l'observai avec beaucoup de tendresse.

– Virginie, tu m'étouffes, marmonna Axel.

Elle se détacha lentement de lui avant de prendre une grande inspiration.

– Je n'arrive pas à croire que tu sois là en face de moi. Quand tu m'as appelée hier pour me prévenir, je n'y croyais pas... souffla-t-elle. Cinq ans que tu n'es plus venu me voir. Mon Dieu, je n'y crois pas. Tu es, tout simplement, parfait.

Prenant son visage en coupe, elle l'inspecta sous tous les angles. Alors qu'il me jeta un regard en coin la faisant soudainement arrêter. Elle me fixa avant de se reprendre.

– Pardon, excuse-moi je manque à tous mes devoirs. Je suis vraiment désolée. Je suis Virginie et tu dois être Lilou-Ann, c'est ça ?

– Oui, enchantée, répondis-je en tendant la main.

Elle secoua la tête et vint déposer un baiser sur chaque joue. Une part de moi était profondément soulagée de ne pas avoir à me présenter, à devoir poser un mot sur le lien que nous entretenions. De plus, l'accueil réservé par la propriétaire me mettait en confiance.

– Bon, je ne vais pas vous retenir plus longtemps, mais jeune homme, tu as intérêt à venir promener ton fessier ici dès demain !

Axel esquissa un petit sourire avant d'acquiescer franchement. Elle nous ramena en direction des box, nous expliquant qu'elle avait déjà préparé les deux chevaux que nous allions monter. Peu à l'aise, j'écoutai précieusement les conseils prodigués. Elle me présenta Andromaque, une belle jument qui me semblait très douce. Quant à Axel, il avait pour partenaire un grand étalon appelé Blitz. Autant dire que vu la traduction de son nom, éclair en allemand, je ne serais pas rassurée à sa place. Mais au vu de l'air de ce garçon, cela ne semblait pas le déranger.

Virginie me montra l'équipement ainsi que la façon de l'installer. Une fois les dernières vérifications effectuées, elle me fit monter en selle. À cette hauteur, j'avais la sensation de dominer le monde. C'était une véritable nouveauté pour moi, contrairement à Axel qui paraissait beaucoup plus décontracté. Toutefois, il affichait un sourire triste. Les traits de son visage trahissaient une certaine nostalgie. À cet instant, je sus mieux que quiconque à quel point effleurer d'anciens souvenirs pouvait être douloureux. Secouant la tête, il me fit signe de le suivre. Les rennes entre les mains, je donnais un léger petit à-coup pour le faire avancer. Naturellement, il répondit à mon geste. Lançant un dernier regard à Virginie, nous empruntions un sentier. Plongés dans le silence, nous marchions de longues minutes. Cette sensation inédite était déstabilisante, je voulais m'imprégner de tout ce que ce moment m'offrait. L'air frais fouettait ma peau, l'odeur de l'herbe me chatouillait les narines et mes yeux observaient le dos de ce garçon qui se contractait à chaque mouvement. Toutefois, le cuir de la selle commençait à devenir douloureux pour une novice telle que moi. Lisant dans mes pensées, mon guide s'arrêta soudainement.

– Allez faisons une pause, je voudrais te montrer quelque chose, déclara-t-il en se tournant vers moi.

Je le vis descendre du canasson avec une aisance incroyable. Il s'approcha et m'aida à son tour à retrouver la terre ferme. Il attacha les deux équidés à un arbre avant de saisir ma main. Il nous avait suffi de faire une centaine de pas pour faire face à un spectacle à couper le souffle. Nous surplombions une petite vallée, nous offrant ainsi le coucher du soleil. Le jour s'effaçait doucement laissant place au crépuscule. Subjuguée par cette vision, je resserrai mes doigts sur ceux d'Axel.

– C'est sublime, merci, murmurai-je de peur de briser la magie de l'instant.

Il hocha la tête tout en s'asseyant au sol. Je l'imitai afin de savourer la vue. Posée à ses côtés, je l'observai. Son regard se perdait au loin, il semblait plongé dans ses pensées. Alors silencieusement, je pressai ma paume contre la sienne et posai ma joue sur son épaule.

– Comme je te l'ai dit, je montais avec ma mère. On essayait de venir aussi souvent que possible encore plus lorsque mon géniteur a commencé à lever la main sur moi. Elle était passionnée d'équitation donc elle tenait absolument à me transmettre sa passion. C'était notre moment à nous. Mais depuis qu'elle est morte, je suis revenu seulement deux fois. La première fois, j'ai emmené Mathilde monter à cheval avec moi, mais au bout de deux mètres, j'ai fait un blocage. On a dû faire demi-tour, ça m'a anéanti. Je m'étais promis de remonter avec quelqu'un qui pourrait comprendre ma douleur. Et puis il y a cinq ans, je suis revenu là. J'ai craqué et j'ai songé à sauter d'ici.

Il marqua une pause, contenant son émotion tandis que de mon côté, j'essayai d'assimiler sa confession. Il avait donc lui aussi pensé à en finir. Il avait été tellement mal qu'il avait voulu mettre fin à ses jours. Comme moi. Encore une fois, j'apprenais que nous partagions bien plus que je ne le pensais. Ces quelques mots s'implantèrent au fond de moi et me touchèrent plus que de raison. Malgré moi, des gouttes d'eau se formèrent peu à peu au creux de mes yeux.

– C'est Virginie qui m'a retrouvé au bord du précipice. On a longuement discuté puis elle m'a ramené chez ma tante. C'est ce jour-là que j'ai compris que je ne voulais pas le laisser gagner... Je dois vivre pour deux, comme toi Lou.

Le regard posé sur lui, je le voyais pour la première fois verser une larme. Je me sentais littéralement démunie, je ne savais pas comment agir.

– Tu mérites de sourire, d'être heureuse... Zac n'aurait pas voulu te voir sombrer. Je sais que tu as besoin de temps et c'est normal, mais n'abandonne plus jamais. Je t'en supplie...

Sa voix raisonna profondément en moi. Nous partagions une détresse, un passé, une souffrance commune. Alors si lui avait réussi à se relever et à avancer, je devais y arriver à mon tour.

– Je n'ai plus envie d'arrêter. Je te promets que je me battrai...

Reposant ma tête contre lui, il passa son bras sur mon épaule pour me rapprocher de son corps. Enveloppée par sa chaleur, je me détendis et me sentis apaisée. Bien que mon entourage était très présent et d'un soutien sans faille, j'avais enfin trouvé quelqu'un qui me comprenait pleinement. Un être aussi ravagé que moi, une personne qui avait connu le deuil, l'envie d'abandonner au point de tout cesser.

– Lou ? murmura-t-il hésitant.

– Oui, dis-moi.

Un petit moment de flottement nous saisit avant qu'il n'ose me poser la question qui semblait le travailler. Dire que je fus surprise était un euphémisme, en l'entendant prononcer ces quelques mots.

– Oh ! Tu veux que je te parle de Zac... chuchotai-je.

Je réfléchissais, je ne savais pas par où commencer. J'avais toujours eu du mal à me livrer à son sujet. Pourtant avec lui, je n'avais pas de barrière, je ne savais simplement pas ce que je pouvais lui confier. Il y avait tant de choses à dire sur l'homme qui avait partagé ma vie.

– Tu l'aurais sûrement apprécié. Il était sincèrement gentil, à l'écoute, bienveillant et drôle. En fait, on était ensemble dans le même lycée depuis la seconde. Je n'avais jamais prêté attention à lui et quand je l'ai remarqué, il était seulement le pote de Vincent. Et autant te dire que ma relation avec Vincent était à des années-lumière de celle d'aujourd'hui. Nous nous haïssions profondément. C'était viscéral, je le détestais alors Zac n'était pas du tout un garçon avec qui j'avais de discuter, de partager quoi que ce soit. Puis il y a eu ma blessure en sport. Ce jour-là a changé ma vie.

Je me remémorais douloureusement notre rencontre. À chaque fois que ses iris bleu gris refaisaient surface dans ma mémoire mon cœur s'enflammait. Brûlant tout sur son passage, je devais me faire violence pour continuer mon récit.

– De fil en aiguille, j'ai découvert un homme droit, protecteur et aimant. Il faisait tout pour que notre histoire soit un peu plus parfaite de jour en jour. Il me donnait envie de surpasser, d'être une fille bien pour lui et pour les autres. Il m'a montré quelle femme je voulais être...

Sans m'en rendre compte, une traîtresse avait perlé le long de ma joue. D'un geste doux, mais sur de lui, il l'essuya m'adressant un regard empli de tendresse.

– Pardonne-moi Lou, je n'aurais pas dû te demander de —

– Ne t'inquiète pas, c'est juste nouveau pour moi. Je me suis murée dans le silence quand il est parti. C'était plus simple, je ne le gardais que pour moi. J'ai encore du mal à parler de lui, ça rend son absence si réelle. Mais je dois l'accepter pour avancer.

Sa main caressa mes cheveux pour apaiser les dernières larmes qui s'étaient déposées sur mon visage. Soufflant un grand coup, il se leva et frotta son jean. J'eus soudainement la sensation d'être comme devant un miroir. Il avait ce même tic que moi en effectuant ce mouvement. Je ne pus m'empêcher de rigoler. Mon éclat de rire raisonna sur la plaine, nous enveloppant tous les deux dans une agréable bulle. Il m'adressa un sourire à faire tomber tous mes remparts et bonnes résolutions. Je me relevai et me positionnai face à lui. Perdue dans le vert de ses yeux, un besoin irrépressible naquit en moi. Ma paume se posa sur sa joue mal rasée, traçant de doux cercles. Mon cœur commença sa chevauchée, ne me laissant aucun répit. J'étais profondément envahie par mon envie pourtant j'étais angoissée. Mordillant sa lippe, je le vis fermer ses paupières en savourant ma caresse. J'approchai lentement, veillant à ne pas briser ce moment. Me hissant sur la pointe des pieds, je déposai mes lèvres sur les siennes. Sans attendre, il répondit à mon geste. Ses doigts se frayèrent un chemin sur ma nuque tandis que mes bras passèrent sur ses épaules. Pour la première fois depuis des mois, je relâchais tout. Je voulais perdre le contrôle, je voulais mettre mon cerveau en pause, je voulais simplement savourer cet échange. Demandant silencieusement l'accès à ma bouche, je laissai sa langue rencontrer la mienne. Naturellement, nos corps s'emboîtèrent. C'était un instant hors du temps où nos envies prirent le dessus, où nous échangions bien plus qu'un baiser, où nous nous soutenions, où nous pansions nos plaies. Nous étions en symbiose parfaite.

Ses lèvres se détachèrent lentement des miennes, me faisant soudainement ressentir un vide. Reprenant son souffle, il posa son front contre le mien. Lorsque ses yeux rencontrèrent les miens, je compris que je n'avais rien à regretter. Il semblait heureux.

– Lou, souffla-t-il me forçant à m'écarter. Je sais qu'on ne s'est rien promis, mais j'ai besoin que tu saches que je me sens bien avec toi. Ça me semble naturel. On a encore plein de détails à apprendre l'un sur l'autre, mais je veux que tu saches que je suis sincère...

J'étais profondément touchée par ses mots. Il ne me poussait pas, il me mettait en confiance comme il tentait de le faire depuis que je l'avais laissé entrer dans ma vie. Malheureusement, toutes les bonnes choses avaient une fin. Le soleil avait laissé place à la lune. Par chance, Axel connaissait suffisamment le coin pour nous ramener sans encombre. Virginie avait pris le soin de nettoyer les box en nous attendant. En voyant l'heure, elle nous conseilla de rentrer chez nous et qu'elle se chargeait des chevaux. Après une rapide étreinte et des remerciements, nous reprîmes le chemin de la voiture.

J'étais tout simplement apaisée et heureuse de cette balade en sa compagnie, de ses confessions, de ce baiser entre nous. Une fois dans le véhicule, tout semblait ordinaire, comme deux amis qui avaient partagé une soirée ensemble. Il n'y avait aucune gêne, aucun malaise, juste une complicité naissante.

Au moment de prendre la route, je lançais la musique. Étonnamment, je tombais sur la liste de lecture d'Axel. Je fus surprise de reconnaître la voix de Daniel Balavoine. Ce n'était pas du tout notre génération, même si je devais avouer que ses chansons étaient intemporelles.

– Tu écoutes du Balavoine ? demandai-je en me tournant vers lui.

Je sus à la lueur dans ses yeux que je venais encore de toucher un sujet sensible. Je regrettai déjà mon impulsivité et mon absence de filtre.

– Ma maman adorait ce chanteur, il avait bercé son enfance alors en toute logique elle a fait en sorte qu'il marque la mienne. En venant te chercher, je l'écoutais, j'en avais besoin. Dans les moments de doute, de stress ou de peur, ça me rassure, comme une comptine de gamin...

Comme à chaque fois qu'il évoquait sa mère, mon âme se morcelait. J'avais l'envie irrépressible de me blottir contre lui et lui apporter tout le soutien et l'amour qui lui ont manqué plus jeune. Malheureusement je n'arrivais pas encore à savoir comment l'aider, ni même à définir notre relation ou un hypothétique futur. La seule certitude que j'avais c'est que nous étions deux êtres humains brisés par un drame, voués à se rencontrer. Cette sensation qu'il m'aiderait à trouver le salut s'immisçait lentement en moi, me confortant dans mon besoin d'être auprès de lui. Donc à mon tour, je décidais de lui offrir une partie de mon passé.

– Quand nous étions enfants, tous les dimanches matins, mes parents mettaient de la musique. Ils écoutaient de tout et je crois que c'est ce qui m'a poussée à adorer cet art et à me lancer dans la danse. La première fois que je me suis retrouvée sur le parquet, face à un miroir, j'ai su. J'ai compris que ça deviendrait une part importante de ma vie.

Naturellement, sa main se posa sur les miennes comme pour me soutenir. Je sentais qu'il souhaitait que je continue sur ce sujet, alors je respirai profondément et me lançai.

– J'ai dansé pendant les vacances. Je ne suis pas sûre de pouvoir reprendre de façon régulière, mais ce que j'ai ressenti est indescriptible. C'était magique, j'ai eu l'impression de retrouver une partie de moi...

Sa réaction fut immédiate lorsque je vis ses fossettes se creuser.

– Je suis vraiment content pour toi Lou ! Quand je t'ai vu au gala de Noël, j'ai compris que c'était douloureux. Je m'excuse d'avoir pu être brusque et incompréhensif, mais je pensais que te pousser un peu était un pas en avant. Tu sais, lorsqu'on a du talent, c'est dommage de le laisser se faner...

Sans le savoir, il arrivait toujours à me toucher par ses mots. Après toutes ces révélations, je laissai le silence faire son œuvre.

Malheureusement le trajet toucha bien trop vite à son terme. J'avais envie de rester avec lui, que le temps se suspende. Parce que je devais l'avouer en cet instant, je me sentais à ma place. Arrivant presque à destination, il s'arrêta à une rue de chez moi.

– Je pense que tu préfères que je te dépose ici, mais ne m'en veux pas, je vais surveiller que tu rentres bien chez toi.

Son côté protecteur reprenait le dessus et j'aimais ça. De nouveau stressée, j'essuyai mes mains moites sur mon jean. Je ne savais pas comment lui dire au revoir. Je ne savais pas ce qu'il souhaitait ou non. Finalement, il prit la décision pour moi. Il posa ses doigts sur ma joue et attira mon visage près du sien. Ses lèvres se posèrent sur mon front. Fermant les yeux, je savourai ce contact, sa douceur, sa chaleur. Croisant son regard, je perçus une lueur d'espoir. Cet instant où tout semblait être parfait, où l'on pouvait croire encore au bonheur.

– Tu as besoin de temps et je le respecte. Tu devrais y aller sinon tes parents risquent de s'inquiéter et moi... Moi j'aurais envie de te kidnapper pour te garder un peu plus avec moi, sourit-il.

Je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire. Il avait raison si la soirée s'éternisait, mes géniteurs risqueraient d'alerter le quartier sur mon absence. Quant à sa confession, elle fit naître un sentiment longtemps disparu. Une boule d'excitation se forma au creux de mon ventre tandis que mon cœur commença sa course folle. Je luttais doucement contre ce que je ressentais, je me contentais de hocher la tête et de déposer un bisou sur sa pommette.

– Merci, Axel, bonne nuit...

Je sortis de la voiture, adressant un clin d'œil à mon conducteur. Avançant lentement sur le trottoir, je me dirigeai vers la maison. Éblouie par les lampadaires, je ne perçus plus le visage de mon brun au travers du pare-brise. Seul le bruit de mes pas me parvenait pendant que mon cerveau tentait d'assimiler les mots soufflés par Axel. Nous étions tous les deux dans le même bateau, perdus dans une multitude de sentiments.

Arrivée devant la porte, je jetai un dernier regard vers le véhicule avant de m'engouffrer à l'intérieur. Rapidement, je me déchaussai et enlevai mon manteau pour retrouver ma famille assise dans le salon devant la télé. M'asseyant auprès de Laurianne, je vis que Luce manquait à l'appel. Percevant mon trouble, mon père m'indiqua qu'elle avait rejoint Pierre un peu plus tôt dans la soirée. Même si j'étais heureuse, j'aurais aimé lui raconter les moments uniques que je venais de vivre.

Rassemblant mes pensées, je tentai de faire le vide pour analyser tout ce que je venais de vivre. Une journée bien trop riche en émotions. Lina était repartie chez elle. J'avais vu Axel, j'étais montée à cheval pour la première fois de ma vie, il s'était confié à moi. Pas de simples phrases légères lancées à la volée. Non de véritables révélations faisant vibrer mon âme, faisant chavirer mon cœur.

– Ma puce, tu devrais aller te coucher, tu sembles épuisée, murmura ma mère à mon intention.

Elle avait raison. Malgré une certaine excitation, j'étais fatiguée. Embrassant tout le monde, je montai dans ma chambre. Avant de me coucher, je fis un bref détour par mon moment de confidence avec Zac. Une fois les mots couchés sur le papier, je ne me fis pas prier pour me blottir dans les bras de Morphée.



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Coucou mes petits lecteurs,

Un nouveau chapitre, une nouvelle parenthèse dans le début d'histoire entre Axel et Lilou-Ann. C'était un moment rien qu'à eux. Alors qu'en avez-vous pensé?

J'en profite aussi pour vous annoncer une bonne nouvelle.  J'ai fini le premier jet de cette histoire ce week-end. Evidemment, Reborn without You repasse par la case relecture et correction mais j'ai enfin écrit le mot FIN ... Et j'ai terriblement hâte de vous le partager :)

Bisous, bisous 🖤,
L.

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