Dire que j'avais eu une nuit agitée était un euphémisme. Mon corps courbaturé était un joli présent de mes cauchemars. Inconsciemment, j'avais imaginé l'horreur d'Axel. Face à moi, un petit garçon de huit ans dont ses yeux verts m'imploraient de l'aider. J'avais, l'espace de quelques secondes, pris la place de sa mère. J'avais lutté, j'avais tenté de le secourir, mais j'avais échoué. Je m'étais écroulée sous les coups d'une ombre. Au fond, comment aurais-je pu sauver un être aussi fragile que moi ?
Tentant de m'habituer à la luminosité, je ressassais les événements de la veille. Je n'avais jamais songé que cette soirée prendrait une telle tournure. Désormais, les masques étaient tombés. Nous n'avions plus de secrets l'un pour l'autre. Pourtant, j'avais la vague sensation qu'il me manquait une pièce du puzzle. Ce détail qui expliquerait son côté bipolaire avec moi. Un dernier mystère entourait cet homme. Je fixai le plafond espérant y trouver un indice, un minuscule signe qui me permettrait de le cerner pleinement.
– Lilou ? appela ma mère en frappant à la porte à de ma chambre.
– Oui, entre ! dis-je en me redressant sur mon matelas.
Je passai mes mains sur mon visage et tentai de rassembler ma crinière pour me donner meilleure mine. Elle passa sa tête dans l'entrebâillement. C'était incroyable les efforts qu'elle faisait pour ne pas me bousculer. Malgré son sourire de façade, ses traits semblaient tirés et rongés par l'inquiétude.
– Comment vas-tu ma puce ? demanda-t-elle en s'approchant du lit.
Épuisée, démunie, perdue perplexe... À vrai dire, je ne sais pas Maman....
– Bien et toi ? répondis-je en lui faisant signe de s'asseoir.
– Ça va. Je me suis inquiétée hier soir après ton départ, mais Luce m'a dit de te faire confiance, que tu avais besoin de souffler, surtout après la prestation de Laurianne.
J'appréciais sincèrement son attitude. Je savais que cela devait lui coûter pourtant elle prenait sur elle pour me permettre d'avancer comme je le pouvais.
– Tu sais ça me manque de ne plus te voir danser, reprit-elle. Je sais que c'est dur, mais tu étais époustouflante sur le parquet. J'espère qu'un jour tu trouveras le courage et la force pour passer ce nouveau cap, souffla-t-elle en me sondant. En fait, je voulais te dire que je serais là pour t'accompagner dès que tu te sentiras partante pour essayer.
J'étais profondément touchée par ses mots. Elle m'encourageait sans me pousser. Elle était présente sans me surveiller. Elle évoluait enfin et prenait en compte ce que je ressentais.
– Je ne suis pas sûre, enfin tu sais, je veux dire, je ne sais pas si je serais de nouveau prête un jour. Chaque chose en son temps et puis comme tu le dis si bien, le temps guérit les blessures...
Je ne pensais pas une seule seconde pouvoir reprendre la danse. C'était pour le moment absolument inenvisageable malgré le manque que cela provoquait en moi.
– Tu as raison, mais te voir danser me manque ma puce. Tu as un tel talent, tu as juste besoin de te libérer !
Flashback — avril 2014
Enfermé dans l'ancien bureau de son père, Zac se leva du canapé pour me rejoindre. Ces yeux me transpercent. Je me noyai dans le bleu infini de ses pupilles. Malheureusement cela ne suffisait pas à m'apaiser.
– Tu as un tel talent, tu as juste besoin de te libérer ! dit-il en me tenant la main.
Il avait raison, je bloquai depuis deux semaines sur ce fichu enchaînement. Je ratai un temps à chaque fois, c'était insupportable.
– Zac, je n'y arrive pas, je te jure ça bloque !
Depuis quatre mois, il prenait de son temps pour m'aider à m'améliorer. Son regard sur moi me donnait des ailes. Pourtant cette chorégraphie ne voulait pas s'imprimer. Rater un pas, c'était comme oublier une note sur une partition. Une seule fausseté et la mélodie était imparfaite. La concentration s'envolait, l'émotion retombait. Je ne me l'autorisai pas.
J'entendis la musique se lancer et mon amoureux s'approcher. Il se plaça derrière moi, plaquant son bassin contre le mien. Fermant les yeux, je me laissai guider par ses mouvements, lentement. Je lâchai prise, pour la première fois, en deux heures de danse intense. Sans m'en rendre compte, il venait de me faire enchaîner les gestes. Plus on avançait, plus il accélérait la cadence.
– Tu vois, Lou, tu avais juste besoin de te libérer, souffla-t-il au creux de mon oreille.
Me détachant de lui, je réalisai à merveille le phrasé. Je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire qui en disait long sur le bonheur qui m'envahissait soudainement.
Je me retournai et me jetai subitement dans ses bras. Ma bouche trouva la sienne, nous enchaînions une symphonie que nous connaissions sur le bout des doigts. Mes mains glissèrent dans ses cheveux bruns et mes jambes enserrèrent ses hanches. Nos corps assemblés ne firent qu'un... À l'image de nos cœurs.
Fin du flashback
Je hochai la tête. Elle avait raison, ce n'était pas prétentieux de dire que j'avais du talent, mais c'était avant. La danse était une véritable passion et on m'avait souvent fait remarquer mes capacités plutôt étonnantes. Malheureusement c'était la page d'un livre que j'avais fermé.
J'observai ma mère. Elle semblait tellement différente de celle que j'ai eue en face de moi, ces derniers mois. Dans un élan jusqu'alors inconnu, je la pris tendrement dans mes bras. Blottie contre elle, j'avais la sensation de découvrir quelque chose de nouveau. Des semaines d'incompréhensions, de doutes, de cris, de larmes, envolés à son contact.
Ses épaules s'affaissèrent, ses muscles se relâchèrent. Elle caressa mes cheveux tout en me berçant. Notre première étreinte depuis la mort de Zac. À cet instant, je compris que son amour m'avait lui aussi manqué. Le mur que nous avions dressé entre nous s'écroulait enfin. Elle se détacha délicatement de moi et repoussa une mèche de mon front.
– Sache que je suis fière de la femme que tu es devenue, du chemin que tu as parcouru, murmura-t-elle avant d'embrasser ma tempe.
Elle quitta ma chambre avec un regard qui en disait long sur cet échange. À mon tour, je me levai doucement prenant conscience que ma vie changeait. J'avançai enfin. J'enfilai rapidement un sweat pour descendre rejoindre ma famille.
En ouvrant la porte, j'entendis déjà les éclats de rire provenant de la cuisine. J'étais prête à refaire surface auprès d'eux.
– Bonjour, dis-je en les voyant tous assis autour de l'îlot central.
Lau se leva et se précipita dans mes bras, suivie de Luce. Mon père, quant à lui, attendit que je me dirige vers lui.
– Bonjour mon ange ! Bien dormi ? demanda-t-il en me serrant contre son corps.
– On fait aller, c'était dur hier...
Ses yeux avaient le don de m'apaiser et de me transmettre un soutien indispensable. Je m'installai à ses côtés sans savoir où donner de la tête. En effet, pour ce premier jour de vacances, ils avaient mis les petits plats dans les grands : pâtisseries fraîchement achetées à la boulangerie du coin, les pancakes de Luce, des fruits pressés, des céréales. En bref, de la nourriture en profusion. Les conversations allaient bon train. Bien sûr, je sentis que certains sujets étaient évités pour ne pas nuire à cette belle atmosphère. Ma mère était en pleine discussion sur la recette de son aînée. Tandis que Laurianne tentait vainement de nous expliquer l'intérêt des réseaux sociaux. Personnellement, j'avais délaissé Facebook depuis Zac et mon père, lui, était carrément dépassé par le concept même d'afficher sa vie à des inconnus. Ma benjamine faisait partie de cette génération téléphone et nouvelles technologies. Malheureusement j'avais compris à mes dépens que se montrer n'était pas toujours positif. En effet, au début de ma relation avec mon amoureux, d'anciens clichés de lui avec des filles étaient apparus et d'autres s'étaient amusés à ressortir de vieilles publications de mes soirées. Malgré la confiance que nous avions l'un envers l'autre, cela nous avait beaucoup affectés. Par chance, nous étions très entourés. À tel point que Chloé et Vincent s'étaient chargés de mettre les points sur les i. Une semaine plus tard, les photos avaient disparu. Dès lors, nous avions décidé d'être plus discrets sur internet.
– Lilou, tu m'écoutes ? demanda Luce, me sortant de mes pensées.
Levant les yeux, je remarquai les visages braqués sur moi. Il fallait l'avouer je m'étais replongée dans mes souvenirs oubliant le monde qui m'entourait. Je haussai les sourcils pour leur faire comprendre mon égarement.
– Ça te dirait un moment toutes les deux cet après-midi ? répéta-t-elle.
Alors même si j'adorais ma sœur, les instants filles du genre manucure et compagnie ce n'était vraiment pas mon truc. Je faisais attention, mais je n'étais pas particulièrement coquette.
– D'accord ! Par contre, je te préviens le rendez-vous "fifille", tu oublies !
– Lilou, fais-moi confiance s'il te plaît.
Je décidai de rendre les armes et d'accepter sa proposition. Je savais que quand il s'agissait de Luce, je ne devais pas m'inquiéter. J'avais donc filé dans ma chambre pour me préparer même si je ne savais pas à quelle sauce j'allais être mangé avec elle.
Déambulant dans la rue, j'observai les passants. Chacun voguait à ses occupations. Certains étaient en pleine conversation animée au téléphone, d'autres marchaient simplement ou encore étaient plongés dans leur livre. Malgré le froid de décembre, l'air frais sur mon visage était une douce caresse. Mes yeux se posèrent sur Luce. Mon modèle, celle qui n'avait eu de cesse de me protéger et de m'accompagner dans les pires moments. Je lui devais la vie. En cet instant, elle semblait déterminée. Son gros sac vissé sur son épaule, je n'avais aucune idée de notre destination, mais avec elle, j'aurais parcouru le monde entier, traversé des océans, franchi n'importe quel obstacle. Soudainement, je la vis s'arrêter. Je fixai à mon tour la devanture, sans réellement comprendre ce que nous faisions là. Tournant ma tête vers elle, je fronçai les sourcils.
– On en parlait beaucoup avant le départ de Zac. Donc si ça te tente toujours, j'ai l'accord des parents.
Je n'en revenais pas, c'était de la pure folie. Depuis mes quinze ans, je les tannai pour me faire tatouer. Pour moi, c'était un véritable art. Dans la culture polynésienne, il traduisait « ce qu'il y a de plus profond dans l'homme ». J'avais alors eu une réelle envie de retranscrire ce qu'il y avait au fond de mon être. Un sourire prit place sur mon visage malgré une légère pointe d'appréhension.
Je suivis Luce dans le salon. Poussant la porte, je fus plus que surprise. Une décoration blanche et sobre rendait ce lieu lumineux. Cela contrastait avec les habituels endroits sombres. Les murs étaient agrémentés de tableaux représentant des dessins en noir et blanc. Splendide. Un jeune garçon plus âgé que Luce fit son apparition derrière le comptoir.
– Salut Lucilia, c'est ta sœur c'est ça ?
– Salut, oui Martin je te présente Lilou. Lilou, je te présente Martin, le frère de Pierre et également ton tatoueur pour aujourd'hui.
Je lui serrai la main quelque peu mal à l'aise. Même si j'étais heureuse de cette initiative, je me sentais prise de court. J'avais déjà réfléchi à plusieurs croquis, mais jamais rien d'abouti.
Je vis mon aînée s'agiter et sortir une pochette de son sac. Comme à sa grande habitude, elle avait tout prévu. Devant nos yeux se dressaient trois dessins. Le premier était un cœur formé par des traits fins, le second était une clé de sol à laquelle étaient suspendus des ballerines et le dernier, trois ballons attachés ensemble. Ils étaient tous magnifiques, mais connaissant ma sœur, je savais que derrière chacun de ses symboles se cachait une signification.
– Le cœur est un assemblage de nos empreintes digitales à toutes les trois. Celui-ci, dit-elle en désignant les ballons, c'est nous trois. Une image pour dire que quoi qu'on fasse, où qu'on aille, on sera toujours ensemble. Et le dernier, je sais que Zac et toi adoriez la musique et la danse. Je les ai dessinés juste pour toi, ils sont uniques.
J'étais choquée. Elle avait visé juste avec ces trois motifs, elle savait ce que j'avais envie d'encrer sur ma peau. Même si la note de musique était sublime, je n'étais pas prête. Je n'étais pas parée à l'inscrire sur mon épiderme. Je ne pouvais pas me faire de tatouage en lien avec l'homme que j'avais perdu. C'était trop dur. Alors instinctivement je pointai du doigt le petit cœur dessiné. Mes sœurs étaient ce que j'avais de plus cher au monde. Ce symbole était une preuve de notre lien fraternel et qu'elles seraient avec moi où que j'aille. Nous étions liées par cet amour inconditionnel. C'était sûrement ma manière à moi de les remercier pour la patience et la douceur qu'elles m'ont accordée. Je me tournai vers Luce, attendant son approbation. Ses yeux brillants d'émotion parlaient pour elle.
– Tu sais à quel endroit tu aimerais le faire ? demanda-t-elle la voix légèrement tremblante.
– Oui, les côtes gauches. Mes sœurs gravées près de mon cœur, dis-je en montrant la partie de peau que je souhaitais marquer à jamais.
Martin me fit signe de le suivre dans l'arrière-boutique. Une table de tatouage recouverte d'un film de protection me faisait face. Juste à côté, un démographe, des aiguilles emballées et de l'encre étaient disposés sur un meuble blanc. Tout semblait propre et stérilisé, de quoi me rassurer. Il me laissa m'installer et me déshabiller pendant qu'il s'occupait de mon futur dessin. Je tentai d'enlever mon soutien-gorge en prenant soin de ne rien dévoiler. Une fois allongée, mon aînée et mon bourreau refirent surface.
– Alors Lilou, je t'explique. Je vais t'appliquer un transfert. C'est comme un calque qui va me laisser le modèle sur ta peau. J'utilise cette technique pour toi, car ça demande une précision absolue et que je ne veux pas me tromper. Une fois que je l'aurai posé, je te montrerai. Si tu valides, je commence sinon on refera autant de fois que nécessaire. Ça te va ?
J'acquiesçai, malgré mon angoisse, sa gentillesse et ses explications me rassurèrent. Je me relevai et soulevai le bras gauche pour lui laisser libre accès à mes côtes. Il appliqua avec concentration la feuille de papier avant de m'apporter un miroir.
– Alors il mesure sept par sept c'est une bonne taille je trouve pour l'endroit et le motif. Souhaites-tu qu'on le modifie ?
J'observai le reflet attentivement réalisant ce que je m'apprêtai à faire. La décision était prise. J'allais me faire tatouer.
– Non, il est parfait, déclarai-je, émue.
Il reposa la glace et s'assit sur le tabouret. Je le vis mettre ses gants en caoutchouc et ouvrir le sachet contenant l'aiguille neuve. Il la plaça sur son engin de torture avant de s'approcher de moi.
– Donc, installe-toi sur le flanc droit afin que je puisse avoir accès à tes côtes. Tu vas ressentir un picotement. Souvent les filles disent que c'est proche d'une épilation. Si jamais c'est trop douloureux, dis-le tout de suite. Je préfère qu'on fasse vingt pauses plutôt que tu bouges. Est-ce que tout est clair ?
Je hochai la tête de bas en haut puis m'installai aussi confortablement que possible. Un bras derrière la nuque, j'attendis patiemment qu'il commence.
– C'est parti ! déclara-t-il en lançant le dermographe.
Quarante-cinq minutes, ce fut la durée de cette séance de torture. Même si j'étais peu sensible à la douleur, nous avions dû faire plusieurs arrêts. Il m'avait expliqué que c'était l'une des zones les plus délicates à tatouer. Après m'avoir mis de la crème cicatrisante, il me fit observer le résultat. C'était splendide. Le jeu en valait la chandelle. Luce, à mes côtés, regardait avec attention l'encre gravée à jamais sur ma peau.
– C'est ton cadeau de Noël avant l'heure. J'espère qu'il te plaît, souffla-t-elle.
– Il est sublime, merci Luce, répondis-je en la prenant dans mes bras.
Après avoir posé un morceau de cellophane et donné les dernières recommandations, nous repartions toutes les deux.
Sur le chemin, ma sœur m'expliqua qu'elle voulait me faire ce cadeau pour pouvoir me rappeler que je n'étais plus jamais seule. Dès à présent, quoi qu'il arrive, elles seront toujours auprès de moi, à côté de mon cœur. Elle ajouta qu'après plusieurs heures de négociations avec les parents ils avaient fini par donner leur accord.
J'appréhendai la réaction de mes géniteurs toutefois j'étais sûre et certaine de ma décision. La fierté avait même décidé de pointer le bout de son nez, en songeant à l'acte que je venais de faire. En rentrant, le reste de la famille nous attendait entassé sur le canapé, pressé de savoir si j'avais osé franchir le cap. Sur le trajet, nous avions donc imaginé leur faire une petite blague.
– Alors ? lâcha ma mère, une fois que nous étions assises auprès d'eux.
– À vrai dire, jusqu'à ce que Lilou hurle en sentant les premiers coups d'aiguille, ça se passait bien...
Je baissai honteusement le visage entrant ainsi dans le nouveau jeu de ma sœur. Il fallait que je prenne sur moi et que je garde mon sérieux.
– Résultat elle se retrouve avec un trait noir sur l'avant-bras, reprit Luce.
En relevant la tête, je ne sais pas laquelle de leur réaction était la plus drôle. Ma mère était horrifiée, je crois que ses yeux allaient sortir de leur orbite. Mon père semblait plus que circonspect, il me connaissait trop bien. Quant à Lau, elle paraissait presque triste à l'idée que je n'ai pas pu franchir le cap...
Une minute à se regarder en chien de faïence avant que je n'éclate de rire, ne tenant plus devant une telle scène. Je me levai sous les regards ahuris de ma famille pour enlever mon haut et dévoiler l'encre qui ornait désormais ma peau. Caché sous la pellicule transparente, je le trouvai sublime et je compris rapidement que je ne fus pas la seule. Un à un, ils s'approchèrent pour admirer cette œuvre d'art.
– Il est magnifique ma puce, souffla mon père en hochant la tête.
– Oui. Je dois t'avouer Lilou que je n'étais pas pour, mais il est très beau et quand je vois ton sourire que je me dis que Luce a encore visé juste.
Surprise par son silence, j'observai ma petite sœur. Les larmes au bord des yeux, elle était émue. J'attrapai sa main pour ne pas la brusquer.
– Lau ? demandai-je, un peu anxieuse.
– Il est vraiment superbe. C'était mon préféré. Ça me fait tellement plaisir que tu aies choisi celui-là. Et si tu es d'accord, j'aimerais bien me faire le même plus tard...
Ne perdant pas de temps, je me rhabillai afin de la prendre dans les bras. Blottie contre elle, j'en profitai pour lui dire que je serais plus qu'heureuse que nous partagions cela. Ce sentiment de quiétude ne me quitta pas de la journée.
Nous avions ainsi passé la fin d'après-midi, en famille. Cela faisait des mois que nous ne nous étions pas réellement retrouvés tous réunis, sans cri, sans dispute, sans colère, sans reproche. Je devais avouer que cela faisait un bien fou. Nous avions préparé le repas ensemble. Malheureusement je ne pouvais nier que je n'avais pas hérité du don de ma mère et de Luce alors je m'étais limitée à leur donner les ingrédients nécessaires au poulet basquaise. Après ces bons moments, j'avais finalement opté pour une soirée tranquille avec dans ma chambre. Mes parents avaient compris que j'avais besoin de me reposer après toutes ces émotions et puis j'avais promis aux filles de faire des efforts et de leur donner des nouvelles plus souvent.
Mais, une fois seule entre ces quatre murs, mon cerveau se remit en marche. Je revivais la soirée de la veille. Les révélations d'Axel me submergeaient. Alors je ne pus m'empêcher de lui envoyer un message pour prendre de ses nouvelles. Je savais à quel point cela pouvait être difficile de livrer une partie de soi.
Malgré mes quelques échanges avec les filles, l'inquiétude me gagnait. Cela faisait une heure que je lui avais écrit. Son image de lui noyant sa détresse dans l'alcool fut la première chose qui me vint en tête, me ramenant un mois auparavant. J'espérais du plus profond de mon être qu'il ne se soit pas rabattu sur cette fichue option.
Je commençai alors à le harceler de SMS afin d'avoir de ses nouvelles. Et finalement mon doigt se posa sur le petit combiné dessiné sur mon écran. Une, deux trois sonneries... Je retentai. Une, deux...
– Lou ? demanda une voix pâteuse à l'autre bout du fil.
Je me sentis soulagée. Son silence m'avait réellement angoissée. Malheureusement j'avais l'impression de tomber au mauvais moment.
– Je suis désolée, en fait, je ne sais pas pourquoi je t'appelais... Je t'ai envoyé un message, enfin plusieurs et je me suis inquiétée de ne pas avoir de réponses. Pardon je te dérange pas plus longtemps, débitai-je gênée par la situation.
Nous ne nous étions jamais appelés et à vrai dire, ce n'était pas dans mes habitudes. Les seules personnes avec qui je pouvais passer du temps au téléphone se limitaient à Lina et à Zac... Enfin, c'était une période révolue.
– T'inquiète. En fait, je dormais à moitié. Après ce que je t'ai dit hier, j'ai eu beaucoup de mal à me reposer cette nuit...
Mes vieux démons avaient refait surface et j'avais envisagé le pire. J'étais cruche. Au lieu d'être patiente et de me mêler de mes affaires, je l'avais réveillé.
– Pardon, je te laisse dormir, excus —
– Lou, t'inquiète tu ne me déranges pas. Vraiment !
Finalement, nous étions restés ensemble une heure. Une heure de discussion, de partage, de rires. Une heure de parenthèses dans nos souvenirs douloureux. Une heure loin de nos souffrances. Une heure nous rappelant nos vies d'adolescents.
Étonnamment, j'avais trouvé un Axel plutôt détendu et taquin. Il n'avait pas hésité à me rappeler mon fichu caractère en disant que c'était surprenant de voir le trio que nous formions avec Chloé et Leïla. Entre la timidité de Chloé, le côté solaire de Leïla et mon côté grognon, nous formions une équipe détonante. Je lui avais naturellement confié que ces deux filles avaient été de véritables piliers dans mon parcours. J'avais évoqué leur soutien lorsque ma mère avait pris son nouveau poste, nous mettant ainsi au second plan dans sa vie. J'avais tenté de lui parler de Zac, mais au bout de deux phrases, des perles d'eau salée avaient pris place au coin de mes yeux. Il avait alors décidé de me livrer une des bêtises qu'il avait faite plus petit, à l'époque où sa famille était encore unie. Je n'avais rien dit sur le passé de mes deux amies par respect pour elle. Mais je crois qu'il avait compris que nous avions traversé des épreuves qui nous avaient liées à jamais. J'appréciais l'échange que nous avions. Je découvris un homme très différent de celui qu'il pouvait montrer au lycée. J'avais imaginé ses yeux verts briller sous l'effet de mon rire, ses fossettes se creuser et un joli sourire se dessiner.
Les bips incessants de mon téléphone avaient finalement mis fin à notre conversation. En effet, mes deux acolytes m'avaient inondée de messages, s'inquiétant de ne pas avoir de réponses. Je les avais rassurées en omettant mon appel avec Axel. Elles n'étaient pas au courant de son retour et je n'osais pas aborder le sujet avec Chloé. Malgré ce passage sous silence, nous avions pu programmer une sortie dans la semaine. Ce moment me permettrait de leur montrer ce que j'avais fait cet après-midi. Je connaissais déjà leur réaction respective. Chloé me demanderait si je n'étais pas tombée sur la tête quant à Leïla, elle sautillerait partout, heureuse et en admiration. Deux filles si différentes, pourtant elles m'étaient indispensables.
Avant de me mettre au lit, je pris le temps de me confier à Zac sur ma journée. Au fond, je crois que j'appréciais ce moment-là. Il n'y avait que lui et moi, mes confidences, mes émotions et ma douleur. Un instant de libération, mon rituel du soir.
__________________________
Coucou mes petits lecteurs,
Me voilà enfin de retour. Je suis désolée pour cette longue absence...
Passons directement à ce chapitre. Vous a-t-il plu ?
Après toutes ces émotions, j'ai fait le choix d'offrir à Lilou des moments de répit, de douceur, d'amour.
Les retrouvailles avec sa maman ?
Ce moment avec Luce ?
Le petit moment avec Axel ?
Bref j'ai hâte de vous lire !
Bisous, bisous 🖤,
L.
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